LES DERNIÈRES ÉDITIONS CRITIQUES DU NOUVEAU TESTAMENT. XVII le signe L. a. qui indique que la variante a pour elle tous les témoins énumérés en marge, sauf ceux dont la majuscule a déjà paru. Quand les témoins, soit du texte en général, soit de la variante en particulier, sont peu nombreux, on ne cite que ceux qui ont une leçon différente du texte; ceux qui ne sont pas indiqués font alors cause commune avec lui. On connaît toujours ainsi le texte de chaque manuscrit et de la Vulgate latine. Ce sont les dernières éditions critiques de MM. Tischendorf et Tregelles qui ont rendu possible l'exécution de cette portion de notre œuvre. Mais nous ne saurions garantir que, dans ce labeur ingrat et minutieux, nous ayons été, plus qu'eux-mêmes et leurs prédécesseurs, à l'abri de toute inadvertance. Du reste, nous avons intentionnellement omis, dans les Évangiles, après la première moitié de Matthieu, plusieurs divergences toujours les mêmes et de trop peu d'importance pour être chaque fois notées. C'est aux éditions dont nous venons de parler; que doivent recourir ceux qui désirent contrôler ou compléter notre travail. Il est en effet permis de voir dans ces éditions le répertoire, le plus exact et le plus complet qui existe, de tous les témoignages anciens relatifs au texte du Nouveau Testament. Si les citations des Pères et de quelques versions peuvent être encore mieux constatées, la col-lection des variantes tirées des exemplaires grecs en lettres onciales et de quelques-uns de ceux en lettres cursives ne laisse rien à désirer. D'accord pour adopter comme base de la reconstitution du texte sacré les manuscrits les plus anciens, les deux savants éditeurs ont suivi, dans l'application de ce principe, une méthode dont les résultats contribuent encore à nous faire penser que l'arbitraire y joue un trop grand rôle. Les vacillations que l'on observe dans les préférences successives de M. Tischendorf pour telle ou telle leçon, les divergences qui existent entre les variantes qu'il 1 Novum Testamentum græcum, ad antiquos testes recensuit.... Const. TISCHENDORF. Lipsiæ, 1849. Novum Testamentum Triglottum, græce, latine, germanice; edid. C. TISCHENDORF. 1 vol. obl. Lipsiæ, 1854. Novum Testamentum, græce. Ad antiquos testes denuo recensuit, apparatum criticum omni modo perfectum apposuit..... Const. TISCHENDORF. Editio septima (non encore terminé). Lipsiæ, 1858.- Greek New Testament (from ancient authorities, by S. Prideaux) Tregelles. I. Matthew and Mark (London, 1858). adopte et celles que choisit M. Tregelles, montrent assez que les textes ainsi rétablis manquent de certitude et d'autorité. Ils sont le résultat de certaines vues personnelles et systématiques, et ils varient avec elles; ils ne valent que ce que valent, et le système, et l'art avec lequel il est suivi. Les inappréciables services qu'a rendus M. Tischendorf par la publication persévérante de nombreux manuscrits du Nouveau Testament et par ses éditions critiques, les consciencieuses recherches et l'admirable exécution de l'édition malheureusement encore incomplète de M. Tregelles, ont toute notre gratitude et toute notre estime; mais il nous est impossible de ne pas préférer pour le Nouveau Testament, au texte de leur façon, celui auquel sa date et son caractère confèrent une autorité de fait, qui sans doute n'exclut pas l'examen, mais qui lui fournit une base plus solide que les textes recomposés, même sur les témoignages anciens, par des éditeurs modernes. C'est une satisfaction que l'on peut regarder comme mal fondée, mais dont nous ne nous défendons pas, que celle de reproduire, tel qu'il a traversé les âges et sans y rien mettre du nôtre, un texte du Nouveau Testament, que moins de quatre siècles séparent de la rédaction première des écrits sacrés, et qui est tout à la fois le plus ancien et le plus parfait de tous les documents où nous ont été transmis les actes de la révélation chrétienne. D'après tout ce que nous venons de dire, on ne devra pas s'étonner si notre traduction, faite d'après le manuscrit grec le plus ancien, diffère en bien des points des autres versions françaises publiées jusques à ce jour1. Ces versions, en effet, ont toutes été faites, sauf la dernière, d'après un texte grec tiré de manuscrits de très-récente date et connu sous le nom de texte reçu. Beaucoup plus nombreux que leurs devanciers, les manuscrits Les traductions françaises du Nouveau Testament, faites d'après l'original grec, depuis la fin du XVIIe siècle, sont, d'une part, celles qui sont l'œuvre des pasteurs et professeurs de Genève (1681, 1726, 1802, 1835), et dont la première a été revue par MARTIN (1707 revisé 1744) et par OSTERWALD (1744 revisé 1822); ce sont, d'autre part, les versions indépendantes publiées par LE CLERC (1703), par de BEAUSOBRE et LENFANT (1718), par des ministres suisses (1839 et 1849), par un anonyme (Machais, 1842), par les soins d'une société anglaise (1852) et par le pasteur ARNAUD (1858). de la seconde période, en lettres cursives, avaient envahi les bibliothèques, et quand, après plus d'un demi-siècle depuis la découverte de l'imprimerie, on eut l'idée de publier dans leur texte original les livres de la nouvelle alliance, ce furent des copies relativement modernes qui tombèrent sous la main de l'illustre éditeur à qui l'on doit la première édition grecque du Nouveau Testament. C'était Érasme. Il a dit lui-même de cette publication : « præcipitatum fuit verius quam editum » (Lettre à Pirckheimer de 1517), et il est bien certain que, si l'on ne peut qu'applaudir à la pensée, toute tardive qu'elle était, de rendre public le texte original du Nouveau Testament, on ne saurait que déplorer la précipitation et l'incurie avec lesquelles Érasme exécuta ce travail. Du reste ce ne fut pas de lui-même, mais à la sollicitation du libraire Froben de Bâle qu'il l'entreprit. Froben, craignant sans doute d'être devancé par l'apparition de la Bible polyglotte que le cardinal Ximènes faisait imprimer à Alcala, et dont le texte grec du Nouveau Testament était prêt dès l'année 1514, pressait Érasme de se hâter. Il ne fut que trop bien obéi. Prenant dans la bibliothèque de Bâle les premiers manuscrits venus, l'un du quinzième siècle pour les Évangiles, l'autre du treizième pour les Actes et les Épîtres, et une copie de l'Apocalypse tout aussi récente, Érasme les livra tels quels à l'imprimeur, « après leur avoir fait subir, dit-il, les corrections nécessaires, » et qui consistaient, pour la plupart, à insérer dans le texte grec les leçons de la Vulgate latine. Il ajoute, dans les lettres d'où sont tirés la plupart de ces détails, que « la révision des épreuves a souffert, soit de l'incapacité des protes, soit du mauvais état de sa santé, mais il prie ses correspondants de garder pour eux ces confidences, de peur, dit-il, que les exemplaires de cette édition ne restent dans les magasins de l'imprimeur, si l'on vient à se douter de la vérité » (Lettres à Budé et à Latimer de l'an 1517). Telle est, d'après un aveu non suspect, l'édition dont le texte, très-peu modifié, a été admis par les protestants, presqu'à l'égal de la Vulgate latine de 1592 par les catholiques, comme le texte authentique du Nouveau Testament. Cette première édition d'Érasme avait paru en février 1516; il en publia en 1519 une seconde qui diffère de la précédente par quelques changements et par un grand nombre de corrections typographiques. En 1522 parut la troisième édition qui s'éloigne fort peu de la seconde. Ces premières éditions fűrent réimprimées à Venise, Strasbourg, Hagenau et ailleurs. En 1527 Érasme donna sa quatrième édition, où il admit quelques leçons nouvelles empruntées au Nouveau Testament de la polyglotte d'Alcala qui avait été publiée en 1520. Enfin, il fit paraître en 1535 une cinquième et dernière édition, qui s'écarte à peine de la précédente, et qui fut reproduite presque sans changement par Robert Étienne (sauf pour l'Apocalypse où il suit le texte d'Alcala), dans son édition de 1550. C'est celle-ci qui, retouchée en un très-petit nombre d'endroits par Théodore de Bèze, fut en 1624 adoptée par les Elzévirs de Hollande comme type de leurs nombreuses éditions. Maîtres du marché, il leur suffit d'affirmer, en tête de l'édition de 1633, que ce texte était le « texte universellement reçu (textum ergo habes ab omnibus receptum), pour qu'il le devînt, et qu'à ce titre il possédât pendant près de deux siècles une sorte de consécration officielle. Peu d'usurpations ont été couronnées d'un aussi grand et aussi illégitime succès; jamais cadets de famille n'ont, avec tant d'audace, dépossédé leurs aînés, et la dépossession a longtemps duré. Heureusement qu'en ces matières il n'y a pas prescription, surtout pour des chrétiens qui ont fait justice, il y a trois siècles, de prétentions bien plus graves et bien plus enracinées. Le retour aux sources est de droit, en ce qui concerne le texte sacré, comme en ce qui concernait l'Église, et il eût été ridicule, quand on a su rompre avec Rome, de n'oser rompre ni avec les Elzévirs ni avec Érasme. Toutefois ce n'a pas été sans peine qu'on s'est décidé à prendre ce parti. Longtemps on a constaté, en dehors du texte reçu, l'existence de variantes nombreuses, antiques et importantes; longtemps on a formé de toutes celles qu'on rassemblait, d'indigestes collections; longtemps on a cherché, par des classifications plus ou moins judicieuses, à introduire dans ce chaos quelque ordre et quelque lumière; longtemps on a consulté et même publié les plus anciennes copies du Nouveau Testament, avant de s'enhardir à mettre de côté, pour le remplacer par des représentants plus dignes, cet occupant fortuit qui avait en sa faveur le privilége de la possession. Il serait trop long et fort inutile de raconter ici tous ces tâtonnements de la science critique; d'énumérer les travaux des Wal ton, des Fell, des Mill, des Wetstein, des Matthæi, des Birch, des Griesbach, des Scholz, des Tischendorf, des Tregelles, etc., pour dresser, par la collation des documents, l'inventaire complet des variantes; de passer en revue les travaux des Richard Simon, des Bentley, des Bengel, des Semler, des Eichhorn, des Hug, des Lachmann, et de plusieurs des érudits susnommés, pour coordonner et judicieusement employer ces matériaux d'une valeur si dissemblable; de montrer tout ce qui s'est dépensé de temps et de talent dans cette double entreprise; de discuter les systèmes en grande partie chimériques qui se sont succédé; de rappeler la préférence successivement donnée, dans l'appréciation des manuscrits, d'abord à l'hypothèse des recensions, puis au fait de l'ancienneté; d'apprécier la manière dont les divers éditeurs appliquaient les règles qu'ils avaient adoptées; de montrer enfin comment ceux même d'entre eux qui n'aspiraient qu'à reproduire le texte sous sa forme la plus ancienne ont trop souvent substitué l'arbitraire de leur propre opinion à l'autorité des témoignages. Le résultat général de ces longs et remarquables travaux a été de faire définitivement justice du texte reçu qui, tel quel, n'est plus défendu par personne. Mais s'il a cessé de prévaloir dans les nouvelles éditions grecques du Nouveau Testament, il règne tou jours dans les traductions, et il est probable qu'un temps encore assez long s'écoulera avant que les tentatives pour le mettre de côté aient réussi1, et avant que la routine ait cédé le pas aux véritables principes. Il est vrai que les Églises de langue française ne possèdent pas de traduction autorisée et ne sont officiellement liées à aucun texte immuable. Dès lors il est plus facile de publier de nouvelles versions, non-seulement d'après le texte reçu, ce qui s'est fait plus d'une fois, mais encore d'après un texte grec préférable à celui-là. En adoptant ce dernier parti, nous aurions pu prendre, pour faire notre traduction, l'une des éditions grecques du Nouveau Testament qui, depuis plus de cinquante ans, ont rompu avec le texte traditionnel des Elzévirs, ou bien constituer nousmême, d'après les manuscrits, un texte de notre choix. Nous avons déjà dit par quels motifs nous avons préféré recourir, pour traduire le Nouveau Testament, à un texte qui ne portât le nom d'aucun Au nombre de ces tentatives nous devons citer la traduction que publie en ce moment même M. le pasteur ARNAUD. |