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comme des étrangers. Je ne dois point reconnaître en eux ce qui n'appartient qu'à moi, parce qu'ils n'ont pas le mème Dieu et le même Christ que nous. Par conséquent l'unité du baptême n'est point chez eux, puisque leur baptême n'est pas le même que le nôtre '. Ne l'ayant donc pas tel qu'il faut, c'est comme s'ils n'en avaient aucun; ainsi ils ne peuvent le donner, puisqu'ils ne l'ont point. Mais nous avons déjà traité cette matière fort au long dans le livre que nous avons écrit en grec là-dessus. Nous ne recevons donc qu'une fois le baptême; nos péchés n'y sont lavés qu'une fois, pour nous faire comprendre que nous ne devons point les commettre de nouveau. Le peuple juif se lave tous les jours, parce que tous les jours il contracte quelque souillure. Pour prévenir le besoin d'une semblable purification, il nous a été déclaré qu'il n'y a qu'un seul baptême. Heureuse eau, qui lave une fois, qui est si salutaire aux pécheurs et qui met ceux qu'elle a une fois favés en état de ne plus contracter de nouvelles taches!

XVI. Il est vrai que nous avons un second baptême, qui est le baptème de sang, mais qui est aussi unique. C'est de ce baptême que parlait Jésus-Christ lorsqu'il disait : « J'ai à ètre baptisé d'un baptême 2, » quoiqu'il eût été déjà baptisé; car il était venu par l'eau et le sang3, comme écrit saint Jean, afin qu'il fût lavé par l'eau et glorifié par le sang. C'est pour cela aussi que voulant nous appeler par l'eau et faire des élus par le sang, il fit rejaillir de la plaie de son côté ces deux baptêmes; parce que ceux qui devaient croire en son sang devaient être purifiés par l'eau, et ceux qui seraient purifiés par l'eau devaient aussi boire son sang. C'est enfin ce baptême qui supplée au défaut du baptême d'eau, et qui répare le défaut quand on a eu le malheur de perdre l'effet du baptême.

XVII. Pour finir ce petit traité, il reste à parler de la discipline qu'il faut observer dans l'administration du baptême. Le droit d'administrer ce sacrement appartient d'abord au grand prêtre, qui est l'évêque. Les prêtres et les diacres le peuvent aussi conférer; mais non sans permission de l'évêque, pour respecter

1 Tertullien ne parle que de certains hérétiques.

* Luc, 12. 1. Joan., 5.

l'Église dans son chef et pour y maintenir la paix par cette subordination. Du reste les laïques ont aussi quelquefois le pouvoir d'administrer le baptême. Ainsi, lorsqu'il ne se trouve ni évêque, ni prêtre, ni diacre, nul ne doit recéler le don du Seigneur. Par conséquent le baptême étant un des biens que Dieu distribue aux hommes sans exception, tous peuvent aussi le communiquer. Cependant les laïques doivent toujours se souvenir de la modestie et du respect qu'ils doivent exactement garder envers leurs supérieurs, en qui réside principalement ce pouvoir. Qu'ils prennent donc garde de ne pas s'attribuer un office qui n'appartient qu'à l'évêque. L'émulation est la mère des schismes. Le très-saint apôtre a dit que « tout était permis; mais que tout n'était pas expédient1. Qu'il suffise donc à un laïque d'user de ce pouvoir dans les cas seulement de nécessité, c'est-à-dire lorsqu'il y sera obligé, eu égard aux circonstances du lieu, du temps et de la personne; car alors la conjoncture du péril où se trouve l'un excuse suffisamment l'office secourable de l'autre. On se rendrait autrement coupable de la perte d'une àme si on refusait de lui accorder ce qu'on a pu lui donner,

Au reste, l'insolence de certaines femmes qui ont usurpé le droit d'enseigner les portera-telle à s'arroger encore celui de baptiser? J'ai de la peine à le croire, à moins qu'il ne paraisse quelque nouveau monstre aussi hardi que le premier. Que si quelques-unes de ces femmes téméraires, qui lisent sans aucun discernement les écrits de saint Paul, osent justifier leur prétention par l'exemple de Thècle, à laquelle, dit-on, cet apôtre donna le pouvoir d'enseiguer et de baptiser, qu'elles sachent que le livre duquel elles s'autorisent n'est point de saint Paul, mais d'un prêtre d'Asie, qui le composa sous le nom de saint Paul, quoique tissu de ses propres rêveries. Ce prêtre, ayant été ensuite convaincu par sa confession mème qu'il avait composé cet ouvrage, fut chassé et déposé. En effet, y a-t-il la moindre apparence que saint Paul accorde aux femmes le pouvoir d'enseigner et de baptiser, lui qui leur donne à peine la permission de se faire instruire publiquement? «Que les femines se taisent, dit-il;

11. Cor., 6.

et si elles ont quelque difficulté, qu'elles consultent en particulier leurs maris 1. »

XVIII. Du reste ceux qui sont obligés par office d'administrer le baptême n'ignorent pas qu'il ne faut point le conférer sans de grandes précautions. Ces paroles, «donnez à quiconque vous demande 2,» ont leur restriction, comme le devoir de faire l'aumône. Ou plutôt il faut se souvenir de ces autres paroles : «Ne donnez point aux chiens ce qui est saint, et ne jetez point vos perles devant les pourceaux 3, » Et ailleurs : « N'imposez pas facilement les mains, de peur que vous ne vous chargiez de la faute d'autrui,» Philippe, dites-vous, conféra d'abord le baptême à l'eunuque; mais faisons réflexion qu'il intervint en cela un ordre exprès et manifeste du Seigneur; car l'esprit saint avait commandé à Philippe de prendre un certain chemin ; et l'eunuque lui-même, pour ne pas perdre le temps, était occupé de la lecture sainte des prophètes, sans penser alors à demander le baptême. Il pensait seulement à aller faire sa prière dans le temple de Jérusalem, et en chemin faisant il lisait les saintes Ecritures. C'est dans des dispositions si religieuses que le diacre Philippe devait trouver celui vers lequel Dieu l'avait envoyé. Il reçoit ordre de se joindre au char du ministre de la reine de Candace; il trouve en lui un commencement de foi, au moyen de la lecture des livres divins, L'eunuque se rend aux instructions du nouvel apôtre; le Seigneur se découvre à lui; sa foi se ranime et ne peut souffrir de retardement ; l'eau se trouve à propos. Dès que le baptême est fait, l'envoyé de Dieu pour baptiser est aussitôt enlevé miraculeusement. Paul fut aussi baptisé sans délais, j'en conviens; mais Jude son hôte avait appris d'abord que Paul était destiné pour être un vaisseau d'élection. La bonté spéciale de Dieu se fait distinguer par certains priviléges. Au reste, eu égard à l'état, à la disposition et à l'âge, il est plus expédient de différer le baptême que de le donner d'abord, surtout aux petits enfans; car pourquoi, s'il n'y a pas de nécessité pressante, exposer les parrains à un très-grand péril? Ceux-ci peuvent mourir, par conséquent ils ne peuvent acquitter leurs pro

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messes; s'ils vivent, le mauvais naturel des enfans peut tromper leurs espérances.

Il est vrai que Notre-Seigneur a dit au sujet des enfans; «Ne les empêchez pas de venir à moi,» Qu'ils viennent done lorsqu'ils seront plus avancés en âge; qu'ils viennent lorsqu'ils seront en état d'être instruits, afin qu'ils connaissent leurs engagemens. Qu'ils commencent par savoir Jésus-Christ, avant que de devenir chrétiens. Pourquoi tant presser de recourir à la rémission des péchés un âge encore innocent? Les hommes du siècle en usent avec plus de précaution; ils n'osent confier l'administration des biens terrestres à des enfans auxquels cependant on se hâte de distribuer les biens du ciel. Que les enfans apprennent donc à demander le salut, afin qu'il paraisse qu'on n'accorde qu'à ceux qui demandent, Il n'y a pas moins de raison de différer les adultes qui ne sont point encore mariés, parce que dans cette situation ils sont trop exposés à des tentations violentes; les garçons et les filles, à cause de la maturité de leur âge, et les veuves, à cause de leur dissipation au dehors. Qu'ils attendent donc les uns et les autres jusqu'à ce qu'ils soient mariés, ou qu'ils soient bien affermis dans la continence. Si l'on comprend bien les obligations importantes que l'on contracte par le baptême, on craindra plus de le recevoir que de le différer. La foi parfaite n'a rien à craindre pour le salut.

XIX. Le jour solennel du baptême est le jour de Pâques, lorsque le temps de la passion de Notre-Seigneur, dans laquelle nous sommes baptisés, est accompli. On peut même regarder comme une figure du baptême l'ordre que Jésus-Christ donna à ses disciples pour la préparation de la pâque, « Vous trouverez, leur dit-il, un homme portant une cruche d'eau 2. » Il leur indiqua l'eau, pour marque du lieu où ils devaient célébrer la pâque. Un autre jour solennel du baptême est la Pentecôte, lorsqu'il s'est passé un assez long intervalle de temps pour disposer et instruire ceux qui doivent être baptisés. C'est durant cet intervalle que Jésus manifesta souvent sa résurrection à ses disciples, qu'il leur promit le Saint-Esprit, et qu'il les assura de revenir une seconde fois, lorsque

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étant remonté aux cieux les anges dirent aux apôtres : « Vous le verrez revenir comme vous l'avez vu remonter dans le ciel 1. » On ne peut douter que cette promesse n'ait été accomplie le jour de la Pentecôte. D'ailleurs, quand le prophète Jérémie dit : « Je les rassemblerai des extrémités de la terre 2 » au jour de la fète, il parle sans doute de la pâque et de la Pentecôte, l'une et l'autre étant spécialement la grande fète. Du reste, tout jour est le jour du Seigneur; tout temps, toute heure est propre à conférer le baptême. Quelque égard qu'il faille avoir à la solennité, peu importe pour la grâce du

sacrement.

XX. Ceux qui aspirent au baptême doivent s'y disposer par de fréquentes prières, par des jeûnes, par des génuflexions, par des veilles et par la confession de tous leurs péchés passés, afin qu'ils représentent aussi le baptême de Jean-Baptiste. «En confessant leurs péchés, dit l'Écriture, ils recevaient de lui le baptême 3. » Pour nous, nous avons un très-grand avantage de ne pas confesser publiquement comme eux nos iniquités et nos désordres. Par la mortification de l'esprit et du corps, nous satisfaisons pour nos fautes passées, et en même temps nous nous prémunissons contre les tentations à venir. << Veillez et priez, dit le Seigneur, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation.»> La cause, si je ne me trompe, pourquoi les apôtres y tombèrent, c'est parce qu'ils se laissèrent aller au sommeil; d'où il arriva qu'ils abandonnèrent leur maître dès qu'ils le virent arrêté par ses ennemis. Celui-là même qui eut d'abord le courage de le suivre et de mettre l'épée à la main pour le secourir eut ensuite la faiblesse de le renier. Il avait été dit auparavant que nul ne peut acquérir le royaume des cieux, s'il n'a été éprouvé par la tentation 5.

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Le Seigneur lui-même voulut bien après son baptême être tenté en différentes manières, au bout de son jeûne de quarante jours 1.

Si cela est, dira quelqu'un, nous devons aussi jeûner après le baptême plutôt qu'auparavant. Et qui est-ce qui le défend, si ce n'est l'obligation où se trouvent les nouveaux baptisés de passer le temps pascal au milieu de la joie spirituelle et des solennelles actions de grâces dues à Dieu, qui les a fait heureusement entrer dans la voie du salut? D'ailleurs le Seigneur, ce semble, nous reproche notre intempérance dans la personne des Israélites. Ce peuple, après avoir miraculeusement traversé la mer, après avoir été conduit dans le désert et y avoir été nourri durant quarante ans d'une viande céleste, pensait plutôt à sa bouche qu'il ne se souvenait de Dieu 2. De plus, Jésus-Christ s'étant retiré dans le désert après son baptême, après y avoir accompli son jeûne de quarante jours, nous fait assez clairement entendre que l'homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais de la parole de Dieu; et que l'abstinence est un moyen assuré de rendre inutiles les tentations de la gourmandise et de l'intempérance.

C'est pourquoi, heureux néophytes que la grâce de Dieu a appelés et attendus avec tant de bonté, dès que vous commencez à sortir de ce ce bain sacré où vous recevez une nouvelle régénération, et à être unis avec vos frères dans le sein de l'Église votre mère, demandez au Père céleste, demandez au Seigneur des biens sacrés, des grâces surnaturelles, des dons du Saint-Esprit. «Demandez, dit Jésus-Christ, et vous recevrez1. »Vous avez cherché jusqu'à cette heure, et vous avez trouvé; vous avez heurté, et l'on vous a ouvert. La grâce que je vous demande à mon tour, c'est que dans vos prières vous vous souveniez de Tertullien le pécheur.

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TRAITÉ DE L'ORNEMENT DES FEMMES.

I. Illustres servantes du Dieu vivant, et mes

de la véritable pudeur est malheureusement

très-chères sœurs en Jésus-Christ, souffrez | inconnu. Je dis que ces infidèles ne savent ce

qu'en qualité de votre confrère, quelque indigne que je sois de ce glorieux titre, je vous adresse cette courte instruction, non par un sentiment de vanité, mais par le seul motif de la charité qui m'intéresse à l'affaire de votre salut. Or cette affaire, à quoi nous devons tous également travailler, consiste principalement à donner des preuves irréprochables d'une pureté entière. Comme nous sommes tous le temple de Dieu par la consécration que le Saint-Esprit en a faite dans notre baptême, il faut que la pureté soit, pour ainsi parler, le portier et le gardien de ce temple, afin qu'elle n'y laisse entrer rien d'immonde, rien de profane; de crainte que le Seigneur, qui l'habite, voyant sa demeure souillée, ne vienne à l'abandonner avec indignation. Mon dessein néanmoins n'est pas aujourd'hui de vous faire voir la nécessité de la pureté, les préceptes divins sont assez for mels là-dessus. Je me contente de vous expliquer un des devoirs importans qui regardent cette vertu, c'est-à-dire la manière dont vous devez régler votre extérieur; car plusieurs d'entre vous (qu'il me soit permis de vous faire ce reproche, bien que moi-même je sois le plus répréhensible de tous les hommes), plusieurs d'entre vous, dis-je, s'abusant, ou par une ignorance affectée, ou par une dissimulation audacieuse, se comportent au dehors avec aussi peu de retenue que si la pureté consistait dans le seul éloignement des plaisirs charnels. Comme si l'extérieur, je veux dire la parure et les ornemens du corps, était une chose tout à fait indifférente.

Elles conservent ainsi tout le soin qu'elles prenaient autrefois de cultiver leur beauté et leur bonne grâce; en sorte qu'on ne saurait remarquer presque nulle différence entre elles et les femmes païennes, auxquelles le caractère

que c'est que la véritable pudeur, parce que dès qu'on ignore Dieu, maître et dépositaire de toute vérité, on ne peut suivre que les voies de l'erreur et du mensonge. En effet, quand on pourrait croire qu'il y a de la chasteté parmi les païennes, leur vertu est néanmoins si imparfaite et si défectueuse que, quelque chastes qu'elles soient peut-être dans l'àme, il paraît trop de dissolution dans le luxe de leurs habits. Telle est leur vanité : c'est se procurer une partie du plaisir quand on ne peut l'avoir tout entier. Combien en trouverez-vous enfin, parmi celles-là même qui affectent de ne plaire qu'à leurs maris, qui ne prennent un soin particulier d'orner et d'embellir leur corps pour attirer les regards des étrangers, quelque semblant qu'elles fassent de n'avoir en cela aucune mauvaise intention? Disons mieux: il est assez ordinaire à ces chastes païennes de ne pas oser à la vérité commettre le crime, mais d'en avoir néanmoins le désir; ou, si elles n'ont pas actuellement ce désir formel, au moins de ne se faire aucune violence pour le prévenir. Faut-il en être surpris? Tout ce qui ne vient pas de Dieu ne saurait être que dérég1é. Ces personnes, ne pouvant obtenir un bien parfait, gåtent le peu même qu'elles possédent par le mélange du mal qui s'y trouve.

II. Pour vous, mes très-chères sœurs, vous devez vous distinguer d'elles autant dans vos habits que vous vous en distinguez dans tout le reste, parce que vous devez être parfaites comme votre Père céleste est parfait 1. Or cette perfection, je veux dire cette pureté chrétienne, doit non-seulement ne pas vous faire désirer d'être aimées, mais encore vous faire haïr et détester tout ce qui peut allumer quelque

1 Matth., 5.

dangereux amour dans les autres. En premier | sant votre beauté à ses yeux, vous lui faites

lieu, parce que ce désir de plaire par des grâces artificielles ne peut venir que d'un cœur gâté et corrompu. On sait combien ces grâces et ces parures servent d'amorce pour attirer au plaisir défendu. Pourquoi donc travaillez-vous à allumer ces flammes dange reuses? Pourquoi invitez-vous à un plaisir que vous faites profession de regarder comme illicite ? En second lieu, parce que nous ne devons pas frayer le chemin aux tentations, qui deviennent souvent victorieuses à force d'attaques, ou qui du moins troublent furieusement la paix de l'âme. Ah! Seigneur, préservez-nous d'un si funeste écueil. Nous devons paraître avec un extérieur si modeste, si réglé, si chrétien, que notre conscience n'ait aucun reproche à nous faire désirant de persévérer toujours en cet heureux état, mais prenant garde à ne pas trop présumer de nousmêmes; car en présumant de ses propres forces, on appréhende moins, on se précautionne moins, on s'expose plus. La crainte est le fondement du salut; et la présomption ést opposée à la crainte. Il est donc avantageux de nous défier de notre vertu : cette défiance nous fera craindre; la crainte nous rendra plus circonspects, et la circonspection nous mettra en état d'éviter le danger. Au contraire si nous comptons sur nous mêmes, soit en ne craignant point ou en ne considérant pas assez le péril, il nous sera très-difficile de ne pas tomber. Celui qui marche avec trop de sécurité, ne prenant garde à rien, il ne sera jamais bien affermi. Mais celui qui est attentif à tout, qui | appréhende tout, se met en état d'être tranquille et assuré. Plaise au Seigneur que ses serviteurs éprouvent les effets de sa protection, et qu'ils puissent toujours se glorifier en lui des grâces dont il les favorise!

Pourquoi travaillons-nous donc à faire périr nos frères ? Pourquoi par ces embellissemens affectés portons-nous le feu de la convoitise dans leur cœur ? Si la loi nouvelle du Seigneur punit également le désir et l'action déshonnête, pensez-vous que celui qui aura causé la perte des autres demeure sans punition 1 ? Or sachez que vous faites périr votre frère, lorsque, expo

■ Matth., 5.

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naître des désirs impudiques : il a déjà commis en son âme ce qu'il a criminellement désiré, et vous devenez, pour ainsi parler, l'épée dont il se tue. D'ailleurs, quand il n'y aurait de votre part aucune faute positive, vous n'êtes pas pour cela excusables. Ainsi lorsqu'il s'est commis un meurtre dans une maison, quoique le maître du logis n'en soit pas coupable, son inattention ne laisse pas d'être exposée aux rigueurs de la justice, dès là que l'action criminelle s'est passée chez lui.

Ornez-vous donc maintenant, embellissez soigneusement votre corps, afin que vos frères périssent en vous voyant. Mais que deviendra ce divin précepte: «Vous aimerez votre prochain comme vous-même 1 ? » Hélas! si vous avez peu de soin de votre salut, ne ruinez pas du moins le salut des autres. Ne croyez pas que le Saint-Esprit se soit expliqué de la sorte par rapport seulement à certains devoirs de charité en particulier : il a parlé par rapport à toutes les occasions où nous pouvons être utilės au prochain. Puisqu'il est donc vrai que notre bien spirituel et celui des autres est en péril par le soin qu'on prend d'augmenter des attraits déjà trop dangereux par eux-mêmes, soyez persuadées que vous ne devez pas seulement rejeter cet appareil d'ornemens, au moyen desquels la passion commence de s'allumer; mais que vous devez encore laisser diminuer ou effacer l'éclat de votre beauté naturelle, par une espèce de négligence qui ait Dieu pour principe. De cette sorte vous arrêterez les écarts dangereux que les yeux ont accoutumé de faire. Car bien qu'il ne faille pas condamner absolument la beauté, en tant qu'elle est un avantage du corps, un ornement de l'ouvrage de Dieu, et un voile honorable de notre âme, cependant le tort que nous pouvons causer à ceux qui nous voient doit nous faire appréhender les mêmes effets que la beauté de Sára fit craindre autrefois à Abraham 2. Ce père dès croyans fut obligé de cacher sa femme sous le nom de sœur, afin de la délivrer de l'insulte des Egyptiens.

III. D'ailleurs, que la beauté ne soit point à craindre; qu'elle ne soit ni dangereuse pour les

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