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prendre en main le bord de son étole, en signe d'adoption, et pour lui enseigner que, dans la famille catholique, les enfants ne marchent qu'appuyés humblement sur leur père; c'est ainsi qu'il ramène, comme en triomphe, à l'autel de Saint-Ignace, cette brebis chérie, qu'il vient d'arracher à Satan.

Comment vous dire tous les sentiments divers qui agitaient l'assemblée à la vue de ce jeune homme? Son visage remarquable par un heureux mélange de fermeté et de douceur, sa longue barbe, sa démarche, son costume, tout en lui reportait la pensée au temps de la primitive Église. On eût dit un de ces chrétiens des catacombes qui espéraient le martyre!

De bonnes femmes romaines, qui m'étouffaient pour mieux le voir, exprimaient bien, dans leur naïf langage, la charité toute fraternelle qui nous animait tous : Ah quanto sei caro! s'écriaient-elles, ah beato lui! et elles baisaient leur chapelet, comme pour remercier de cette belle fête la Madone, cause de notre joie. Puis elles se montraient l'une à l'autre, avec une curiosité pleine d'affection, celui dont la Providence s'était servie pour préparer ses voies; elles se disaient : C'est un Français; c'est lui qui a donné la médaille à l'Israélite, qui lui a demandé de prier la

bienheureuse Vierge. Ma che buon signore! che Dio lo benedica! Et nous aussi nous répétions du fond du cœur: Que Dieu le bénisse, lui et tous les siens !

Cependant, devant le pontite du Seigneur qui se tient debout près de l'autel, le catéchumène s'est agenouillé pour recevoir l'eau sainte du baptême. On lui demande son nom. « Marie,» répond-il avec un élan de reconnaissance et d'amour; Marie ! le nom trois fois béni de la reine des patriarches qui lui a ouvert les portes de l'Église et qui lui ouvrira celles du ciel.

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Que demandez-vous?

Le baptême.

Renoncez-vous à Satan?
J'y renonce.

Et à toutes ses pompes ?

J'y renonce.

Et à toutes ses œuvres?

J'y renonce, répond pour la troisième fois celui dont Dieu a illuminé les ténèbres. Croyez-vous en Dieu le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre? J'y crois.

Croyez-vous en Jésus-Christ son Fils unique, Notre Seigneur, qui est né et qui a souffert?

J'y crois.

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Croyez-vous au Saint-Esprit, à la sainte Église catholique, à la communion des Saints à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, et à la vie éternelle?

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Le ton, l'accent, la conviction intime avec laquelle l'enfant de Marie prononce cette profession de foi catholique, produisent sur tous ceux qui ont eu le bonheur de l'entendre une impression qui vibre encore aujourd'hui au fond de leurs cœurs?

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Enfin, l'eau sainte dont la source rejaillit jusqu'à la vie éternelle, a coulé sur ce front humblement abaissé ; Marie Ratisbonne se reé; lève chrétien; chrétien pur et fervent comme les anges qui sont devant le Seigneur.

Il tient à la main le cierge béni, dont la flamme est l'image de cette lumière de la foi soumise, qui n'égare jamais. L'imposition des mains et l'onction du saint chrême lui donnent une grâce nouvelle, en confirmant la plénitude de celle qu'il a déjà reçue. Désormais Ratisbonne est disciple de la croix, il est prêt à confesser hautement la foi du Christ qui s'est immolé pour nous.

C'est alors que M. l'abbé Dupanloup a bien voulu adresser à l'assemblée quelques-unes de ces paroles que son cœur sait toujours trouver quand il s'agit de louer Marie, et de célébrer la bonté du Seigneur. Nous reproduisons ici des fragments, hélas, bien incomplets et bien. affaiblis, de cette fervente improvisation. L'orateur sacré a manifesté, à la face de Rome entière, sa foi pleine et absolue à la miraculeuse intervention de Marie dans la conversion subite dont il rendait grâce à Dieu; mais en évitant, comme un fils soumis, toute expression qui aurait semblé prévenir la décision régulière de la seule autorité compétente en matière de miracle.

FRAGMENTS

DU DISCOURS DE M. DUPANLOUP.

«La divine Providence est admirable dans ses pensées et dans ses voies, et je plains ceux qui ne savent ni la comprendre ni la bénir. Pour eux la vie de l'homme n'est qu'un douloureux mystère, ses jours un enchaînement fatal, l'homme lui-même une noble, mais toutefois maudite créature, jetée loin du ciel sur cette terre de larmes; pour y vivre dans les ténèbres, y mourir dans le désespoir, profondément oublié d'un Dieu qui ne s'inquiète ni de ses vertus, ni de ses douleurs... Mais non, ô Dieu vous n'êtes pas ainsi, et vous ne nous avez pas faits de la sorte: malgré notre profonde et infinie misère, nous ne sommes pas si misérables; votre Providence veille sur nous; elle est plus élevée que les cieux, plus profonde et plus étendue que les vastes mers; c'est un abîme de puissance, de sagesse et d'amour

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