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PAROLES DE SAGESSE.

XXI.

Peuples, qui êtes gouvernés par les grands et les superbes, écoutez, et prêtez une oreille attentive à ces paroles :

Quand l'heure solennelle aura sonné, he faites point comme les anciens d'Israël, qui, s'étant assemblés, allèrent trouver Samuel, à Ramatha, et lui dirent : Donnez-nous

un roi comme en ont les autres nations, a fin qu'il règne sur nous et qu'il nous gouverne.

Car le Seigneur, par la bouche de ses anciens prophètes, a dit au peuple d'Israël: Voici les droits que s'arrogera le roi que vous aurez établi sur vous, pour vous gouverner:

Il prendra vos fils, pour en faire ses serviteurs, il en fera des gens de cheval et les fera courir devant son char. Il en fera des officiers, pour commander, les uns mille hommes, et les autres, cent. Il Il prendra les uns pour labourer ses terres et recueillir ses blés, et les autres pour lui fourbir des armes et lui construire des chariots.

Il prendra aussi ce qu'il y aura de meilleur dans vos champs, dans vos vignes, dans vos vergers et dans vos troupeaux, et le donnera à ses serviteurs.

Il vous fera payer la dîme de vos blés, de vos fruits, de vos vendanges et de toutes vos récoltes, pour nourrir ses eunuques et ses officiers.

Il prendra vos serviteurs et vos servantes et vos jeunes gens les plus forts, et il les fera travailler pour lui, et vous serez les serviteurs de ses serviteurs.

Vous crierez alors contre votre roi; mais le Seigneur ne vous écoutera point, parce que c'est vous-mêmes qui vous le serez donné.

Voilà ce que dit le Seigneur au peuple d'Israël.

XXII.

Ne point se fier à la parole des grands.

Et moi, j'ai pénétré dans la demeure des rois; et mon regard a scruté les cœurs des princes et de leurs courtisans, et il a sondé toute la profondeur des plaies qui les rongent.

Je vous le dis donc en vérité: Ne vous fiez point à la parole des grands et des puissants de la terre. Leurs promesses sont trompeuses comme le mensonge, et leurs discours, vénéneux comme l'aconit.

Ils viendront à vous sous le masque d'une bienveillance hypocrite, et ils vous diront que le peuple est incapable de comprendre ses véritables intérêts, de discerner, dans la conduite de ses affaires, la bonne voie de la mauvaise, d'apprécier ses besoins et d'y pourvoir par lui-même, de juger si le salaire dont on rémunère son travail, est ou n'est pas suffisant à la subsistance du travailleur et de sa famille.

Ils voudront, par ces astucieux détours, vous maintenir éternellement sous leur tutelle, pour gaspiller vos intérêts au profit de leur domination, et engraisser leur orgueilleuse oisiveté des plus substantiels produits de vos labeurs.

Ils vous promettront la liberté, et ils vous donneront l'esclavage. Ils vous promettront l'abondance, et ils vous donneront la misère. Ils vous feront des serments, et ils se parjureront.

Et il leur faudra de l'or, et encore de l'or, et des honneurs, et de la volupté, et des jouissances de toute nature, prélevées sur vos sueurs et sur vos larmes, et ils ne seront jamais rassasiés.

Et ils s'attribueront à eux seuls les biens qui appartiennent à tous; et ils feront de vos fils leurs valets, et de vos vierges, leurs concubines.

Et le juste, dont la voix courageuse aura osé s'élever contre le débordement de tant d'iniquités, ira expier, dans l'exil ou dans les cachots le crime de sa générosité et de son courage.

Et ils appelleront ces choses la gloire d'un règne; et, ajoutant le blasphème à leurs turpitudes, ils vous diront, avec la révoltante froideur du cynisme, que TEL EST L'ORDRE ÉTABLI DE DIEU!!!

XXIII.

Parabole d'un sage d'Israël.

Ce n'est point par les hommes déjà libres qu'on détruira l'esclavage, ni par les possesseurs d'une grande fortune qu'on corrigera les abus de la richesse, ni par les oisifs qu'on organisera le travail. Le mal doit être attaqué et vaincu par ceux-là mêmes qui en souffrent.

Un enfant pauvre, qui a l'esprit droit et le cœur pur, vaut mieux qu'un roi vieux et insensé, qui se cramponne obstinément aux choses du passé, et ne sait rien fonder de grand pour l'avenir.

Qu'importe à l'Humanité que les décrets de la Providence s'accomplissent par un enfant ou par un vieillard, par un prince ou par un laboureur, par un homme ou par une femme? Le diamant caché dans la terre n'a-t-il pas plus de valeur que la perle de verre fastueusement étalée sur la soie ou sur le velours?

Comme ces fruits trompeurs dont la brillante enveloppe ne renferme que du poison ou de la pourriture, les vêtements d'or et de pourpre, les somptueux hochets de la grandeur et de la puissance cachent souvent des plaies hideuses, dont le seul aspect vous ferait reculer d'horreur, si tout-à-coup elles vous étaient dévoilées.

I

Les grands, d'ailleurs, ne connaissent point les maux du peuple. Comment pourraient-ils y appliquer le remède ? Si parfois ils soulagent une souffrance physique, c'est presque toujours en irritant une douleur morale.

Celui qui ne produit rien ne saurait régir ni féconder les veines de la production, d'où découle la richesse publique.

Ecoutez encore la parabole d'un sage d'Israël :

Un jour, dit-il, les arbres s'assemblèrent pour sélire un roi, et ils dirent à l'olivier : Venez régner sur nous. L'olivier leur répondit: Puis-je. abandonner mon suc et mon huile, que savourent les dieux et les hommes, pour aller dominer sur les autres arbres ?

Ils dirent ensuite au figuier: Soyez notre roi. Le figuier leur répondit: Puis-je abandonner l'excellence de mon suc et la douce saveur de mes fruits, pour aller régner sur vous ?

Ils s'adressèrent encore à la vigne, et lui dirent; Venez prendre le commandement sur nous. La vigne leur répondit: Puis-je abandonner mes grappes vermeilles et mon vin qui réjouit le cœur des dieux et des hommes, pour aller vous commander?

Enfin, les arbres dirent au buisson: Venez, c'est vous qui serez notre roi. Et le buisson leur répondit : Puisque vous me constituez votre roi; vous vivrez sous mes lois, et demeurerez sous mon ombre.

Mais au lieu de couvrir les autres arbres d'une bienfaisante et salutaire protection, le buisson, devenu leur roi, absorba la plus pure substance de leurs sucs nourriciers et les étouffa sous l'étreinte de ses épines.

Ainsi, tout ce qui est fécond, tout ce qui donne de bons fruits, refuse la royauté. Seul, le buisson stérile l'accepte, pour vivre en parasite et dévorer les produits des autres arbres, qu'il enlace de ses réseaux meurtriers.

Or, je vous le dis en vérité, les riches oisifs sont comme les épines du buisson, et les rois sont comme les mendiants, qui consomment, sans rien produire, et appauvrissent le travailleur, en prélevant la meilleure part des fruits de son travail. C'est pourqoi, afin de satisfaire leur ambition dévorante, ils n'aspirent qu'à la spoliation et à l'asservissement de beaucoup de peuples. Le meilleur d'entr'eux est comme une ronce et le plus juste comme l'épine d'une haie.

Qu'elle que soit la splendeur des monarchies, elle n'est donc qu'une splendeur d'emprunt, qu'une gloire factice, qui, en face des splendeurs futures de la République des tems nouveaux, et des magnificences du règne de l'harmonie universelle, pâlira, comme le cuivre doré, à côté de l'or pur.

XXIV.

Les tours de Babel du Siècle.

Ecutez encore ceci :

Vous entretenez, à grands frais, des assemblées, qui gaspillent vos affaires et vos deniers, qui passent leur tems à vous forger des chaînes et à vous détourner des voies de la justice. Vous aviez trop d'un roi, et vous en avez rétabli des centaines plus parasites et plus tyranniques encore que celui que vous aviez chassé.

Les assemblées de ceux qui font les lois, sont comme les tours de Babel de votre siècle. Elles portent la confusion sur tout ce qu'elles touchent; elles appellent bon ce qui est mauvais, et mauvais ce qui est bon, sagesse ce qui est folie, et folie ce qui est sagesse, doux ce qui est violent, et violent ce qui est doux, ordre ce qui est désordre, et désordre toutes les aspirations des peuples

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