Page images
PDF
EPUB

idées les plus sublimes de la Divinité. Le calte qu'il établit, est le plus auguste qui fût jamais chez aucun peuple. Son histoire est la seule où l'on trouve sûrement l'origine des an ciennes nations. Il ne peut donc pas être regardé comme un ignorant. Il ne peut pas non plus être regardé comme un séducteur. Il a écrit et parlé sans aucun intérêt ; il n'a jamais rien fait, ni pour lui, ni pour ses enfants. Que répondez-vous à cela?

LE PHILOSOPHE.

Quel conte que celui de la conversation d'Eve avec le Serpent! Un Serpent qui parle! Eve qui croit que les animaux parlent ! Il faut mettre cela avec les contes du cheval d'Achile, qui lui annonça sa mort; du fleuve Caucase qui dit bon jour à Pythagore; de l'arbre qui annonça la sagesse d'Apollonius du Thyane. Porphyre et Philostrate, qui rapportent ces faits, ne méritent pas d'être crus, Moïse ne le mérite pas davantage. Eve pouvoit-elle croire qu'un Serpent eût la faculté de parler? Ne devoit-elle pas être effrayée de l'approche et de la familiarité d'un Serpent? Peut-on concevoir quelque chose de plus mal imaginé?

LE JUIF.

Je suis bien surpris de vous entendre par ler ainsi de Porphyre et de Philostrate, dont vous citez si souvent, et avec emphase, les rêveries, dans les écrits que vous faites contre votre Religion.... Mais laissons cela, et revenons à notre mère Eve..

Pour sa belle conversation avec le Serpent, je ne vous dirai pas, comme nos Rabbins, que Samaël, c'est-à-dire, Satan, se transforma en beau jeune homme tout brillant de lumière, et que s'étant mis à cheval sur un dragon d'une énorme grandeur, il tint à Eve ces beaux propos J'aime mieux ce qu'ont dit vos anciens Docteurs, que dans ces courts moments de l'innocence de nos premiers pères, ils ne devoient pas craindre l'approche des animaux, dont ils savoient qu'ils étoient les maîtres, et qu'ils n'avoient encore vu causer aucun désordre; que Satan, déjeté depuis peu de l'état d'honneur et de gloire dans lequel il avoit été créé, put bien être jaloux du bonheur dont jouissoient des créatures qu'il regardoit comme très-inférieures à lui! que par haine pour le Créateur, et dans les mouvements de sa jalousie, il put bien tenter de les faire tomber dans le péché; que pour cela il n'avoit qu'à remuer les organes du Serpent, et former

des sons propres à tromper Eve: alors cette créature, qui n'existoit que depuis quelques heures peut-être, n'examina point quel prin cipe pouvoit donner la parole à cet animal. Et si elle croyoit qu'il n'eût pas naturellement la faculté de parler, elle devoit être encore plus surprise et plus facile a séduire, lorsqu'elle l'entendoit parler réellement.

Enfin, comme ce fait est arrivé, il y a près de six mille ans, on ne peut le combattre qu'en en faisant voir l'impossibilité absolue, ou le défaut d'autorité dans celui qui le rapporte. L'impossibilité absolue ne peut pas se démontrer. Pour l'autorité de Moïse, hélas! vous ne faites que bégayer, Messieurs les philosophes, quand il s'agit de répondre à ce que nos Rabbins et vos Docteurs vous présentent pour établir l'autorité de ce grand Législateur.

LE PHILOSOPHE

[ocr errors]

Mais quelle absurdité de dire que le Serpent, en punition de son méfait, a été condamné à ramper sur son ventre, et que par vengeance il cherche toujours à mordre? Le Serpent n'est-il pas aujourd'hui ce qu'il a été de tout temps? Les Egyptiens, les Chaldéens, les Indiens, les Arabes ont toujours regardé le Serpent comme le symbole de la vie. Les

Empereurs de la Chine, antérieurs à Moïse, portoient toujours ce symbole sur leur poi trine. Pilpay, Lockman faisoient parler les animaux chez les Indiens. Tout est ici allégorique ; il n'y a point de réalité.

LE JUIF.

Mais quelle absurdité aussi de citer si souvent et si hardiment des auteurs dont on ne connoit que les noms, desquels on ne sait rien de certain, dont on a à peine quelques fragments informes, et qui ne sont même rapportés que par des écrivains postérieurs de huit, dix, douze ou quinze siècles? Cet air d'érudition peut en imposer aux petitsmaîtres suffisants et superficiels; mais comment le regardent les hommes raisonnables et instruits?

Où avez-vous appris la manière dont les Empereurs Chinois antérieurs à Moïse, étoient accoutrés? Citez les auteurs, les dates, etc. Prétendez-vous que votre autorité suffise, pour qu'on vous en croie sur votre parole?

Citez-nous quelque morceau de Pilpai, ou Bilpai. Comment vous, qui êtes si érudit, ignorez-vous que le Lockman, dont parlent les auteurs Arabes, n'est autre qu'Esope le Phrygien, et qu'il n'a jamais été dans

les Indes? Comment ignorez-vous que chez les Egyptiens, les Arabes, les Chaldéens, le Serpent ne se prenait pour le symbole de la vie, que parce que le même mot, dans leur langue, signifioit également la vie ou un Serpent?

Enfin, vous trouvez de l'absurdité dans la sentence portée par le Seigneur contre le Serpent. Mais vos Sages, vos anciens, n'y voient qu'un signe mémoratif de l'événement le plus frappant, le plus instructif et le plus propre à humilier l'orgueil humain. Leur philosophie est certainement beaucoup plus sage et plus raisonnable que la vôtre; et moi, Juif, je n'hésiterais pas sur le choix.

IX.

On peut juger de la fidélité et du bon sens de l'auteur, par les observations qu'il fait sur l'ignorance de Moïse, à qui il prête des sentiments et une manière ridicule de penser sur les Cieux, le firmament, les étoiles, etc. pour avoir l'occasion de les combattre. On peut aussi juger de son goût, par ces remarques qu'il fait : « Le Seigneur fit à Eve et à » Adam des tuniques de peau; ce passage » prouve bien que les Juifs croyoient Dieu "corporel, puisqu'ils lui font exercer le

métier de tailleur...... Dieu dit à Noé je

« PreviousContinue »