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mes très-chers frères, n'a pas seulement ensei-, d'opprobres et d'ignominies? combien de cragué la patience par ses paroles, mais par ses chats, lui qui un peu auparavant avait rendu la actions. Car comme il était descendu du ciel vue à un aveugle avec sa salive sacrée ? Celui pour faire la volonté de son père ainsi qu'il le au nom de qui ses serviteurs fouettent maintetémoigne lui-même, parmi les autres vertus nant le diable et ses anges, a été fouetté par éclatantes par lesquelles il a donné des marques ses serviteurs. Il a été couronné d'épines, lui de sa divinité, il n'y en a point où il l'ait fait qui couronne les martyrs de fleurs immortelles. paraître davantage qu'en celle-là. Aussi toutes On l'a frappé au visage de branches de palme, ses actions, à commencer dès son avénement au lui qui donne des palmes véritables aux victomonde, portent l'empreinte du caractère auguste rieux. Il a été dépouillé de ses habits, lui qui de la patience. Premièrement il se dépouille de revêt les autres d'immortalité. On lui a présenté la gloire qu'il possédait dans le ciel et descend du fiel à manger, lui qui nous a donné une en terre, et lui qui est le fils de Dieu ne fait viande céleste. On l'a abreuvé de vinaigre, lui point de difficulté de se revêtir de la chair de qui nous a procuré un breuvage salutaire. Le l'homme, et de porter les péchés d'autrui quoi- juste et l'innocent, ou plutôt la justice et l'inqu'il fût exempt de tout péché. Il quitte l'im- nocence même est mise au nombre des crimimortalité pour devenir mortel et mourir inno- nels. La vérité est opprimée par de faux témoicent pour sauver les coupables. Après, il veut gnages. On juge celui qui doit juger le monde, bien être baptisé par un serviteur, et lui qui et la parole éternelle de Dieu est menée au devait remettre les péchés par l'eau ne dédai- supplice sans proférer une seule parole. Les gne pas d'y entrer comme s'il eût eu des péchés astres s'éclipsent à sa mort, les éléniens se conà remettre. Il jeune quarante jours; et celui qui fondent, la terre tremble, la nuit ravit le jour, subvient à la faim des autres souffre la faim, afin le soleil se cache pour n'être point obligé de que ceux qui étaient affamés de la parole et de voir le crime des Juifs, et lui ne dit mot; il ne la grâce de Dieu fussent rassasiés de ce pain❘ s'émeut point, il ne découvre point sa majesté, céleste. Il entre en lice avec le diable, et se au moins au temps de sa passion. Il souffre contente de le vaincre par ses paroles sans lui constamment jusqu'à la fin, afin que sa patience faire d'autre mal. Il n'a pas commandé à ses dis- soit parfaite et consommée. Et après tout cela, ciples comme à ses serviteurs, mais il les a il reçoit encore ses meurtriers lorsqu'ils retouraimés comme ses frères. Il a même daigné laver nent à lui et se convertissent, et ne ferme l'entrée les pieds à ses apôtres, afin qu'en en usant ainsi de son Église à personne. Et non-seulement il envers ses inférieurs, nous apprissions comment pardonne à ces adversaires, à ces blasphémanous en devons user envers nos égaux. Et nous teurs, à ces ennemis implacables de son nom, ne nous étonnerons pas qu'il ait été si bon à quand ils reconnaissent leur crime et en font l'égard de ses disciples obéissans, si nous con- pénitence; mais il les récompense même et les sidérons avec quelle patience il a souffert Judas admet au royaume du ciel. La patience peut-elle jusqu'à la fin, comme quoi il a bien voulu aller plus loin? Celui qui a répandu son sang1est manger avec cet ennemi domestique, ne le pas vivifié par son sang. Et certes, il était bien besoin découvrir quoiqu'il le connut fort bien, et en- qu'il en eut beaucoup, puisque sans cela l'Église durer même que ce traître le baisât. Mais de de Dieu n'aurait point saint Paul pour apôtre. Si quelle patience n'a-t-il point eu besoin pour donc, mes très-chers frères, nous sommes memsupporter les Juifs ? Il n'a rien oublié pour vain- bres de Jésus-Christ, si nous en avons été revêtus cre leur incrédulité et leur ingratitude. Il leur au baptême, s'il est lui-même la voie qui nous a répondu doucement lorsqu'ils le contredi- mène au salut, marchons sur ses pas et suivons saient, souffert leur orgueil, cédé à leurs per- son exemple. «Celui, dit l'apôtre saint Jean, sécutions, et employé jusqu'aux dernières qui dit qu'il demeure en Jésus-Christ, doit heures de sa vie pour tâcher de ramener ces marcher comme il a marché lui-même 2. » Saint meurtriers des prophètes, ces opiniâtres et ces rebelles. Avant même que d'en venir à l'acte sanglant de sa passion, combien a-t-il enduré

1 Le Juif.
21. Jean, 2, 6.

D

Pierre aussi sur qui Notre-Seigneur a eu la bonté de fonder l'Église, dit dans son Épitre : «Jésus-Christ a souffert pour nous, vous laissant l'exemple afin que vous marchiez sur ses pas; car il n'a point commis de péché, et jamais aucun mensonge 'n'est sorti de sa bouche. Lorsqu'on lui disait des injures, il ne les a point repoussées par d'autres injures, et quand on le maltraitait, il n'a point usé de menaces; mais il s'est livré lui-même entre les mains d'un méchant juge 1. » Aussi nous voyons que les patriarches et les prophètes, et généralement tous les justes de l'ancienne loi, qui étaient la figure de Jésus-Christ, n'ont point eu de vertu plus en recommandation que la patience. C'est ainsi qu'Abel, le premier des martyrs, ne résista point à son frère parricide, mais se laissa égorger comme un doux agneau. C'est ainsi qu'Abraham, le père des fidèles, tenté sur le sujet de son fils, ne délibéra point, mais obéit à Dieu avec une soumission entière. Isaac de même, qui était la figure de Jésus-Christ victime, souffrit patiemment que son père l'immolât. Jacob, chassé par son frère, quitta doucement le pays, et témoigna encore davantage sa douleur lorsqu'étant de retour il l'apaisa par, ses présens. Joseph, vendu par ses frères, non-seulement leur pardonna cette injure, mais leur donna même libéralement le blé dont ils avaient besoin. Moïse, méprisé et presque lapidé par un peuple ingrat et infidèle, ne laissa pas de prier Dieu pour eux. Mais quelle a été la patience de David de qui Jésus-Christ a pris naissance selon la chair! combien grande, admirable et chrétienne, d'avoir eu si souvent en son pouvoir Saül qui le persécutait et le voulait faire mourir, et néanmoins de l'avoir épargné; et non-seulement de ne s'être point vengé de son ennemi, mais d'avoir même vengé sa mort! Enfin, tant de prophètes tués et tant de martyrs massacrés ont-ils acquis des couronnes autrement que par la patience? Car les douleurs et la mort ne sont couronnées que parce qu'on a eu la patience de les endurer. Mais, pour connaître encore mieux, mes très-chers frères, l'utilité et la nécessité de cette vertu, considérons l'arrêt prononcé contre Adam dès le commencement du monde pour avoir désobéi à Dieu et violé

1 Pierre, 2. 21.

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son commandement; car cela nous apprendra combien nous devons avoir de patience ici-bas, puisque nous ne naissons que pour y être affligés et tourmentés : « Parce, dit-il, que vous avez écouté votre femme et mangé du fruit que je vous avais défendu, la terre sera maudite pour vous; vous vous nourrirez avec travail pendant tout le cours de votre vie de ce qu'elle vous donnera; elle vous produira des ronces et des épines, et vous mangerez l'herbe des champs. Vous mangerez votre pain à la sueur de votre visage, jusqu'à ce que vous retourniez en la terre d'où vous avez été pris; car vous êtes terre, et vous retournerez en terre 1. » Get arrêt est pour tous les hommes et nous lie tous, tant que nous sommes ici-bas. Il faut de nécessité que nous passions tous les jours de notre vie en douleur et en tristesse. Il faut que nous mangions notre pain avec peine et avec travail. De là vient que chacun de nous fait son entrée en ce monde par les larmes; et quoique dans un âge si tendre nous soyions encore ignorans de toutes choses, nous savons bien pourtant qu'il faut pleurer. Notre âme, par une prévoyance naturelle, déplore les misères qu'elle doit souffrir eu cette vie mortelle, et témoigne déjà par ses cris et ses gémissemens à quelle tempête elle sera exposée; car tant que nous sommes ici-bas, nous suons et pénons beaucoup, et le plus grand soulagement de nos travaux c'est la patience. Mais si elle est nécessaire en ce monde à tous les hommes, elle nous l'est bien davantage à nous qui avons à soute nir les plus violens assauts du diable, qui avons à combattre tous les jours un vieux et expérimenté ennemi, qui, outre les différentes tentations dont il nous attaque, sommes encore obligés pendant la persécution d'abandonner nos biens, de souffrir les rigueurs de la prison et la pesanteur des chaînes, d'endurer les épées, les bêtes, les feux, les croix, et enfin toute sorte de tourmens; c'est aussi de quoi Notre-Seigneur nous avertit par ces paroles : «Je vous ai dit ceci afin que vous trouviez votre paix en moi. Vous aurez des afflictions au monde; mais prenez courage, j'ai vaincu le monde 2. » Si donc ayant renoncé au diable et au monde nous en sommes davantage persécutés, com

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bien nous devons-nous armer de patience, puisque avec elle il n'y a point de maux qui ne nous soient supportables ? C'est un avis salutaire de Notre-Seigneur et de notre maître: «Celuilà sera sauvé qui persévérera jusqu'à la fin1;» et encore : « Si vous gardez mes paroles, vous serez véritablement mes disciples; vous connattrez la vérité, et la vérité vous délivrera 2. » Il faut souffrir et persévérer, mes très-chers frères, afin de pouvoir parvenir à la vérité et à la liberté : car nous ne sommes chrétiens que par la foi et par l'espérance; or il est besoin de patience pour recueillir les fruits de notre espérance et de notre foi, parce que c'est à la gloire du ciel et non à celle d'ici-bas que nous aspirons. «Nous sommes sauvés par l'espérance, dit l'apôtre saint Paul; mais quand on voit ce qu'on avait espéré, ce n'est plus espérance, puisque personne n'espère voir ce qu'il voit déjà. Que si nous espérons ce que nous ne voyons pas encore, c'est par la patience que nous l'attendons 3.» La patience est donc nécessaire pour arriver à la perfection de notre état, et recevoir de la bonté de Dieu les biens que nous avons crus et espérés. Aussi le même apôtre avertit en un autre endroit les gens de bien qui font de bonnes œuvres et s'amassent des trésors dans le ciel, d'être patiens, lorsqu'il dit: «Pendant que nous en avons le temps, faisons du bien à tous, mais surtout à ceux qui sont dans la maison de la foi 4; et ne nous lassons point d'en faire, car nous en recueillerons le fruit en son temps 5. » Il nous avertit de ne nous point lasser de bien faire par impatience, de peur que, détournés ou vaincus par les tentations, nous ne nous arrêtions au milieu de la carrière, et que ce que nous avons commencé ne soit perdu faute de l'achever, suivant cette parole de l'Ecriture: «La justice du juste ne lui servira de rien du jour qu'il s'égarera 6; » et ailleurs; «Gardez bien ce que vous avez, de peur qu'un autre ne prenne votre couronne 7; » qui est une exhortation pour nous à persévérer constamment et généreusement, afin de ne pas perdre la couronne que nous sommes tout près de remporter. Mais, mes très-chers frères, la patience ne conserve pas seulement les biens

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que nous avons acquis, mais nous défend encore contre les maux; car celui qui suit les mouvemens du Saint-Esprit et qui soupire après les choses célestes, résiste par sa vertu aux œuvres de la chair qui font la guerre à l'âme. Parcourons quelques-uns de ces vices, cela suffira pour nous faire comprendre les autres. L'adultère, la fraude, l'homicide sont des crimes mortels. Que la patience soit enracinée fortement en notre cœur, un corps qui est le temple de Dieu ne se souillera point par l'adultère; une âme innocente et dévouée à la justice ne sera point capable de fraude; et une main qui a eu l'honneur de porter l'eucharistie ne sera point trempée dans le sang. La charité est le lien qui unit les fidèles ensemble, le fondement de la paix, le ciment de l'unité, qui est plus grande que l'espérance et que la foi, qui surpasse toutes les bonnes œuvres et le martyre même, et qui demeurera toujours avec nous dans le ciel. Cependant ôtez-lui la patience, et vous la verrez tomber par terre. Otez-lui ce fondement sur lequel elle s'appuie, et elle demeurera sans force et sans vigueur. Aussi lorsque l'apôtre parle de la charité, il y joint la patience. «La charité, dit-il, est généreuse, la charité est douce, point jalouse, point orgueilleuse, point colère ni méfiante; elle aime tout, elle croit tout, elle espère tout, elle souffre tout 1.» Par là il montre que la charité ne subsiste que parce qu'elle supporte toutes choses; et en un autre endroit : «Supportezvous, dit-il, l'un l'autre avec charité, et travaillez à conserver l'union de l'esprit par le lien de la paix 2. Ce qui fait voir que l'union et la paix ne peut être conservée parmi les chrétiens, s'ils ne se supportent réciproquement l'un l'autre, et si la patience n'intervient comme le lien de la concorde. D'ailleurs, comment pourrez-vous ne point jurer, ne point dire d'injures, ne point redemander ce qu'on vous emporte, tendre l'autre joue à celui qui vous a donné un soufflet, ne pas seulement pardonner septante fois sept fois à votre frère lorsqu'il vous a offensé, mais toutes les fois qu'il vous offense, aimer vos ennemis, et prier pour vos persécuteurs, si vous n'avez une patience à l'épreuve? Saint Etienne en avait une semblable, lorsque, lapidé cruelle

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ment par les Juifs, il ne demanda pas vengeance pour soi, mais pardon pour ses ennemis, et dit: «Seigneur, ne leur imputez point ce péché 1. » Tel devait être le premier martyr de JésusChrist, qui devançant par une mort glorieuse les autres martyrs, ne leur a pas seulement appris à imiter les souffrances de leur maître, mais aussi sa patience et sa douceur. Que diraije de la colère, de la discorde, des inimitiés, de quoi un chrétien doit être exempt? Que la patience soit dans son cœur, toutes ces passions n'y auront point place; ou si elles font effort pour y entrer, elles en sortiront bientôt comme d'une demeure où le Dieu de la paix prend plaisir à habiter. C'est pourquoi l'apôtre nous donne cette instruction : « Prenez garde de ne point contrister l'Esprit-Saint de Dieu par lequel vous avez été marqué pour le jour de la rédemption. Que toute aigreur, tout emportement, toute colère, toute crierie, tout murmure soit banni de parmi vous; car si un chrétien a commencé de sortir de ces passions furieuses et turbulentes comme d'une mer orageuse, et est arrivé au port tranquille de Jésus-Christ, il doit absolument exclure de son cœur la colère et la discorde, puisqu'il ne lui est pas permis de rendre le mal pour le mal2. » La patience est encore extrêmement nécessaire pour supporter les diverses et fâcheuses maladies qui nous affligent tous les jours; car le péché du premier homme nous ayant fait perdre la vigueur avec l'immortalité, nous avons sans cesse à combattre contre la faiblesse de notre corps, et nous ne saurions soutenir ce combat que par la patience. De plus, Dieu pour nous éprouver permet que plusieurs disgraces nous arrivent, comme des pertes de biens ou d'amis, des fièvres, des plaies douloureuses. Or en tous ces accidens, ce qui met de la différence entre les méchans et les gens de bien, c'est que ceux-là se plaignent, blasphèment, et s'impatientent, au lieu que les autres les regardent comme une épreuve, suivant cette parole de l'Ecriture: «Soyez constant dans la douleur, et souffrez patiemment d'être humilié; car l'or et l'argent sont éprouvés dans le feu 3. » C'est ainsi que Job fut éprouvé, et que sa patience l'éleva au comble de la gloire. Combien le diable lança-t-il de flèches contre lui ! Combien

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employa-t-il de machines pour le renverser ! Il lui ôte ses biens et ses enfans, et le frappe d'une plaie infecte et maligne qui lui couvre tout le corps; et pour ne rien oublier qui lui pût faire de la peine, il arme sa femme contre lui, se servant en cela de ses anciennes ruses et de l'artifice dont il usa dès le commencement du monde. Mais Job ne se laissa point abattre par tant de malheurs, et au milieu de toutes ces afflictions sa patience victorieuse ne laissa pas de bénir Dieu. Tobie de même, après tant d'œuvres éclatantes de miséricorde, ayant perdu la vue, souffrit cette perte si patiemment qu'il mérita que Dieu lui fit des grâces extraordinaires.

Mais pour voir encore mieux, mes très-chers frères, les avantages de la patience, considérons-la, s'il vous plaît, par opposition avec son contraire: car comme la patience est une grâce de Jésus-Christ, l'impatience est un vice du diable; et comme celui en qui Jésus-Christ demeure est patient, celui au contraire, dont l'esprit est possédé de la malice du diable, est toujours impatient. Reprenons les choses dès le commencement. Le diable portant impatiemment de voir l'homme créé à l'image de Dieu, se perdit par là le premier, et perdit l'homme ensuite. Adam, impatient de manger du fruit de vie contre la défense de Dieu, tomba dans la mort, et fut privé de la grâce qu'il avait reçue. Caïn ne tua son frère que parce qu'il ne put souffrir que Dieu regardât favorablement ses sacrifices. Ésau perdit son droit d'aînesse pour n'avoir pu endurer la faim. N'est-ce pas l'impatience qui a été cause que le peuple juif ingrat des faveurs du ciel se retira premièrement de Dieu, lorsque, ne pouvant souffrir que Moïse qui parlait avec lui tardât tant à revenir, il osa demander des dieux profanes et appeler un veau d'or son guide et son conducteur ? Et ce fut encore cette même impatience et rébellion contre Dieu qui le porta à tuer ses prophètes, et à attacher son Seigneur à une croix. C'est l'impatience qui fait aussi les hérétiques dans l'Église, et qui les pousse, à l'exemple des Juifs, à violer la paix et la charité de Jésus-Christ, et à commettre des actes de fureur et d'hostilité. Et parce qu'il serait trop long de parcourir toutes choses en particulier, il suffira de dire que généralement tout ce que la patience édifie, l'impatience le détruit. C'est pourquoi, mes

calypse: «Ne scellez point les paroles de prophétie que contient ce livre; car le temps approche que ceux qui font du mal aux autres leur en feront encore davantage, que ceux qui sont souillés d'impureté le seront encore plus, que celui qui est juste deviendra plus juste, et que le saint acquerra une plus grande sainteté. Je m'en vais venir bientôt, et j'ai ma récompense avec moi pour rendre à chacun selon ses œuvres 1.» C'est pour cela qu'on commande aux martyrs, qui crient et demandent qu'on les venge bientôt d'attendre encore, et d'avoir patience jusqu'à ce que le temps soit venu et le nombre des martyrs accompli. « Comme l'ange, dit l'apôtre, eut ouvert le cinquième sceau, je vis sous l'autel de Dieu les âmes de ceux qui avaient été tués pour sa parole et pour la confession de son nom. Et ils se mirent à crier à haute voix : Seigneur, qui êtes saint et véritable, jusqu'à quand différerez-vous à nous faire justice, et à venger notre sang sur ceux qui habitent sur la terre? Alors on leur douna à chacun une robe blanche, et on leur dit de se tenir en repos encore un peu de temps, jusqu'à ce que le nombre des serviteurs de Dieu leurs frères qui devaient

très-chers frères, conservons avec grand soin, la patience qui nous fait demeurer en JésusChrist, afin que nous puissions arriver avec lui à Dieu. Cette divine vertu n'est pas resserrée dans des bornes étroites, elle s'étend bien loin, et est comme un grand fleuve qui arrose beaucoup de pays et se répand en plusieurs canaux. Aussi peut-on dire très-véritablement que toutes nos bonnes œuvres sont comme défectueuses sans elle, et que c'est elle qui les achève et les consomme. C'est la ptaience qui nous rend dignes de jouir de Dieu, qui calme la colère, qui arrête la langue, qui gouverne l'esprit, qui conserve la paix, qui entretient la discipline, qui rompt l'impétuosité des passions déshonnêtes, réprime les emportemens de l'orgueil, éteint le feu des divisions, retient la puissance des riches dans les bornes légitimes, et console l'indigence des pauvres. Elle conserve la bienheureuse intégrité des vierges, la chasteté laborieuse des veuves, l'union sainte et indissoluble des personnes mariées. Elle fait qu'on est humble dans la prospérité, constant dans l'adversité, peu sensible aux injures et aux affronts. Elle nous apprend à pardonner bientôt à ceux qui nous offensent, et à demander long-souffrir la mort comme eux fût accompli 2. «Or temps pardon à ceux que nous offensons. Elle surmonte les tentations, souffre les persécutions, consomme les souffrances. C'est elle qui établit solidement les fondemens de notre foi, qui élève bien haut l'édifice de notre espérance, qui nous fait marcher sur les traces de Jésus-Christ et garder inviolablement la qualité des enfans de Dieu. Mais parce que je sais, mes très-chers frères, qu'il y en a plusieurs qui, irrités de l'a- | trocité des injures qu'ils ont reçues, seraient bien aises d'en être promptement vengés sans attendre jusqu'au jour du jugement; nous les exhortons à embrasser avec nous la patience, et parmi les tempêtes de ce monde où nous sommes exposés aux insultes des Juifs, des païens et des hérétiques, d'attendre en repos le jour de la vengeance et de ne se point håter mal à propos de la prendre eux-mêmes. Car il est écrit : «Attendez-moi, dit le Seigneur, jusqu'au jour de ma résurrection glorieuse; car j'ai résolu d'assembler les peuples et les rois, et de décharger ma colère sur eux 1. » Et dans l'Apo

↑ Sophon., 3, 8.

quand Dieu fera la vengeance du sang innocent,
le Saint-Esprit le déclare par le prophète Mala-
chie, lorsqu'il dit : «Voici le jour du Seigneur
qui vient allumé comme une fournaise ardente,
et tous les étrangers et les méchans seront
comme de la paille qu'il consumera, dit le Sei-
gneur3. Nous lisons la même chose dans les
psaumes, où Dieu nous est réprésenté venant
juger le monde avec éclat et majesté : « Dieu,
dit le prophète, viendra visiblement; notre
Dieu ne demeurera plus dans le silence : le feu
brûlera tout devant sa face, et l'on entendra
autour de lui une effroyable tempète : il ap-
pellera devant lui le ciel et la terre pour faire la
séparation de son peuple. Assemblez-lui tous ses
saints, tous ceux qui gardent son alliance et ses
sacrifices et les cieux publieront s justice, et
que c'est lui qui est le véritable juge 4. » Et le
prophète Isaïe : « Le Seigneur viendra comme
un feu, et son char sera comme un tourbillon
de vent, afin d'exercer ses vengeances : car ils
seront jugés par le feu et frappés de l'épée 5.»
2 Ibid., 6, 9. * Malach., 4, 3.
* Isaïe, 66, 15.

1 Apoc., 22, 10.
4 Psaume 49, 3.

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