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triompher, avec moins d'obstacle, de leur résistance et en faire les instruments de leurs propres vices. Ils achètent les consciences par l'appât de l'or et par l'étreinte de la misère. Ils jettent leur hameçon à la femme pauvre, que le travail de ses mains ne peut soutenir, et, si elle hésite à y mordre, ils font apparaître à ses regards le spectre de la faim, et, d'un jeste impassible comme le regard du bourreau, ils lui montrent le chemin de la fosse.

L'iniquité engendre la souffrance, et la souffrance engendre le crime. Le désordre règne partout; les notions du juste et de l'injuste se confondent dans l'esprit même de ceux qui ont le cœur droit ; et nul contentement, nul bonheur, nulle joie réelle ne peut surgir de ce chaos d'immoralités, de ce bourbier de tous les vices. La terre est comme une vallée du royaume de la mort, où toute fleur est flétrie avant de s'épanouir, où toute plante, viciée dans sa sève, se dessèche avant de croître. Les feuilles n'y verdissent point et les fruits n'y arrivent point à maturité.

La cupidité, protégée par le fer et les cachots des rois, ne garde plus de mesures; elle envahit, elle outrage, elle avilit tout, jusqu'aux choses les plus saintes et les plus dignes de respect.

Et tous ceux qui gouvernent, accumulent persécutions sur persécutions, rigueurs sur rigueurs, forfaits sur forfaits; et la balance même de la justice n'est plus, entre leurs mains, qu'un fléau aveugle, dont ils frappent, sans distinction, l'innocent, comme le coupable. Ils ne voient pas, les insensés! qu'ils sèment partout la poudre sur le sol qui les porte, et que, lorsque la mesure sera comble, une seule étincelle suffira pour tout embraser et les ensevelir sous les flammes de l'incendie.

Les yeux fermés à la lumière et le cœur durci par l'habitude du crime, ils n'apperçoivent pas le gouffre

E

qu'ils creusent eux-mêmes sous leurs pieds, et ils n'entendent pas le mugissement sonterrain du volcan, prêt à les engloutir sous le déluge de sa lave brûlante.

XII.

Malédictions qui vont éclater sur tous ceux qui commettent le crime et l'injustice.

Un jour viendra où les superbes et les suppôts de la tyrannie seront comme la paille qui voltige à travers les flammes dévorantes d'une grande fournaise. Tous les arbres qui n'auront porté que des fruits d'iniquité, seront consumés jusqu'a la racine. La justice se lèvera sur les opprimés, dans tout l'éclat de sa lumière bienfaisante et réparatrice; les pauvres et les humbles trouveront leur salut sous son aile et tressailleront de joie, comme le fils de la genisse bondit sur l'herbe fraîche à la venue du printems.

Je vous le dis'en vérité, je jour-là est proche. Déjà l'écho des plus hautes montagnes répète les cris de guerre qui s'élèvent de divers points de la terre et le bruit confus de la mêlée de plusieurs peuples et de plusieurs rois, qui luttent, ceux-ci pour le maintien de l'oppression, ceux-là pour la conquête de l'indépendance.

Armé de la verge de sa justice, le suprême compensateur de toutes choses s'apprête à venger les injures de l'Humanité. Il restituera aux pauvres le fruit de leurs sueurs, humiliera l'orgueil des méchants et abattra l'insolence de ceux qui se rendent redoutables aux humbles et aux petits.

L'indignation du Seigneur éclatera sur ceux qui auront commis le crime et l'injustice; la terre en sera ébranlée jusque dans ses fondements, et le monde embrasé par le

feu de sa colère, rejettera de son sein toutes les iniquités des hommes, et dévorera toutes les souillures humaines.

Ecoutez les paroles de l'Esprit, vous qui écrasez le faible et qui pressurez l'indigent:

Malheur à vous, princes et rois, riches et grands de la terre, qui absorbez, à vous seuls, tout la substance des pauvres et dont les demures sont pleines de la dépouille du peuple! Votre cœur n'est q'un foyer d'orgueil, un affreux repaire de turpitudes et d'injustices, et votre oreille, sans cesse ouverte aux hypocrites louanges de la flatterie, se ferme, sans pitié, aux cris de détresse des malheureux, tristes victimes de votre rapacité!

Malheur à vous, qui faites du mal le bien et du bien le mal, qui donnez aux ténèbres le nom de lumière et à la lumière le nom de ténèbres, qui couvrez vos iniquités du manteau de la justice et appelez injuste ce qui trouble la sécurité de vos larcins!

Malheur à vous, qui tenez la balance de la justice et qui, pour des présents condamnez le juste et donnez droit à celui qui a tort!

Malheur à vous, qui faites des lois d'iniquité et des ordonnances injustes, pour étouffer les plaintes de ceux qui souffrent et accabler de tortures l'innocence des faibles, qui n'encensent point les orgueilleux débordements de votre corruption!

Malheur à vous, qui déportez dans des régions lointaines tous ceux qui font ombrage à vos projets d'envahissement, qui dévorez les dernières ressources de vos victimes et mettez au pillage le bien de leurs femmes et de leurs enfants!

Vous, qui dites: Si nous laissons agir les hommes généreux qui veulent la liberté, tout le monde croira en eux, et ils voudront étendre au loin la propagation de leurs idées, et les étrangers viendront et détruiront

notre ville. Il faut que le peuple soit enchaîné et sacrifié. Malheur à ces hommes par qui le peuple aura été trahi! Malheur à eux, car ils seront pris comme des bêtes fauves poursuivies par les chasseurs, et le peuple venant à passer devant eux, s'en détournera avec dégout, et leur nom sera maudit comme celui de l'Iscariote !

Race de vipères, race d'hommes hypocrites, comment pouvez-vous dire de bonnes choses, vous qui êtes méchants? Au jour du jugement, vous rendrez compte de toutes vos paroles impies; on vous jettera à la face les livres de vos lois et de vos décrets injustes, et vous serez jugés et condamnés par vos propres paroles et vos propres ordonnances!

Malheur à vous qui mettez votre confiance dans la calomnie que vous accumulez sur la tête du juste, parce que la lumière percera les ténèbres, et qu'alors votre calomnie retombera sur votre propre tête et vous écrasera de ses ruines, comme une haute muraille, qui, sapée dans ses fondements, s'entr'ouvre, et se brise, en tombant, comme une vase de terre!

Malheur à ceux qui tourneront les yeux vers le nord et qui enverront des ambassadeurs aux rois de l'est et du septentrion pour demander du secours, qui espèreront dans la force de leurs chariots de guerre et dans la multitude de leurs chevaux, mais qui ne se seront point fortifiés dans l'amour du peuple par la justice: car le Seigneur s'élèvera contre la maison des méchants et contre le secours de ceux qui commettent l'iniquité.

Ils s'appuieront sur la bayonette de l'autrichien, du russe ou du cosa que, et elle leur percera la main; leur force s'évanouira comme la fumée, et la nuée de leurs escadrons sera dispersée comme la poussière des chemins, qu'un tourbillon chasse devant lui; les rois et les chefs de leurs armées s'enfuiront pleins d'effroi, et la même

ruine enveloppera les oppresseurs, avec ceux qui étaient accourus à leur défense.

Malheur à vous, qui accablez les humbles sous le poids de votre mépris, et qui, dans l'excès de votre dédaigneuse arrogance, ne considérez les pauvres que comme une vile multitude: car un jour viendra où, plongés vousmêmes dans l'oubli, vous ne serez plus l'objet que d'une méprisante pitié!

Malheur à vous, chefs aveugles des nations, qui, semblables à des pilotes inhabiles, ne savez guider le vaisseau de l'Humanité que vers les écueils et les tempêtes; malheur à vous, car vos cordages usés ne peuvent plus lutter contre la force des vents, et votre mât vermoulu craque sous l'effort de la voile!

Malheur à vous tous, dont le glaive s'est enivré du sang des peuples et dont les somptueuses demeures se sont enrichies de leurs dépouilles! Votre race est comme la race des oiseaux de proie. C'est porquoi vous et vos rejetons, consumés jusqu'à la racine, ainsi qu'un faisceau de ronces que l'on jette au feu, ne serez plus que comme un monceau de cendres, après un grand embrasement. Les orties croîtront dans vos palais, les buissons couvriront vos remparts et les troupeaux paîtront sur les hauteurs où furent vos citadelles; parce que vous avez foulé aux pieds la justice et fermé la bouche aux apôtres de la vérité!

XIII.

Malédictions sur ceux qui profitent de leur argent pour pressurer le peuple, qui mettent toute leur confiance dans la puissance de leurs trésors, et qui abritent leur iniquité derrière le prestige de leurs richesses.

Ecoutez aussi, vous, dont le cœur, depuis longtems inaccessible à tout sentiment d'humanité, n'est plus le

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