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C'est encore de ce morceau de la mâchoire inférieure de sainte Lucie que furent extraites les parcelles distribuées à différentes églises de Belgique. En effet, de nombreuses reconnaissances de Reliques sont faites par les différents Évêques d'Anvers, savoir : le 16 novembre 1741, pour l'église du Béguinage à Turnhout; le 31 juillet 1757, pour l'église de SaintPierre à Turnhout; le 8 juin 1746, pour l'église de l'hôpital de Turnhout; le 5 décembre 1742, pour l'église de Schooken; le 12 mai 1750, pour l'église de Chaem (Brabant septentrional); le 26 août 1755, pour l'église de Ryckevorsel; le 7 septembre 1759, pour l'église de Borsbeek; le 3 janvier 1763, pour l'église des Sœurs noires à Anvers 1.

Les 28 octobre 1851, 10 mars 1862 et 21 octobre 1876, trois fragments d'ossements de sainte Lucie étaient donnés à l'église Saint-Paul d'Anvers. « Chacune de ces Reliques est enfermée dans une cassette; à l'intérieur de deux de ces cassettes se trouve le sceau de feu le Cardinal Archevêque Sterckx; la troisième porte le sceau de Mer Deschamps; à l'intérieur se trouve l'inscription: ex ossibus sanctæ Luciæ, V. M. 2. » Les authentiques qui accompagnent ces reliques sont toutes les trois conçues dans les mêmes termes; nous reproduirons seulement celle du 28 octobre 1851 :

« Engelbertus, miseratione divinâ Tituli S. Bartholomæi in Insula, S.R.E. Presbyter Cardinalis STERCKS, Archiepiscopus Mechliniensis, Primas Belgii, etc.

« Omnibus has visuris Salutem in Domino.

« Tenore præsentium fidem facimus indubiam et attestamur, quod nos, die datæ harum juxtà S. Concil. Trident. præscriptum, debitè recognoverimus et approbaverimus sacras Reliquias ex ossibus sanctæ LUCIE, virginis et martyris, nobis cum debitis authenticitatis nobis exhibitas, quas reverenter reposuimus et collocavinus in thecâ cupreâ formæ ovalis circulo argenteo et crystallo ab anteriori ornatâ, benè clausâ et filo serico coloris rubri debitè collagitâ, nec non sigillo nostro in cerâ hispanicâ impresso,

1. Lettre de M. Theunissent, en date du 14 mai 1882.

2. Lettre de M. l'abbé Van de Velden Part, doyen de Saint-Paul, à Anvers, en date du 9 août 1882.

firmiter obsignatâ; permittentes ut præfatæ S. Reliquiæ in hac dioecesi publicè fidelium venerationi exponi possint, nullatenus tamen ex altari.

<< Datum Mechliniæ sub nostri vicarii generalis signo sigilloque nostro nec non secretarii nostri chirographo, die 28e mensis octobris anno 1851. Signé : « G. Scheys, vic. gen.

«De mandato eminentissimi ac reverendissimi Domini Cardinalis Archiepiscopi.

« M. Dhanis, prosecret. 1. »

Enfin, dans l'Histoire de la ville d'Anvers de Mertens et Torfs (à la page 253 du 5o volume), il est fait mention du collège irlandais (collegium pastorale Hibernorum), fondé en cette ville en 1629 et supprimé à la Révolution française (toujours!!), et il y est dit que ce collège possédait une chapelle dédié à Saint Patrice, dans laquelle était conservée pieusement une Relique de sainte Lucie, donnée par le cardinal Raynisius Pallavicini, et à la vénération de laquelle le pape Clément XIII (1758-1769) avait attaché une Indulgence plénière 2.

Ici, nous l'avouons, nous ne pouvons nous défendre d'un grand chagrin. La tourmente révolutionnaire, qui répandit la désolation dans toutes les contrées soumises à la France, ferma, pour toujours, sans doute, l'abbaye de Saint-Sauveur d'Anvers.

En vertu de l'article 2 de la loi du 15 fructidor an IV, loi ordonnant la suppression de tous les établissements religieux, un état des biens meubles et immeubles de chaque communauté fut dressé et remis à la direction des domaines de chaque département. Nous espérions donc retrouver les traces de l'insigne Relique de notre Sainte. Mais, malgré nos scrupuleuses et incesssantes recherches, auxquelles ont bien voulu prendre part MM. le Directeur des Archives Nationales à Bruxelles le Directeur des Archives Provinciales à Anvers, le Gouverneur de la Province d'Anvers 5, Sauvan, chef de bureau au

J. Lettre de M. l'abbé Van de Velden Part, etc.

2. Lettre de M. Theunissent, en date du 27 août 1882.

3. Lettre du 11 juillet 1882. 4. Lettre du 28 juillet 1882. 5. Lettre du 1er août 1882.

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ministère des finances à Paris 2, de La Ville-Leroulx, attaché aux Archives Nationales à Paris, Mgr Sacré, doyen-curé de Notre-Dame à Anvers ", Theunissent, malgré toutes nos recherches, disons-nous, nous n'avons pu savoir ce qu'était devenu le fragment de la mâchoire inférieure de sainte Lucie. A-t-il été, comme tant d'autres trésors, brûlé par la main sacrilège des révolutionnaires? A-t-il été, au contraire, recueilli avec soin par un moine qui l'aura placé en lieu sûr? Nous l'ignorons, et, bien que nous ayons fait tout ce qui était humainement possible, nous ne désespérons pas encore du succès. Peut-être nos descendants, plus heureux que nous, retrouveront-ils cette sainte Relique.

Nous arriverons bientôt à la fin de ce premier chapitre, et nous n'avons pas encore parlé de l'insigne Relique que l'Église de Bourges a, suivant une tradition respectable, conservée jusqu'en 1793. C'est avec intention que nous avons agi ainsi. Nous avons voulu parler, d'abord, de ce qui était certain et indéniable. Et, en ce qui concerne cette Relique de Bourges, nous éprouvons quelques scrupules, nous ne le cachons pas.

Sa Grandeur Mer l'archevêque, par nous consulté, comme tous ses collègues dans l'épiscopat, sur le culte qui pouvait être rendu dans son diocèse à sainte Lucie, a eu la très grande bienveillance de nous faire tenir réponse par M. l'abbé Augonnet, prosecrétaire de l'archevêché. Cette réponse 7, vrai document historique, contient deux parties: dans la première est établie la provenance de la Relique de sainte Lucie; dans la seconde sont relatés les différents inventaires des richesses de l'Église archiepiscopale de Bourges, de 1654 à 1793.

1. En vertu de l'article 4 de la loi du 15 fructidor an IV, la direction domaniale de chaque département devait envoyer au ministère des finances, à Paris, une expédition des procès-verbaux dressés dans chaque communauté.

2. Lettre du 5 août 1882.

3. En 1815, un grand nombre de documents concernant les domaines furent portés aux Archives nationales.

4. Lettre du 1er septembre 1882.

5. Lettre du 14 mai 1882.

6. Lettre du 17 juin 1882.

7. Lettres des 21 décembre 1881 et 13 janvier 1882.

Dans la première, nous voyons qu'un Archevêque de Bourges, Guillaume de Bois-Ratier (1410-1421), se rendant à Rome, fit réparer le sépulcre de sainte Lucie. Ici commence la difficulté. Au tome II, page 84, de la Gallia christiana, ce fait est ainsi relaté.

<< Fortè eodem tempore curavit (Guillelmus de Bois-Ratier) ornari sepulcrum B. sanctæ Lucia: nam idem D. Philippus (Raffier, congregationis nostræ procurator generalis in Romanâ curiâ) pergens lustrare catacumbas ad cœmeterium Callisti 1, in ipsius vestibulo prope altare quoddam, ubi olim asservabatur corpus S. Sebastiani, offendit sepulcrum sanctæ LUCIE renovatum cum hac inscriptione: Hoc est sepulcrum S. LUCIE virginis: Guillelmus Archiepiscopus Bituricensis F. Fieri (fecit fieri). »

Dans un manuscrit de la bibliothèque de la ville, imprimé dans la Nova Bibliotheca du Père Labbe, à la page 143, dans le chapitre traitant d'André Forman, Archevêque de Bourges (1514 à 1515), nous lisons les lignes suivantes :

«Posteâ verò Romæ agens, quum coemeterium Calixti intrasset, ibidem in extremâ parte ambitus, lapidem marmoreum antiquum observavit, in quo scriptum erat: Guillelmus Bituricensis Archiepiscopus hoc intravit cœmeterium, et inter alias reliquias, Beatæ LUCIA virginis et martyris caput adinvenit, quod summi pontificis permissu secum detulit ad Gallias. Istud autem Divæ LUCIE caput auro gemmisque preciosissimis magnificè redimitum asservatur digno cum honore Bituris in cathedrali ecclesiâ. »

Enfin dans la Chronologica historia archiepiscoporum et episcoporum Galliæ auctore IOHANNE CHENU 3, 1621, Parisiis, apud Robertum Fouët, via Iacobæa, sub signo Temporis et Occasionis, MDCXXI, on lit, à la page 103:

<<< Hic (Andreas Formeus) Romæ degens, Coemeterium Calixti intravit; atque ibidem inter alias reliquias caput B. LUCIE virginis et martyris adinvenit; quod summi pontificis permissu, ad Gallias secum deferens, auro gemmisque decoratum cathedrali ecclesiæ Bituricensi dono dedit. »

1. Callixte [er ou Calliste (saint) succéda au pape Zéphirin, en 217 ou 218, et souffrit le martyre le 12 octobre 222. C'est lui qui fit construire le célèbre cimetière de la voie Appienne. On lui attribue la construction de la catacombe qui existe à Rome sous la dénomination de Saint-Sebastien. (Diction. de Feller, 2 vol., p. 21.)

2. Le Père Labbe, savant jésuite, né à Bourges en 1607, mort à Paris en 1667; il a laissé 75 ouvrages.

3. Jean Chenu, né à Bourges, célèbre jurisconsulte, avocat au Parlement, mort en 1627.

Ces trois documents confirment pleinement l'affirmation contenue dans Grævius (tome II, page 634; voir aux Annexes), dans Le Nain de Tillemont (voir aux Annexes), dans Baillet (voir aux Annexes), dans le Père Croiset (voir aux Annexes), et dans le martyrologe gallican de du Saussay (voir aux Annexes), à savoir que dès avant la translation du corps de sainte Lucie à Corfino, puis à Metz, la tête de cette glorieuse Sainte avait été portée à Rome, et de là à Bourges, sous Louis XII (1498-1515). Dans ce cas, la pieuse Jeanne de Valois, répudiée par Louis XII et réfugiée à Bourges, où elle fonda l'Ordre des Annonciades, n'aurait, sans doute, pas été étrangère à la donation de cette précieuse Relique.

Mais nous rencontrons deux questions très graves. D'abord, est-il bien sûr que ce soit le chef de sainte Lucie que possède l'Eglise de Bourges?

Au bas de la page 84 de la Gallia Christiana, dont nous avons copié plus haut le passage pertinent, les auteurs indiquent, en note, que dans la Roma Sotteranea, il y a LUCIA Virginis, au lieu de LUCINA Virginis; or, l'édition de la Roma Sotteranea (2 vol. in-folio), qui se trouve au grand séminaire de Meaux 1, porte exactement, au tome Ior, page 457, le nom de LUCINE; les auteurs de ce grand ouvrage auraient donc, entre la première et la deuxième édition, de 1639 et de 1651, reconnu et réparé leur erreur. Ce qui semblerait devoir nous confirmer dans cette manière de voir, c'est l'extrait suivant de l'édition abrégée de la Roma subterranea novissima, par Pons Aringhi, 1671, Arnhem, in-12, pages 229 et 230:

<< Juxtà idem porro altare, sepulchrum quoddam in pavimento, crate ferrea vallatum, videre est, in quo insculptus ejuscemodi titulus antiquitate redolens, legitur:

Hoc est
Sepulchrum sanctæ

« LUCINE virginis.

et infrà :

« Guils Archs Bituricen.

F. Fieri.

1. Lettre de M. l'abbé Denis, chanoine à Meaux, en date du 17 mars 1882.

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