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Lorsque le duc Faroald s'empara du Corps de sainte Lucie, il y a tout lieu de croire qu'il ne pilla qu'une des deux églises dédiées à la sainte, car plusieurs Reliques furent depuis, le 6 février 822, transportées à Constantinople' par Georges Maniaces, représentant en Sicile de Michel Balbo, Empereur de Constantinople. A cette époque, la Sicile tout entière, à l'exception de Syracuse et de Tauromenium, était en proie aux incursions des Sarrasins; et, soit pour mettre ces précieuses dépouilles à l'abri des injures des barbares, soit pour être agréable à son Empereur, Maniaces transporta, outre les Reliques de sainte Lucie, celles de sainte Agathe, de saint Clément, abbé, et d'autres saints encore 2.

Nous sommes heureux de voir ce renseignement confirmé par les petits Bollandistes 3, par Butler, par Baillet 5, par Ribadeneira, et par-dessus tout par le Bréviaire romain".

Quand Constantinople fut prise par les croisés (12 avril 1204), les Reliques qui se trouvaient dans cette ville puissante furent distribuées aux différentes nations qui avaient pris part à la guerre sainte. Venise eut en partage une portion de la vraie croix et du corps de sainte Lucie, les corps de sainte Agathe et du patriarche Siméon, un bras de saint Georges, une partie du corps de saint Jean-Baptiste, riches dépouilles qui se trouvaient surtout dans l'église de Sainte-Sophie. Le Doge Dandolo fit déposer la Relique de sainte Lucie dans le monastère de Saint-Georges, jusqu'à ce qu'elle fût enfin transférée dans l'église qui porte son nom à Venise 8.

1. Sa Grandeur Monseigneur Vincent Vannutelli, Archevêque de Sardes, délégué apostolique à Constantinople, par nous consulté à ce sujet, a eu la grande bonté de nous confirmer ces détails (lettre du 20 décembre 1881), en ajoutant que l'Eglise de Constantinople ne possédait aucun autre renseignement.

2. Grævius, tome II, page 392, sub titulo Rocchi Pirri. Voir aux

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César Gaëtani' nous raconte en effet que la fête de sainte Lucie tombant le 13 décembre, c'est-à-dire au cœur de l'hiver, les légères gondoles qui conduisaient au monastère de SaintGeorges étaient souvent submergées. Le doge, ému de ces catastrophes, fit transférer ces précieuses dépouilles le 18 juin 1280. Mais l'abbé du monastère, Paul Veniero, noble Vénitien, fut très douloureusement affecté de la perte de ces Reliques. Au moment de s'en séparer, au milieu de ses larmes et de ses sanglots, il saisit entre ses mains celle de sainte Lucie, qui se trouvait avec la portion du corps dans son monastère, et la baisa dévotement. A ce moment, on vit cette main se séparer spontanément du bras qui la retenait et rester entre les mains de l'abbé, comme un gage de la reconnaissance de la Sainte pour cette tendre dévotion.

Ce prodige émerveilla la foule, et, par un consentement unanime, cette Relique, doublement précieuse, fut laissée au monastère de Saint-Georges, où, depuis cette époque, les religieux n'ont cessé de l'exposer à la vénération des fidèles le 13 décembre, jusqu'à ce que l'église du monastère, tombant en ruines, le Souverain Pontife Pie IX, de glorieuse mémoire, ait, en 1860, fait transférer ces Reliques dans l'église de Saint-Jérémie, qui maintenant est placée sous le double vocable de Saint-Jérémie et de Sainte-Lucie 2.

Un second miracle signala cette pieuse cérémonie. Un jeune Vénitien avait perdu l'œil gauche et se voyait sur le point de perdre également l'œil droit. Grâce à l'intercession de la Sainte, ce jeune homme recouvra tout à coup la vue.

Les Reliques de sainte Lucie furent, au xv siècle, l'objet d'un grave débat entre les religieuses del Corpo di Signore, qui s'étaient établies près de l'église de Sainte-Lucie, et les religieuses dell' Annunziata, qui avaient construit leur monastère dans les mêmes parages. La discussion s'envenima à ce point que le Saint-Siège dut intervenir et terminer le différend

1. Voir aux Annexes. Cf. Flaminius Cornelius. Voir également aux Annexes.

2. Voir au chapitre III de cette seconde partie.

par l'intermédiaire de Maphoeus Girardo, Patriarche de Venise, délégué apostolique, lequel, à la date du 4 mai 1478, concéda les Reliques de sainte Lucie aux religieuses dell' Annunziata, qui s'engagèrent à donner en retour au couvent del Corpo di Signore 50 écus d'or par an 1.

C'est de là que furent détachées toutes les Reliques que nous retrouvons dans l'Italie et dans le midi et le centre de la France.

Ainsi, on vénère :

1o A Naples, deux dents de sainte Lucie, l'une dans l'église de Sainte-Lucie à Mare, l'autre dans l'église de Sainte-Lucie du Mont; divers fragments de ses os, dans la cathédrale, dans les églises de Sainte-Marie-Majeure, de Sainte-Marie de la Sagesse, de Saint-Patrice, de Sainte-Catherine de Sienne. L'église de Saint-Georges-Majeur possède un fragment d'os et une dent molaire, enfermés dans un reliquaire antique, portant l'insigne de l'empereur Constantin 2. Enfin l'église de Saint-Jean-Majeur est en possession des yeux de la Sainte; mais cette Relique n'a pas un caractère d'authenticité suffisant 3.

2o A Padoue, dans l'église de Sainte-Lucie, un morceau des côtes, un morceau de chair et une petite natte de cheveux enfermés dans un reliquaire d'argent, de forme cylindrique, du siècle passé".

3o A Vérone, dans le monastère de Sainte-Lucie, quelques parcelles d'ossements et un morceau de linge teint de son sang ".

4° A Pesaro, dans l'église des RR. PP. Azomini, un doigt détaché de la main qui se trouve au monastère de SaintGeorges 6.

1. César Gaëtani. Voir aux Annexes Annexes.

2. Sans doute Constantin IX.

Flaminius Cornelius. Voir aux

3. Lettre de M. l'abbé Gennaro di Belmonte, en date, à Naples, du 13 juillet 1882.

4. Lettre de M. l'abbé Gianpaolo Berti, secrétaire de Sa Grandeur Mgr l'Evêque, en date, à Padoue, du 22 avril 1882.

5. César Gaëtani. Voir aux Annexes.

6. Id.

5o A Venise, entre les mains du Patriarche, un autre doigt de la même main; dans l'église des PP. Jésuites, érigée sous le vocable de Sainte-Lucie, un os du pied; dans l'église de Sainte-Lucie, dont nous avons déjà parlé, le doigt annulaire de la main susmentionnée 1.

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D'autres petites parcelles des précieuses Reliques ont été données, au xvie siècle, à l'impératrice Isabelle, de passage à Venise 2; à la ville de Lisbonne, en Octobre 1587 3; à la basilique de Saint-Matthieu, à Trévise ; en 1652, à Syracuse ; à la ville de Nicosia, un fragment de doigt ; à la basilique de Saint-Paul et aux différentes églises dédiées à Sainte-Lucie 8, à Rome; à la Calle (Algérie), un morceau d'étoffe 9, et à différentes personnes de la ville de Venise 10.

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Dès avant la translation des Reliques de sainte Lucie à Constantinople, le pape saint Grégoire le Grand avait déposé dans la basilique de Saint-Pierre, à Rome, une portion d'un bras de la sainte 11, et sans doute c'est à la même époque qu'il aura fait venir de Syracuse une portion du crâne de sainte Lucie, que nous allons retrouver bientôt à Bourges.

11

La basilique de Saint-Jean-de-Latran possède une autre Relique, dont la gratifia le pape Anastase IV 12.

Plus près de nous, l'église de Luzillé, canton de Bléré (diocèse de Tours), possède, depuis 1878, une parcelle des ossements de la Sainte; l'authenticité de cette relique est constatée par un acte émanant de Monseigneur l'évêque de Fabiano et Matelica, en date du 28 septembre 1878 13.

1. César Gaëtani. Voir aux Annexes.

2. Id.

3. Id. +. Id.

5. Id. 6. Id 7. Id.

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8. Rittrato di Roma moderna. Voir aux Annexes.

9. Lettre de M. l'abbé Pavy, Vicaire Général à Constantine, en date du 20 mai 1882.

10. César Gaëtani. Voir aux Annexes.

11. Id.

12. Id.

13. Lettre de M. l'abbé Chauvet, curé à Luzillé, en date du 3 avril 1882.

Les religieuses Clarisses d'Amiens et la famille de Louvencourt possèdent des parcelles d'ossements ayant appartenu aux Chartreux d'Abbeville, à la collégiale de Longpré et à l'église du Port (diocèse d'Amiens) 1.

Enfin, l'église de Sainte-Luce (diocèse de Nantes) reçut en juillet 1667, du couvent de Sainte-Lucie, à Venise, un morceau de la coiffe de la sainte et un morceau du voile qui recouvrait son Corps lors de sa translation à Venise. Le morceau de voile fut perdu, comme tant d'autres trésors de ce genre, pendant la Révolution; il était renfermé dans un petit vase de cristal monté sur un pied d'argent. Mais, fort heureusement, le morceau de coiffe a échappé aux fureurs des Vandales du XVIIIe siècle; il est renfermé dans un reliquaire en argent, de forme ronde, qu'une petite statue de la Sainte tient entre ses mains. L'authenticité de cette Relique a été de nouveau constatée, dans le bref suivant, le 15 septembre 1858, par M. l'abbé Richard, alors vicaire général de Nantes, préconisé depuis Archevêque de Larisse, et aujourd'hui coadjuteur de l'éminentissime Cardinal Guibert, Archevêque de Paris :

<< Anthonius Matthias Alexander Jacquemet, miseratione divinâ et Sanctæ Sedis Apostolicæ gratiâ, Nannetensis episcopus.

«< Universis et singulis præsentes litteras inspecturis, Salutem et Benedictionem in Domino.

« Notum facimus et testamur quod, ad majorem Dei omnipotentis gloriam venerationemque Sanctorum ejus, sacras Reliquias S. LUCIÆ quæ, ab anno millesimo sexcentesimo sexagesimo octavo, in parochia ejusdem Sanctæ Luciæ virginis et martyris dioecesis Nannetensis asservatæ fuerant, recognovimus; et examine diligenter facto, invenimus partem quamdam panni serici et villosi, coloris rubri, auroque intexti inclusam in thecâ argenteâ rotundâ ab anteriori parte unico crystallo munitâ, super quem pannum posita erat charta cum inscriptione hâc sermone gallico de la coeffe de sainte Luce V. M. Nobisque insuper exhibita fuerunt: 1o Instrumentum confectum Venetiis anno millesimo sexcentesimo sexagesimo septimo, die vero decimâ octavâ mensis julii a Petro Brachi notario publico, visumque ab Ill. Rev. D. D. Stephano Brancacio, Nuntio Apostolico apud

1. Hagiographie du diocèse d'Amiens, par M. l'abbé Corblet, pages 413-414, tome 4.

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