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temps disciple de Descartes; et il a brillé au xvne siècle, entre Leibnitz. et Bossuet.

Sa vie est fort simple1. Il naquit à Paris, le 16 août 1638, d'un secrétaire du roi et d'une femme titrée. Il était le dernier de six enfants. Une complexion délicate, un vice de conformation, et, plus encore, la tournure de son esprit et de son caractère, l'ayant déterminé à entrer dans les ordres, il fit sa philosophie au collége de la Marche, sa théologie en Sorbonne, et entra à l'Oratoire en 1660, après avoir refusé un canonicat qu'on lui offrait à NotreDame de Paris. Son génie particulier ne se révéla pas d'abord, et les supérieurs de la congrégation hésitèrent sur le genre d'études auquel il conviendrait de l'appliquer. Le Père Lecointe lui persuada de s'adonner à l'histoire ecclésiastique. Il lut en grec Eusèbe, Socrate, Sozomène et Théodoret; mais il ne se sentait pas fait pour l'érudition historique; les faits s'arrangeaient mal dans sa tête; son esprit n'était pas rempli. Richard Simon voulut lui apprendre l'hébreu; il entreprit cette nouvelle étude sans plus de succès, et ne tarda pas à l'abandonner. Le seul fruit qu'il en retira fut de pouvoir lire l'Ecriture dans le texte. Malgré son dégoût et son aversion pour l'érudition en général, il était fort versé dans la connaissance des Écritures et des Pères; il trouvait là des pensées trop analogues à ses propres sentiments pour n'en pas faire sa lecture et son occupation habituelle; et quand plus tard, ayant ouvert par hasard les ouvrages de Descartes, il se livra et se remit entre ses mains, ce fut en réservant sa confiance filiale pour les vérités de la foi, et à condition de demeurer uni de cœur et d'âme à la tradition de l'Eglise et à la foi catholique'.

1. Le P. André, de la compagnie de Jésus, et le P. Adry, de l'Oratoire, avaient écrit la vie de Malebranche. Ces ouvrages n'ont pas été publiés.

2. Sixième Entr., 1.

Personne n'ignore que ce fut en lisant le Traité de l'Homme que Malebranche se trouva lui-même. Cet ouvrage de Descartes est bien loin de compter au rang de ses chefs-d'œuvre; et Descartes lui-même semble l'avoir jugé ainsi, puisqu'il ne l'acheva point; mais Malebranche, qui entrait par cette voie dans le cartésianisme, fut si frappé de cette liberté d'esprit, de cette parfaite indépendance, de cette méthode toute nouvelle de conduire l'esprit par l'évidence de la raison, sans blesser l'autorité de la foi; il découvrit dans la conduite de l'ouvrage des principes si lumineux et d'une application à la fois si générale et si simple; enfin il se sentit attiré par une vocation si irrésistible vers l'étude de la nature humaine, qu'il lui prit des battements de cœur qui, plus d'une fois, l'obligèrent d'interrompre sa lecture. Dès ce moment il ne fut plus question de grec ni d'hébreu, et Malebranche appartint sans réserve à la philosophie; non pas à cette philosophie de l'école qui régnait alors, toute nourrie d'érudition et plus occupée de s'accorder avec Aristote qu'avec le bon sens, mais à la philosophie cartésienne, n'ayant pour point de départ que l'observation et pour règle que l'évidence. Il s'appropria en peu de temps toute la doctrine de son nouveau maître; et il disait que si les ouvrages de Descartes venaient à être perdus, il se faisait fort de les rétablir.

On

peut dire que la philosophie de Descartes, qui certes n'a pas été improvisée, a pourtant été faite d'un seul coup, tant il y a de persévérance et d'opiniâtreté dans le génie du maître. On sent, à n'en pouvoir douter, que tout est de lui dans cet édifice, et qu'il en a été, comme il le dit, le seul architecte. C'est un esprit absolu et tout d'une pièce, qui défie les objections et les méprise. Il est déjà tout entier dans son premier mot. Par opposition aux philosophes de l'école, touchés d'un si grand respect pour les opinions

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reçues, Descartes commence par le doute méthodique; et le doute méthodique, qu'est-ce, sinon la proscription de toute autorité et un appel à la raison individuelle1? Quand Descartes admet ensuite pour première vérité sa propre existence, et pour souveraine et unique autorité la clarté et l'évidence de ses conceptions, il ne fait que reconnaître sa route et s'y affermir. Une fois en possession de luimême, il se définit une substance pensante 2; et comme il se sent contingent et limité, et qu'en même temps il a l'idée de l'infini, il en conclut hardiment que l'infini existe, marchant ainsi de la conséquence au principe, parce que, comme Malebranche le dira plus tard, en traduisant le système de son maître dans le sien, « rien de fini ne peut représenter l'infini, et l'idée de Dieu est nécessairement Dieu lui-même3. » L'idée de la matière, c'est-à-dire, pour Descartes, d'une substance étendue, n'implique pas l'existence de la matière; car il y a moins de perfection dans cette idée que dans l'esprit qui la conçoit; mais elle se présente si naturellement à la pensée, elle se lie à tant de sentiments et de perceptions diverses, que Dieu qui a fait l'homme, et l'a créé avec cette idée de substance étendue dans des rapports si intimes et si fréquents, manquerait de véracité, et ferait de nous le jouet d'une illusion fatale si la matière n'existait pas . Ainsi se développe la pensée de Descartes : le doute méthodique est le commencement et la condition de sa philosophie; l'évidence des conceptions en est la règle; l'existence du moi, comme substance pensante, en est le point de départ, et s'affirme sans démonstration par l'impossibilité du doute. Nous savons que

1. Descartes, troisième Règle pour la Direction de l'esprit. — Méd., 6.

2. Il n'y a rien en nous que nous devions attribuer à notre âme, sinon nos pensées. » Traité des Passions, 17.

3. Descartes, Méd. 3; Principes, 18, 14, 20, 21,

4. Id, Méd., 6.

Dieu existe, par cela seul que nous avons l'idée de Dieu; et nous croyons, sur la foi de Dieu, qui ne peut nous tromper, à l'existence de la matière comme substance étendue.

Ces principes de la philosophie de Descartes deviennent ceux de Malebranche; pour lui, comme pour Descartes, l'évidence est le critérium de la certitude; comme Descartes, et plus que lui peut-être, en sa qualité de prêtre, il veut mettre à part, comme dans une arche sainte, les vérités de la foi, et proteste de sa soumission à l'autorité, comme chrétien, tout en ne voulant relever que de la raison, comme philosophe; comme Descartes, il part de l'observation de la nature humaine, et passe des réalités objectives aux réalités formelles, ou des idées de l'homme aux objets de ces idées; il regarde l'âme comme une substance pensante, le corps comme une substance étendue, l'idée de l'infini comme la preuve de l'existence de l'infini, et la véracité de Dieu comme le stable fondement sur lequel doit reposer notre croyance à l'existence des corps. Ces trois principes, que l'âme est une substance pensante, et le corps une substance étendue, et que la seule idée de Dieu en nous prouve invinciblement l'existence de Dieu servent de point de départ à toute la philosophie de Malebranche.

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Cette double définition de l'âme et de la matière par la pensée et l'étendue serait excellente si on n'y cherchait que l'élément différentiel; car il est aussi impossible à l'âme d'être étendue, qu'il l'est à la matière de concevoir une pensée. Mais Descartes, qui voyait dans sa pensée la preuve de son existence, concluait sur-le-champ que l'essence propre de son être était la pensée; et ce caractère était pour lui générique et non spécifique, essentiel et non différentiel. Cependant, Descartes ne disait pas seulement : Je pense, donc je suis; mais il disait : Je doute, je pense, je suis. Ce passage du doute à la résolution du doute par l'évidence de l'existence propre lui eût dû présenter un phéno

a.

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'Novembre 1811.) 122 volumes sont en vente. Imp. par Béthune et Plon

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