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foyer que d'un insatiable égoïsme, vous, qui, dans l'accès de votre impatiente cupidité, murmurez ces paroles

sinistres :

"Quand donc finiront ces mois, stériles pour nous, où tout est en abondance et à bon marché et où nos marchandises ne peuvent pas nous rapporter le double du prix qu'elles nous ont coûté? Quand viendront donc enfin ces jours de disette, où nous pourrons ouvrir nos greniers, vendre bien cher et à fausse mesure le grain que nous avons accaparé, peser dans de fausses balances l'argent qu'on nous apportera, nous rendre, par nos richesses, les maîtres des pauvres, et nous les assujetir, en leur vendant au poids de l'or les criblures de notre blé ?"

Je vous le dis en vérité: Malheur à ceux qui auront mis leur confiance dans les fruits de leurs rapines et entassé dans leurs maisons les produits du labeur du pauvre ! Comme des renards pris au trébuchet, ils tomberont eux-mêmes dans leurs propres pièges.

Malheur à ceux qui élèvent des monceaux d'or pour s'y retrancher, comme derrière un boulevard inattaquable; car les trésors qu'ils entassent, ne sont que des trésors de haine et de vengance, accumulés sur leurs têtes coupables. Et ils tomberont dans la mêlée de tous les égoïsmes qui se heurtent, de toutes les ambitions qui se combattent, et ils seront enveloppés dans les flammes de l'incendie qui va éclater sur toutes les iniquités humaines.

Malheur à celui qui accumule trésors sur trésors pour assouvir sa criminelle avarice, et qui, dans son orgueil, bâtit sa demeure sur les lieux élevés, comme pour défier le peuple, du haut d'une redoutable forteresse!

Il a dit dans son cœur: Quel bras pourra m'atteindre et quelle force sera capable de me renverser? Et, en un jour de tempête, l'ange du signeur qui plane sur

l'Humanité, a heurté de son aile le donjon de son fort, et son fort, en s'écroulant, l'a écrasé sous ses ruines.

Insensés! qui, assis sur vos coffres-forts, et protégés par la tyrannie, vous croyez à l'abri du souffle de la justice, vous serez surpris comme le chasseur habile surpend le loup dans son repaire. Et, quand vous élèveriez votre vol jusque dans les régions où plane l'aigle, quand vous placeriez votre nid parmi les astres, vous en serez arrachés par une main plus puissante que toutes vos richesses.

Alors vous élèverez les yeux vers le cièl, et un voile d'airain cachera sa lumière à vos regards; vous les abaisserez vers la terre, et ils n'appercevront plus que décombres dans les lieux où furent vos trésors.

Car, en ce tems-là, une grande secousse ébranlera le monde, comme l'explosion de la mine ébranle le roc dans lequel elle éclate. Le cœur des rois sera noyé dans des flots d'amertume, et l'aiguillon du remords percera les entrailles des princes. Les faux prêtres et les faux docteurs, qui prêchent au peuple des doctrines de mensonge seront éblouis et frappés de vertige par l'éclat subit et innattendu de la lumière, que, depuis des siècles ils compriment sous le boisseau. Leurs chaires et leurs tribunes, éclairées par le soleil de la vérité, ne seront plus pour eux qu'un objet de consternation et d'effroi; et ils fuiront les lieux révérés qu'ils ont soullé de leur parole hypocrite, de peur que les pierres de la voute ne se détachent pour les écraser.

Les rois et les chefs d'armée et les maîtres de la parole, qui furent leurs soutiens, rempliront les chemins de leurs hurlements et de leurs cris d'angoisse; parce qu'ils ont oublié la justice et rendu leurs voies criminelles. Ils se regarderont les uns les autres avec stupeur, et leur face sera dessechée, comme si elle avait été brûlée par le feu.

C'est en vain qu'ils chercheront à ressaisir l'instrument du mensonge, qui les a soutenus pendant les siècles passés ; ils échoueront dans leurs tentatives, et ne s'assoieront point au banquet de la régénération universelle des peuples.

La grande voie de l'Humanité est ouverte, et la marche de ses destinées est tracée, et nulle puissance au monde ne peut arrêter les décrets de l'Eternel.

Ni la force des armes, ni les tortueuses menées de la diplomatie ne résisteront à l'envahissement du torrent débordé. Car les peuples ont vu la lumière qui est descendue d'en haut; et les voies nouvelles où ils entreront ne seront plus semées de pièges.

Le tems marche impitoyable, aucun obstacle ne l'arrête, et les efforts réunis de tous les hommes d'iniquité ne saurait le faire rétrograder. De jour en jour, d'heure en heure, le genre humain gravit, avec courage et persistance, cette formidable étape du siècle présent, qui, à travers les décombres des siècles passés, doit le conduire enfin dans les régions heureuses du monde nouveau.

Et maintenant, prêtez l'oreille et écoutez ce bruit étrange qui gronde dans le lointain, comme le mugissement d'une grande cataracte. Ce sont les Ce sont les pas de l'Humanité, qui poursuit sa marche vers de mystérieuses destinées; et la terre, en roulant dans l'espace, en marque les étapes dans la succession des siècles.

MARCHE DE L'HUMANITÉ A TRAVERS LES SIÈCLES.

XIV.

J'ai considéré la nature de l'homme et toutes ces merveilles de la Création qui naissent, grandissent et disparaissent dans le mouvement universel de la vie des êtres, j'ai remarqué l'existence des choses qui se développent dans les tems présents, j'ai porté aussi mon attention sur celles qui ont existé dans les siècles passés, et voici ce que j'y ai vu :

L'Humanité a ses périodes de croissance, comme l'homme a les siennes dans les divers âges de sa vie. Il en est de même de tout ce qui respire, de tout ce qui croît et se développe dans la nature, de tout ce qui nait dans l'esprit et de tout ce qui surgit au sein des sociétés humaines.

Or, au commencement, l'Humanité était jeune encore; et la terre était belle et verte et féconde. C'était l'âge d'or, l'âge du bonheur primitif dans les délices du Paradis terrestre.

C'était l'innocence de l'enfant, heureux d'un papillon qui vole, d'un oiseau qui chante, d'une source qui coule, d'une fleur qui s'épanouit, heureux enfin des mille joies de l'enfance, ignorant les vicissitudes et les chagrins de la vie humaine, et dormant en paix au sein de son heureuse insouciance.

Cependant l'Humanité grandit, et cet état de bonheur primitif ne lui suffit plus. Son intelligence se développe et s'étend dans une sphère plus grande et plus élevée; elle cherche Dieu! La brise matinière rafraîchit son front, et le souffle divin remue son âme. Des idées nouvelles surgissent dans son esprit, des sentiments et des instincts nouveaux naissent dans son cœur; et ces sentiments et ces instincts lui servent à la fois de jalons et de boussole,

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pour continuer sa route à travers la brume encore épaisse de ses destinées.

C'est ainsi que, dans la succession des siècles, elle marque les phases périodiques de ses transformations et de sa croissance.

De même que l'enfant qui grandit et se développe, se dégage instinctivement des entraves qui brident sa liberté, ainsi l'Humanité qui acquiert le sentiment de sa force, déchire les langes de sa tutelle.

Mais il manque à l'un, comme à l'autre, la boussole de l'expérience.

L'enfant se lance, en étourdi, dans les avantures, au milieu d'un monde qu'il ignore; et il se heurte à chaque obstacle, et il se dépite, se désillusionne et s'affaisse sous le poids de son propre découragement.

De même l'Humanité, qui, sur la foi de mauvais pilotes, se précipite dans le tourbillon des révolutions, échoue sur des écueils, et succombe sous la violence des vents et des orages politiques qui se déchaînent et s'entrechoquent de toutes parts.

Il en est des peuples, groupés en nations, comme de l'enfant, comme de l'Humanité. Leur croissance et leur développement s'accomplissent suivant les mêmes lois. Ils marchent sans cesse, selon le degré d'intuition de leur âme, vers le but éternel de leurs aspirations divines, et, quand, sur cette voie que Dieu a tracé à leurs destinées, un obstacle se recontre, ils le renversent et passent outre; et l'impulsion nouvelle qu'il reçoivent de ce choc est d'autant plus forte que l'obstacle était plus difficile à franchir; et ils marchent, marchent toujours, et aucune puissance humaine ne peut les arrêter, parce que c'est le souffle de l'Esprit de Dieu qui les mène; et, chaque individu, chaque peuple, chaque nation accomplira néces

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