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d'occident, lorsque le météore de la montagne fut lancé dans l'espace, et qu'un géant faisait trembler l'Europe sous le bruit de ses pas.

Mais avant que l'Humanité fasse de nouveau retentir sa voix solennelle et batte le rappel des peuples pour une nouvelle étape à franchir dans le chemin des régions de l'avenir, il faut que tous les échos des tonnerres qui ont grondé, soient éteints, et que la terre soit libre de toutes les vibrations qui l'ont agitée auparavant.

Or, le dernier écho qui vient de se faire entendre, est celui d'un grand évènement qui a suivi la chute du chêne séculaire. Et un grand peuple prête l'oreille à chacune de ses répercussions, et ce murmure qui s'affaiblit en se prolongeant, le remplit de joie, parce que la voix de l'écho arrive à son dernier moment. La vibration qui l'a produit, a éclaté dans le mois des frimas, et sa durée sera courte; car la commotion a passé rapide comme un char de feu dans la région d'occident.

Et cette dernière lueur, semblable à un fantôme, réfléchira, comme dans un pâle miroir toutes les phases successives de l'effrayant météore de la montagne. Elle passera sur les cités comme un éclair, et comme un reflet du tems où les fléaux de la guerre avaient débordé sur les peuples d'Europe. Elle sera pour les uns, le signe d'une espérance trompeuse, et pour les autres, une chaîne de plus qui s'appesantira sur leurs têtes. Mais ce fantôme n'apparaîtra qu'un peu de tems sur l'horison, puis, au premier souffle de la brise, il s'évanouira et rentrera dans le sein de son ombre. On distinguera encore le piédestal, mais la statue aura disparue.

Et, quand les hommes de douleur, verront glisser le spectre dans la nuit des grandeurs humaines, qu'ils espèrent; car ce sera le signe précurseur de la liberté des peuples, et ce grand évènement est proche.

Que ceux qui ont rempli les prisons, se hâtent d'en ouvrir les portes; que ceux qui ont condamné des innocents, se hâtent de les réhabiliter; que ceux qui ont versé le sang humain, se hâtent de demander miséricorde; que ceux qui ont dépouillé, se hâtent de rendre ce qu'ils ont pris; que ceux qui ont trompé, se hâtent de rétracter leurs mensonges, et que tous ceux qui ont commis l'injustice, se hâtent de réparer les torts qu'ils ont faits; car la colère du Seigneur passera sur la tête des méchants, et tous ceux dont le cœur sera resté impur et dont l'âme sera restée souillée, deviendront la proie d'un feu dévorant; et ce feu calcinera les entrailles des hommes d'iniquité, et personne ne viendra à leur secours, parce que le feu sera au-dedans d'eux-mêmes et qu'on ne le verra point autour d'eux.

XIX.

L'arbre humanitaire.

L'Humanité ressemble à un grand arbre, dont les peuples seraient l'écorce. Quand l'arbre grandit, l'écorce trop faible pour résister à sa croissance, se déchire et tombe en lambeaux. Une nouvelle écorce lui succède; elle prend la vie de celle qui tombe, la rajeunit de sa propre vitalité, et acquiert ainsi un degré de force qui lui permet de résister, pendant un certain tems, au développement de l'arbre; mais, trop faible à son tour, elle cède la place à une troisième écorce, puis celle-ci à une quatrième, jusqu'à ce que l'arbre et l'écorce aient atteint l'âge viril de leur existence. Alors l'arbre croît encore; mais l'écorce ne se déchire plus. Elle s'alimente et s'agrandit insenssiblement et sans secousse; et, à mesure qu'elle rejette au dehors quelques parcelles de sa

croûte desséchées et privées de vie, elle ne cesse de se renouveler audedans, en s'assimilant la vitalité et la substance même de l'arbre, dont elle suit dès-lors la croissance dans tout son développement, Cette dernière écorce ne meurt qu'avec l'arbre même; c'est l'écorce virile.

Ces déchirures de l'écorce sont comme les crises violentes des transformations sociales, qui marquent les progrès de l'Humanité dans son développement ascensionnel.

C'est ainsi que bien des peuples déjà se sont succédé, à la suite des tempêtes et des cataclysmes qui, d'âge en âge, ont agité le monde dans les diverses périodes de sa croissance. Ils sont tombés, parce que leurs mains étaient trop débiles pour conduire le char de l'Humanité dans les régions de l'avenir. Mais tous, en s'effaçant, ont légué leur héritage à un peuple nouveau, qui apportait au monde un nouveau progrès, un nouveau germe de fécondation. C'est ainsi que, dans le mouvement de la vie universelle, Dieu marque les degrés de l'existence à toutes les créatures, depuis les mondes qui se meuvent dans l'espace, jusqu'aux êtres les plus infimes qui s'agittent sur la terre.

Dans les phases successives de cette perpétuelle croissance de l'Humanité, il s'est élevé, parmi les nations, un grand peuple, qui a eu la gloire de recueillir tous les héritages des peuples qui l'ont précédé dans le travail des siècles, d'embrasser tous les progrès que déjà ils avaient accomplis, et de s'approprier tous les trésors qu'ils avaient amassés.

Ce peuple est l'écorce virile de l'arbre humanitaire, c'est le peuple prédestiné à qui Dieu a donné assez de puissance génératrice pour perpétuer sa vie dans la vie de l'Humanité, jusqu'à la fin des tems.

Dieu l'a choisi parmi les peuples déjà effacés de la terre, parce que, dans la noble expansion de sa générosité, loin

de s'approprier à lui seul les trésors qui lui ont été départis, il n'a cessé, au contraire, de les répandre comme à pleines mains tout autour de lui, pour y faire participer les autres peuples; parce qu'il n'a point abaissé la femme comme les autres nations, et que les mères de ses enfants ont été honorées et respectées dans son sein; parce que le sang de ses martyrs a coulé à flots pour la cause de l'émancipation universelle, et que ses titres de gloire devaient l'immortaliser à jamais dans la suite des siècles.

Et, depuis que ce grand peuple tient les rênes du char de l'Humanité, il a noblement rempli sa mission. A chaque siècle, il a donné au monde l'idée mère d'un nouveau progrès, d'une nouvelle transformation. Naguère il disait: tous les hommes sont égaux, aujourd'hui il dit: tous les peuples sont frères, ils doivent être libres et unis. C'est pour cela que ce peuple vivra éternellement et qu'il assimilera à sa vie la vie de tous les peuples.

Tandis qui la reine des mers explore toutes les contrées du globe, pour en écumer les richesses, et que d'autres nations refusent encore de briser les fers de l'esclavage antique; la France, n'écoutant dautres inspirations que celles de son dévouement et de son génie, oublie ses intérêts matériels pour se lancer à travers les orages de sa mission providentielle.

Une nation qui s'arrête dans sa marche à travers les siècles, est une nation qui meurt; mais la France ne s'arrêtera point, et elle vivra, et elle marchera sans jamais se fatiguer; elle ne sentira ni le travail ni la lassitude, elle ne s'oubliera point, dans le sommeil, elle ne quittera jamais sa ceinture et pas un seul cordon de ses souliers ne se rompra dans sa marche; elle expulsera de son sein tous les éléments de décomposition qui menaceront sa vitalité, et brisera, d'une main vigoureuse et ferme, tous

les obstacles qui s'opposeront à l'accomplissement de sa destinée.

Elle forcera toutes les barrières de la tyrannie, elle frayera la marche aux autres nations, et partagera avec elles tous les fruits de sa conquête au grand banquet universel.

Elle soufflera sur les peuples le vent de la liberté qui fait crouler les trônes. Et les peuples, courbés sous le glaive de leurs tyrans, affamés par la cupidité de leurs oppresseurs, secoueront enfin les chaînes séculaires de leur esclavage, et, relevant leur tête avec fierté, salueront, d'une solennelle et unanime acclamation, le grand jour de la délivrance.

Et l'écho de cette grande voix de la résurrection, se répercutant de nation en nation dans toutes les contrées de la terre, abattant de son souffle tous les sceptres de la tyrannie et brisant tous les fers de l'oppression, fera, de tous les peuples de l'univers, un même peuple, une même famille de frères.

H

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