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Et encore : « Le Seigneur et le Dieu des batailles s'avancera ét terminera la guerre. Il commencera le choc, et criera d'une voix puissante à ses ennemis : Je me suis tu jusqu'ici; mais mé tairai-je toujours 11? Qui est celui qui dit qu'il s'est tu, et qu'il ne se taira pas toujours ? C'est celui qui a été mené comme une brebis à la boucherie2, et qui n'a point ouvert la bouche non plus qu'un agneau qui demeure muet devant celui qui le tond; c'est celui qui n'a point crié, et dont la voix n'a point été entendue dans les places publiquès; qui n'a point résisté lorsqu'on le flagellait et le souffletait, ni tourné la tête lorsqu'on lui érachait au visage. Enfin c'est celui qui ne répondit rien aux accusations des prêtres et des anciens, jusqu'à étonner Pilate par son silence. C'est lui qui s'étant tu au temps de sa passion, ne se taira pas au temps de la vengeance. C'est lui qui est notre Dieu, c'est-à-dire le Dieu de ceux qui croient, et non le Dieu de tous, qui lorsqu'il paraîtra publiquement ne gardera plus le silence, mais se fera antant connaitre par sa puissance qu'il était auparavant demeuré inconnu par son humilité. Attendons-le, mes très-chers frères, lui qui doit être notre juge, et qui vengera avec lui son peuple et tous les justes depuis le commence

ment du monde. Que celui qui court à la vengeance considère que celui qui véngera les autres n'est pas encore vengé lui-même. Dieu le Père a commandé qu'on adorât son Fils; et l'apôtre dit dans la vue de ce commandement : «Dieu l'a élevé et lui a donné un nom qui est au-dessus de tous les noms, afin qu'au nom de Jésus tous fléchissent le genou au ciel, sur la terre et dans les enfers 1. » Et dans l'Apocalypse l'ange empèche saint Jean qui le voulait adorer, et lui dit : « Gardez-vous-en bien: car je suis serviteur aussi bien que vous, et l'un de vos frères; adorez le Seigneur Jésus 2. » Quelle est donc la patience du Seigneur Jésus, que lui qu'on adore dans le ciel ne soit pas encore venge sur la terre? Pensons à sa patience, mes très-chers frères, lorsque nous sommes dans les persécutions et dans les souffrances. Rendons un hommage entier à son avénement, et que des serviteurs ne soient pas si harpis que de se vouloir venger avant leur maître. Travaillons plutôt à conserver une patience invincible, afin que lorsque le jour de la colère et de la vengeance viendra, nous ne soyons pas punis avec les pécheurs, mais glorifiés avec ceux qui craignent Dieu.

DE L'ENVIE.

Il y en a qui s'imaginent, mes très-chers frères, qué c'est un léger péché d'envier le bien d'autrui ; et parce qu'ils croient ce péché léger, ils le dédaignent et në se mettent pas en peine de l'éviter. Cependant Notre-Seigneur nous commande d'être prudens et vigilans, de crainte que notre adversaire, qui veille toujours et nous dresse continuellement des embûches, ne se glisse adroitement dans notre cœur, et d'une étincelle n'allume un grand embrasement; de crainte que, je le rêpêté, tandis que nous réposant trop sur la bonace hous ne nous tenons

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| pas sur nos gardes, il n'excite tout d'un coup une tempête qui nous mette en danger de faire naufrage. Il faut donc veiller sur nous, mes trèschers frères, et employer tous nos efforts pour repousser les flèches que l'ennemi lancé contre nous de tous côtés, selon cet avis salutaire que l'apôtre saint Pierre nous donne dans son épître : «Soyez sobres et veillez, car le démon votre ennemi tourne autour de vous comme un lion rugissant, et cherche qui il pourra dévorer.» tourne autour de chacun de nous comme un ennemi qui assiège une place pour

4

Ibid., 50, 5.

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reconnaître les endroits les plus faibles et tacher d'entrer par là. Il présente à nos yeux des objets agréables pour détruire la chasteté par la vue. Il tente nos oreilles par des musiques délicieuses, afin de relâcher notre courage et notre vigueur. Il porte notre langue à des injures, et nos mains à commettre des meurtres. Il nous présente des gains injustes et des voies courtes de nous enrichir pour nous perdre par l'amour de l'argent. Il nous promet les honneurs de la terre pour nous ravir ceux du ciel. Il nous vante de faux biens pour nous arracher les véritables; et lorsqu'il voit qu'il ne saurait surprendre par ses artifices, il a recours aux menaces, et il tâche de nous effrayer par la crainte des persécutions; toujours actif et inquiet pour perdre les serviteurs de Dieu, rusé dans la paix, violent dans la persécution. C'est pourquoi, mes très-chers frères, nous devons être également armés contre ses artifices et contre ses menaces, et toujours aussi prêts à lui résister qu'il est prêt à nous attaquer. Mais parce qu'il nous combat plus souvent par ses ruses qu'à force ouverte, et que les blessures qu'il nous fait sont d'autant plus dangereuses qu'elles sont cachées, c'est principalement à celles-là qu'il faut prendre garde. Or de ce nombre est l'envie et la jalousie; car si l'on considère bien ce vice, on reconnaîtra qu'il n'y en a point qu'un chrétien doive plus soigneusement éviter, parce qu'il n'y en a guère de plus imperceptible ni qui nous fasse plutôt périr sans que nous l'apercevions. Et afin que cela paraisse plus évidemment, remóntons à l'origine de l'envie et voyons quand et comment elle a commencé ; car il nous sera plus aisé de nous garantir d'un mal si pernicieux lorsque nous en connaîtrons la naissance et la grandeur. C'est cette malheureuse passion qui dès le commencement du monde fut cause que le diable se perdit et qu'il perdit l'homme; car cet esprit angélique auparavant si glorieux et si chéri de Dieu, voyant l'homme créé à son image, en conçut une maligne jalousie, et par là il tomba lui-même avant que de le faire tomber, il devint captif avant que de le réduire en captivité, et il ne le fit déchoir de son immortalité qu'après être déchu lui-même de sa gloire. Combien grand est ce crime, mes très-chers frères, qui a pu précipiter l'ange du haut du ciel, qui a renversé une

créature si noble et si excellente, qui a trompé celui qui trompe les autres ! C'est de là que l'envie est venue sur la terre, qu'elle tue tous ceux qui se rendent en cela les imitateurs du diable, suivant cette parole de l'Écriture: << La mort est entrée dans le monde par l'enyie du diable, et ceux qui sont de son parti l'imitent1. » C'est là la source de la haine que conçut autrefois un frère contre son frère, qui fut suivie d'un exécrable parricide, tandis que Caïn est animé de jalousie contre le juste Abel, tandis qu'un méchant homme possédé de cette passion forme un dessein criminel contre un homme de bien. La fureur de l'envie le transporta de telle sorte qu'il ne put être arrêté ni par l'amour fraternel, ni par la crainte de Dieu, ni par l'énormité du crime, ni par la punition qu'il en devait attendre. Celui qui le premier avait montré le chemin de la justice est injustement meurtri; celui qui ne savait ce que c'était que la haine en ressent la cruauté; et l'on massacre barbarement celui qui se laisse égorger comme un agneau. C'est l'envie aussi qui fut cause de l'inimitié d'Esau contre Jacob, et Ésau ne persécuta son frère que parce qu'il était envieux de la bénédiction qu'il avait reçue de son père. Les frères de Josephi de même ne le vendirent que par une envie qu'ils conçurent contre lui, à cause qu'il leur avait rapporté simplement quelques visions qui lui présageaient du bonheur. Qu'est-ce qui porta Saül à haïr sí cruellement David, le plus doux et le meilleur de tous les hommes, à le persécuter, à le chercher tant de fois pour le faire mourir, sinon une violente jalousie de ce qu'ayant tué Goliath le peuple lui donnait mille louanges? Et pour n'être pas obligé de rapporter en détail des exemples de tous ceux que l'envie a perdus, voyons seulement les maux qu'elle a causés à un peuple entier. N'est-ce pas elle qui a été cause de la perte des Juifs, pendant que remplis de jalousie contre Jésus-Christ, ils ne voulurent point ajouter foi à ce qu'il leur disait? car étant aveuglés de cette passion, ils tâchaient de décrier ses plus grands miracles, et n'avaient point d'yeux pour voir les choses divines qu'il opérait. Considérant donc toutes ces choses, mes très-chers frères, travaillons de tout notre pouvoir à défendre de cette peste des cœurs

1 Sagesse, 2, 24.

dévoués à Dieu. Profitons du malheur des autres, et devenons sages à leurs dépens. Et que personne ne s'imagine que ce vice se renferme en des limites fort étroites, il s'étend extrêmement loin, et il n'est pas moins fécond que pernicieux. C'est la racine de tous les maux, la source de toute sorte de calamités, la pépinière des crimes, et la matière de tous les péchés. De là naissent la haine et l'animosité. De là vient l'avarice, lorsqu'on ne saurait souffrir qu'un autre soit plus riche que nous. De là l'ambition, tandis que pour s'élever plus haut que les autres on méprise la crainte de Dieu, on néglige les enseignemens de Jésus-Christ, on ne prévoit point le jour du jugement, on est orgueilleux, cruel, perfide, impatient, colère, querelleur, sans qu'on se puisse jamais retenir depuis qu'on a une fois lâché la bride à cette passion. C'est l'envie qui est cause qu'on rompt le lien de la paix, qu'on viole la charité fraternelle, qu'on corrompt la vérité, qu'on déchire l'unité pour former des schismes et des hérésies, pendant qu'on se plaint de n'avoir pas été ordonné évêque, ou qu'on ne veut pas obéir à celui qui nous a été préféré; c'est ce qui fait révolter un orgueilleux et le rend plutôt ennemi de la dignité que de la personne. D'ailleurs, quelle pitié est-ce d'envier la vertu d'autrui ou sa félicité, c'est-à-dire de haïr en lui ou ses propres mérites ou les grâces de Dieu, de faire son malheur du bonheur des autres, d'être tourmenté de leur prospérité, de s'affliger de leur gloire, et de nourrir sans cesse dans son cœur ces chagrins qui sont comme autant de bourreaux qui le déchirent? Quelle joie un homme de la sorte peut-il avoir au monde? Il soupire et se plaint continuellement, et la jalousie ne le laisse reposer ni nuit ni jour. Tous les autres crimes ont une fin et se terminent par l'accomplissement. Un adultère est content quand il a joui de la personne qu'il aime. Un voleur se tient en repos quand il a fait son vol. Un faussaire est satisfait lorsqu'il a commis une fausseté; mais l'envie ne s'arrête jamais, c'est un péché toujours subsistant, et plus celui à qui l'envie s'attache est heureux,plus elle s'irrite et s'enflamme. Elle met les menaces dans la bouche, la colère dans les yeux, la pâleur sur le visage, fait grincer les dents et dire des paroles outrageuses, pousse les mains aux meurtres et à la violence, et les armes par ses

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propres forces; c'est pourquoi le Saint-Esprit dit dans les psaumes: «Ne portez point envie à celui à qui tout succède heureusement 1; » et encore : « Le méchant observera le juste, et grincera les dents de rage contre lui. Mais le Seigneur se moquera de ses desseins, parce qu'il voit que le jour de sa ruine approche 2. » Le bienheureux apôtre saint Paul désigne aussi les envieux quand il dit : «Ils ont sur leurs lèvres un venin d'aspic, leur bouche est pleine d'injures et d'aigreur, leurs pieds sont prompts pour répandre le sang; ils ne songent qu'à rendre les autres misérables, ne prennent jamais les voies de douceur, et n'ont point la crainte de Dieu devant les yeux 3. >> Les blessures qu'on reçoit dans le corps sont bien moins dangereuses que celles de l'envie; car comme on les voit, on en cherche aussitôt la guérison, au lieu que les autres étant secrètes l'on ne se met pas même en peine d'y apporter remède. Qui que vous soyez qui ètes malin et envieux, avez beau chercher les moyens de nuire à celui que vous haïssez, vous ne lui ferez jamais tant de mal que vous vous en faites. Celui que vous persécutez peut échapper de vous, mais vous ne vous sauriez fuir vous-même. Partout où vous êtes, votre adversaire est avec vous. Vous portez toujours votre ennemi; le mal est enfermé au dedans; vos liens sont indissolubles; vous êtes esclave de la jalousie, et rien n'est capable de vous tirer de cette servitude; c'est un mal opiniâtre que de persécuter un homme que Dieu prend en sa protection; c'est un malheur sans remède de haïr un homme heureux. C'est pourquoi Notre-Seigneur voulant prévenir un si grand mal et empêcher qu'il ne fit tomber personne dans les filets de la mort, répondit à ses disciples qui lui demandaient qui était le plus grand d'entre eux: « Celui qui sera le moindre parmi vous tous sera grand 4. » Par cette réponse il a coupé pied à toute jalousie et en a retranché tous les sujets. Il n'est plus permis à un disciple de Jésus-Christ d'ètre envieux. Nous ne pouvons plus disputer de gloire et d'élévation entre nous, puisqu'on n'y arrive que par l'humilité. Aussi l'apôtre saint Paul nous exhortant à faire des œuvres de lumière après être sortis de la nuit où nous étions : « La nuit, dit-il, est

Ps. 36, 7.- Ibid., 12. *Rom., 3, 13. 4 Luc, 22, 26.

passée, et le jour va venir. Quittons donc les œuvres de ténèbres, et revètons-nous des armes de lumière. Marchons avec bienséance comme durant le jour sans nous laisser aller aux débauches et aux ivrogneries, aux dissolutions et aux impudicités, aux querelles et aux envies 1.» Si les ténèbres se sont retirées de votre cœur, si le jour l'a éclairé, si vous avez commencé à être un homme de lumière, faites des œuvres de Jésus-Christ, car Jésus-Christ est le jour et la lumière. Pourquoi vous précipitez-vous dans l'abîme de l'envie? pourquoi vous enveloppez-vous dans cette nuit obscure et épaisse, et éteignez-vous le flambeau de la paix et de la charité? pourquoi retournez-vous au diable à qui vous aviez renoncé? pourquoi vous rendez-vous semblables à Caïn? car l'apôtre saint Jean déclare dans son épître que quiconque est envieux et hait son frère est homicide comme lui. «Celui, dit-il, qui hait son frère est homicide; et vous savez qu'aucun homicide n'a la vie éternelle demeurant en lui 2; » et encore: «Celui qui se vante d'être dans la lumière, et hait son frère, est encore dans les ténèbres. Il marche dans les ténèbres et ne sait où il va, parce que les ténèbres lui ont offusqué la vue 3. » Celui, dit-il, qui hait son frère marche dans les ténèbres et ne sait où il va, parce qu'il se jette sans le savoir dans le feu de l'enfer en se retirant de la lumière de Jésus-Christ qui dit : « Je suis la Jumière du monde ; celui qui me suivra ne marchera point dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie 4.» Or celui-là suit Jésus-Christ qui observe ses commandemens, qui marche par le chemin qu'il nous a tracé, qui fait ce que luimême a fait et enseigné. « Jésus-Christ, dit l'apôtre saint Pierre, a souffert pour nous, vous laissant l'exemple afin que vous marchiez sur ses pas 5.» Souvenons-nous du nom que NotreSeigneur donne à son peuple. Il l'appelle des brebis, pour montrer quelle doit être l'innocence des chrétiens. Il l'appelle des agneaux, pour faire voir qu'il en doit avoir la simplicité. Pourquoi le loup se cache-t-il sous une peau de brebis? Pourquoi celui qui se dit faussement chrétien déshonore-t-il le troupeau de JésusChrist? car prendre le nom de Jésus-Christ et

1 Rom., 13, 12.1. Jean, 3, 15. — Ibid., 2, 9, 11. ♦ Ibid., 8, 12. — § 1. Pierre, 2, 21.

Jean, 21, 17.

-

ne pas marcher dans sa voie, qu'est-ce autre chose que de diffamer son nom? Ne dit-il pas lui-même que celui-là arrivera à la vie qui garde ses commandemens; que pour être sage il faut accomplir ses paroles; et qu'on ne peut être grand dans le royaume des cieux si l'on ne fait ce qu'il a fait, et qu'on n'enseigne ce qu'il a enseigné, c'est-à-dire que pour instruire utilement les autres il faut pratiquer le premier ses instructions? Or parmi tant de préceptes salutaires qu'il a donnés à ses disciples, que leur a-t-il recommandé davantage que de s'entr'aimer de la même sorte qu'il les a aimés ? Et comment celui-là peut-il aimer ses frères qui a une jalousie continuelle contre eux? Aussi l'apôtre saint Paul faisant voir les avantages de la paix et de la charité, après avoir avancé comme une vérité certaine que la foi, les aumones et le martyre même lui seraient inu-、 tiles s'il ne gardait inviolablement la charité, ajoute : « La charité est généreuse, elle est bonne, elle n'est point jalouse 1: » pour montrer qu'il n'y a que ceux qui sont généreux, bons, exempts d'envie, qui puissent posséder cette vertu. C'est ce qui fait qu'exhortant ailleurs celui qui est déjà rempli du Saint-Esprit et fait enfant de Dieu par une naissance céleste, à ne s'occuper plus que des choses divines et spirituelles, il dit : «Je ne vous ai pu parler, mes frères, comme à des personnes spirituelles, mais comme à des gens encore charnels, encore enfans en Jésus-Christ. Je ne vous ai nourris que de lait et non de viandes solides, car vous n'en étiez pas alors capables: et vous ne l'ètes pas même à cette heure, parce que vous êtes encore charnels. Car puisqu'il se trouve parmi vous des jalousies, des querelles et des dissensions, n'est-il pas visible que vous êtes encore charnels, et qu'il y a encore bien de l'homme en vous 2?» Il faut surmonter mes très-chers frères, les vices de la chair et les fouler aux pieds; de crainte que si nous retournons aux pratiques du vieil homme, nous ne tombions dans des piéges mortels. C'est l'avertissement que nous donne l'apôtre lorsqu'il dit : « C'est pourquoi, mes frères, ne vivons point selon la chair; car si vous vivez selon la chair vous mourrez, Mais

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si vous faites mourir par l'esprit les passions de la chair, vous vivrez. Car tous ceux qui sont conduits par l'esprit de Dieu sont enfans de Dieu 1. » Si nous sommes enfans de Dieu, si nous avons déjà commencé à être ses temples, si ayant reçu le Saint-Esprit nous vivons saintement et spirituellement, si nous avons retiré nos yeux de la terre pour les lever au ciel, si nous portons aux choses hautes et sublimes un cœur plein de Dieu et de Jésus-Christ, ne faisons rien qui ne soit digne de Dieu et de JésusChrist. L'apôtre nous y exhorte par ces paroles: «Si vous êtes ressuscités avec Jésus-Christ, cherchez les choses du ciel où Jésus-Christ est assis à la droite de Dieu; goûtez les choses du ciel et non celles de la terre; car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec Jésus-Christ en Dieu. Mais lorsque Jésus-Christ qui est votre vie viendra à paraître, vous paraîtrez aussi avec lui dans la gloire 2. » Puis donc que nous sommes morts et ensevelis dans le baptême quant aux péchés charnels du vieil homme, et ressuscités pour Jésus-Christ par une naissance céleste, ne pensons et ne faisons que les choses qui sont agréables à Jésus-Christ, ainsi que le même apôtre nous l'enseigne en ces termes: «Le premier homme a été tiré du limon de la terre, et le second est descendu du ciel. Tel qu'a été le terrestre, tels sont ceux qui sont venus de lui; et tel qu'a été le céleste, tels sont ceux qui l'imitent. Comme donc nous avons porté l'image de l'homme terrestre, portons aussi l'image de l'homme céleste 2. » Or nous ne pouvons pas porter l'image de l'homme céleste si nous ressemblons à Jésus-Christ. Car vous commencez proprement à n'être plus ce que vous étiez, et à être ce que vous n'étiez pas, lorsque vous donnez des marques de votre naissance divine, lorsque vous ne démentez point par vos actions la qualité d'enfant de Dieu, lorsque vous l'honorez par votre bonne conduite et méritez par là qu'il vous honore selon qu'il le dit lui-même: «J'honorerai ceux qui m'honorent, et mépriserai ceux qui me méprisent 3. » C'est pour nous apprendre à faire cet honneur à Dieu et à lui ressembler comme ses enfans que Notre-Seigneur dit dans son Évangile : « Vous savez qu'il est écrit: Vous aimerez votre prochain, et haï

rez votre ennemi. Mais moi je vous dis : aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin que vous soyez enfans de votre Père qui est aux cieux, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchans et pleuvoir sur les justes et sur les injustes 1.» Si les hommes sont bien aises et font gloire d'avoir des enfans qui leur ressemblent, et si cette joie est d'autant plus grande que cette ressemblance est plus parfaite, combien Dieu se réjouit-il davantage lorsqu'il voit ceux qui sont nés spirituellement en lui faire éclater dans leurs actions des traits de leur Père céleste? Quelle gloire et quel avantage d'être tels que Dieu ne puisse pas dire de nous : «J'ai engendré des enfans, je les ai agrandis, et ils m'ont méprisé 2;» mais plutôt que Notre-Seigneur nous loue et nous invite à la récompense, en nous disant : « Venez, vous que mon Père a bénis, possédez le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde 3 ?»

Voilà les méditations dont nous nous devons servir, mes très-chers frères, pour fortifier notre cœur et le rendre invulnérable à tous les traits de l'ennemi. Lisons la sainte Écriture, faisons de bonnes ceuvres, pensons souvent à Jésus-Christ, prions sans cesse, et soyons toujours occupés de bonnes choses, afin que lorsque notre adversaire s'approchera pour nous attaquer, il trouve toutes les entrées de notre cœur fermées et remparées. Un chrétien n'a pas à attendre la seule couronne du martyre; la paix a aussi ses couronnes, qui sont la récompense des différentes victoires que nous remportons sur notre ennemi. Surmonter la volupté, dompter la colère, souffrir les injures, triompher de l'avarice, supporter en patience les afflictions, tout cela mérite une couronne. Celui qui ne s'enorgueillit point dans la bonne fortune, sera récompensé de son humilité. Celui qui est aumônier et charitable, aura un trésor dans le ciel. Celui qui n'est point envieux et qui vit doucement et paisiblement avec ses frères, recevra le prix de sa douceur. Nous courons tous les jours dans cette carrière des vertus, et nous nous avançons à grands pas pour cueillir ces palmes et ces couronnes. Afin donc que vous y puissiez aussi avoir part, vous qui avez été possédé jusqu'ici

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