Ve Catégorie. - Sujets en convalescence de microbopathies. En admettant pour certaines maladies infectieuses la guérison radicale restitutio vera ad integrum - impliquant la destruction ou l'expulsion totale des microbes et de leurs germes, il convient de déterminer à quel moment précis l'organisme est débarrassé de ses hôtes, à quelle époque le sujet cesse d'être microbifère. En cas de blennorrhagie, on ne proclame pas la guérison le jour même où la miction cesse d'ètre douloureuse et où la pression n'amène plus au méat la goutte muco-purulente caractéristique. S'il s'agit d'érysipèle, on ne croit pas tout fini dès que la fièvre est tombée et que la rougeur cutanée a disparu. Chacun sait que les enfants atteints de rougeole, de scarlatine, de coqueluche, sont dangereux pour leurs voisins pendant plusieurs semaines après avoir pourtant repris les apparences de la santé. Enfin personne ne croit qu'un typhique ou un septicémique soit comme auparavant indemne et sain le vingt-huitième ou le trentecinquième jour. Bref, on reconnaît si bien l'existence d'une période de transition entre la maladie et le retour à la santé qu'on lui a donné un nom spécial, celui de convalescence. Or, à quelle époque de cette convalescence les microbes condamnés périssent-ils ou sont-ils expulsés? Est-ce au début, est-ce à la fin? La libération de l'économie coïncide-t-elle avec la restauration anatomique et physiologique complète? En vérité, ces points sont encore bien obscurs. Toutefois, si l'on songe aux récidives et aux rechutes de certaines maladies infectieuses pendant leur convalescence même: fièvre typhoïde, érysipèle, pneumonie, etc.; si on se rappelle les anomalies du travail réparateur dans la convalescence des fièvres et en particulier la facilité avec laquelle les moindres traumas s'enflamment et suppurent en pareil cas; si on conserve le souvenir des tares locales laissées par les affections nécrosiques: noma, pustule maligne, gangrènes diverses, et qui interdisent pour un temps si long les opérations sur les régions affectées de la sorte, on en conclura que pendant la convalescence des maladies infectieuses et souvent même après elle, le microbisme persiste ayant seulement pris la forme latente; qu'en d'autres termes, en regard du parasitisme microbique latent prémorbide ou de l'incubation, on peut admettre le parasitisme latent post-morbide ou de la convalescence : les deux ayant une durée variable et malheureusement tout à fait indéterminée encore dans la majorité des cas. VI Catégorie. - Sujets actuellement atteints de microbopathie. 1 Chez le typhique, le varioleux, le syphilitique secondaire, le paludique tierce ou quarte, la femme en fièvre puerpérale, l'enfant frappé d'ostéite infectieuse, l'adolescent courbé par le mal de Pott, l'homme à poumons tuberculeux, etc., il ne semble pas qu'il puisse être question de microbisme latent, puisque l'infection est évidente et que ses agents sont en pleine activité. Cependant, dans ces cas eux-mêmes, le parasitisme microbique peut exister et sous plusieurs formes. A. Il peut être antérieur à l'invasion microbique nouvelle. C'est ainsi qu'un jeune homme affecté pendant son enfance et guéri depuis longtemps d'abcès froids ou d'ostéite bacillaire, contracte à vingt ans un chancre syphilitique. B. Il peut aussi se surajouter. Je citerai, par exemple, le cas de la coqueluche et surtout de la rougeole. Pendant les premiers temps la fièvre, la toux, les symptômes thoraciques sont mis naturellement sur le compte de l'infection aiguë, mais la convalescence, au lieu de se terminer en temps voulu, se prolonge, s'éternise, et au bout de quelques semaines, de quelques mois, on reconnaît les signes d'une tuberculose pulmonaire qui s'est insidieusement introduite dans l'économie on ne sait juste quand et qui est restée plus ou moins longtemps latente. C. Ceci conduit aux cas très fréquents et encore mal connus d'associations microbiques dans un même foyer. Soit, dans une salle d'hôpital encombrée de blessés et de malades, une plaie ouverte; on sait bien qu'elle renferme le microbe pyogène et probablement aussi le vibrion septique; mais comme le lendemain cette plaie, sous l'influence d'une simple exploration, 'peut devenir soudainement le point de départ d'une lymphangite simple, d'un érysipèle, d'une gangrène, d'une pyohémie, d'une suppuration orangée due au staphylococcus aureus, ou d'une suppuration bleue due au microbe pysocyanique, force est de conclure que le foyer purulent, en apparence mono-microbique, recélait en réalité plusieurs micro-organismes différents et spécifiques dont rien, à première vue, ne faisait soupçonner la présence, et qui, par conséquent, étaient en état de latence. Cette association microbique donne lieu à des formes pathologiques mixtes ou hybrides dont l'étude à peine ébauchée encore jettera certainement une grande lumière sur la nosographie. Je signalerai en terminant une variété très importante du microbisme latent chez les sujets en puissance de microbopathie manifeste. Je fais allusion au cas fort commun de multiplicité des foyers microbiques. Soit, par exemple, un sujet atteint de tuberculose génitale ou osseuse; on doit s'attendre à ce que d'autres points de l'organisme, poumons ou centres nerveux, offrent des dépôts semblables, puisque l'on voit une opération de castration ou de résection faire éclater sur-le-champ une granulie pulmonaire ou méningitique; on doit craindre également une infection du sang, puisque chez le phthisique, même peu avancé, une contusion ou une entorse fait éclater au point blessé unė tuberculose locale; malheureusement nous ne pouvons, dans la majorité des cas, deviner ces foyers latents ni l'adultération du sang et de la lymphe, car le tout reste à l'état latent. Voilà longtemps déjà que j'occupe cette tribune et c'est à peine si j'ai effleuré quelques points de l'importante question du microbisme latent. Si, au lieu de fournir simplement quelques explications à mes collègues, j'étais entré dans les développements que comporte le sujet, j'aurais montré d'abord que la présente théorie éclaire divers points encore fort contestés de pathologie générale; Qu'elle renverse entre autres un des arguments les plus puissants invoqués en faveur de la spontanéité des maladies infectieuses - celui qui consiste à nier l'origine extérieure du mal quand on ne parvient pas à prendre l'agent infectieux en flagrant délit de pénétration - en répondant qu'il n'est pas nécessaire de chercher au dehors de l'enceinte l'ennemi déjà entré dans la place; Qu'en revanche, elle rend possible une entente vainement recherchée jusqu'à ce jour entre les spontanéistes qui accordent et les hétérogénistes qui refusent à l'organisme la puissance d'engendrer les maladies infectieuses, en formulant cette proposition, que l'organisme peut en effet renfermer en lui les germes morbides, mais à condition de les avoir reçus et sans jamais les avoir créés; Qu'elle explique à merveille la durée illimitée, les récidives, les rechutes, les contagions inattendues et invraisemblables des maladies infectieuses, ainsi que leur apparition ou leur réapparition sous l'influence de causes banales ; Qu'elle simplifie notablement leur étiologie et leur pathogénie, en permettant d'affirmer l'existence de leur agent spécial, si caché qu'il soit - quand elles viennent à éclater, et en indiquant qu'il faut chercher cet agent non seulement dans le milieu extérieur où vit le patient, mais encore en lui-même, dans tous les districts et dans tous les milieux partiels de son corps. Cette recherche sans doute n'est pas facile, mais il faut convenir qu'elle a été rarement entreprise jusqu'à ce jour. Dans la plupart des exemples invoqués plus haut, le microbisme latent a été admis par induction, à titre d'hypothèse seule capable d'expliquer certains détails relatifs au développement ou à la marche des maladies infectieuses. Quand chez des gens bien portants on a constaté l'existence des microbes superficiels, cavitaires, intravasculaires, parenchymateux, etc., restant inoffensifs, c'est plus souvent par hasard ou dans des explorations de laboratoire que par suite d'examens faits dans le but déterminé de les trouver. Mais ce qui est latent ou caché n'est pour cela ni introuvable ni inaccessible; il s'agit seulement de savoir où le chercher et comment le découvrir. Depuis qu'on a introduit en clinique les procédés d'enquête bactériologique, les examens microscopiques particuliers, les colorations, les cultures, on est parvenu à démontrer péremptoirement la présence des microbes pathogènes là où les anciennes méthodes d'exploration étaient tout à fait impuissantes. Est-il nécessaire de rappeler la constatation des bacilles tuberculeux dans les crachats, dans l'urine, dans le pus des fistules et des ulcères chez les scrofuleux? A-t-on oublié qu'en examinant le sang pendant l'accès paludique, à certaines heures en cas d'urine chyleuse, et à certains jours, dans la fièvre récurrente, on a trouvé les corps de Laveran, les filaires et les spirilles? En suivant ces indices et en s'engageant dans cette voie, il faut espérer qu'un jour viendra où l'on pourra, en dehors de tout symptôme morbide, affirmer et démontrer directement l'absence ou l'existence dans l'organisme des microbes pathogènes ou leur remplacement par des germes temporairement inoffensifs. D'après les étonnantes découvertes de ces vingt dernières années, il est permis de croire que le diagnostic du microbisme latent pourra se porter dans un avenir plus ou moins prochain. : La même théorie conduit à des applications pratiques nombreuses. Sur le terrain chirurgical, elle dicte une série d'actes locaux et généraux d'une importance égale pour l'opérateur et pour le thérapeute. Elle commande au premier de stériliser avec soin les foyers morbides sur lesquels il doit agir; de purifier avec persévérance et rigueur les régions exposées et les cavités où les microbes pourront persister insidieusement après l'attaque spécifique; d'attendre au moins, en cas de parasitisme permanent et inévitable, le retour des microbes à l'état latent; en cas d'infection locale circonscrite, de dépasser les zones suspectes ou de modifier ces zones par des moyens locaux appropriés; en un mot, elle complique sans doute le traitement préliminaire, mais de façon à décupler les chances des succès opératoires et aussi des succès définitifs. La théorie rappelle au chirurgien thérapeute qu'il a le plus souvent affaire non seulement à des foyers microbiques patents ou latents, mais aussi à une affection parasitaire généralisée qui peut précéder, accompagner ou suivre les manifestations locales; que, en d'autres termes, si certains points circonscrits de l'organisme semblent et sont en effet plus gravement occupés par les parasites, le reste de l'économie, au degré près, est également envahi; Qu'en conséquence, la thérapeutique doit toujours viser les deux éléments morbides et chercher à détruire les microbes, aussi bien dans les localités où ils se montrent que dans les profondeurs de l'organisme où ils se cachent. Que chaque fois qu'on sera en possession d'un traitement spécifique, on devra l'appliquer avant, pendant et après les actes chirurgicaux ou les manifestations infectieuses; Qu'au lieu de cesser ce traitement après la guérison apparente des traumas ou des affections locales réputées spontanées, comme on a trop de tendance à le faire, il faudra le continuer longtemps, très longtemps même, dans l'espoir de détruire les microbes pathogènes et leurs germes; Qu'on devra profiter, beaucoup plus qu'on ne le fait, des périodes de latence prémorbide et postmorbide ainsi que des trêves plus ou moins longues qu'on observe entre les rechutes ou récidives, parce que la logique permet de croire qu'on détruirait plus facilement les micro-organismes lorsqu'ils sont rares et inactifs, que lorsqu'ils abondent et jouissent de toutes leurs propriétés nocives.. |