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sairement la mission qui lui a été dévolue dans la vie collective de l'Humanité.

Et ainsi, que les hommes marchent par la paix où par la guerre, par le mensonge ou par la vérité, par des chemins droits ou par des chemins tortueux, ils vont toujours en avant, et ils ne peuvent reculer. Ceux qui

marchent dans la voie droite sont heureux du chemin qu'ils ont fait, car ils découvrent à l'horison des joies et des splendeurs toujours nouvelles ; ils ne sentent point la fatigue dans le voyage, et aucune ombre ne cache la lumière qui les conduit. Mais ceux qui prennent la voie tortueuse sont sans cesse exposés à la souffrance et aux fatigues, parce qu'ils ne marchent qu'à travers les précipices; et, ne voyant point d'horison devant eux, la lumière ne les éclaire point dans leur route.

Bien des hommes sont morts, bien des peuples ont passé; mais tous ont rémpli leur mission respective; et, comme la vie d'un peuple est plus longue que celle de l'individu, la vie d'une nation plus longue que celle d'un peuple, ainsi la vie et la destinée collectives de l'Humanité surpasseront, en grandeur et en durée, celles de tous les individus, de tous les peuples et de toutes les nations réunies ensemble.

XV.

La monarchie d'occident et le météore de la montagne.

Mais voici un peuple qui s'élève du milieu des autres peuples. Le Seigneur lui a dit: "Tu seras le flambeau des nations, et tu marcheras devant la face du Rédempteur, pour préparer ses voies; car, dès le jour de ta naissance, tu as été consacré prophète, pour perdre, et pour sauver, pour détruire et pour réédifier; et la parole

qui sortira de ta bouche, sera terrible comme le trenchant d'une épée, et féconde comme le souffle de l'esprit de vie."

Déjà ce peuple, prédestiné à l'apostolat, a brisé, de ses mains devenues robustes, les lisières de son enfance; il a rudement écarté la main qui lui fermait la bouche, et s'est élancé vigoureux et intrépide, dans la carrière de sa mission providentielle.

Or, en ce tems-là, une vieille monarchie dominait en occident depuis des siècles. Elle vivait d'orgueil, de corruption et de rapines, et le vice habitait dans ses palais. Elle était vêtue d'or et de pourpre, et sa tête s'élevait au dessus des montagnes, et elle maîtrisait, au gré de ses caprices, ce peuple que Dieu a choisi pour être la lumière des nations. Mais une grande secousse ébranla le sol sur lequel son trône était assis; et le trône s'écroula, et la monarchie fut renversée, comme un chêne séculaire que l'ouragan déracine; et, quand le bruit de la tempête eut cessé, on ne vit plus que du sang et des ruines.

Le choc fut terrible, les échos du tonnerre prolongés, et le peuple victorieux resta debout sur un monceau de cendres.

Alors, du côté qui regarde l'orient, sur une montagne battue par les flots de la mer, apparut une lueur semblable à celle d'un météore. Et, après s'être lentement élevée au dessus de la montagne, elle planait dans la région des étoiles, losqu'un souffle brûlant comme le vent qui s'élève des terres arides et calcinées, lança le météore dans l'espace.

Et, à la vue de ce prodige, une grande rumeur se fit dans les contrées de l'occident, et les peuples étaient dans l'attente de ce qui allait arriver.

Et, après un peu de tems, le sol du continent trembla, et un bruit tumultueux d'armes, de chevaux et de chariots de guerre promena ses échos sinistres de contrée en

contrée, avec l'impétuosité des vents qui sifflent dans les anfractuosités des montagnes et balaient les rocs dans les torrents et les vallées. Et, quand le bruit eut cessé, les cités étaient en cendres et les plaines jonchées de cadavres.

Rois de la terre, quel terme mettrez-vous à la frénésie de vos cruautés? Les horreurs du massacre, du pillage, de la dévastation et de l'incendie ne lasseront donc jamais vos mains criminelles ? Les trésors de la nature et de l'industrie sont ensevelis sous des ruines; les populations, décimées par le fer de vos soldats, gémissent dans le deuil et dans les larmes; et votre fureur ne s'éteint jamais!

Si la passion de la gloire domine invinciblement vos âmes superbes, ne peut-elle donc se donner carrière dans un champ plus noble que celui de la destruction et du carnage? N'y a-t-il pas des luttes plus honorables que celle du bourreau contre sa victime, des lauriers plus glorieux que ceux qui dégoutent de sang humain, et des victoires plus douces et plus fécondes que celles qui se proclament sur des monceaux de cadavres, au milieu des champs de bataille, dans les plaines dévastées, ou sur les ruines des villes fumantes?

Et, cependant, l'Esprit du mal s'agite encore au milieu des nations, et de nouvelles luttes, plus terribles et plus étendues, que toutes celles qui ont précédé, se préparent a envahir le monde; et déjà, le sang du soldat est de nouveau versé à flots sur les champs de la désolation, et les larmes coulent encore par torrents dans le sein des familles. Mais ces luttes gigantesques seront celles des derniers combats, et l'Esprit infernal, qui les a fomentées, s'engloutira de lui-même sous l'immensité de ses propres ruines, pour échapper à la honte de sa défaite, et à l'horreur qu'il inspirera!

Et, en ce tems-là, l'ange du Seigneur étendra ses ailes sur la terre désolée, et les cités renaîtront de leurs

cendres, et les peuples qui étaient dans l'ombre de la mort, se dégageront de leurs suaires et sortiront de leurs tombeaux. Et alors, toutes les nations de la terre ouvriront les yeux à la lumière de la vérité et de la justice, et elles reprendront une vie nouvelle qui sera fécondée par l'Esprit des tems nouveaux, sur les ruines mêmes de la tyrannie des siècles écroulés !

XVI.

Les peuples se fortifient dans le sentiment de leur puissance.

Lorsqu'un peuple a franchi une grande étape dans la voie de la justice et de la liberté, et qu'il fait une halte au pied de la montagne, pour reprendre des forces, à l'ombre de ses travaux, des échos lointains viennent encore bourdonner à son oreille et troubler la sécurité de son repos.

Ce bruit qui l'importune, c'est le râle du géant qu'il vient de terrasser, et qui hurle ses derniers cris de rage. Mais, d'heure en heure, le bruit s'affaiblit, chaque mugissement marque une période de l'agonie du monstre ; et bientôt son heure n'est plus.

Alors le peuple se recueille dans le calme de ses aspirations, il pense, il étudie, il mûrit ses idées, et, quand son intelligence a acquis le degré de forces qui lui est nécessaire pour une lutte nouvelle, il s'élance à travers de nouveaux orages, et sans cesse il marche en avant, jusqu'à ce qn'enfin il arrive au terme de sa route, c'est-à-dire à la conquête de la vérité et du bonheur.

Cependant le soleil de la Liberté monte dans l'espace, et, dans sa course rapide, il, ressemble au tourbillon qui entraîne les siècles. Et ce tourbillon répand, de tous côtés, comme une vapeur mystérieuse qui fortifie les

cœurs et les intelligences, et pénètre tout ce qui vit et respire dans la nature.

C'est le signe des tems qui approchent; c'est l'indice de l'âge viril des peuples. Malheur à qui osera les emprisonner dans d'étroits vêtements, qui ne vont plus à leur taille, et opposer des barrières à la libre extension de leur force et de leur puissance! Il appellera sur sa tête les foudres de leur colère; et le bras de la justice de Dieu s'appesantira sur lui.

Le jour de la délivrance va se lever sur l'Humanité. Tout ce qui était lié sera délié, et ceux qui étaient tristes seront dans la joie: car j'ai apperçu la lumière briller au sommet de la montagne. Déjà la vallée est moins sombre, et bientôt elle sera inondée de ses rayons, et la terre reprendra sa robe de fleurs et de verdure, et elle se revêtira d'un nouvel éclat, et elle sera parée comme une fiancée au jour de ses nôces.

C'est en vain qu'à grands efforts l'ennemi de la liberté élève des digues; devant la marche de l'Humanité tout cède. Il peut entraver le cours du fleuve, il peut même, à force d'obstacles, le faire sortir de son lit, jamais il ne pourra le faire remonter vers sa source.

Chaque révolution renverse une digue et produit un cataclysme qui ébranle le monde. Et chaque progrès qui se manifeste par une révolution, est le fruit de longues années d'angoisses et de labeurs. Et plus les peuples souffrent, plus vivement ils sentent l'aiguillon du mal, plus proche est le terme de leur délivrance.

Chaque jour les peuples se fortiflent dans le sentiment de leur puissance, et, à mesure que leur intelligence se développe, de nouveaux progrès marquent les phases successives de leur astre qui monte à son apogée.

De conquête en conquête, ils finiront par triompher de tous les obstacles; la nature sera soumise à leur volonté; l'air et

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