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Jérusalem et l'assiégea, et Dieu la livra entre ses mains1.» Or Dieu ne donne ce pouvoir au démon que lorsque nous péchons, suivant cette parole de l'Écriture: «Qui a donné Jacob et Israël au pillage à ceux qui le ravagent? N'estce pas Dicu qu'ils ont offense? Car ils ne voulaient point marcher dans ses voies ni obéir à sa loi; et c'est pour cela qu'il leur a fait sentir les effets de sa colère 2. » Et ailleurs, sur le sujet de Salomon qui avait violé les commandemens de Dieu : « Le Seigneur, dit l'Écriture, suscita Satan contre Salomon 3.» Mais quand Dieu donne ce pouvoir sur nous au démon, c'est ou pour nous punir, ou pour nous éprouver. C'est de cette dernière sorte qu'il en usa à l'égard de Job quand il dit à Satan : « Je te donne pouvoir sur tous ses biens, mais prends garde de toucher à sa personne 4. » Et c'est encore suivant cela que Notre-Seigneur au temps de sa passion dit à Pilate: «Vous n'auriez aucun pouvoir sur moi, s'il ne vous avait été donné d'en haut 5. » Or quand nous demandons à Dieu qu'il ne permette pas que nous tombions en tentation, cela nous fait souvenir de notre faiblesse, et nous avertit de ne nous point enorgueillir, de ne nous rien attribuer, et de ne pas croire que lorsque nous confessons Jésus-Christ, ou endurons la mort pour lui, la gloire nous en soit due. Car NotreSeigneur lui-même nous enseignant l'humilité nous a dit : «< Veillez et priez, de crainte que vous n'entriez en tentation. L'esprit est prompt, mais la chair est faible; » pour nous apprendre que lorsque nous reconnaissons humblement notre impuissance et attribuons tout à la grâce de Dieu, sa bonté nous accorde tout ce que nous lui demandons ainsi avec crainte et respect.

Enfin cette prière finit par une demande qui comprend en abrége toutes les autres: «Mais délivrez-nous du mal.» Car ces paroles renferment tout le mal que l'ennemi tâche de nous faire en ce monde; et nous devons croire assurément qu'il ne nous en pourra faire aucun, si Dieu nous en délivre, et qu'il lui plaise exaucer nos prières, et nous assister de son secours. Lors donc que nous lui demandons qu'il nous délivre du mal, il ne reste plus rien à lui demander; car ayant une fois obtenu sa protection, nous demeurons à couvert contre tout ce

IV. Rois, 24, 11. ? Isaïe, 41, 24. 11, 14. —1 Job, 1, 12.-3 Jean, 19, 11. —

que le monde et le diable nous pourraient faire. En effet, comment celui-là peut-il rien craindre du monde qui a Dieu pour son protecteur ? Quelle merveille, au reste, mes très-chers frères, que cette prière contienne en abrégé toutes nos autres prières, puisque c'est Dieu même qui l'a composée? et que cela avait été prédit auparavant par le prophète Isaïe, lorsque plein du Saint-Esprit parlant de la puissance et de la bonté de Dieu : « C'est une parole, dit-il, qui consomme et abrége avec justice, parce que le Seigneur fera une parole abrégée par toute la terre. » Car Notre-Seigneur JésusChrist, qui est la parole de Dieu, étant venu ici-bas pour tous les hommes, et pour instruire les savans et les ignorans de tout âge et de tout sexe, il a abrégé extrêmement ses préceptes afiu de soulager la mémoire, et qu'on pùt apprendre en peu de temps ce qui est absolument nécessaire pour la foi. Ainsi lorsqu'il a voulu enseigner ce que c'est que la vie éternelle, il l'a divinement comprise en ce peu de mots : « La vie éternelle consiste à vous reconnaître pour seul et vrai Dieu, et à connaître Jésus-Christ que vous avez envoyé2. » De même quand il voulut tirer de la loi et des prophètes les premiers et les plus grands préceptes de l'Évangile : « Écou| tez, dit-il, Israël : Le Seigneur votre Dieu est un seul Dieu; et: Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme et de toutes vos forces. Voilà le premier commandement 3. » Et voici le second qui lui est semblable: « Vous aimerez votre prochain comme vous-même. Toute la loi et les prophètes sont compris en ces deux commandemens *. » Et ailleurs: «Faites aux hommes tout le bien que vous voudriez qu'ils vous fissent; car c'est là toute la loi et les prophètes 5.» Or Notre-Seigneur ne nous a pas seulement enseigné à prier par ses paroles, mais aussi par ses actions, priant souvent lui-même, et nous montrant par là l'exemple: «Il se retirait, dit l'Évangile, dans le désert et y priait 6. » Et encore : « Il s'en alla sur une montagne pour prier, et il passa toute la nuit à prier Dieu 7. » Que si celui qui était sans péché priait ainsi, combien sonimes-nous obligés de prier, nous qui sommes pêcheurs ? et s'il

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3 III. Rois, Matth., 14, 38.

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passait la nuit en prières, combien ne devons- | comment pouvez-vous prétendre qu'il se sounous 'point veiller? Or Jésus-Christ ne priait pas pour soi (car qu'eût-il demandé pour lui, étant innocent), mais pour nos péchés, comme il le déclare lui-même quand il dit à saint Pierre: « Satan vous a demandé pour vous cribler comme on crible le blé; mais j'ai prié pour vous afin que votre foi ne défaille point 1. » Et quelque temps après priant son père pour tous : « Je ne prie pas seulement pour eux, dit-il, mais encore pour ceux que leur prédication fera croire en moi, afin qu'ils soient tous ensemble une même chose, ainsi, mon père, que vous êtes en moi et moi en vous, afin, dis-je, qu'ils soient aussi une même chose en nous. » Il faut avouer que Notre-Seigneur a une grande bonté de ne se pas contenter de nous racheter par son sang, mais de vouloir encore prier pour nous. Mais considérez, je vous prie, ce qu'il demande : Que comme son père et lui ne sont qu'une même chose, nous demeurions aussi unis entre nous. Ce qui fait voir quel crime c'est que de rompre l'unité, puisque Notre-Seigneur a prié particulièrement pour cela. Il a voulu sauver son peuple par la paix, parce qu'il savait que la discorde n'a point d'entrée dans le royaume de Dieu. Or quand nous prions, mes très-chers frères, il faut bannir toutes les pensées charnelles et séculières, et ne songer uniquement qu'à ce que nous faisons. C'est pour cela que le prètre avant de commencer l'oraison y prépare les fidèles par cette préface: « Élevez vos cœurs,» afin que le peuple répondant : « Nous les avons élevés au Seigneur, » cela le fasse souvenir qu'il ne doit penser à rien qu'à Dieu. Fermons à l'ennemi toutes les avenues de notre cœur, et qu'il ne soit ouvert que pour Dieu seul; car souvent il s'y glisse subtilement et nous détourne de l'attention que nous devons avoir à Dieu, si bien que nos paroles ne répondent pas à nos pensées, au lieu que ce n'est pas de bouche, mais d'esprit qu'il le faut prier. Mais quelle négligence est-ce là de se laisser emporter pendant la prière à des pensées profanes et inutiles, comme si nous avions alors autre chose à penser qu'à ce que nous disons à Dieu ? Comment voulez-vous que Dieu vous entende, si vous ne vous entendez pas vous-même ? Ou

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vienne de vous, tandis que vous vous oubliez ainsi? Vous faites bien voir par là que vous n'avez pas grand soin de vous garder des surprises de l'ennemi. Vous priez Dieu, mais vous offensez sa majesté en le priant si négligemment. Vos yeux veillent, mais votre cœur dort, au lieu que le cœur d'un chrétien doit veiller lors même que ses yeux sont endormis, suivant cette parole que l'épouse dit au nom de l'Église dans le cantique des cantiques : « Je dors, mais mon cœur veille 1.» C'est pourquoi l'apôtre nous avertit de persévérer dans la prière et d'y être vigilant, pour nous apprendre qu'il n'y a que ceux qui prient de la sorte qui obtiennent de Dieu ce qu'ils lui demandent 2. Or nos prières ne doivent pas être stériles et infructueuses, autrement elles demeurent sans effet; car comme, selon l'Evangile, tout arbre qui ne porte point de fruit doit être coupé et jeté au feu, de même Dieu n'écoute point nos paroles si elles ne sont accompagnées de bonnes œuvres. C'est ce qui fait dire à l'Écriture : «La prière est bonne avec le jeûne et l'aumône 3; » car celui qui nous doit récompenser au dernier jour de nos bonnes œuvres et de nos aumônes, écoute maintenant favorablement ceux qui accompagnent leurs prières de leurs bonnes œuvres. C'est ainsi que le centurion Corneille mérita d'être exaucé. «Il faisait beaucoup d'aumônes au peuple, dit l'Écriture, et priait toujours Dieu. Un jour donc qu'il était en oraison vers les trois heures après midi, un ange lui apparut pour lui rendre temoignage du mérite de ses bonnes œuvres, et lui dit: Corneille, vos prières et vos aumônes sont montées en la présence de Dieu, et il s'en est souvenu»; car les prières accompagnées du mérite des bonnes œuvres montent bientôt à Dieu. C'est ainsi que l'ange Raphaël rendit un pareil témoignage à Tobie qui s'appliquait continuellement à la prière et à des bonnes œuvres de charité. « Il est glorieux, dit-il, de publier les œuvres de Dieu; car lorsque vous priez avec Sara, j'ai présenté vos oraisons à Dieu. Et parce que vous ensevelissiez charitablement les morts et n'avez point fait de difficulté de sortir de table et de quitter votre dîner pour en enterrer un, j'ai été envoyé pour vous tenter; et Dieu

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m'envoie maintenant pour vous guérir avec Sara votre belle-fille; car je suis Raphaël l'un dés sept bons anges qui sommes continuellement présens devant Dieu 1. » Le Seigneur nous enseigne encore la même chose par la bouche d'Isaïe : « Rompez, dit-il, tous les nœuds de l'injustice; abandonnez vos commerces criminels, laissez en repos les misérables et ne les opprimez plus, faites part du pain que vous mangez à ceux qui ont faim, et retirez les pauvres dans votre maison; vêtez ceux qui sont nus, et ne méprisez point ceux de votre nation; et alors votre lumière brillera comme l'aurore; vous serez bientôt superbement paré; votre justice marchera devant vous, et la splendeur de Dieu vous environnera. Alors le Seigneur vous exaucera quand vous l'invoquerez, et à peine aurez-vous ouvert la bouche qu'il dira: Me voici 2. » Voilà comme Dieu promet d'écouter et de secourir ceux qui dégagent leur cœur de toute injustice, et qui font l'aumône à ses serviteurs comme il l'a commandé. Et véritablement ceux qui font ce que Dieu leur ordonne, méritent bien que Dieu fasse ce qu'ils lui demandent. Le bienheureux apôtre saint Paul, ayant été assisté par les fidèles dans une nécessité pressante, appelle ces actions de charité des sacrifices: « Je suis comblé, dit-il, de vos biens, et j'ai reçu ce que vous m'avez envoyé par Épaphrodite comme un excellent parfum et comme un sacrifice très-agréable à Dieu 3. » Car avoir pitié des pauvres, c'est prêter à Dieu à intérêt, et donner aux plus petits, c'est donner à Dieu même et lui offrir un sacrifice spirituel d'encens et de parfums. Quant au temps de la prière, nous voyons que ces trois enfans de Babylone, que la fermeté de leur foi rendit victorieux dans leur captivité même, observaient avec Daniel l'heure de tierce, de sexte et de none, comme pour figurer le mystère de la Trinité qui devait être révélé dans les derniers temps. Car il y a trois heures depuis la première jusqu'à tierce, trois depuis tierce jusqu'à sexte, et trois depuis sexte jusqu'à none, si bien que chaque intervalle d'une de ces heures à l'autre marque la Trinité, et toutes les trois prises ensemble l'accomplissent. C'est ainsi que les adorateurs du vrai Dieu distinguaient autrefois le temps de leurs prières,

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et l'on a vu clairement depuis que cela était une figure de ce qui devait arriver. Car ce fut à l'heure de tierce que le Saint-Esprit descendit sur les disciples et les remplit de grâce comme Notre-Seigneur leur avait promis1. Ce fut à l'heure de sexte que saint Pierre étant monté au haut de la maison où il était2, Dieu lui apprit de bouche et par une vision à admettre indifféremment tout le monde au baptême, parce qu'auparavant il faisait difficulté de le donner aux gentils. Et enfin Notre-Seigneur ayant été crucifié à l'heure de sexte3, ce fut à l'heure de none qu'il lava nos péchés dans son sang, et qu'il consomma sa victoire par sa mort pour nous racheter et nous vivifier. Mais maintenant, mes très-chers frères, les temps pour prier se sont multipliés avec les mystères; car il faut prier aussi le matin afin de célébrer la mémoire de la résurrection de Notre-Seigneur. Aussi voyonsnous que ce temps a été marqué par le SaintEsprit dans les psaumes. « Vous êtes mon roi et mon Dieu, dit David; car c'est à vous, Seigneur, que j'adresserai ma prière, et je vous ferai entendre ma voix dès le matin. Dès le matin je me présenterai devant vous et vous contemplerai. » Le Seigneur dit encore par un autre prophète : « Ils viendront vers moi de grand matin, disant Allons, retournons au Seigneur notre Dieu 5 » Nous sommes encore obligés de prier sur la fin du jour quand le soleil se couche. Car comme Jésus-Christ est le vrai jour et le vrai soleil, c'est alors que nous devons demander qu'il nous éclaire, c'est-à-dire qu'il hâte son avénement pour nous donner la grâce de la lumière éternelle. Or que Jésus-Christ soit le jour, le Saint-Esprit le déclare dans les psaumes quand il dit : «La pierre que les architectes ont rejetée a été faite la principale pierre de l'angle. Elle a été ainsi placée par le Seigneur, et nous le voyons avec étonnement. C'est lui qui est le jour qu'a fait le Seigneur; marchons, et nous réjouissons en lui . » Et qu'il soit un soleil, le prophète Malachie le témoigne par ces paroles: «Le soleil de justice se lèvera pour vous qui craignez la majesté du Seigneur, et vous trouverez votre guérison sous ses ailes 7. » Puis donc que, selon l'Écriture, Jésus-Christ est

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le vrai jour et le vrai soleil, et que les chrétiens sont dans Jésus-Christ, il n'y a point d'heure au jour où nous ne devions prier Dieu. Et quand la nuit vient elle ne nous en doit point empècher, parce que la nuit même est lumineuse pour les enfans de lumière. Car quand pourrait être sans lumière celui qui porte la lumière dans son cœur ? ou quand est-ce qu'il ne fait pas jour et soleil pour celui de qui Jésus-Christ est le soleil et le jour? Ainsi puisque nous sommes toujours en Jésus-Christ, c'est-à-dire dans la lumière, nous ne devons pas même durant la nuit cesser de prier. C'est ainsi qu'Anne, cette sainte veuve, veillait et priait sans relâche pour attirer sur elle les grâces de Dieu, comme l'Évangile le témoigne : «Elle ne sortait point du temple, dit l'évangéliste, servant Dieu nuit et jour par ses jeunes et par ses prières 1. » C'est aux gentils, qui n'ont pas encore été éclairés de cette lumière, et aux Juifs qui l'ont perdue et qui marchent

dans les ténèbres, à voir ce qu'ils ont à faire. Mais pour nous, mes très-chers frères, qui sommes toujours dans la lumière du Seigneur, et qui savons ce que nous avons commencé d'être par la grâce que nous avons reçue, ne mettons point de différence entre la nuit et le jour. Croyons toujours marcher dans la lumière; que les ténèbres d'où nous sommes sortis ne nous fassent plus d'obstacle; que la nuit ne fasse point de tort à nos prières et ne serve point de prétexte à notre paresse. Ayant été spirituellement renouvelés et régénérés par la miséricorde de Dieu, anticipons dès ici-bas l'état où nous serons un jour. Et comme dans le paradis il n'y aura plus qu'un jour qui ne sera suivi d'aucune nuit, veillons dès à présent durant la nuit comme durant le jour. Là nous prierons Dieu et le remercierons sans cesse; ne cessons donc point ici de le prier et de le remercier.

DE LA PATIENCE.

Ayant dessein de parler de la patience et | rai la prudence des prudens 1.» Le bien

d'en montrer les avantages, par où puis-je commencer plus à propos, mes très-chers frères, que parce que je vois que vous avez besoin de patience pour m'écouter, si bien que vous n'en

heureux apôtre saint Paul, rempli du SaintEsprit et envoyé pour appeler les gentils, témoigne la même chose, quand il dit : « Prenez garde que personne ne vous trompe par la phi

sauriez même ouïr parler sans en avoir? Carlosophie et par de vaines subtilités qui ne sont

nous ne pouvons profiter de ce qu'on nous dit, si nous ne l'écoutons patiemment. Aussi de tous les moyens que notre religion nous fournit pour acquérir les biens qui nous sont promis, je n'en vois point de meilleur ni de plus utile que la patience. Les philosophes font profession de cette vertu aussi bien que nous; mais leur patience est aussi fausse que leur sagesse. Car comment ceux-là pourraient-ils être sages ou patiens qui ne connaissent ni la sagesse ni la patience de Dieu ? C'est ce qui lui fait dire de ceux qui se croient sages dans le monde : «Je détruirai la sagesse des sages, et anéanti

1 Luc, 2, 37.

appuyées que sur les traditions des hommes, et sur les principes d'une science mondaine, et non sur la doctrine de Jésus-Christ; car en lui habite toute la plénitude de la Divinité 2. » Et en un autre endroit : «Que personne ne s'y trompe. Si quelqu'un parmi vous pense être sage, qu'il devienne fou selon le monde, afin d'être sage. Car la sagesse du monde est une folie devant Dieu, puisqu'il est écrit : Je súrprendrai les sages par leurs propres finesses3. » Et ailleurs : « Le Seigneur sait que les pensées des sages sont folles 4. » S'ils n'ont donc point

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de véritable sagesse, ils n'ont point non plus pas qu'il meure'1. »Et par la bouche d'un autre de véritable patience. Car si pour être patient prophète: «Retournez au Seigneur votre Dieu, il faut être humble et doux, et que tant s'en car il est bon et miséricordieux, plein de pafaut que les philosophes soient doux et humbles, tience et de douceur, et il révoque quelquefois que nous voyons au contraire qu'ils se complai- les arrêts de sa justice et suspend ses fléaux 2.» sent en eux-mêmes, ce qui fait qu'ils déplaisent Et le bienheureux apôtre saint Paul de même, à Dieu, il est manifeste que la vraie patience ne rappelant le pécheur à la pénitence: «Est-ce, se trouve point où règne une liberté effrénée dit-il, que vous méprisez sa bonté, sa douceur et une vanité sans mesure et sans retenue. Mais et sa patience infinie? Ne savez-vous pas qu'il pour nous, mes très-chers frères, qui sommes n'use de cette patience et de cette bonté que philosophes nou de paroles, mais d'actions, pour vous convier à faire pénitence? Et vous, qui ne mettons pas la sagesse dans l'habit, mais par votre endurcissement et votre impénitence, ́dans les effets, qui aimons mieux être vertueux vous vous amassez des vengeances pour le jour que de le paraître, qui ne disons pas de grandes de la vengeance et du juste jugement de Dieu choses, mais qui tâchons de les faire, pratiquons qui rendra à chacun selon ses œuvres 3. » Il apcomme de véritables serviteurs de Dieu la pa- pelle juste le jugement de Dieu, parce qu'il le tience que lui-même nous enseigne par son exem- diffère longtemps afin de donner moyen à ple. Car cette vertu nous est commune avec Dieu. l'homme de rentrer dans le chemin de la vie. C'est du ciel qu'elle vient, qu'elle tire son éclat et Car il ne punit les pécheurs que lorsque leur sa gloire. Les hommes doivent aimer une vertu pénitence ne leur peut plus être utile. Mais pour qui est aimée de Dieu. Ce qu'une si haute ma- vous faire encore mieux comprendre, mes trèsjesté chérit ne peut être que grand et recom- chers frères, que la patience est une vertu divine, mandable. Si Dieu est notre maître et notre et que quiconque la pratique imite Dieu, Notrepère, imitons sa patience; puisque des servi-Seigneur nous donnant dans l'Évangile des teurs doivent obéir à leur maître, et qu'il ne faut pas que des enfans dégénèrent de la vertu de leur père. Or quelle patience n'a-t-il point, de souffrir que les hommes pour lui faire injure båtissent des temples, dressent des statues, offrent des sacrifices impies, et de ne pas laisser de faire lever son soleil sur les bons et sur les méchans, et d'arroser également de ses pluies la terre des uns et des autres ? C'est par un effet de cette même patience que nous voyons les saisons et les élémens servir indifféremment par son ordre aux coupables et aux innocens, aux religieux et aux impies, aux reconnaissans et aux ingrats. C'est pour les uns et pour les autres que soufflent les vents, que coulent les fontaines, que croissent les blés, que mûrissent les raisins, que les arbres se couvrent de fruits, les forêts de feuilles, les prés de fleurs. On l'irrite tous les jours par de continuelles offenses, et il arrète sa colère, et attend en patience que le temps qu'il a prescrit pour se venger arrive. Il a la vengeance en main, mais il est si bon qu'il la diffère pour donner lieu aux hommes de se reconnaître et de se retirer de leurs crimes. Car il dit lui-même : « J'aime mieux que le pécheur se convertisse et viye, que non

préceptes pour notre salut et des conseils de perfection : « Vous savez, dit-il, qu'il est écrit: Vous aimerez votre prochain et haïrez votre ennemi. Mais moi je vous dis: Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin que vous soyiez enfans de votre père qui est aux cieux, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchans, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Car si vous n'aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains ne le font-ils pas aussi? Et si vous ne saluez que vos frères, que ferez-vous au delà des autres? Les païens ne le font-ils pas aussi? Soyez donc parfaits comme l'est votre père céleste1.» Par là il nous apprend que les enfans de Dieu qui ont reçu une naissance céleste au baptème, sont parfaits lorsqu'il ont la patience de leur père, et lorsqu'ils font reluire dans leurs actions cette ressemblance divine qu'Adam avait perdue par son péché. Quelle gloire est-ce de devenir semblable à Dieu! Quel bonheur de posséder une vertu qu'il possède ! Et Notre-Seigneur Jésus-Christ

1 Ézéch., 28, 32. — Joël, 2, 13.
3 Rom., 2, 4. — ' Mattb., 5, 43.

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