XIV LES VARIANTES DU NOUVEAU TESTAMENT. que, quoi qu'on fasse, il est entaché d'arbitraire, la reproduction pure et simple d'un texte réel, en l'entourant toutefois des témoignages qui permettent de se livrer, si on le juge bon, à l'œuvre d'élimination et de combinaison, rendue nécessaire par le système où l'on prend, pour constituer un fexte moyen, la résultante des textes particuliers. Ce n'est pas le texte le plus ancien sous une forme idéale et imaginaire, c'est un texte de fait sous la forme la plus ancienne, que nous avons voulu traduire, préférant en ces matières l'autorité qui supprime le jugement personnel au jugement personnel qui choisit entre les autorités. Mais comme nous désirions procurer aux autres, sous ce rapport, plus de latitude qu'à nous-même, nous avons multiplié les témoins, et par conséquent les variantes. Toutefois le nombre de celles-ci est bien différent, quand on les signale dans une version, ou quand on les constate dans la langue originale. Une traduction est un crible qui ne laisse passer que les variétés de leçon dont l'influence sur le sens est appréciable, et qui rejette toutes celles (ce sont les plus nombreuses) dont l'effet se borne à modifier les formes orthographiques, ou à introduire des différences grammaticales et lexicographiques qui s'évanouissent d'un idiome à l'autre. On trouvera sans doute, et avec raison, que, même parmi les variantes dont une traduction peut tenir compte, la majorité est encore sans importance réelle pour le fond des choses. A ce titre nous aurions pu supprimer avec avantage le plus grand nombre de celles que nous enregistrons. Néanmoins nous les avons conservées, précisément pour que l'on sût bien à quoi s'en tenir sur ce phénomène paléographique, dont on a souvent exagéré, par des motifs divers, la nature et les conséquences. Non-seulement la plupart des variantes sont dénuées d'intérêt, mais on peut dire que nulle d'entre elles, fûtelle admise comme authentique, n'introduirait dans le texte du Nouveau Testament, ou n'en ferait disparaître rien qui portât la moindre atteinte, ni aux vérités de fait, ni aux vérités de dogme qui constituent l'essence de l'Évangile. Cependant, si l'importance des variantes n'est que relative; si, pour arriver à la connaissance du christianisme révélé, le texte du Nouveau Testament tiré des manuscrits les plus imparfaits pourrait amplement suffire, il n'en résulte pas que le désir de se rapprocher, autant qu'il est possible, de la forme première de ce LES VARIANTES DU NOUVEAU TESTAMENT. XV texte sacré, soit un désir vain ou illégitime. Il trouve au contraire son origine et sa justification dans la nature toute particulière des livres dont il s'agit; il doit être d'autant plus vif que l'on mettrait plus de prix à posséder, si cela se pouvait encore, les paroles des auteurs évangéliques, telles que les traça leur main ou que les dicta leur bouche. Sans doute, à quelques pas de la source l'eau n'a déjà plus ni la même pureté, ni la même fraîcheur qu'en jaillissant du rocher; mais comment ne pas la préférer à celle dont un trajet plus long a encore élevé la température et altéré la limpidité ? Il en est un peu des copies successives d'un texte comme du cours d'un ruisseau. La forme première de la parole écrite se modifie bien plus par voie d'accroissement et d'aggrégation, que par voie de condensation et de retranchement. Dans la multiplication graphique les éléments adventices sont bien plus nombreux que les éléments supprimés. Rendre plus clair ce qui est grammaticalement obscur, corriger ce que l'on croit inexact ou erroné, substituer ce qui semble naturel à ce qui paraît étrange, éclaircir les contradictions réelles ou apparentes, introduire la glose à côté ou à la place du mot qu'elle explique, compléter ce que l'on trouve insuffisant, enrichir les récits en y insérant les détails analogues tirés d'ailleurs et que l'on veut sauver de l'oubli, conformer l'une à l'autre les narrations diverses d'un même fait ou les formules d'un même enseignement: voilà quelques-uns des traits du travail auquel les copistes-correcteurs se livrent généralement, ainsi que l'expérience le démontre, dans la reproduction des textes. Quant aux omissions, elles ont le plus souvent lieu par inadvertance, et elles proviennent ordinairement de l'identité des mots entre lesquels se trouve placée la phrase ou l'expression omise. Les suppressions intentionnelles sont presque toujours dictées par le désir de faire disparaître des difficultés ou des contradictions qui sont embarrassantes ou qui paraissent insolubles. Enfin des altérations plus ou moins graves sont dues à la négligence ou à l'ignorance des copistes, dont les uns voient ou entendent mal, dont les autres, ne comprenant pas ce qu'ils transcrivent, dénaturent le texte ou estropient la langue. Les divergences qu'offrent les manuscrits du Nouveau Testament dérivent toutes des causes que nous venons d'indiquer, et que XVI LES VARIANTES DU NOUVEAU TESTAMENT. signalent déjà les Origène et les Jérôme. Le texte sacré a été fréquemment transcrit avec inadvertance ou incurie; mais il a été aussi intentionnellement corrigé, élucidé, completé, en sorte que ce sont souvent les variantes, qui paraissent au premier coup d'œil le plus naturelles et le mieux à leur place, qui ont le moins de chances d'appartenir au texte primitif. Ainsi, entre deux leçons, on doit en général préférer celle dont l'interprétation est la plus difficile, parce que cette difficulté même explique l'origine de l'autre; et plus une variante paraît convenable, moins elle a de probabilité. Nous n'avons pas eu nous-même à nous préoccuper de l'observation de ces principes dans notre traduction, parce que nous n'avons pas eu à former, pour lui servir de base, un texte de notre choix. Mais, comme l'occasion de les appliquer ne manquera pas à ceux qui voudront mettre à profit la collection des variantes que nous avons réunies, il était bon de les rappeler, sans oublier toutefois que, pour chaque cas particulier, il est, outre le recours au texte grec souvent indispensable, des règles accessoires dont il faut aussi tenir compte, mais dans le détail desquelles nous ne pouvons entrer. Nous devons en revanche dire quelques mots sur ce qui concerne, dans notre travail, cette énumération des variantes. L'usage s'est introduit de désigner par des majuscules, ABCD, etc., les divers manuscrits du Nouveau Testament écrits en lettres onciales. Ce sont ces majuscules (et l'abréviation de la Vulgate latine) qui se trouvent dans chaque page au-dessous du texte, pour indiquer quels sont les manuscrits qui le renferment. La lettre B désignant l'exemplaire du Vatican, on ne la rencontrera naturellement jamats, sauf dans l'Apocalypse où elle s'applique à une autre copie. Les majuscules sont classées par groupes qui correspondent, siècle par siècle, à la date qui est assignée à chaque manuscrit. On trouvera plus loin le tableau détaillé de ces divers documents. Nous avons placé à la fin du volume celui des abréviations que nous avons employées dans l'énumération des variantes. Ces dernières sont classées par versets; un trait vertical sépare celles qui, dans un verset, ne se rapportent pas aux mêmes mots. Quand les témoins sont nombreux, chacune des leçons est précédée par les majuscules des exemplaires qui la renferment, ou par ABRÉVIATIONS EMPLOYÉES DANS LES VARIANTES (Voyez en outre p. xvi de l'avertissement.) Tous: ce sont tous les témoins indiqués dans la marge intérieure au-dessous du texte. Tous (sauf ) indique que les manuscrits dont les majuscules sont dans la parenthèse s'accordent avec le texte. L. a. ce sont les autres manuscrits ou témoins indiqués dans la marge, outre ceux dont les majuscules ont paru. (jusq. j.) indique que le manuscrit dont la majuscule précède s'arrête au verset désigné dans la parenthèse. (dep. dp. d.) indique de même que le manuscrit commence ou reprend en cet endroit. Ms. manuscrit. Mss. manuscrits. probab. probablement: indique que, d'après certains indices, la leçon dont il s'agit a dû se trouver dans le manuscrit mutilé en cet endroit. (?) indique que l'on conserve des doutes sur le déchiffrement du manuscrit dont la majuscule précède ce signe. () dans le corps d'une variante indique que l'un des témoins diffère, quant aux mots contenus dans la parenthèse, des témoins avec lesquels il est d'accord sur le reste de la leçon. V. version ou versions. Syr. anc. ancienne version syriaque découverte par le Dr Cureton. Syrp. version syriaque dite peshito. égt. version en dialecte de la haute Égypte (Thèbes). égm. version en dialecte de la basse Égypte (Memphis). arm. version arménienne. goth. version gothique. éth. version éthiopienne. mss. anc. lat. manuscrits dans lesquels se trouve sous ses diverses formes l'ancienne version latine. Vgm. La vulgate latine d'après le manuscrit d'Amiati; Vgi. la même d'après l'édition romaine de 1592; Vg. la même quand les deux textes précédents sont d'accord; (Vg.) quand la variante enfermée dans la parenthèse paraît résulter d'une différence de traduction, plutôt que d'une divergence dans le texte grec. |