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Géta n'a-t-il pas emprunté de Virgile sa tragédie de Médée tout entière? J'ai un parent qui s'est amusé à chercher dans le même poëte l'explication du tableau de Cébès1. Les Centons d'Homère ne sont autre chose que des poëmes composés de vers d'Homère pris de différens endroits qu'on a su réunir en un corps.

Les Écritures divines offrent un champ bien. plus vaste pour toutes sortes de sujets. Aussi je ne crains pas d'avancer que c'est par une permission particulière de Dieu qu'elles ont été composées de manière que les hérétiques pussent y trouver la matière de toutes leurs erreurs. Nous y lisons qu'il faut qu'il y ait des hérésies; et il ne peut y avoir d'hérésies sans les Écritures.

XL. Si l'on demande qui inspire les hérésiarques, je répondrai que c'est le diable, dont l'office est de dérober aux hommes la vérité, et qui prend à tâche d'imiter dans les mystères des faux dieux les saintes cérémonies de la religion chrétienne. Il plonge aussi dans l'eau ses adorateurs, et leur fait accroire qu'ils trouveront dans ce bain l'expiation de leurs crimes. Il marque au front les soldats de Mithra lorsqu'on les initie, il célèbre l'oblation du pain, il offre une image de la résurrection, et présente à la fois la couronne et le glaive; il défend au souverain pontife les secondes noces; il a mème ses vierges.

Au reste, si nous examinons les superstitions que Numa a instituées, les fonctions des prêtres, leurs ornemens, leurs priviléges, les cérémonies, les vases, et généralement tout ce qui est nécessaire pour les sacrifices, ce qui regarde les expiations et les vœux, nous ne pourrons douter que le diable n'ait voulu copier les rites de la loi mosaïque. Or celui qui a affecté d'appliquer au culte des idoles tout ce que nous pratiquons dans la célébration de nos mystères n'a pas manqué de faire aussi servir nos livres saints à établir une doctrine sacrilége et enne. mie de la nôtre; il a pour cela altéré et le sens, et les termes, et les figures. Il est donc certain que c'est le diable qui a inspiré tous les hérésiarques, et que l'hérésie ne diffère pas au fond de l'idolatrie, puisqu'elles ont le mème auteur,

1 Philosophe de Thèbes en Béotie, à qui on a attribué un ouvrage intitulé: le Tableau de la vie humaine.

qui les a formées toutes les deux sur le même dessein.

Si toutes les hérésies ne supposent pas un Dieu ennemi du Créateur, du moins elles représentent celui-ci tout autre qu'il n'est. Or tout mensonge, toute fausseté qui a pour objet la Divinité, est une espèce d'idolâtrie.

XLI. Je ne dois pas omettre de décrire ici la conduite des hérétiques, combien elle est frivole, terrestre, humaine, sans gravité, sans autorité, sans disciplice, parfaitement assortie à leur foi. On ne sait qui est catéchumène, qui est fidèle. Ils entrent, ils écoutent, ils prient pêle-mêle, et même avec des païens s'il s'en présente. Ils ne se font pas serupule de donner les choses saintes aux chiens, et de semer des perles (fausses à la vérité) devant des pourceaux 1. Le renversement de toute discipline ils l'appellent simplicité, droiture; et notre attachement à la discipline, ils le traitent d'affectation. Ils donnent la paix à tout le monde indifféremment. Opposés les uns aux autres dans leur croyance, tout leur est égal, pourvu qu'on se réunisse pour triompher de la vérité. Tous sont enflés d'orgueil, tous promettent la science. Les catéchumènes sont parfaits avant que d'être instruits. Et leurs femmes que ne se permettent-elles pas? Elles osent dogmatiser, disputer, exorciser, promettre des guérisons, peutêtre baptiser.

Leurs ordinations se font au hasard, par caprice et sans suite. Tantôt ils élèvent des néophytes, tantôt des hommes engagés dans le siècle, tantôt même nos apostats, pour s'attacher par l'ambition ceux qu'ils ne peuvent retenir par la vérité. Nulle part on n'avance, comme dans le camp des rebelles, où la rébellion tient lieu de mérite. Aussi ont-ils aujourd'hui un évèque, et demain un autre : celui qui est diacre aujourd'hui sera demain lecteur, le prêtre redeviendra laïque; car ils chargent les laïques des fonctions sacerdotales.

XLII. Que pourrais-je dire de leur prédication? ils n'ont point à cœur de convertir les païens, mais de pervertir les nôtres. Ils mettent leur gloire à renverser ceux qui sont debout, au lieu de relever ceux qui sont tombés. Je ne m'en étonne pas ; ils ne peuvent s'élever

1 1 Matth., 7.

tux-mêmes que sur les débris de la vérité: c'est pourquoi ils s'efforcent de faire écrouler notre Église pour bâtir la leur. Otez-leur la loi de Moïse, les prophètes, le Dieu créateur, et vous leur fermez la bouche; ils n'entendent rien à édifier, leur unique talent est de détruire: ce n'est que dans cette vue qu'ils sont flatteurs, humbles et soumis.

Du reste ils ne connaissent pas le respect même pour leurs prélats; et c'est par cette raison qu'il n'y a guère de schismes parmi eux. On ne les remarque point; mais leur union mème est un schisme perpétuel; sans cesse ils varient, ils s'écartent de leurs propres règles; chacun tourne à sa fantaisie la doctrine qu'on lni a enseignée, comme celui de qui il l'a reçue l'avait inventée à sa fantaisie. L'hérésie dans ses progrès ne dément point sa nature et son origine. Les valentiniens et les marcionites ont autant de droit d'innover à leur gré dans la religion que Valentin et Marcion. Toutes les hérésies, si on les examine à fond, s'éloignent en bien des points des sentimens de leurs auteurs. La plupart des hérétiques n'ont pas mème d'Églises : ils sont errans et vagabonds, sans mère, sans foi, sans feu ni lieu.

XLIII. Ils sont encore décriés par le commerce qu'ils ont avec les magiciens, les charlatans, les astrologues, les philosophes, tous gens d'une curiosité effrénée. Ils n'oublient jamais ces paroles : «Cherchez et vous trouverez. » Par leurs mœurs on peut juger de leur foi. Ils assurent qu'on ne doit pas craindre Dieu aussi vivent-ils avec la plus grande li

cence.

Mais où est-ce qu'on ne craint pas Dieu, sinon où il n'est point? Où Dieu n'est point, la vérité n'est pas non plus; et où la vérité n'est pas, on doit voir de telles sectes. Où est Dieu au contraire, là se trouve la crainte de Dieu, qui est le commencement de la sagesse; où est la crainte de Dieu se trouvent l'honnête gravité, l'exactitude scrupuleuse, le soin vigilant, le choix éclairé, la communication réfléchie, l'élévation méritée, la soumission religieuse, le service fidèle, la modestie en public, une Église unie et Dieu partout.

XLIV. Cette ferme et vertueuse discipline est une dernière preuve de la vérité de notre croyance. On demeurera inviolablement atta

ché à cette croyance si l'on se souvient du jugement futur, où nous comparaîtrons tous au pied du tribunal de Jésus-Christ pour y rendre compte de tout et en particulier de notre foi.

Que répondrez-vous alors, vous qui aurez souillé par le commerce adultère de l'hérésie cette foi vierge que Jésus-Christ vous avait confiée ? Direz-vous, pour vous excuser, que ni lui ni ses apôtres n'avaient annoncé ces doctrines perverses pour les derniers temps, et ne vous avaient ordonné de les fuir et de les détester ? Reconnaissez de bonne foi que vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous-mêmes, et nullement à ceux qui vous avaient prévenus si longtemps auparavant.

Mais vous ne manquerez pas de prétextes pour relever l'autorité des docteurs de l'hérésie. Ils avaient donné, direz-vous, les plus éclatantes preuves de leur mission; ils avaient guéri les malades, ressuscité les morts, prédit l'avenir; en sorte qu'on ne pouvait douter que ce ne fussent de vrais apôtres comme s'il n'était pas écrit qu'il viendrait plusieurs séducteurs, qui seraient des prodiges, pour prouver une doctrine fausse et pernicieuse.

Apparemment que vous obtiendrez grâce2 tandis que ceux qui se seront souvenus des oracles du Seigneur et de ses apôtres, et qui auront persévéré dans la foi orthodoxe, courront risque de leur salut.

J'avais annoncé, il est vrai, leur dira le Seigneur, qu'il viendrait des maîtres du mensonge, en mon nom, au nom de mes prophètes et de mes apôtres. J'avais ordonné à mes disciples de répéter les mêmes prédictions. J'avais confié à mes apôtres mon Évangile et le symbole de la foi. Mais comme vous refusiez de croire, il m'a plu ensuite d'y faire des changemens. J'avais promis la résurrection de la chair, mais. j'ai craint de ne pouvoir pas accomplir ma pro messe. J'avais montré que j'étais né d'une Vierge, mais j'ai rougi d'une pareille naissance. J'avais assuré que le Créateur du monde était mon Père, mais un meilleur Père m'a adopté. Je vous avais défendu de prêter l'oreille aux hérétiques, mais j'étais moi-même dans l'er

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Voilà les absurdités que sont forcés de dévorer ceux qui s'écartent de la règle, et qui ne sont point en garde contre le danger de perdre la foi.

Nous venons de donner des armes pour combattre généralement toutes les hérésies. Nous leur avons opposé des prescriptions cer

taines, fondées, invincibles, qui les empêche ront à jamais d'être reçues à disputer sur les Écritures. Dans la suite, si Dieu nous en fait la grâce, nous répondrons à quelques hérésies er particulier. Que la paix et la grâce de NotreSeigneur Jésus-Christ soient avec ceux qu liront ceci dans la foi de la véritable religion

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TRAITÉ DU BAPTÊME.

1. Heureux sacrement que celui de notre baptême! quel effet ne produit-il pas ? il efface la tache de nos péchés passés, il nous rend enfans de Dieu, et nous ouvre l'entrée à la vie éternelle. Un traité sur cette matière ne sera pas sans doute inutile, soit pour instruire nos catéchumènes, soit pour convaincre ces fidèles indolens qui, se contentant simplement de croire, sans se mettre en peine de considérer ce que l'Écriture et la tradition nous enseignent, négligent par cette ignorance affectée d'apprendre les fondemens sur quoi la foi qu'ils professent est appuyée. Il est arrivé depuis peu qu'une femme, ou plutôt une vipère des plus venimeuses de la secte hérétique des caïniens, a séduit par sa mauvaise doctrine un assez grand nombre de personnes. Elle attaque surtout le baptême, en quoi elle agit selon son naturel et son caractère. Vipères, aspics et autres semblables serpens fuient ordinairement l'eau, et ne cherchent que les lieux secs et arides. Pour nous qui sommes comme des poissons conduits par Jésus-Christ notre chef, nous naissons dans l'eau, et nous ne pouvons autrement conserver notre vie qu'en demeurant dans cette eau. Mais Quintille, ce serpent horriblement monstrueux, qui n'avait pas même le droit d'enseigner, a su trouver un moyen infaillible de faire périr ces poissons, en les mettant hors de l'eau.

II. Voyez, je vous prie, quelle est l'adresse des esprits pervers, et combien elle est puissante pour ébranler la foi ou pour empêcher de la recevoir dans toute sa plénitude! Ils sapent cette vertu par ses fondemens, en tâchant de

détruire ce qui en fait comme le caractère essentiel. Rien ne leur paraît plus étrange ni plus incroyable, que de voir d'une part la matière très simple dont Dieu veut se servir dans ses ouvrages divins, et de l'autre les magnifiques effets qu'il y attache. Tel est notre baptême; tout y paraît simple, nul appareil, nulle pompe, nulle magnificence. Ainsi parce qu'un homme est simplement plongé dans l'eau et lavé dans le temps qu'on prononce quelque peu de paroles, on veut d'autant moins se persuader que cet homme puisse par ce moyen obtenir la vie éternelle, qu'il ne paraît sortir de ce bain ni plus pur ni plus net. Parmi les idolâtres au contraire, il paraît peut-être quelque chose de mieux concerté: appareil, pompe, dépense, voilà ce qui frappe et qui inspire du respect et de la vénération pour leurs mystères et pour les fêtes de leurs idoles. Malheureuse incrédulité, qui refuse de reconnaître en Dieu ses propriétés principales, savoir, la simplicité et la puissance! Quoi, répondra quelqu'un, n'est-il pas étrange qu'avec un peu d'eau la mort puisse être détruite? Et c'est pour cela même qu'il faut d'autant plus le croire que l'effet est plus merveilleux; car quels doivent être les ouvrages de Dieu, que des ouvrages au-dessus de toute conception? Pour nous, nous les admirons; mais c'est parce que nous croyons. Les esprits forts les admirent aussi, mais sans croire. Ils regardent les choses simples comme des choses inutiles, et les magnifiques comme impossibles. Si vous êtes dans cette fausse opinion, l'oracle divin suffit pour yous détromper.

Dieu a choisi des hommes simples selon le monde, pour confondre la sagesse du monde1: » el ce qui est très difficile aux hommes est très facile à Dieu *. » En effet, si Dieu est très-sage et très-puissant, comme tout le monde en convient, il doit avoir employé pour la matière de ses ouvrages ce qui nous semble opposé à la sagesse et à la puissance, c'est-à-dire ce qui nous parait folie ou impossibilité. Jamais les choses ne paraissent avec plus d'éclat que quand elles sont opposées à leurs contraires.

III. Quelque impression que doive faire sur nous ce divin oracle, qui doit être pour nous un principe invincible, examinons cependant plus au long s'il est ridicule ou impossible que l'homme soit régénéré de l'eau. Pour être moins surpris que cette matière ait pu être élevée à une si haute dignité, il est bon de considérer cet élément jusque dans son origine. Elle est noble cette origine, elle est illustre dès le commencement du monde; car l'eau est un de ces élémens, lequel avant que l'univers eût reçu toute sa perfection demeurait comme caché dans la puissance de Dieu. « Aucommencement, dit l'Ecriture sainte, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était invisible et sans ornement; les ténèbres étaient sur l'abime, et l'esprit de Dieu était porté sur les eaux 3.» Voilà d'abord, ô bommes! de quoi révérer la substance de l'eau par l'ancienneté de son usage, et de quoi respecter ensuite sa dignité; elle était le siége de l'esprit divin et plus privilégiée alors que les autres élémens. Tout n'était qu'un chaos affreux; les étoiles ne rendaient point encore de lumière; tout était informe; la mer était lugubre, la terre sans ornement, les cieux sans beauté. L'eau, la seule eau toujours matière parfaite, toujours excellente, toujours pure, scrvait de trône à l'esprit de Dieu. Ajoutez que quand Dieu fit ensuite l'arrangement des différentes parties de l'univers, il le fit par le moyen des eaux; car pour suspendre au milieu du monde le firmament, il sépara les eaux d'avec les eaux. Pour suspendre la terre, il fit une semblable séparation. Le monde étant eafin arrangé dans toutes ses parties par la disposition de ses divers élémens, comme il devait être habité, ce fut aux eaux en premier lieu

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qu'il commanda de produire des âmes vivantes1. C'est donc l'eau qui la première produisit ce qui a vie, afin qu'on ne soit pas surpris que dans le baptême l'eau puisse donner la vie éternelle à notre âme. Dans la formation même de l'homme, Dieu employa l'eau pour achever ce sublime ouvrage. La terre est à la vérité la matière dont l'homme fut fait; mais cette terre n'eût pas été assez disposée pour cet ouvrage, si elle n'avait été humide et détrempée. C'est le limon qui, ayant été tempéré de l'humide et du sec dès le quatrième jour de la création du monde, fut employé par le Créateur pour former l'homme.

S'il était nécessaire de descendre dans un plus long détail des principales prérogatives de l'eau, que ne pourrais-je pas dire de sa vertu et de sa fécondité? Quels bienfaits, quelle fertilité, quels secours le monde n'en reçoit-il pas? Mais je craindrais qu'on ne m'accusat de faire plutôt un panégyrique de l'eau que d'expliquer la matière du baptême. Cependant par là je montrerais plus sensiblement que si Dieu fait servir l'eau à tant de choses et à tant d'ouvrages, il n'est pas hors de vraisemblance qu'il l'ait aussi employée dans les sacremens pour nous procurer une vie surnaturelle qui durera éternellement dans les cieux.

IV. Il suffit d'avoir rapporté ce que nous venons de dire pour y découvrir comme une espèce de préjugé en faveur du baptême, et un signe qui en était la figure dès le commencement du monde. L'esprit de Dieu, qui était porté sur les eaux, nous indiquait alors qu'il procurerait une régénération spirituelle aux baptisés; car ce qui est saint ne pouvait être porté que sur une chose sainte; ou bien ce qui portait empruntait la sanctification de ce qui était porté. Et comme toute matière inférieure participe aux qualités de celle qui est dessus, de même la substance corporelle participe à la vertu de la substance spirituelle, d'autant plus que celle-ci peut aisément, à cause de sa subtilité, pénétrer et animer celle-là. Ainsi la nature des eaux, sanctifiée par l'Esprit saint, a reçu le pouvoir de sanctifier l'homme dans le sacrement.

Quelqu'un me dira, est-ce que nous sommes aujourd'hui baptisés dans ces mêmes eaux qui

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furent au commencement du monde? Je réponds: elles ne sont pas à la vérité entièrement les mêmes, elles y ont néanmoins le même rapport que plusieurs espèces ont à un seul genre; or les attributs du genre conviennent aux espèces. Aussi est-il égal d'ètre baptisé dans la mer ou dans un étang; dans un fleuve ou dans une fontaine; dans un lac ou dans un bassin. Il n'y a sur ce point nulle différence entre ceux que Jean a baptisés dans le Jourdain et ceux que Pierre a baptisés dans le Tibre. L'eunuque que le diacre Philippe baptisa de l'eau qui se rencontra par hasard en chemin1 n'en acquit ni plus ni moins de grâce. Toute sorte d'eau a donc, par son ancienne prérogative d'avoir porté le Saint-Esprit, le pouvoir et la disposition à devenir le sacrement de la sanctification, au même temps que Dieu est invoqué pour cet effet; car aussitôt le SaintEsprit descend, et s'arrêtant sur les eaux, les sanctifie par sa présence; les eaux ainsi sanctifiées deviennent, pour ainsi parler, empreintes d'une vertu de sanctifier elles-mêmes. D'ailleurs elles ont un rapport spécial aux desseins de Dieu dans l'action du baptême. Nous sommes souillés par nos péchés comme par autant de honteuses taches: les eaux sont propres à purifier. Mais comme les péchés ne paraissent pas sur la chair, car personne ne porte à l'extérieur la marque de l'idolatrie, de l'adultère, de la fraude, ils impriment leur tache dans l'âme, qui est la principale cause du péché. C'est l'esprit qui commande, et la chair ne fait qu'obéir. Cependant la faute est commune à tous les deux à l'esprit, parce qu'il commande, et à la chair, parce qu'elle obéit. Ainsi les eaux ayant reçu pour ainsi dire une vertu médicinale par la descente de l'esprit du Seigneur, l'âme y est lavée par le moyen du corps, et la chair y est purifiée par le moyen de l'esprit.

V. Les gentils eux-mêmes, tout éloignés qu'ils sont de la connaissance des choses spirituelles, attribuent à leurs idoles un pouvoir également efficace, quoiqu'ils se trompent dans l'usage des eaux vides de toute vertu. Ils ont coutume d'initier par une espèce de baptême leurs néophytes à certains mystères de la déesse Isis, ou du dieu Mithra. Ils honorent

1 Act., 8.

même leurs dieux par des ablutions solennelles qu'ils font de leurs simulacres. De plus, s'agitil de faire des lustrations expiatoires, vous voyez leurs prêtres porter de l'eau de toutes parts bourgades, maisons, temples, villes entières, tout est arrosé. Il est certain encore qu'aux jeux Apollinaires et Eleusiniens, ceux qui les célèbrent se font plonger dans l'eau ; cérémonie qu'ils se croient obligés de pratiquer pour être régénérés et pour obtenir l'impunité de leurs crimes. De même parmi les anciens, si quelqu'un s'était souillé d'un homicide, il nettoyait cette tache par une eau lustrale. Si ces aveugles gentils sont persuadés que l'eau par sa vertu naturelle peut effacer leurs crimes, combien sera-t-il plus vrai de dire qu'elle peut produire le même effet par l'autorité d'un Dieu qui est le créateur des élémens et de toutes leurs propriétés ? S'ils croient que la religion donne à l'eau une vertu salutaire, quelle plus sainte religion que celle qui honore le Dieu vivivant? Le connaître, ce vrai Dieu, c'est en même temps connaître les artifices du démon, toujours prêt à contrefaire les ouvrages de -Dieu. En effet, il a un baptême qu'il fait recevoir aux siens. Mais quel rapport? c'est l'impur qui purifie, c'est l'esclave qui affranchit, c'est le condamné qui absout. N'est-ce pas détruire son propre ouvrage que d'effacer des péchés que lui-même il inspire? Tout ce que je viens d'expliquer n'est que pour convaincre ceux qui, rejetant la lumière de la foi, nient que Dieu puisse faire des choses dont ils attribuent néanmoins le pouvoir au rival de Dieu.

N'est-ce pas aussi une opinion vulgaire, sans recourir même à aucun sacrement, qu'il y a des esprits immondes répandus sur les eaux? comme si c'était pour imiter la manière dont l'esprit divin était porté sur elles au commencement du monde. C'est ce que l'on raconte de tant de sombres fontaines, de ruisseaux affreux, de piscines dans les bains, de cuves dans les maisons, de puits, de citernes, que l'on assure engloutir ou étouffer les hommes, sans doute par la force du malin esprit ; car on appelle suffoqués, lymphatiques, hydrophobes, ceux ou que les eaux ont fait mourir, ou qu'elles ont rendus furieux et hypocondriaques. Pourquoi rapportons-nous ces choses? afin qu'il paraisse moins incroyable que

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