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jours sans trouver, vous cherchez où l'on ne trouve point; vous qui frappez toujours sans qu'on ouvre, vous frappez où il n'y a personne; vous enfin qui demandez sans qu'on vous accorde, vous demandez à qui ne peut rien accorder.

XII. Pour nous, quand il nous faudrait chercher encore, quand il nous faudrait chercher toujours, où chercherions-nous? Chez les hérétiques, où tout est étranger, tout est opposé à la vérité chrétienne, et avec qui il nous est défendu de communiquer? Quel est le serviteur qui attend sa nourriture d'un étranger, pour ne pas dire de l'ennemi de son maître ? Et quel est le soldat, si ce n'est un déserteur, un transfuge, un rebelle, qui va demander sa solde ou une gratification à un prince qui n'est point allié du sien, à un prince ennemi ? Cette femme cherchait sa drachme, mais dans sa maison; cet homme frappait, mais à la porte de son voisin ; cette veuve sollicitait un juge dur, à la vérité, mais après tout qui n'était pas ennemi. Que peut-on édifier avec ceux qui ne savent que détruire? Quelles lumières espérer, où tout est ténèbres ? Cherchons donc chez nous et parmi les nôtres, mais seulement ce qui peut tomber en question, sans blesser la règle de la foi.

XIII. Or, voici la règle ou le symbole de notre foi; car nous allons faire une déclaration publique de notre croyance. Nous croyons qu'il n'y a qu'un seul Dieu, auteur du monde, qu'il a tiré du néant, par son Verbe eng ndré avant toutes les créatures. Nous croyons que ce Verbe qui est son Fils est apparu plusieurs fois aux patriarches sous le nom de Dieu, qu'il a toujours parlé par les prophètes ; qu'il est descendu par l'opération de l'Esprit de Dieu le Père, dans le sein de la Vierge Marie, où il s'est fait chair; qu'il est né d'elle, que c'est Notre-Seigneur Jésus-Christ qui a prèché la loi nouvelle et la promesse nouvelle du royaume des cieux. Nous croyons qu'il a fait plusieurs miracles; qu'il a été crucifié; qu'il est ressuscité le troisième jour après sa mort; qu'il est monté aux cieux, où il est assis à la droite de son Père; qu'il a envoyé à sa place le Saint-Esprit, pour éclairer et conduire son Église; enfin qu'il viendra avec un grand appareil pour mettre les saints en possession de la vie éternelle et de la béatitude céleste, et pour condamner les méchans au feu

éternel, après avoir ressuscité les corps de uns et des autres.

XIV. Voilà la règle de foi que Jésus Christ nous a donnée, comme nous le proaverons, et sur laquelle il n'y a jamais parmi nous de disputes, sinon celles qu'élève l'hérésie, et qui font les hérétiques. Non, elle ne doit jamais souffrir d'atteinte, quoi que vous cherchiez, quoique vous discutiez, quelque essor que vous donniez à votre curiosité. Mais si quelque chose vous parait obscur ou équivoque, vous avez de vos frères qui ont reçu le don de la science, qui ont été instruits par des docteurs consommés; vous en avez qui, curieux comme vous, chercheront avec vous. Enfin, si vous savez ce que vous devez savoir, il vous est plus avantageux d'ignorer le reste, de peur d'apprendre ce que vous ne devez point savoir, Jésus-Christ a dit : «Votre foi vous a sauvé1,» et non pas l'examen et la discussion des Écritures. La foi consiste à ne pas se départir de la règle. La loi qui l'ordonne est formelle, et le salut est attaché à l'observation de la loi: la discussion vient de la curiosité, et aboutit à la stérile gloire de passer pour docte. Que la curiosité cède à la foi, la vaine gloire au salut; ou qu'ils se tiennent tranquilles, ou du moins qu'ils nous laissent tranquilles. Ne rien savoir contre la règle, c'est tout savoir.

Quand même les hérétiques ne seraient pas les adversaires de la vérité, quand même nous ne serions pas avertis de les fuir, que peut-on apprendre en conférant avec des hommes qui conviennent qu'ils cherchent encore? S'ils cherchent sérieusement, ils n'ont donc rien trouvé de certain et ils montrent bien par là combien peu ils comptent sur ce qu'ils se vantent d'avoir trouvé. Vous qui cherchez de votre côté, si vous vous adressez à des gens qui cherchent aussi; irrésolu, incertain, aveugle, vous serez infailliblement conduit dans le précipice par des hommes également irrésolus, incertains et aveugles.

Mais lorsqu'ils font semblant de chercher, dans la vue de vous jeter dans l'inquiétude et de vous insinuer leurs erreurs, après vous avoir attirés par cet artifice; lorsque vous les voyez défendre opiniâtrément ce qu'ils disaient aupa

1 Matt., 9.

ravant qu'il fallait encore chercher, déclarezleur que vous êtes déterminés à renoncer à eux plutôt qu'à Jésus-Christ; car puisqu'il cherchent encore, ils n'ont donc pas trouvé : ils ne croient pas, ils ne sont pas chrétiens. Mais lorsqu'ils croient, et qu'ils disent qu'il faut encore chercher, pour défendre leur sentiment; avant de le défendre, ils le désavouent donc, puisqu'ils confessent qu'ils ne croient pas encore. tandis qu'ils cherchent. Ils ne sont donc pas chrétiens de leur propre aveu. Le seraientils pour nous? avec tant de fausseté, quelle foi peuvent-ils avoir? emploient-ils le mensonge pour faire recevoir la vérité?

XV. Mais, dit-on, ils ne s'appuient que sur les Écritures; ils ne prétendent nous convaincre que par les Écritures comme si on pouvait rien prouver sur les matières de la foi que par les livres de la foi. Nous voici arrivés à ce qui est proprement l'objet de cet ouvrage : c'est à quoi tendait le préambule qu'on vient de lire. Nous allons attaquer nos adversaires dans le poste même d'où ils nous défient. Leur audace à s'armer des Écritures en impose d'abord à quelques personnes dans le combat ils fatiguent les plus forts; il triomphent des faibles; ils ébranlent les autres. C'est pourquoi nous les arrètons dès le premier pas, en soutenant qu'ils ne sont point du tout recevables à disputer sur les Écritures. C'est là leur arsenal; mais avant qu'ils puissent en tirer des armes, il faut examiner à qui appartiennent les Écritures, pour ne pas les laiser usurper à ceux qui n'y ont aucun droit.

XVI. On pourrait croire que je parle de la sorte par défiance de ma cause, ou dans la crainte d'engager le combat, si je n'avais pour moi de fortes raisons, et surtout l'autorité de l'apôtre, qui doit être notre règle en ce qui regarde la foi. Il nous recommande d'éviter les questions inutiles, les nouveautés profanes 1, et de fuir l'hérétique, « après une réprimande, et non après la dispute 2. » Il interdit tellement la dispute, qu'il ne permet d'aller trouver l'hérétique pour le réprimander, et cela une seule fois; sans doute parce qu'il n'est pas chrétien, et qu'on ne doit pas lui faire plusieurs réprimandes, ni en présence de deux ou trois té

1. Tim., 6. H. Tim., 2. - Tit., 3.

moins, comme à un chrétien. C'est par la raison même qu'on ne doit pas disputer avec lui qu'il est ordonné de le réprimander. D'ailleurs la dispute sur les Écritures n'est bonne qu'à épuiser la tête et les poumons.

XVII. L'hérésie rejette certains livres des Écritures, et ceux qu'elle reçoit comme canoniques, elle ne les reçoit pas entiers; elle les alière et par ce qu'elle en retranche et par ce qu'elle y ajoute pour les plier à son système. Ceux qu'elle reçoit entiers, elle les pervertit encore par les interprétations qu'elle imagine; car il est également contraire à la vérité d'altérer le sens ou le texte. L'audacieux novateur n'a garde de reconnaître ce qui le confond; mais il cite avec affectation tout ce qu'il a falsifié, et les passages obscurs dont il abuse. Tout versé que vous êtes dans la science de l'Écriture, qu'espérez-vous gagner par la dispute? Tout ce que vous avancerez, il le niera opiniâtrément, tandis qu'il soutiendra tout ce que vous nierez; d'une pareille conférence vous ne remporterez que beaucoup de fatigue et d'indignation.

XVIII. Celui pour qui vous vous étiez engagé dans cette discussion des Écritures, et dont vous prétendiez dissiper les doutes, se tournera-t-il du côté de l'erreur ou de la vérité? Surpris que vous n'ayez eu aucun avantage marqué; que de part et d'autre on ait nié et affirmé également, et qu'on soit resté au mème point où on en était, il vous quittera peut-être encore plus indécis qu'auparavant, sans pouvoir juger où est l'hérésie. Rien de plus aisé que de rétorquer tout ce que nous avons dit. L'hérétique ne se fera pas scrupule d'assurer que c'est nous qui corrompons l'Écriture et l'interprétons mal, et que lui seul défend la cause de la vérité,

XIX. Il ne faut donc pas en appeler aux Écritures ni hasarder un combat où la victoire sera toujours incertaine, du moins le paraîtra. Mais quand même ce ne serait point là l'issue de toutes les disputes sur l'Écriture, l'ordre des choses demanderait encore qu'on commençat par examiner ce qui va nous occuper: à qui appartiennent les Écritures et la foi, de qui est-elle émanée, par qui, quand, et à qui a été donnée la droctrine qui fait les chrétiens; car où nous verrons la vraie foi, la vraie doctrine du christianisme, là indubitablement se trouvent aussi les vraies Écritures, les vraies

interprétations, les vraies traditions chrétiennes.

XX. Quel que puisse être Notre-Seigneur Jésus-Christ (qu'il me permette de parler ainsi dans ce moment): quel que soit le Dieu dont il est le Fils; quelle que soit la nature du DieuHomme, la foi dont il est l'auteur, la récompense qu'il promet; lui-même, tandis qu'il était sur la terre, soit dans ses discours au peuple, soit dans ses instructions particulières à ses disciples, il a enseigné ce qu'il était, ce qu'il avait été, les volontés de son Père, dont il était chargé, et ce qu'il exigeait des hommes. Parmi ses disciples, il en choisit douze pour l'accompagner et pour devenir dans la suite les docteurs des nations. L'un d'entre eux ayant été retranché de ce nombre, il commanda aux onze autres, lorsqu'il retourna à son Père après sa résurrection, d'aller enseigner toutes les nations, et de les baptiser au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Aussitôt après, les apôtres (ce nom signifie envoyés) ayant choisi Matthias, sur qui tomba le sort, pour remplacer le traître Judas, selon la prophétie de David1, et ayant reçu avec le Saint-Esprit qui leur avait été promis le don des langues et des miracles, ils prêchèrent la foi en Jésus-Christ, et ils établirent des Églises, d'abord dans la Judée; ensuite s'étant partagé l'univers, ils annoncèrent la même foi et la même doctrine aux nations, et fondèrent des Églises dans les villes.

C'est de ces Églises que les autres ont emprunté la semence de la doctrine, et qu'elles l'empruntent encore tous les jours, à mesure qu'elles se forment. Par cette raison on les compte aussi parmi les Églises apostoliques, dont elles sont les filles. Tout se rapporte nécessairement à son origine; c'est pourquoi un si grand nombre d'Églises, si considérables, sont censées la même Église, la première de toutes, fondée par les apôtres, et la mère de toutes les autres. Toutes sont apostoliques, toutes ensemble ne font qu'une seule Église, par la communication de la paix, la dénomination de frères, et les liens de l'hospitalité qui unissent tous les fidèles. Tout ce que nous venons de dire a pour base l'unité de la foi et de l'enseignement, que prouvent toutes ces Églises.

1 Ps. 10.

XXI. Voici comme nous tirons de là notr seconde prescription. Si Notre-Seigneur Jésus Christ a envoyé ses apôtres pour prècher, il ne faut donc point recevoir d'autres prédicateurs parce que personne ne connaît le Père que l Fils, et ceux à qui le Fils l'a révélé, et parce que le Fils n'a révélé qu'aux apôtres, envoyés pour prècher ce qu'il leur a révélé.

Mais qu'ont prêché les apôtres, c'est-à-dire que leur a révélé Jésus-Christ? Je prétends, fondé sur la même prescription, qu'on ne peut le savoir que par les Églises que les apôtres ont fondées, et qu'ils ont instruites de vive voix, et ensuite par leurs lettres. Si cela est, il est incontestable que toute doctrine qui s'accorde avec la doctrine de ces Églises apostoliques et matrices, aussi anciennes que la foi, est la véritable, puisque c'est celle que les Églises ont reçue des apôtres, les apôtres de Jésus-Christ, Jésus-Christ de Dieu; et que toute autre doctrine par conséquent ne peut être que fausse, puisqu'elle est opposée à la vérité des Églises, des apôtres, de Jésus-Christ et de Dieu.

Il ne nous reste qu'à démontrer que notre doctrine, dont nous avons présenté plus haut l'abrégé, vient des apôtres, et que par une conséquence nécessaire, toutes les autres sont fausses. Nous communiquons avec les Églises apostoliques, parce que notre doctrine ne diffère en rien de la leur: voilà notre démonstration.

XXII. Mais comme elle est si claire et si précise qu'elle ne laisse rien à répliquer, quand elle a été mise dans tout son jour, avant de le faire, écoutons ce que peuvent opposer nos adversaires pour affaiblir cette prescription. Ils ont coutume de faire deux objections contradictoires, mais tout aussi extravagantes l'une que l'autre. « Les apôtres n'ont pas tout su. Les apôtres ont tout su, sans doute, mais ils n'ont pas pour cela tout enseigné à tous. »

C'est donc Jésus-Christ même qu'ils accusent d'avoir choisi ses disciples ou peu instruits, ou peu fidèles. Mais quel est l'homme sensé qui pourra soupçonner d'ignorance les disciples du Seigneur, qu'il avait donnés pour maîtres à l'univers, qu'il avait eus dans sa compagnie tous les jours de sa vie mortelle, à qui il expliquait en particulier tout ce qui avait besoin d'éclaircissement, leur disant qu'il leur était

accordé de pénétrer des secrets inaccessibles à la multitude? Qu'est-ce qui a pu être caché à Pierre, ainsi appelé, parce que sur lui, comme sur la pierre fondamentale, fut båtie l'Église; à Pierre qui avait reçu, avec les clefs du royaume des cieux, le pouvoir de lier et de délier, tant dans les cieux que sur la terre? Qu'est-ce qui a pu être caché à Jean, le disciple bienaimé, sur le sein de qui le Sauveur se reposait, à qui seul il montra le traître Judas, et qu'enfin il substitua à lui-même, pour tenir lieu de fils à Marie? Qu'aurait voulu cacher JésusChrist aux trois apôtres, à qui il avait fait voir sa gloire, Moïse et Élie, et à qui il avoit fait entendre du ciel la voix de son Père; non pas qu'il rejetât les autres, mais parce que «le témoignage de trois personnes suffit pour constater un fait 1»? Enfin ceux à qui il avait daigné expliquer toutes les Écritures, dans le chemin même, après sa résurrection, ont-ils pu rien ignorer?

Il est vrai que le Sauveur avait dit auparavant à ses apôtres : « J'aurais encore à vous parler de bien des choses; mais vous ne pouvez pas les porter à présent 2. » Mais aussi il ajouta : Lorsque l'esprit de vérité sera venu, il vous enseignera lui-même toute vérité. >> Il marquait clairement par là qu'ils n'ignoreraient plus rien lorsqu'ils seraient remplis de l'Esprit saint qu'il leur promettait. Il ne manqua pas d'accomplir sa promesse. Les Actes des apôtres nous apprennent la descente du Saint-Esprit sur les apôtres 3. Ceux qui ne reçoivent pas ce livre ne peuvent se vanter d'avoir été instruits par le Saint-Esprit, puisqu'ils ne reconnaissent point que le Saint-Esprit ait été envoyé aux fidèles. Ils sont même hors d'état de défendre l'Église, puisqu'ils ne sauraient prouver quand ni comment elle fut établie. Mais ils aiment mieux s'ôter à eux-mêmes les preuves des vérités qu'ils conservent, que d'en fournir d'invincibles contre les erreurs qu'ils y ont mêlées.

XXIII. Ils objectent, pour prouver cette prétendue ignorance des apôtres, que Pierre et tous ceux qui l'accompagnaient furent repris par Paul. «C'est une preuve sans réplique, disent-ils, et que les premiers ignoraient quelque chose, et que d'autres dans la suite eurent des

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connaissances plus étendues, tels que Paul, qui en conséquence reprit ses anciens. >>

Nous pourrions leur répondre : Puisque vous rejetez les Actes des apôtres, il vous faudrait d'abord montrer qui est ce Paul, ce qu'il était avant son apostolat, et comment il y est parvenu, d'autant plus que vous vous prévalez de son autorité pour bien d'autres choses. Que Paul atteste que de persécuteur il est devenu apôtre, cela ne suffit point pour quiconque ne croit qu'après un mur examen. Le Sauveur luimême n'a pas voulu en être cru sur son témoignage.

Mais qu'ils croient, j'y consens, sans l'autorité des Écritures, pour croire contre les Écritures il ne leur servira de rien d'alléguer que Pierre a été repris par Paul s'ils ne prouvent en même temps que Paul a introduit un Évangile différent de celui de Pierre et des autres apôtres 1. Bien loin de là, Paul, de persécuteur changé en apôtre, est conduit et présenté aux frères, comme un d'entre eux, par les frères mêmes qui avaient reçu la doctrine et la foi des apôtres ensuite il va à Jérusalem, comme il le raconte lui-même, pour voir Pierre 2: c'était à la fois son droit et son devoir, comme collègue de Pierre dans le ministère de la prédication du même Évangile; car les fidèles sans doute n'auraient pas vu avec tant d'étonnement le persécuteur devenu prédicateur s'il eût prèché un Évangile contraire au leur. Ils n'auraient pas non plus glorifié Dieu de ce que son ennemi Paul était venu parmi eux. Ils ne lui auraient pas donné la main en signe d'amitié, d'union et de conformité de sentimens. Et s'ils partagèrent les fonctions du ministère entre Pierre et Paul, ce n'était pas que les deux apôtres dussent prècher deux Évangiles différens, mais pour qu'ils prèchassent le même à différens peuples, Pierre aux Juifs, Paul aux gentils.

Au reste, si Pierre a été repris de ce qu'après avoir vécu avec les gentils, il s'en séparait par respect humain, c'était une faute de conduite, et non pas une erreur dans la doctrine. Aussi n'annonçait-il pas un autre Dieu que le Créateur, un autre Christ que le fils de Marie, une autre espérance que la résurrection.

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XXIV. Je n'aspire pas assurément à la gloire; pour parler plus juste, je n'aurai pas la témérité de faire combattre ensemble deux apôtres mais comme nos adversaires ne nous objectent cette réprimande de Paul que pour rendre suspecte la doctrine de Pierre, je répondrai, pour celui-ci, que Paul lui-même1 a dit qu'il s'était fait tout à tous, Juif pour les Juifs, gentil pour les gentils, afin de les gagner tous. Ainsi les apôtres, eu égard aux motifs, aux circonstances des temps et des personnes, blåmaient certaines choses, qu'ils faisaient euxmêmes dans des circonstances différentes. Pierre aurait pu reprendre à son tour Paul de ce que défendant la circoncision il avait cependant fait circoncire Timothée. C'est à ceux qui jugent les apôtres à peser toutes ces considérations. Du moins on accordera que Pierre et Paul furent réunis dans le martyre.

Quoique Paul, ravi au troisième ciel, y ait appris de grands mystères2, cela n'a pu apporter de changement dans sa prédication, puisqu'ils étaient de nature à n'être révélés à personne. Si cependant ils sont venus à la connaissance de quelqu'un, et que des hérétiques se vantent de les soutenir, il faut aussi qu'ils conviennent que Paul a violé le secret, ou qu'ils nous fassent voir quelque autre ravi au ciel depuis qui ait eu permission de publier ce qu'il était ordonné à Paul de taire.

XXV. Mais, comme nous l'avons dit, c'est une égale folie, en avouant que les apòtres n'ont rien ignoré, et qu'ils n'ont pas prêché de doctrines opposées, de prétendre cependant qu'ils n'ont point communiqué à tous tout ce qu'ils savaient; mais qu'ils ont enseigné certaines choses publiquement et à tout le monde, et d'autres en secret et à un petit nombre de personnes seulement. On se fonde sur ce que Paul a dit à Timothée : «Gardez le dépôt 3 ; » et ailleurs: Gardez le précieux dépôt. » Mais quel est ce dépôt secret qu'on prétend renfermer une doctrine nouvelle ? Est-ce le précepte dont il dit : « Je vous recommande ce précepte, mon fils Timothée ; » ou cet autre dont il parle en ces termes : « Je vous recommande devant Dieu, qui donne la vie à tout, et devant Jésus-Christ,

5

11. Cor., 9.-2 II. Cor., 12.-1. Tim., 6.-II. Tim., 2. 51. Tim., 1.- 1. Tim., 6.

qui a rendu sous Ponce Pilate un témoignage éclatant à la vérité, de garder ce précepte? »

Mais quel est donc ce précepte? Il est aisé de voir par ce qui précède et ce qui suit qu'il ne s'agit nullement de je ne sais quelle doctrine cachée; que l'apôtre insiste au contraire sur l'obligation de n'en pas recevoir d'autre que celle qu'il avait apprise à son disciple, et sans doute en public, «en présence d'un grand nombre de témoins ',» dit-il. Peu nous importe que, selon nos adversaires, il n'entende point l'Église par ce grand nombre de témoins: il nous suffit que ce qui se dit devant un grand nombre de témoins n'est rien moins que secret. Et quand Paul recommande à Timothée «de confier ce qu'il a entendu de lui à des hommes fidèles, et capables d'en enseigner d'autres2 », il ne saurait non plus désigner par là un Évangile secret, puisque c'est devant plusieurs témoins qu'il a parlé à son disciple 3. Du reste, ce n'est pas sans raison qu'il avertit ceux à qui il commet le ministère de l'Evangile de s'en acquitter avec discernement et avec prudence, pour ne pas, selon la parole de Jésus-Christ, « donner les choses saintes aux chiens, et jeter les perles devant les pourceaux 4. »

XXVI. Jésus-Christ parlait en public, et n'a jamais demandé qu'on tint secret aucun article de sa doctrine: il disait au contraire à ses disciples « Ce que vous entendez en particulier et dans les ténèbres, prèchez-le au grand jour et sur les toits 5. » Il donnait à entendre la même chose dans une parabole, « qu'il ne fallait pas enfouir une mine,» c'est-à-dire cacher sa parole, au lieu de lui faire porter du fruit. Il remarquoit, «qu'on ne mettait point la lumière sous un boisseau, mais sur le chandelier, pour éclairer toute la maison. » Les apôtres n'auraient point entendu tout cela, ou n'en auraient tenu aucun compte, s'il était vrai qu'ils eussent caché une partie de la lumière, c'est-à-dire de la parole de Dieu et de l'Évangile. Ils ne redoutaient ni la fureur des Juifs, ni celle des païens. Et comment n'eussent-ils pas parlé librement dans l'église, tandis qu'ils parlaient avee tant

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