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De l'âme, et qu'elle est distinguée du corps. De la nature des idées. Que le monde où nos corps habitent et que nous regardons est bien différent de celui que nous voyons.

THEODORE. Bien done, mon cher Ariste, puisque vous le voulez, il faut que je vous entretienne de mes visions métaphysiques. Mais pour cela il est nécessaire que je quitte ces lieux enchantés qui charment nos sens, et qui, par leur variété, partagent trop un esprit tel que le mien. Comme j'appréhende extrêmement de prendre pour les réponses immédiates de la vérité intérieure quelques-uns de mes préjugés, ou de ces principes confus qui doivent leur naissance aux lois de l'union de l'âme et du corps, et que dans ces lieux je ne puis pas, comme vous le pouvez peut-être, faire taire un certain bruit confus qui jette la confusion et le trouble dans toutes mes idées, sortons d'ici, je vous prie. Allons nous renfermer dans votre cabinet, afin de rentrer plus facilement en nous-mêmes. Tâchons que rien ne nous empèche de consulter l'un et l'autre notre maître commun, la raison universelle; car c'est la vérité intérieure qui doit présider à nos entretiens. C'est elle qui doit me dicter ce que je dois vous dire, et ce que vous voulez apprendre par mon entremise. En un mot, c'est à elle qu'il appartient uniquement de juger et de prononcer sur nos différends. Car nous ne pensons aujourd'hui qu'à philosopher; et quoique vous soyez parfaitement soumis à l'autorité de l'Église, vous voulez que je vous parle d'abord comme si vous refusiez de recevoir les vérités. de la foi pour principes de nos connaissances. En effet, la foi doit régler les démarches de notre esprit, mais il n'y a que la souveraine raison qui le remplisse d'intelligence.

ARISTE. Allons, Théodore, partout où vous voudrez. Je suis dégoûté de tout ce que je vois dans ce monde matériel et sensible,

pour Malebranche, des accidents qui hâtèrent sa fin. Il mourut âgé de 77 ans 1. Sa réputation, comme penseur et comme écrivain, ne pouvait diminuer; mais il ne conserva pas d'influence comme chef d'école. L'Allemagne était alors toute à Leibnitz, l'Angleterre et la France appartenaient à Locke. Diderot disait de lui: « Une page de Locke contient plus de vérités que tous les volumes de Malebranche; mais une ligne de celui-ci montre plus de subtilité, d'imagination, de finesse et de génie peut-être, que tout le gros livre de Locke. Ce jugement montre bien, non pas assurément ce qu'il faut penser de Malebranche, mais ce que pensait de lui la génération qui le suivit. Un méchant vers de Faydit,

Lui qui voit tout en Dieu, n'y voit pas qu'il est fou,

eut une fortune immense. Il est si commode pour le vulgaire de se débarrasser ainsi du fardeau de l'admiration, et d'avoir pitié des hommes de génie! Ce fou de Malebranche est une de nos grandes gloires nationales; ses Visions métaphysiques sont une école de sagesse et de profonde philosophie, et plaise à Dieu pour l'honneur de la philosophie et les progrès de l'esprit humain, qu'il nous puisse naître encore des rêveurs comme lui!

J. S.

1. Le 13 oct. 1715.

OEUVRES CHOISIES

DE

MALEBRANCHE.

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