Le gaz acide carbonique atteint admirablement ce but; il est très facilement toléré par le gros intestin; il y est rapidement absorbé et il est éliminé ensuite par le poumon avec les gaz médicamenteux qui ont été mêlés avec lui. Le gaz acide carbonique joue lui-même, suivant toute vraisemblance, un rôle très important sinon prépondérant dans cette thérapeutique nouvelle des maladies pulmonaires. M. le D L. Bergeon, agrégé libre de la Faculté de Lyon, qui a inauguré cette méthode, a déjà publié, il y a quelques mois (1), les premiers résultats qu'il a obtenus dans le traitement de la phtisie pulmonaire par les injections rectales d'acide carbonique chargé de substance médicamenteuses. Voici une note que notre savant confrère m'envoie pour vous la communiquer et dans laquelle il annonce les résultats qu'il a obtenus et les perfectionnements nouveaux appliqués à sa méthode et qui en rendent le fonctionnement facile : 7 <<< Les médecins de Lyon, Paris, Genève, Marseille qui ont traité les phtisiques par la méthode des injections gazeuses dans le rectum, ont en général obtenu la disparition très rapide des phénomènes de suppuration pulmonaire et la marche progressive vers un état de santé qui offre tous les caractères de la guérison. « Quant aux malades que j'ai traités depuis deux ans par cette méthode, j'ai la satisfaction d'affirmer aujourd'hui que les résultats que j'annonçais il y a trois mois se sont confirmés et généralisés. << Les phtisiques que je considère comme guéris n'ont plus d'expectoration et n'offrent à l'auscultation que des signes stéthoscopiques secs dus à la présence de cavernes ou de brides cicatricielles consécutives aux anciennes lésions. Quelques-uns de ces malades ont dû reprendre une existence pleine de labeur et de fatigue, néanmoins j'ai pu constater que leur appareil respiratoire avait résisté et que l'amélioration conquise avait été solidement maintenue. << Chez plusieurs malades, dont l'expectoration ainsi tarie n'est plus représentée que par trois ou quatre grammes par jour, alors qu'au début du traitement elle atteignait 250 à 300 grammes, (1) Comptes rendus Ac. des sc., 12 juillet 1886, p. 176. Congrès pour l'avancement des sciences, 17 août 1886. on a trouvé des bacilles d'une manière inconstante il est vrai, mais évidente. « Il reste à savoir si ces bacilles, qui persistent dans les crachats malgré le retour à la santé, ont conservé leur activité fonctionnelle. » Quel que soit le mode d'action de l'acide carbonique introduit par l'absorption intestinale dans le sang veineux et expulsé ensuite par le poumon, action qui n'est pas encore expliquée, on peut dire, d'après l'observation des malades, que ce gaz chargé de substances médicamenteuses convenables, modifie profondément le rythme respiratoire, rend l'hématose plus complète et plus facile. Il détermine une sensation de bien-être qui s'accompagne d'une augmentation de force en même temps que disparaissent les accidents qui accompagnent les phlegmasies pulmonaires, la fièvre, les sueurs nocturnes, etc. Le but de la communication de M. Bergeon étant de faciliter l'emploi clinique de sa méthode et de fournir les explications nécessaires pour qu'on puisse obtenir des résultats constants, il recommande surtout les précautions suivantes : « 1o Le gaz CO2 doit être aussi pur que possible pour ne pas impressionner d'une manière fâcheuse l'intestin. Celui que l'on obtient par une réaction d'acide sulfurique dilué sur le bicarbonate de soude a toujours été parfaitement absorbé par l'intestin sans provoquer le moindre désordre; « 2o Le gaz doit être recueilli dans un récipient préalablement bien expurgé d'air; les tubes de l'appareil injecteur doivent être convenablement disposés pour ne laisser pénétrer aucune trace d'air atmosphérique dont la présence dans l'intestin, même en minime quantité, détermine un météorisme et de l'entéralgie ; << 3o Prendre par rapport à la digestion les précautions ordinaires, c'est-à-dire faire l'injection avant le repas ou trois heures après; << 4o Faire usage d'instruments assez sensibles pour que le médecin qui pratique l'injection se rende toujours un compte exact de la pression qu'il exerce sur l'intestin. Cette considération prouve l'importance qu'il y a à ne confier cette méthode qu'à des personnes expérimentées. « Il faut être très circonspect pour l'emploi d'autres substances médicamenteuses, car si l'hydrogène sulfuré est inoffensif, d'autres agents, térébenthine, chlore, ammoniaque, iode, brome, éther détermineraient une inflammation de la muqueuse intestinale. « Il n'est pas nécessaire que la dose de gaz sulfhydrique soit considérable. << Ainsi, en injectant deux fois par jour quatre à cinq litres de gaz acide carbonique ayant barboté dans 500 grammes d'une eau minérale sulfureuse, on obtiendra rapidement la disparition de tous les phénomènes de suppuration pulmonaire, soit à l'état aigu, soit à l'état chronique. >>> La méthode de M. le Dr Bergeon a été expérimentée avec succès par M. le Dr Chantemesse dans son service hospitalier, à SaintAntoine, pendant les mois d'août, septembre et octobre. Voici les résultats qu'il a obtenus : Attaques d'asthme guéries par des injections intestinales d'acide carbonique chargé de vapeurs sulfo-carbonées. Deux malades entrés à l'hôpital pour des attaques d'asthme très violentes ont eu, une demi-heure après l'injection intestinale de gaz carbonique chargé de vapeurs sulfo-carbonées, un soulagement très notable de la dyspnée. Le traitement ayant été continué les jours suivants, la respiration est devenue libre; les attaques n'ont pas reparu pendant toute la durée de la médication. - Tuberculose pulmonaire traitée par des injections intestinales d'acide carbonique chargé de vapeurs sulfo-carbonées. Neuf malades présentant les signes généraux et locaux de la tuberculose pulmonaire, avec présence de bacilles tuberculeux dans les crachats, ont obtenu par ce traitement une amélioration très grande. L'augmentation du poids du corps a été rapide, une livre et parfois un kilogramme par semaine. La toux et l'expectoration ont considérablement diminué. Les crachats contiennent toujours des bacilles de la tuberculose. : Ces malades sont en traitement depuis un mois et demi. L'un d'eux a augmenté de 9 livres en un mois et demi (de 65 kil. à 69 kil. 500). Pour faire le traitement du Dr Bergeon, deux opérations sont nécessaires: 1o Fabriquer du gaz acide carbonique très pur pour éviter les accidents d'intolérance intestinale. 2o Reprendre ce gaz acide carbonique pour le faire passer à travers un agent médicamenteux et l'injecter dans le rectum. L'appareil gazo-injecteur du Dr V. Morel, dont les figures cidessous indiquent la disposition, atteint ce double but. Première opération (Fig. 1). - Mettre dans le flacon gazogène A trois cuillerées à soupe environ de bicarbonate de soude, adapter à ce flacon un bouchon en caoutchouc muni d'un tube à dégagement E et d'un entonnoir à brome modifié C qui reçoit la solution d'acide sulfurique dilué (200 grammes d'acide sulfurique dans un litre d'eau). Un robinet B permet de régler l'arrivée du liquide acide et, par suite, du dégagement d'acide carbonique qui est recueilli dans un sac en caoutchouc I, d'une contenance d'environ 6 litres. Deuxième opération (Fig. 2). Fixer le tube noir de la poire en caoutchouc J sur le robinet Het ouvrir ce dernier, ajuster le tube rouge sur la grande branche F du barboteur D; fixer celui-ci sur la bouteille G pleine aux trois quarts d'eau minérale ou de liquide médicamenteux, adapter sur la petite branche L le tube en caoutchouc portant à son extrémité la canule coudée N, presser la poire J; l'acide carbonique renfermé dans le sac I est aspiré et lancé à travers le barboteur D P, jusqu'au fond du liquide médicamenteux; s'étant chargé des principes à injecter, il s'accumule à la surface du liquide et s'échappe par la petite branche L, pour aller au rectum. Si, au lieu de faire barboter le gaz acide carbonique dans un liquide, on veut le faire passer sur des poudres médicinales ou sur des essences, prendre le tube en verre T (fig. 1), et, après avoir versé l'agent médicamenteux dans ce tube entre deux tampons de coton, fixer le tube rouge de la poire J sur le petit tube en verre Vet le tube en caoutchouc portant la canule sur le tube D, presser la poire J; le gaz acide carbonique traversant le tube T se chargera du principe médicamenteux à injecter. Ces résultats cliniques doivent être appuyés par l'expérimentation sur les animaux. Le degré curatif de la médication sulfureuse sur la tuberculose ne pourra être donné que par les expériences faites sur des animaux préalablement rendus tuberculeux; l'action de l'agent thérapeutique sur les microbes ne peut être fait rigoureusement que dans des tubes de culture. Nous avons commencé plusieurs séries de ces expériences que nous nous réservons de communiquer ultérieurement à l'Académie. Dès à présent, on peut dire que les injections rectales d'acide carbonique et de gaz sulfureux constituent une méthode thérapeutique excellente dans la phtisie et dans l'asthme. On doit l'accueillir avec d'autant plus de faveur que la thérapeutique est plus désarmée en face de la phtisie. Dans cette maladie, en effet, les seuls agents utiles que nous ayons jusqu'ici en notre pouvoir sont les aliments ou les remèdes qui favorisent la nutrition. |