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quelqu'une de vous: cette femme paraît plus | Pourquoi mes habits ne rendent-ils pas témoi

modeste depuis qu'elle est devenue chrétienne! Quoi ! devez-vous craindre de passer pour plus pauvres depuis que vous êtes devenues plus riches, ou de paraître plus négligées depuis que vous êtes devenues plus estimables? Un chrétien doit-il suivre les maximes des gentils, ou les maximes de Dieu ?

XII. Ah! plutôt craignons que nous ne donnions de l'autre côté un plus juste sujet de blasphème; car quoi de plus scandaleux que de voir des femmes chrétiennes, qui portent le titre de sacrées gardiennes de la pureté, paraître ornées et embellies comme des courtisanes? Quelle différence alors se trouve-t-il entre vous et ces malheureuses victimes de l'impureté ? La sévérité des lois les sépara autrefois des matrones, et leur défendait les ornemens des personnes de qualité; on voit aujourd'hui la licence du siècle, qui devient tous les jours plus insolente, égaler ces misérables aux plus illustres dames, sans pouvoir distinguer les unes d'avec les autres. Aussi l'Écriture sainte nous donne à entendre que les parures et le fard du visage marquent la prostitution du corps. Le Seigneur ayant appelé du nom de prostituée cette superbe cité, située sur sept collines,sur une grande étendue d'eaux, quel habit lui a-t-il donné conforme à ce nom? «Elle est vêtue de pourpre et d'écarlate, toute brillante d'or et de pierreries 1. >> Ornemens maudits, sans quoi elle ne serait pas représentée comme une prostituée et une abominable 2. Judas ayant aperçu Thamar assise sur le grand chemin avec un ornement et une parure extraordinaire, s'imagina d'abord, malgré le voile sous lequel elle cachait son visage, qu'elle était là pour exercer un trafic peu honnète à la qualité de l'habit il reconnut à quel exercice elle était disposée à s'occuper. L'expérience lui apprit bientôt qu'il ne se trompait pas. Ce qui nous montre que nous devons travailler avec un soin particulier à ne donner dans notre extérieur aucune mauvaise opinion de notre vertu. Car que sert l'intégrité de l'âme si elle est violée et corrompue par les soupçons d'autrui? Pourquoi donné-je sujet aux autres de désirer criminellement ce que je déteste en moi-même ?

1 Apoc., 17. 2 Gen., 18.

gnage de mes mœurs, afin d'ôter à l'impudenc tout prétexte de souiller une âme. Il est permi de paraître chaste, et il est défendu de paraîtr impudique.

XIII. Quelqu'une de vous me dira peut-être peu m'importe d'avoir l'approbation des hom mes, leur témoignage m'inquiète peu ; Diet seul est l'inspecteur de mon cœur ; lui seul doi être mon juge. Supposons que cela soit; mais souvenons-nous en même temps de ce que dit l'apôtre «Que votre retenue paraisse aux yeux de tous les hommes 1. » Pourquoi ? N'est-ce pas afin que la malignité ne trouve rien à redire dans notre conduite, et que notre bon exemple serve comme de reproche eux méchans ? Quel est encore le sens de ces paroles : « Que vos actions luisent devant les hommes 2? » Pourquoi Jesus-Christ nous appelle-t-il la lumière du monde ? pourquoi nous compare-t-il à une cité bâtie sur une montagne ? si ce n'est afin que nous éclairions les hommes de ténèbres, et que nous nous élevions au-dessus des gens plongés dans le vice. En effet, si vous cachez la lumière sous le boisseau, on sera en droit de vous accuser d'une coupable négligence, puisque vous étouffez cette lumière.

Ce qui nous fait devenir les flambeaux du monde, ce sont nos bonnes œuvres. Or ces œuvres, quand elles sont pleines et véritables, n'aiment point les ténèbres elles veulent se montrer, et il convient qu'on les connaisse et qu'on les voie. Ce n'est donc pas assez pour un chrétien d'être chaste: il faut encore le paraitre. Cette pureté doit être si abondante, pour m'exprimer de la sorte, que du cœur elle se répande sur les habits, et que de l'intérieur elle rejaillisse sur la personne. Elle défendra ainsi l'intérieur de la place par des fortifications du dehors, et conservera plus sûrement la fidélité qu'elle doit à Dieu; car enfin il faut absolument renoncer à cette molle délicatesse, dont la douceur ne peut qu'énerver la vertu la plus généreuse.

Je ne sais, au reste, si des mains accoutumées aux bracelets pourront soutenir la pesanteur des chaînes. Je doute si des jambes tant de fois

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ornées de bandelettes de soie pourront sup-, adorer l'ouvrage de leurs propres mains. D'ailporter la douleur des entraves. Je crains qu'une tèle couverte d'émeraudes et de diamans ne plie lâchement sous le glaive dont nous sommes menacés à toute heure. C'est pourquoi, fidèles servantes de Jesus-Christ, accoutumons-nous aux choses les plus pénibles, et nous ne les sentirons pas dans l'occasion. Renonçons aux plaisirs et aux agrémens, et nous ne les regretterons pas un jour. Tenons-nous continuellement prêts à souffrir les plus rudes coups; n'ayons rien que nous ayons de la peine à quitter. Tous les biens de ce monde sont autant de liens qui arrêtent l'essor de notre espérance. Rejetons tous ces ornemens de la terre si nous Toulons briller dans le ciel.

Gardez-vous d'aimer cet or funeste où sont gravés, pour ainsi dire, les premiers crimes du peuple d'Israel 1. Vous devez haïr ce qui perdit les Juifs en leur faisant abandonner Dieu pour

leurs le temps des chrétiens est toujours, et principalement aujourd'hui, un siècle de fer, et non un siècle d'or. On nous prépare les étoles du martyre : les anges semblent déjà nous les présenter. Paraissez donc, à la bonne heure, parées des ornemens et des gràces des apôtres. Que la simplicité et la pudeur fassent seules vos agrémens. Peignez vos yeux d'une humble modestie qui parte d'un intérieur bien réglé. Attachez la parole de Dieu à vos oreilles, et le joug de Jésus-Christ à votre cou. Soumettezvous à vos maris, et vous voilà assez parées. Occupez vos mains à filer, et retenez vos pieds dans l'enceinte de vos maisons : vous les rendrez ainsi plus ornés que s'ils étaient couverts d'or. Choisissez pour vos plus riches atours la joie de la sagesse, la sainteté, la pureté. Ornées et embellies de la sorte, vous aurez Dieu pour votre fidèle et éternel amant.

TRAITÉ CONTRE LES SPECTACLES.

I. Fidèles serviteurs de Jésus-Christ, vous, catéchumènes, qui désirez d'être bientôt unis à lui par le baptême, et vous, chrétiens, qui l'avez déjà confessé en participant à ses mystères, apprenez par les règles de la foi, par les principes de la vérité et par les lois de la discipline, l'obligation où vous êtes de renoncer au plaisir des spectacles, de mème qu'aux folies du siècle. Instruisez-vous, afin que vous ne péchiez point, les uns par ignorance, les autres par dissimulation; car la force du plaisir est si grande, qu'elle entraine dans l'occasion les ignorans, et porte les autres à trahir leur propre conscience: double malheur qui n'arrive que trop souvent. En effet, il se trouve des gens qui, séduits agréablement par les fausses maximes des païens, raisonnent ainsi : il n'y a, disent-ils, rien d'opposé à la religion dans ce plaisir que l'on donne aux yeux et aux

'Exod., 32.

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Il y en a qui pensent qu'un chrétien, c'est-àdire un homme qui doit se tenir toujours prêt à mourir, ne se prive des plaisirs que par poltronnerie. Comment cela? le voici, dit-on. Comme les chrétiens sont un peuple lâche et timide, ils cherchent à se fortifier contre les attaques de la mort. Afin de pouvoir plus aisément mépriser la vie, ils rompent insensiblement les liens qui nous y attachent le plus; ils trouvent par conséquent moins d'embarras à la fin de leurs jours, et moins de peine à abandonner une chose qu'ils se sont déjà rendue

comme inutile; ils meurent ainsi avec moins de regret. De là cette constance stoïque qu'ils font paraître dans les tourmens, et qui est plutôt l'effet d'une prévoyance humaine qu'une véritable soumission aux ordres du ciel. On a vụ en effet que ceux d'entre les chrétiens qui se sont longtemps attachés à ces divertissemens ont témoigné une peine extrême à mourir pour Jésus-Christ. Supposons que cela soit, du moins une telle précaution n'a pas été inutile, puisqu'elle a produit cette admirable générosité qui les a élevés au-dessus de toutes les frayeurs de la mort.

II. Voici encore le frivole prétexte que font valoir une infinité de gens. Dieu, disent-ils, a créé tout ce qui est dans le monde et en a fait présent aux hommes (nous l'avouons nous-mêmes). Or toutes les créatures sont bonnes, puisque leur auteur est essentiellement bon. Il faut sans doute mettre dans ce rang tout ce qui sert aux spectacles; par exemple, le cirque, le lion, les forces du corps et les agrémens de la voix. Ainsi l'on ne saurait regarder comme une chose contraire à la volonté de Dieu ce qui a été créé par lui-même. Par conséquent les serviteurs de Dieu ne doivent point fuir ce que leur maître ne hait pas. On ne peut donc soutenir que les amphithéâtres soient condamnés par le Seigneur, puisque c'est lui qui a fait les pierres, le ciment, le marbre, les colonnes. Enfin les jeux et les spectacles ne se passent qu'à la vue du ciel, qui est aussi l'ouvrage de Dieu. Ignorance humaine, combien fais-tu valoir tes vaines raisons, surtout lorsqu'il s'agit de la perte de quelque plaisir ! On trouvejen effet mille gens qui s'éloignent de la religion chrétienne plutôt par la crainte d'être privés des divertissemens que par la crainte de perdre la vie; car quelque insensé que l'on soit, on a néanmoins assez de courage pour ne pas craindre la mort, parce qu'on la regarde comme un tribut dû à la nature; mais pour le plaisir, l'attrait est si puissant que les plus sages n'en sont pas moins frappés que les fous, parce que le plaisir fait le plus doux charme de la vie pour les uns et pour les

autres.

Personne ne nie (puisqu'on ne peut ignorer ce que la seule lumière naturelle nous fait connaître), personne, dis-je, ne nie que Dieu ne

soit le créateur de toutes choses. On convien de même que toutes les créatures sont bonne et qu'elles ont été données à l'homme pour so service, Mais quand on ne peut connaître Die que par la lumière naturelle, et non par flambeau de la foi; quand on ne le regard que de loin et non de près, on ne le connaî qu'imparfaitement. Ainsi on ignore le véritable usage qu'il veut que nous fassions des créatures; on ignore encore les desseins de cet implacable et invisible ennemi qui nous sollicite à user des présens de Dieu tout autrement que Dieu ne prétend. La raison de cette ignorance est qu'en ne connaissant Dieu qu'imparfaite ment on ne saurait distinguer sa volonté d'avec l'intention de son adversaire. Il faut donc nonseulement considérer celui qui a fait toutes choses, mais savoir encore comment l'usage en est perverti. Par ce moyen on verra clairement quel est l'ouvrage et quel usage on en doit faire. Il y a une très-grande différence entre ce qui est corrompu et ce qui est pur et sain, parce qu'il y en a une très-grande entre l'auteur et le corrupteur.

Au reste tant de mauvaises choses, que les païens défendent eux-mêmes rigoureusement, ne se font-elles pas par le moyen des créatures que Dieu a produites? Vous voulez commettre un homicide, choisissez ou le fer, ou le poison, ou la magie. Mais le fer n'est-il pas l'ouvrage de Dieu aussi bien que les herbes vénéneuses et les mauvais anges? Croyez-vous cependant que le Créateur ait produit ces créatures pour faire périr les hommes ? ou plutôt n'a-t-il pas pronocé lui-même un arrêt de mort contre l'homicide, quand il a dit : « Vous ne tuerez point?1» De même qu'est-ce qui a produit l'or, l'argent, le cuivre, l'ivoire, le bois et toutes les autres matières dout on se sert pour fabriquer les idoles ? Qui a formé ces métaux, si ce n'est celui qui a créé aussi la terre? Cependant leur a-t-il donné l'ètre afin qu'on les adorat en sa place? Non certainement, puisque l'idolatrie est le plus grand outrage que l'on puisse faire à Dieu. Nous ne prétendons donc pas que ce qui offense Dieu ne vienne point de Dieu; mais l'usage qu'on en fait pour l'offenser n'est plus l'ouvrage de Dieu.

1 Exod., 20.

L'homme lui-même, auteur de toutes sortes de crimes, n'est-il pas l'ouvrage et de plus Timage de Dieu ? Cependant il a abusé de son ime et de son corps pour se révolter contre son Créateur. Il est certain que nous n'avons point reçu les yeux pour allumer en nous les feux de la concupiscence, ni les oreilles pour écouter de mauvais discours, ni la langue pour la médisance, ni la bouche pour la gourmandise, ni l'estomac pour la débauche, ni les mains pour dérober, ui les pieds pour courir au crime, De mème notre âme n'a point été unie au corps pour être l'arsenal des fraudes et des injustices. Donc, s'il est vrai que Dieu, étant infiniment bon, déteste le mauvais usage qu'on fait de ses créatures, il s'ensuit évidemment qu'il n'a point créé pour de mauvaises fins ce qu'il condamne lui-même, puisque les choses dont on se sert pour faire le mal ne sont mauvaises que par le mauvais usage qu'on en fait. Nous done qui en connaissant Dieu connaissons aussi son rival, et qui avons appris à distinguer le créateur d'avec le corrupteur de la créature, nous ne devons être nullement surpris du changement qu'a fait le démon dans le genre humain; sachant que ce mauvais ange a eu le pouvoir de faire tomber d'abord de l'état d'innocence l'homme créé à l'image de Dieu, nous ne devons point douter qu'il n'ait perverti et l'homme lui-même, et ce que l'homme a reçu de son Créateur. Il a été indigné que le domaine sur les créatures ait été donné à l'homme, c'est pourquoi il a tâché d'envahir ce domaine et de s'en servir pour rendre l'homme coupable,

III. Instruits, comme nous devons l'ètre, de ces vérités, contre l'aveuglement et les fausses opinions des païens, consultons maintenant les oracles de notre religion; car il se trouve quelquefois des fidèles, ou trop simples ou trop difficultueux, qui veulent être convaincus par l'autorité des Écritures pour se résoudre à renoncer aux spectacles, ou qui doutent s'ils doivent absolument s'abstenir de ce que Dieu ne leur a pas défendu en termes exprès. Il est vrai

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que nous ne trouvons point formellement cette défense; vous n'irez point au cirque, au théâtre, au stade, à l'amphithéâtre, comme nous trouvons expressément ces paroles : « Vous ne tuerez point, vous n'adorerez point d'idole, vous ne déroberez point, vous ne commettrez

point d'adultère1.» Mais nous voyons suffisamment cette défense dès le commencement du premier psaume de David. Heureux, dit-il, celui qui n'est point allé aux assemblées des impies, qui ne s'est point arrêté dans la voie des pécheurs, et qui ne s'est point assis sur une chaire empestée 2!» Car bien qu'en cet endroit le prophète semble parler principalement de l'homme juste qui n'a voulu prendre aucune part au conseil des Juifs qui délibéraient de se soulever contre leur divin Maître, on peut néanmoins donner plusieurs significations à l'Écriture sainte, surtout lorsque le sens moral parait conforme à celui que la lettre présente d'abord.

de

Ainsi ces paroles de David peuvent très-bien s'entendre d'une défense spéciale d'assister aux spectacles. En effet, s'il a donné le nom d'assemblée à une petite multitude de Juifs, à combien plus forte raison ne doit-on pas appeler de ce nom ces prodigieuses assemblées de païens? A moins que les païens ne soient aujourd'hui moins pécheurs et moins ennemis de Jésus-Christ que les Juifs ne le furent autrefois. Le reste a le mème rapport; car dans les amphithéâtres il y a des voies où l'on se tient pour assister aux spectacles. On appelle voies ces amas de degrés qui séparent le peuple des chevaliers. De même on appelle chaires ces grands siéges où les sénateurs s'étendent mollement dans l'orchestre. S'il est donc vrai de dire avec le prophète : malheur à celui qui entre dans quelque assemblée que ce soit des impies, qui s'arrête dans les différentes voies des pécheurs, et qui est assis dans la chaire de corruption; soyons bien persuadés que ces paroles doivent s'entendre dans un sens général, quoique elles puissent être aussi interprétées dans un sens particulier; car souvent le discours s'adresse tellement à des particuliers qu'il regarde en même temps tout le monde. Ainsi lorsque Dieu fait des commandemens ou des défenses aux Israélites, il est certain qu'il parle aussi à tous les hommes 3. Lorsqu'il menace de détruire l'Égypte et l'Éthiopie, ses menaces s'étendent à toute sorte de nations rebelles : l'espèce renferme le genre, et sous le nom de ces deux royaumes, il comprend tout

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l'univers. De même quand parlant des spectacles i les appelle du nom d'assemblée des impies, il passe du général au particulier.

IV. Mais afin qu'on ne s'imagine pas que je m'amuse ici à subtiliser, venons à la principale autorité qui nous défend les spectacles; elle est fondée sur notre baptême. Lorsque nous sommes entrés aux fonts baptismaux, nous avons fait profession de la foi chrétienne dans les termes qu'elle nous prescrit. Au même temps nous avons promis solennellement de renoncer à Satan, à ses pompes, à ses anges. Or y a-t-il quelque chose où le diable domine plus avec ses suppôts que dans l'idolâtrie? N'est-ce pas là comme le trône de l'esprit immonde et le siége de l'impiété? Je le prouverai ailleurs plus au long. Si je montre donc ici que tout l'appareil des spectacles est fondé sur l'idolatrie, ce sera un préjugé évident que dans le baptème nous avons renoncé aux spectacles, dont l'idolâtrie a fait une espèce de sacrifice à Satan et à ses anges. Voyons donc l'origine de chaque spectacle en particulier, comment ces jeux ont été introduits dans le monde. Examinons ensuite leurs titres, comment ils sont appelés. En troisième lieu, leur appareil et avec combien de superstitions ou les prépare. En quatrième lieu, leurs différentes circonstances, à qu'elles divinités ils ont été dédiés. Enfin, leur représentation et quels en ont été les instituteurs. Si quelqu'une de ces choses n'a point de rapport aux idoles, nous avouerons que cela ne regarde ni l'idolatrie, ni l'abjuration que nous avons faite dans notre baptème.

V. Comme l'origine des jeux est obscure et inconnue à la plupart de nos frères, il ne faut point la chercher ailleurs que dans l'histoire des païens. Il y a plusieurs auteurs parmi eux qui ont écrit sur cette matière. Voici ce qu'ils en racontent. Ils disent, suivant le rapport de Timée, que les Lydiens sortis de l'Asie sous la conduite de Thyrrhénus, qui avait été contraint de céder le royaume à son frère Lydus, s'arrêtèrent dans la Toscane, et que là, parmi plusieurs autres cérémonies superstitieuses, ils instituèrent des spectacles sous un manteau de religion. Les Romains ensuite, ayant appelé chez eux quelques-uns de ces étrangers, empruntèrent et les cérémonies de ces jeux, et le temps où l'on devait les célébrer; de sorte que

dans la suite on donna à ces spectacles le nom latin ludi, à cause des Lydiens de qui ils ve naient. Il est vrai que Varron dérive ce terme du verbe ludere, jouer, c'est-à-dire badiner, se divertir, comme on disait autrefois les jeux luperciens, parce que la jeunesse les célébrait d'une manière folâtre, ce qui n'empêche pas que l'auteur n'attribue l'origine de ces jeux et de ces divertissemens à la célébration de quelque fète, à la dédicace de quelque temple, ou à quelque autre semblable motif de religion.

Mais pourquoi nous arrêter à une question de nom, lorsque tout paraît idolatrie dans la chose? En effet, tous les jeux tirent leur nom de quelque dieu du paganisme. Ainsi tantôt on a appelé libériaux ceux qui étaient institués en l'honneur de Liber ou Bacchus; car c'est à ce faux dieu que les paysans les consacraient, en reconnaissance de la libéralité qu'il leur avait faite en leur découvrant l'usage du vin. Tantôt on a appelé consuales ceux qui étaient dédiés à Neptune, nommé autrement Consus. Tantôt on a nommé équiriens ceux que Romulus consacra à Mars. Quelques auteurs attribuent l'institution des jeux consuales au même Romulus, qui voulut désormais faire honorer Consus comme le dieu du conseil, pour lui avoir inspiré le dessein d'enlever les Sabines afin de les donner en mariage à ses soldats. Beau conseil, véritablement ! Ne passe-t-il pas encore aujourd'hui parmi les Romains pour une chose juste et permise? Je ne dis rien de ce qu'il est aux yeux de Dieu; car ce qui doit faire abhorrer ce conseil détestable, c'est qu'il doit son commencement à une friponnerie, à une violence, à une brutalité, à un fratricide, à un fils de Mars. Il reste encore aujourd'hui dans le Cirque, près des premières limites, un autel bâti sous terre et consacré au dieu Consus, avec cette inscription: « Consus préside au conseil, Mars à la guerre, les Lares aux assemblées. » Les prêtres publics y célèbrent des sacrifices le 7 de juillet, et le grand prêtre du mont Quirinal avec les vestales en offre le 21 du mois d'août. Quelque temps après, le même Romulus institua des jeux en l'honneur de Jupiter Féretrien sur le mont Tarpeïus, d'où ils furent appelés tarpéiens et capitolins, comme raconte Pison. Ensuite Numa Pompilius en institua d'autres consacrés à Mars

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