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au Danube et du Danube jusqu'à la Néva, l'Esprit libérateur a dressé sa tente, et le glaive aura bientôt cessé de régner.

Partout les peuples s'uniront au nom de la liberté contre l'esclavage, au nom de la lumière contre les ténèbres, au nom de l'Humanité contre la misère.

L'ennemi, dans un effort suprème, concentre ses forces et rassemble ses soldats par milliers, il cherche à réunir les débris de son sceptre abattu, mais ses efforts seront vains: car devant l'union formidable de tout ce qui produit, de tout ce qui fonde, de tout ce qui travaille et de tout ce qui pense, l'armée de la destruction s'arrêtera impuissante, et l'épée sera vaincue par le hoyau.

La tyranie est encore debout; mais ses forces l'abandonnent, et, avant de succomber pour jamais, elle lance ses derniers escadrons sur les champs de bataille, et elle vomit sur le monde ses dernières imprécations.

La lumière commence à se dégager des ténèbres et l'on voit à l'horison le flot qui monte, monte sans cesse, et s'annonce menaçant et terrible.

Vainement les hommes d'iniquité, élevènt la digue, le flot courroucé la renversera, et submergera les insensés qui la construisent avec tant d'efforts!

Car ce flot qui monte, c'est le flot des malheureux que les oppresseurs maintiennent sous les étreintes de le faim, du froid et de toutes les tortures, c'est le flot de ceux qu'ils compriment sous la verge de fer de leur inique domination. Et, c'est aussi le flot de l'ignorance, qui ne sachant à quoi s'en prendre des maux qui l'accablent, confondra, dans une commune réprobation, le juste et l'injuste, le bien et le mal, le vrai et le faux et, dans un foudroyant accès de colère, ne fera de tout qu'un monceau de ruines.

Tremblez, oppresseurs des nations, et vous satellites

infâmes qui soutenez leur puissance pour partager le fruit de leurs rapines: car le calme apparent de cet ordre cruel établi dans le sang est gros d'orage. Ce linceuil de ténèbres dont vous couvrez les peuples, c'est le brouillard qui, étendu sur les eaux des vallées, y puise les éléments de la tempête et envoie dans les flancs de la nue les traits de feu qui vont fondre sur vos têtes avec l'explosion de la foudre.

Tous ces peuples chargés de fer et accablés de souffrances, qui refoulent silencieusement leurs plaintes au fond de leur âme, se lèveront ensemble, en jetant de grands cris; et leurs voix seront entendues jusqu'au delà du grand-océan. L'air frémira de leurs acclamations bruyantes, et la terre, violemment agitée par leurs marches rapides, tremblera sous le bruit de leurs pas.

La Néva épouvantée roulera des flots de sang; l'herbe de ses bords sèchera, les plantes languiront de tristesse et la verdeur des champs s'évanouira.

La colère de seigneur se lèvera sur les méchants. Il fera monter contre eux plusieurs peuples, eomme une mer en courroux fait monter ses flots.

L'Esprit soufflera sur les sépulcres mêmes de leurs victimes; et leur ombre irritée paraîtra ressussiter à cet instant suprême; et elle se dressera terrible et menaçante, pour lancer un dernier anathème à la face des bourreaux épouvantés!

Ils trembleront devant le peuple, comme la feuille des arbres, ils ramperont sur la terre et se rouleront dans la poussière, comme des serpents blessés à mort.

Ils ont dit dans leur orgueil: nous avons fait un pacte avec la mort, nous avons contracté une alliance avec l'enfer; lorsque les maux se déborderont comme des torrents, ils ne viendront point jusqu'à nous, parce que nous avons mis notre confiance dans le mensonge et que

le mensonge nous a protégé.

Mais l'espérance qu'ils ont fondé sur le mensonge se dissipera comme la fumée, et la pacte qu'ils ont fait avec la mort sera rompu, et l'alliance qu'ils ont contracté avec l'enfer ne subsistera plus, et, lorsque les maux se déborderont comme des torrents, ils en seront accablés.

Tout ce qui aura été planté sur le mensonge sera emporté par le vent. le vent. Toutes les lois injustes tomberont en lambeaux comme un vêtement usé. Mais ce qui sera planté sur la justice bravera la violence des orages et passera dans les âges futurs, de génération en génération.

Que le fort ne s'exalte donc point dans sa force, et que le riche ne se prévale point de ses richesses : car le peuple qui marchait dans les ténèbres verra une grande lumière ; et le jour se lèvera pour ceux qui habitent dans les régions de la nuit,

Le joug qui pèse sur eux sera brisé ; la verge qui leur déchire la flanc sera arrachée des mains du bourreau et jetée au feu, et le sceptre qui les écrase, sera broyé comme le grain qui passe sous la meûle.

Alors les opprimés, dégagés de leurs liens, fouleront les parvis des palais déserts, et les filles des cités du carnage courront dans les champs, comme l'oiseau qui prend ses ébats, comme les petits de l'hirondelle qui s'envolent de leurs nids,

VII.

Le grand jour de la délivrance se lèvera bientôt sur tous les opprimés, et sur tous ceux qui sont plongés dans l'affliction et les ténèbres de la vie.

Le grand jour de la délivrance luira bientôt sur toutes les nations opprimées. L'aiguille marche sans cesse sur le

D

cadran, et quand l'heure aura sonné le peuple se lèvera pour la justice, et son bras vengeur s'étendra sur la tête du criminel, et le méchant sera dans la consternation, et le vers du remords dévorera ses entrailles.

Alors les hommes d'iniquité fuiront au fond des cavernes dans le creux des rochers et dans les antres de la terre les plus inaccessibles à la lumière. Ils entreront dans la pierre et s'enfonceront dans les grottes les plus profondes, pour se mettre à couvert de la terreur qui marchera devant lui.

Ils deviendront comme un chêne que l'hiver a dépouillé de ses feuilles, et comme un jardin qui est sans eau. Ils trembleront comme les arbres des forêts, que le vent agite, et leur puissance sera comme un amas d'étoupes sèches, qu'une éteincelle embrase et réduit en cendres.

Les rois effarés, ivres de terreur et de folie, seront pris de vertiges. En vain ils demanderont à leur épouvante la force de fuir; accablés sous le poids de leurs couronnes, qu'ils ont trempées dans le sang des peuples, ils succomberont à leur défaillance.

Quelques-uns encore, pour conserver l'apparence d'une splendeur flétrie et l'illusion d'une puissance qui leur échappe, s'enveloppent dédaigneusement du manteau de leur fol orgueil, et, dans le paroxysme de leur rage, frappent des coups redoublés et de plus en plus terribles, et s'épuisent en vains efforts pour comprimer, sous la lourdeur de leur sceptre de fer, les nobles aspirations des peuples, qui marchent vers les régions de la justice et de la liberté. Ils oublient, les insensés, que Dieu a dit à la vague tu te briseras contre le roc!

Ils appellent les peuples leurs sujets et veulent dominer sur eux au gré de leurs caprices. Mais, quand le jour de la justice se lèvera sur le monde, les peuples leur diront,

à leur tour; "fuyez et soyez maudits; car vous avez renié la parole du Fils de l'Homme.

"Nous étions dans la défaillance, et, pour apaiser notre faim, vous nous avez donné à manger la pourriture devos cachots; nous avions soif, et nous avons bu nos larmes; nous étions nus, et vous nous avez donné, pour vêtement, la vermine, et pour couche, la paille infecte de vos prisons!"

Alors, dans le râle de leur délire, ces viellards surannés essaieront de briser, dans leurs mains débiles, le signe de la délivrance; et ce signe victorieux les dispersera, et ils s'évanouiront, comme les noirs fantômes des tombeaux, aux premiers rayons du soleil levant.

Ils ont étendu sur le monde le hideux manteau de leur décrépitude, et ont voulu l'enchaîner dans la rouille de leur vétusté, qu'ils appellent la tradition. Ils ont appelé à leur aide la ruse et le mensonge, pour opprimer les peuples, en les divisant; et l'oppression, en les unissant, les a fortifié contre leurs oppresseurs.

Ils ont versé le sang comme l'eau des fontaines, et le sang est retombé sur leurs têtes. Ils ont semé la corruption, et la corruption a dévoré leurs entrailles. Ils ont voulu étouffer la liberté, et son souffle les a calcinés comme la cendre d'un cratère.

Ils ont caché la lumière sous le boisseau, et la lumière a éclaté malgré eux, et ses rayons pénétrants les ont éblouis et rendus aveugles.

Ils veulent anéantir la science et la pensée, de peur qu'elles ne régimbent contre la tyrannie, mais la pensée brisera les chaînes des peuples, et la science affranchira la race humaine.

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