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personnes en qui elle est, ni funeste à ceux qui vivent avec nous; qu'elle n'expose à aucune tentation, ou qu'elle ne cause aucun sujet de scandale et de chute: ne suffit-il pas qu'elle n'est point nécessaire aux vierges de JésusChrist? car dès qu'on est chrétiennement chaste, on n'a que faire de beauté temporelle, puisque, à proprement parler, elle n'a pour usage et pour fruit que l'impudicité. Je ne vois pas qu'on en doive juger autrement. Laissons donc le soin de rehausser les grâces qui sont en nous, ou d'acquérir celles que nous n'avons pas. Laissons, dis-je, un semblable soin à ces femmes insensées qui croient travailler pour ellesmèmes en cultivant leur beauté, lorsqu'elles travaillent pour les autres. Quoi ! demandera quelqu'un, quand même on serait chaste, serat-on criminel pour entretenir sa beauté ? N'estil point permis de tirer avantage des ornemens du corps, et de goûter le plaisir d'être bien fait? Je laisse la chose à examiner à celui qui vent tirer son mérite des prérogatives de sa chair. Pour nous, nous devons mépriser ce fol avantage qui est le caractère d'une âme vaine: or la vanité ne convient nullement à ceux qui font profession de l'humanité chrétienne. D'ailleurs si toute gloire est vaine et inutile, combien plus le sera celle qu'on tire d'un faible ornement du corps? Fidèles disciples de JésusChrist, c'est à vous seulement que je parle. S'il est permis de se glorifier de quelque chose, c'est uniquement des biens spirituels; les belles qualités du corps doivent nous toucher peu, parce que nous ne devons penser qu'à embellir notre âme. Nous ne devons nous réjouir que des choses à quoi notre possession demande que nous réussissions. Notre gloire est le mérite de

nos bonnes œuvres.

A la bonne heure, néanmoins qu'un chrétien se glorifie de sa chair; mais d'une chair macé rée par la pénitence et endurcie, pour ainsi parler, à de saintes autorités, afin que la chair ainsi mortifiée fasse triompher l'esprit, bien loin de l'avilir en attirant sur elle les regards et les soupirs de quelque jeune homme insensé. Ainsi convaincues, mes très-chères sœurs, que la beauté vous est entièrement inutile, mettezvous peu en peine de ne la pas avoir, ou négligez-la saintement si vous l'avez. Une femme chrétienne peut naturellement être bien faite;

mais sa beauté ne doit pas être un sujet de scandale. Si cela arrivait, elle devrait nonseulement ne pas rechercher la vue des hommes, mais même éviter avec soin de se faire connaître à eux.

IV. Voulez-vous que je vous parle moins chrétiennement, et que je vous donne les mêmes avis que je me contenterais de donner à des femmes païennes? Soyez persuadées qué vous ne devez tâcher de plaire qu'à vos maris. Or vous leur plairez autant que vous aurez soin de déplaire aux autres. Ne craiguez rien, une femme ne paraît point laide à son époux. Elle lui plut assez, lorsque les qualités du corps ou de l'âme la lui firent choisir pour épouse. Ne croyez donc pas qu'en méprisant les parures et les ornemens vous attiriez la haine ou l'indifférence de vos maris: un mari, quel qu'il soit, exige de sa femme une chasteté inviolable plus que toute autre chose. Un chrétien ne doit pas faire attention à la beauté, parce que les avantages qui flattent les gentils doivent nous toucher fort peu. Un infidèle regarde même cette beauté comme une chose suspecte et dangereuse. Pour qui voulez-vous donc embellir votre visage? Le chrétien ne demande pas cela de vous, et l'infidèle s'en défie. Pourquoi tant d'application à rechercher des ornemens qui excitent et le mépris de celui-là et les soupçons de celui-ci ? N'est ce pas perdre votre travail ?

V. Ce que je viens de dire n'est pas pour vous inspirer des manières rustiques et dégoûtantes, ou pour vous conseiller de la malpropreté dans votre personne. Mon dessein est seulement de vous remontrer jusqu'à quel point et suivant quelles lois vous pouvez prendre soin de votre corps, en sorte que la pudeur n'y soit pas intéressée. Il ne faut point aller au-delà de ce qu'exige une modeste bienséance et une honnète propreté. Il faut commencer par plaire au Seigneur. Ce qui l'offense grièvement, c'est l'extravagante attention qu'ont plusieurs femmes à user de cent sortes d'ingrédiens pour rendre leur peau blanche et unie, pour farder leur visage, pour colorer leurs joues avec du vermillon, pour noircir leurs yeux avec de la suie. Sans doute que l'ouvrage de Dieu leur déplaît; elles y trouvent à redire; elles condamnent la sagesse du souverain Créateur de

toutes choses; car c'est véritablement le condamner que de corriger, que de retoucher ce qu'il a fait. Mais qui leur apprend à en user de la sorte? Hélas! c'est l'ennemi de Dieu, c'est le démon qui les instruit! En effet, quel autre pourrait montrer à défigurer le corps, sinon celui dont la malice a su transformer l'esprit de l'homme ? C'est lui, n'en doutons point, c'est lui-même qui est l'inventeur de tous ces coupables artifices, afin que dans nous il puisse en quelque sorte déclarer la guerre à Dieu mème. Ce que nous recevons en naissant est l'œuvre de Dieu par conséquent ce que l'on y ajoute est l'œuvre du démon. Or, employer le secours de Satan pour réformer l'ouvrage de Dieu, quelle audace, quelle témérité! Nos esclaves n'osent rien emprunter de nos ennemis; nos soldats ne demandent rien aux généraux du parti contraire : ils se font un crime de recourir à l'adversaire de celui de qui ils dépendent. Et les chrétiens auront recours à leur plus dangereux ennemi, c'est-à-dire à l'esprit malin! Que dis-je les chrétiens? peuvent-ils être appelés de ce glorieux nom après une telle infidélité? Ils doivent plutôt être nommés les disciples de celui dont ils aiment à suivre la doctrine.

A ces traits, mes chères sœurs, reconnaissez combien il est indigne du nom de chrétien et contraire à la religion que vous professez de prendre un agrément artificiel, pendant qu'on vous ordonne une sainte simplicité en toute votre conduite; de déguiser votre visage, pendant qu'on vous défend de déguiser aucun de vos sentimens ; de désirer ce que la Providence n'a pas voulu vous accorder, pendant qu'on vous commande de ne rien souhaiter du bien d'autrui; de travailler à relever vos attraits, pendant qu'on exige de vous une chasteté parfaite. Dites-moi, je vous prie, comment observerez vous ce qu'il y a de plus difficile dans la loi si vous ne gardez pas même ce qu'il y a de plus doux et de plus léger ?

VI. J'en vois quelques-unes de vous tout occupées à enduire incessamment leurs cheveux pour leur donner une couleur blonde. Elles rougissent presque de leur patrie; elles sont fachées de n'avoir pas pris naissance dans les Gaules ou dans la Germanie. Elles tâchent de se dédommager en transportant à leur cheve

lure ce que la nature a donné à ces nations. Triste présage que cette brillante chevelure! vaine et triste beauté qui se termine enfin en laideur ! En effet, sans parler des autres inconvéniens, n'est-il pas vrai que par l'usage de ces parfums on perd insensiblement les cheveux ? N'est-il pas vrai que le cerveau même est ordinairement affaibli par ces humeurs étrangères qui le gåtent à la fin, et par l'excessive ardeur du soleil, auquel vous prenez plaisir d'enflammer et de sécher votre tête? Peut on aimer des ornemens qui produisent de si funestes effets? Faut-il appeler beau ce qui n'est qu'un composé de choses si peu convenables ?

Une femme chrétienne fait de sa tête une espèce d'autel où elle répand avec profusion des parfums. Car n'est-ce pas une sorte de sacrifice que ce qu'on fait brûler en l'honneur de l'esprit immonde? Au lieu d'employer ces matières aux usages pieux, utiles et nécessaires, à quoi Dieu a destiné chaque créature. D'un autre côté que dit Jésus-Christ? Qui de vous peut faire d'un cheveu blanc un cheveu noir, ou d'un noir en faire un blanc 1? Ce sont les femmes qui osent démentir Dieu. Voyez, disent-elles, comment, d'une chevelure blanche ou noire, nous en faisons une blonde pour avoir meilleure grâce. Il vient néanmoins un temps où elles n'omettent rien pour changer leurs cheveux blancs en noirs, lorsque, parvenues à une fatale vieillesse, elles sont désolées d'avoir trop vécu. Quelle incongruité! On rougit d'un âge où l'on a ardemment désiré de parvenir. On se plaint d'une perte à quoi l'on devait s'attendre longtemps auparavant. On soupire après une jeunesse qui s'est passée dans le crime. On voudrait rappeler les occasions des plaisirs illégitimes. A Dieu ne plaise qu'une telle folie entre jamais dans l'esprit d'une personne chrétienne! Plus on s'efforce de cacher sa vieillesse, plus elle se découvre. Voulez-vous ne vieillir jamais, conservez votre innocence baptismale? C'est cette beauté incorruptible que nous devons avoir soin d'entretenir jusqu'à ce que nous arrivions au ciel, où nous trouverons le prix de notre innocence. Vous travaillez sans doute à vous approcher, et à sortir au plus tôt de ce monde malheureux, vous qui regardez comme

' Matth., 5.

une difformité insupportable de toucher de ressusciteront alors dépouillés de toute parure près votre fin.

VII. Que sert à votre salut ce soin fatigant que vous prenez d'orner votre téte? Quoi, vous ne sauriez laisser vos cheveux en repos! Tantôt vous les frisez, tantôt vous les défrisez; tantôt⠀⠀ vous les rehaussez, tantôt vous les abaissez; aujourd'hui vous les tressez, demain vous les laissez flotter avec une négligence affectée; et quelquefois vous vous chargez d'un tas énorme de cheveux empruntés, que vous accommodez tantôt en forme de bonnet pour y emprisonner votre tête, tantôt en forme de pyramide pour montrer votre cou à découvert. Quelle prodigieuse bizarrerie de vouloir contrarier le commandement exprès du Seigneur! Personne, dit Jésus-Christ, ne peut rien ajouter à sa taille 1. Et vous y voulez ajouter quelque chose, en accumulant sur votre tète des touffes de cheveux chargés d'ornemens, comme le milieu d'un bouclier. Si vous ne rougissez pas du poids de ce fardeau, rougissez du moins de son indignité. Ne mettez pas sur une tète sanc- | tifiée par le baptême les dépouilles de quelque misérable mort dans ses débauches, ou de quelque scélérat condamné à expirer sur l'échafaud. Une tête libre doit baunir la servitude de toutes ces gênantes parures. En vain vous cherchez à paraître magnifiquement ornées; en vain vous employez les gens les plus habiles dans l'art d'accommoder les cheveux: Dieu veut que vous soyez voilées. Pourquoi? sans doute afin qu'on ne voie pas la tête de certaines femmes 2.

Plût à Dieu qu'au grand jour du triomphe des chrétiens il me fût permis, tout misérable que je suis, d'élever ma tète jusqu'à votre fière hauteur, pour apercevoir si vous ressusciterez avec votre fard, avec votre vermillon, avec vos parfums, avec vos superbes chevelures, et si les anges vous présenteront à JésusChrist avec ces parures mondaines et ces embellissemens fastueux ! Il est hors de doute que si Dieu ne désapprouve pas aujourd'hui ce luxe, vous le retrouverez au jour du jugement dernier, et que vos corps brilleront de l'éclat des mèmes ornemens dont vous faites gloire de les parer en ce monde. Mais le corps et l'âme

'Matth., 6.1. Cor., 11.

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étrangère. Ce qui assurément ne ressuscitera pas avec l'àme et avec le corps doit être réprouvé, parce qu'il ne vient point de Dieu. Rejetez donc dès maintenant ce que vous serez alors contraintes d'abhorrer : que le Seigneur vous voie aujourd'hui telles qu'il vous verra en ce dernier jour.

VIII. Il est aisé à un homme, me direz-vous, et surtout à un homme peu complaisant pour le sexe, de condamner dans les femmes ce qui peut les rendre agréables. Mais quoi! est-ce que je ne désapprouve pas aussi dans notre sexe certaines vanités peu conformes à la gravité de la religion? car les hommes n'ont pas moins de passion de plaire aux femmes que les femmes en ont de plaire aux hommes. C'est dans les uns et dans les autres un vice que la nature leur a donné. Ainsi les hommes ont aussi leurs industries pour embellir leur personne par des beautés étudiées. Ils aiment à se faire raser, à arracher les poils de la barbe; à friser, à agencer industrieusement leurs cheveux; à cacher les marques de leur vieillesse et le désagrément de leurs cheveux blancs; à donner à leur corps un air de jeunesse; à se farder mème comme les femmes; à polir délicatement leur peau avec une poudre singulière; à consulter incessamment leur miroir, quelque appréhension qu'ils aient de le trouver trop fidèle: comme si la connaissance du vrai Dieu, qui nous interdit tout désir de plaire, en nous interdisant toute impureté, ne suffisait pas pour nous faire rejeter ces choses comme inutiles et contraires à la pudeur; car où Dieu réside, là se trouve aussi la pudeur avec cette sainte gravité qui l'accompagne. Comment donc ferons-nous triompher la pureté sans ses armes, c'est-à-dire sans la modestie et la gravité? Mais aussi comment ferons-nous servir cette gravité à la pudeur, s'il ne se répand une honnéte sévérité sur notre visage, sur nos habits, et sur toute notre personne?

IX. Ainsi devez-vous, par rapport même à votre habillement et à l'embarras de parures dont vous vous chargez, couper, retrancher, bannir ce luxe immodéré qui vous est superflu; car que servira-t-il qu'on admire sur votre visage les marques d'un chrétien pieux. humble, simple, modeste, conformément aux re

gles de l'Évangile, si vous étalez sur le reste de votre extérieur un faste vain et une mollesse indécente? Il est aisé de comprendre combien ce luxe est contraire à la pureté chrétienne, et fraie le chemin aux plus grands désordres. Comment cela? En prostituant, pour ainsi dire, les grâces de la beauté par la mollesse des habits. Ce qui est si vrai que sans le secours de ce luxe on regarde un visage bien fait comme une beauté peu touchante, désagréable, dépourvue de ses charmes; comme une beauté qui a fait divorce avec les grâces. Au contraire si la beauté naturelle manque, on emploie le blanc et le rouge avec les autres secours de la vanité pour y suppléer. Enfin on voit que les personnes mêmes qui sont parvenues à un âge de tranquillité, et qui sont entrées dans le port de la modestie, sont encore souvent émues par la splendeur et la magnificence des ornemens, et troublées par les désirs violens qu'allume l'éclat des habits, malgré la froideur de leur age.

Rejetez donc, fidèles servantes de JésusChrist, rejetez courageusement ces embellissemens et ces parures, comme vous fuiriez ces hommes infâmes qui font métier de vendre la pureté des vierges. Ou si vous êtes obligées d'avoir égard à votre naissance, à votre qualité, à votre dignité, paraissez avec une magnificence si modeste qu'elle ne fasse aucun tort à la vẻritable sagesse que vous avez aquise par l'Évangile. Du moins prenez garde que le prétexte de la nécessité ne vous fasse point franchir les bornes que la religion vous prescrit. Car comment pourrions-nous pratiquer l'humilité, dont nous faisons profession, si nous ne corrigeons cet usage immoderé des richesses et des ornemens qui ne servent qu'à entretenir la vaine gloire ? Or cette gloire ne nous convient point.

Ne nous est-il pas permis, me direz-vous, de nous servir de ce qui est notre bien? Le voici c'est l'apôtre qui nous avertit d'user de ce monde comme si nous n'en usions pas. «Gar, dit-il, la figure de ce monde passe 1. » Et au même endroit, «que ceux qui font des acquisitions soient comme s'ils ne possédoient rien.» Pourquoi cela ? « parce que le temps est court. Si l'apôtre ordonne aux maris de re

1 Cor., 7. - Ibid.

garder même leurs femmes comme s'ils n'en avoient point, à cause de la brièveté du temps, que faut-il penser de ces vains ornemeus dont nous parlons? C'est par le même motif que plusieurs personnes s'obligent de garder une virginité perpétuelle, et que pour acquérir le royaume des cieux, ils se privent d'un plaisir dont l'usage pourrait leur être permis. Quelques autres s'interdisent l'usage de ce que Dieu lui-même a créé pour la nécessité, en s'abstenant de vin et de viande, quoique cet usage ne puisse causer ni péril ni remords; mais ils sont bien aises d'assujettir et d'immoler leur âme au Seigneur par cette mortification du corps.

Jusqu'ici vous avez assez usé de vos richesses et de vos agrémens: vous avez assez recueilli le fruit de vos qualités naturelles. Il est temps de suivre des maximes plus salutaires. Nous sommes ce peuple chéri que Dieu a fait naître å la fin des siècles. Il nous a destinés de toute éternité pour juger sainement de la valeur du temps, afin que, instruits par ses divines leçons, nous retranchions toutes les superfluités du siècle 1. Nous sommes spirituellement circoncis à l'égard de toutes choses, soit par rapport à l'esprit, soit par rapport au corps; car dans l'un et dans l'autre nous faisons profession de réformer les maximes du monde.

X. Au reste, croyez-vous que ce soit Dieu qui ait enseigné l'art de teindre les laines avec le suc de certaines plantes et avec l'huile de certains poissons? Peut-être oublia-t-il au commencement du monde de faire naître des brebis rouges ou bleues : c'est pour cela apparemment qu'il a découvert ensuite le secret de colorer les étoffes, afin que, se trouvant trop minces et trop légères elles-mêmes, le seul prix en augmentat le poids. C'est appareniment Dieu qui a produit ces ouvrages d'or où brillent tant de pierres précieuses; c'est lui qui a percé le bas de vos oreilles, pour y attacher des perles magnifiques. Il a jugé si nécessaire de tourmenter son propre ouvrage, et de fatiguer des enfans malcontens de leur premier sort, que cicatrices faites sur une chair née pour le travail on vit pendre je ne sais quels grains dont les Parthes, peuples barbares se couvrent

1 Philip., 8.

des

presque entièrement le corps en forme de colliers. Cependant ce même or qui nous enchante est employé par certains peuples à faire des chaines et des menottes, comme nous l'apprenons de leurs historiens. Tant il est vrai qu'on estime ces choses, non parce qu'elles sont bonnes en soi, mais parce qu'elles sont rares.

D'ailleurs, qui en a fait la découverte ? Ce sont les anges rebelles qui ont fait connaître aux hommes ces productions terrestres. Ensuite le travail et l'industrie, joint à leur rareté, les ont rendues beaucoup plus précieuse par la folle passion de satisfaire le luxe des femmes. Néanmoins, selon le témoignage d'Enoch, Dieu a condamné à des ténèbres éternelles les mauvais anges, pour avoir montré ces matières dangereuses, je veux dire l'or, l'argent, avec les ouvrages qu'on en fait, et pour avoir enseigné surtout l'art de colorer le visage et les étoffes dont on s'habille. Comment plairons-nous à Dieu si nous aimons les ouvrages de ceux que sa justice à été obligée de punir éternellement ? Mais supposons que Dieu ait donné toutes ces choses, et qu'il les ait permises 1; supposons que le prophète Isaïe n'ait jamais déclamé contre les robes d'écarlate; qu'il n'ait jamais réprouvé les bagues d'or; qu'il n'ait rien dit contre tant d'autres vains ornemens. Ne devons-nous pas nous distinguer toujours des gentils, et ne pas nous prévaloir de ce-qu'ils ont de précieux ? Souvenons-nous que nous n'avons d'autre mattre que le véritable Dieu qui nous a instruits, et qui est jaloux que ses divins enseignemens ne soient point violés. Persuadons-nous, comme il est prudent et plus sûr de le faire, que dès le commencement du monde ce divin ouvrier pourvut sagement à tout, et qu'il disposa tellement les métaux et les minéraux qu'ils servissent d'épreuve à la vertu de ses fidèles disciples, afin que la liberté qu'ils auroient d'en user augmentat leur mérite par le soin de s'en priver. Ne voit-on pas quelquefois qu'un sage père de famille expose à dessein certains meubles pour éprouver la fidélité de ses domestiques? Heureux s'ils donnent des marques de leur probité et de leur modération! Mais combien plus louable est le serviteur qui s'abstient entièrement de ce qui lui est offert, et

Is., 3.

qui craint même la trop grande indulgence du maître? Tel est le sentiment de l'apôtre : «<Tout m'est permis, dit-il, mais tout n'édifie pas 1. » Combien appréhendera-t-on d'user des choses qui sont défendues, quand on se sera accoutumé à craindre celles qui sont permises?

XI. Mais enfin quelle raison avez-vous de paraître si pompeusement ornées, puisque vous êtes séparées de ces autres femmes qui n'ont besoin de cet attirail que pour des motifs qui ne vous touchent point? Vous ne visitez pas les temples des gentils; vous n'assistez pas à leurs spectacles; vous ne célébrez pas les fêtes des dieux. Cependant voilà les sujets ordinaires pourquoi l'on étale cette prodigieuse pompe d'habits: c'est pour se trouver aux assemblées; c'est pour voir et pour être vues; c'est pour faire parade d'une vaine gloire; c'est pour exposer en vente la pudicité. Mais pour vous, fidèles servantes du Seigneur, vous n'avez que des motifs salutaires pour sortir de chez vous; il s'agit alors ou de visiter les malades, ou d'assister au saint sacrifice, ou d'entendre la parole de Dieu. Or toutes ces choses sont des exercices de retenue et de modestie. Il n'y faut ni habits extraordinaires, ni robes magnifiques ou trainantes. Que si la bienséance, l'amitié ou le devoir vous obligent de rendre visite aux dames païennes, pourquoi ne paraissezvous pas munies de vos armes, d'autant plus que vous voulez suivre les chemins de la foi ? Par là vous montrerez la différence essentielle entre les servantes de Dieu et les servantes du diable. Vous leur servirez d'exemple; vous les édifierez. Enfin, comme parle l'apôtre, Dieu sera «glorifié en votre corps*: « car s'il est glorifié par la pureté, il l'est aussi par des habits et des manières honnêtes.

Je sais ce qu'objectent quelques-unes de vous. Nous appréhendons, disent-elles, que le nom de Dieu ne soit blasphémé, si l'on nous voit renoncer à nos anciennes parures. Par cette règle, il faut que nous ne renoncions point aussi à nos anciens vices. Il faut que nous gardions jes mêmes mœurs, puisque nous voulons garder les mêmes dehors: et alors les nations ne blasphèmeront point le nom de Dieu. Voilà certes un grand blasphème, quand on dira de

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