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VIII.

Frayeur qui saisira tous ceux qni pèsent sur les nations, lorsque le vent de la liberté soufflera sur le monde.

Mais quoi! à peine le vent de la liberté se lève, et déjà je les vois qui fuient à travers la plaine. Ils cherchent un abri sous les grands arbres; ils disparaissent derrière les buissons et les haies, et ils s'enfoncent dans les ravins des vallées, pour chercher un refuge contre la colère du peuple.

Orgueilleux et puissants de la terre, pourquoi vous cachez-vous? Qui donc vous a avertis, races de vautours, de fuir le courroux qui va éclater sur vos têtes? Déjà la cognée est à la racine de l'arbre, et vous serez coupés comme du bois mort.

Le Fils de l'Homme est venu signer de son sang, à la face de l'univers, la sentence terrible de votre condamnation.

Tremblez, race hautaine; car votre front, couvert d'un opprobre indélébile, est marqué du sceau de la réprobation universelle.

Entendez-vous les cris de ces enfants, arrachés des bras de leurs mères éplorées, brutalement entraînés loin du toit paternel et emmenés captifs dans les légions des bourreaux de leur patrie?

Les chemins et les places publiques retentissent, de toutes parts, de leurs plaintes et de leurs sanglots déchirants.

Entendez-vous les pleurs et les cris de désespoir de leurs mères, et ces scènes lamentables qui s'elèvent du sein de leurs familles, comme un immense concert de désolation?

Mais un bruit sourd et lugubre gronde dans le lointain. La cloche de la liberté tinte le glas de vos funérailles, et

bientôt vos cadavres seront scellés dans les sépulcres mêmes de vos victimes.

Fuyez dans les lieux les plus élevés, cachez-vous dans les antres les plus profonds, doublez d'une robe d'airain les portes de vos remparts, rendez inaccessibles les hauteurs de vos citadelles; partout le bras de la justice du peuple vous atteindra, et vous n'échapperez point aux traits de sa colère. Vos cadavres tomberont à terre comme une haie d'épines qu'on arrache et comme les javelles tombent derrière le moissonneur; et il ne se trouvera personne pour les relever, parce que la lèpre de l'iniquité a souillé vos voies.

du

IX.

Aveuglement des ministres des rois.

Il se passe sur la terre des choses étranges.

L'esprit

sage en est saisi d'étonnement, et l'âme du juste navrée de douleur.

Les chefs inhabiles, qui se donnent la mission de guérir les maux de l'Humanité, ignorent la nature et la profondeur des plaies qui la rongent, et lui appliquent des remèdes qui irritent ses souffrances au lieu de les calmer.

Les ministres des rois ne marchent point dans les sentiers de la justice, et l'équité ne dicte point leurs jugements. Ils mettent leur confiance dans le mensonge et la vanité. Ils sèment les orages et recueillent les catastrophes.

Leurs pieds courent pour faire le mal; ils se hâtent de répandre le sang innocent; leurs pensées sont des pensées injustes, et leurs efforts ne tendent qu'à perdre ou à opprimer tous ceux qui leur font obstacle.

Ils ne connaissent ni la voie de la paix ni les régions de la lumière; mais ils se tracent des chemins faux et tortueux; et quiconque les y suit, tombe avec eux dans les ténèbres.

Aveugles sentinelles des rois, vous êtes comme des chiens sans odorat, qui ne sentent rien venir, comme des gardes-côtes infidèles, qui occupés a recueillir les épaves, n'aperçoivent ni le flot qui monte ni le nuage qui se condense.

Vous écoutez de vos oreilles, et vous n'entendez point; vous regardez de vos yeux, et vous ne voyez point, parce que votre cœur s'est appesanti; vos oreilles sont devenues sourdes, et vous avez fermé vos yeux, de peur que vos yeux ne voyent, que vos oreilles n'entendent, et votre cœur s'est appesanti, de peur qu'il ne comprenne; car quiconque fait le mal hait la lumière, et ne s'approche point de la lumière, de peur que ses œuvres ne soient condamnées.

Vous êtes des aveugles qui conduisent des aveugles, et si un aveugle en conduit un autre, ils tombent tous deux dans la fosse.

L'artiste habile sculpte sa statue sur une matière saine et inaccessible aux atteintes du ver et de la pourriture, et l'élève ensuite sur une base solide. Les rois, au contraire, choisent, pour gouverner, les hommes les plus vains et les plus corrompus.

Ils ont cru planter de bons plants, parce qu'ils les ont tirés de pays étrangers; mais ce qu'ils auront planté ne produira point. La fleur apparaîtra dès le matin, et, quand l'heure d'en recueillir le fruit sera venu, on ne trouvera que des avortons.

X.

Extravagance des députés du peuple.

La confusion est partout, dans les assemblées des législateurs comme dans les conseils des ministres, et les lois que les députés élaborent avec tant de solemnité et de déférence apparante pour les droits publics, ne sont, en réalité, que des trames habilement ourdies contre le peuple, et dont les rois se servent avec adresse pour perpétuer leur domination.

Et, de même que les rois et leurs ministres, ceux qui font les lois tombent dans l'extravagance et livrent leur cœur à l'iniquité. Leur bouche prononce des mots qui n'ont point de sens dans leur esprit. Ils dissimulent le mal qu'ils veulent faire et parlent aux hommes un langage emmiellé et hypocrite, pour voiler la perfidie de leurs intentions. Ils réduisent ainsi à l'extrémité l'âme du pauvre et ôtent à celui qui a faim le dernier morceau de pain qui lui reste.

Le cœur de celui qui trompe est comme un guêpier rempli de malignités; et la langue du fourbe et de l'orgueilleux ne distille que le fiel du mensonge, pour perdre les pauvres et les humbles, qui parle selon la justice et la vérité.

Les députés du peuple lui fabriquent des lois obscures et innintelligibles, pour les interprêter ensuite diversement, selon la convenance de leurs projets de domination. Mais, à force de tout obscurcir, ils deviennent eux-mêmes comme des aveugles qui marchent à tâtons le long des murailles. Ils se heurtent, en plein midi, à chaque borne, comme s'ils étaient dans les ténèbres, et finissent par tomber dans le royaune des morts.

Vous vous dites sages parce que vous êtes les dépositaires de la loi! Et moi je vous dis que la plume

des docteurs de la loi est une plume d'erreur, parce qu'elle n'a jamais écrit que le mensonge.

Parmi tous les enfants que vous avez engendrés, nul ne sera votre soutien, et aucun de ceux que vous avez nourris ne tendra la main pour vous secourir,

C'est en vain que, pour étouffer la lumière de la vérité, yous appellerez à votre aide tout l'arsenal de votre jurisprudence, et que, pour arrèter la marche de la Liberté, vous invoquerez bien haut le respect de vos lois; la lumière de la vérité vous repoussera dans vos ténèbres, et la Liberté passera par dessus vos têtes,

Laissez donc le champ libre, écartez-vous du chemin que vous encombrez, et ôtez de la voie du peuple tous les pièges que vous y avez tendus pour le faire tomber,

XI.

Vices et débordements du monde de la tyrannie,

Le monde de l'oppression et de l'erreur se dissout dans une atmosphère de sang et d'iniquités. De toutes parts il présente aux yeux de juste attristé le hideux spectacle de ses débordements.

L'immoralité de tous les hommes de gouvernement est à son comble. Ils trafiquent de tout: de leur pouvoir pour se rendre redoutables aux petits et les dominer, des pleurs de ceux qui souffrent, pour rendre leurs souffrances plus poignantes encore; ils trafiquent de la vie même des faîbles, et, pour s'élever, ils passent sur leurs cadavres.

Ils trafiquent et ils trahissent. Ils endorment la simplicité crédule, pour mieux l'assujettir. Ils flétrissent l'innocence du venin de leurs discours empoisonnés. Pour eux, rien n'est sacré : Ils fouillent au fond des cœurs, pour y découvrir des germes de vices, afin de

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