les resserre en les sanctifiant; ses disciples les plus fidèles seront toujours, dans ce qui n'est pas contraire à la loi de Dieu, les fils les plus tendres, les amis les plus dévoués. Si donc la Providence le ravissait trop tôt à notre fraternelle amitié, qu'il aille, nouvel apôtre sorti du cénacle, porter sous le ciel de la patrie, au milieu de tous les siens, l'exemple de ses vertus nouvelles, la douce influence de ses prières, le parfum et la grâce de sa jeune âme, qui, née d'hier à la vie catholique, est encore parée, aux yeux du Seigneur, de tous les charmes de l'enfance. Les premiers vœux, les premières pensées de sa jeunesse avaient été pour la régénération de ses frères: eh bien! le Seigneur a lu au fond de son cœur, et il l'a béni, en le régénérant lui-même. Quelle que soit la route dans laquelle la Providence l'appelle, nos tendres prières le suivront sans cesse, pour attirer sur lui la grâce de la persévérance; pour que l'auteur de tout don parfait lui donne la force dans le combat, la patience dans l'épreuve, l'humilité dans la victoire, la charité ardente, la charité prudente envers tous. Toute jeune vie, surtout, est exposée aux orages; plus heureux que nous, il a été couronné avant le combat; mais les jours mauvais viendront; puisse-t-il alors se souvenir de ses frères de Rome! puisse-t-il, pour rester à jamais inébranlable et fidèle, se souvenir de MARIE, sa Mère! BAPTEME DE M. MARIE-ALPHONSE RATISBONNE. Paris, 2 février 1842. Un étranger arrive à Rome il y a quelques semaines. Il est jeune et riche; il a toutes les habitudes d'élégance, tous les goûts de la brillante frivolité que donnent l'éducation et la fortune aux jeunes gens de son âge. Il semble ne demander à l'Italie que la douceur de ses tièdes hivers, quelques rayons de son soleil et de ses vieilles gloires, l'immortelle splendeur de son ciel et de ses musées, le charme toujours renaissant des antiques souvenirs, et les parfums de poésie qui s'exhalent partout de ces ruines consacrées par toutes les grandes choses et tous les grands noms de l'histoire..... Je me trompe! il y a au fond du cœur de ce jeune homme une préoccupation plus sérieuse, un sentiment d'une profonde et violente énergie: il est Juif, et il nourrit dans son âme contre le catholicisme toutes les préventions, toute la haine de sa race, haine vivace, implacable et sombre; c'est à ce point qu'il ne voulait pas mettre le pied dans Rome. Il y est venu cependant et comme malgré lui; mais à peine arrivé, il songe déjà à s'en éloigner. Il a vu la dégradation morale de ses coreligionnaires relégués dans le plus sale quartier de la ville, il en accuse les catholiques; sa haine éclate en amers sarcasmes, en horribles blasphèmes. Le matin du jour qu'il a fixé pour son départ, il écrit à son oncle « Je m'en vais, avec une horreur profonde, de cette ville que je maudis... » Et le même jour, quelques heures plus tard, ce même jeune homme, entré par hasard dans une église déserte, tombait à genoux comme anéanti, puis se relevait fondant en larmes et demandant un prêtre catholique, non pour se faire instruire et pour se convertir..., mais pour recevoir le baptême..... Sa conversion était complète; il s'écriait qu'il avait tout compris.... Que s'est-il passé dans cette église ? qu'a-t-il vu? qu'a-t-il entendu? Je pourrai vous le dire; tout Rome le raconte. Mais il y a des choses d'un ordre si élevé et si saintes de leur nature, qu'il n'appartient qu'à l'Église de les publier la première, avec l'infaillible gravité de sa parole. Elle le fera, et vous saurez tout bientôt. Pour moi, je me borne à vous rapporter aujourd'hui, sans un mot d'exagération, tel qu'il s'est produit, tel qu'il m'a frappé, le fait public de cette conversion, qui serait elle-même, avec toutes ses circonstances, un miracle inexplicable, si un miracle ne l'a pas déterminée. M. Alphonse Ratisbonne appartient à l'une des premières familles juives de Strasbourg. Or, comme pour accumuler toutes les impossibilités morales contre la conversion de ce noble jeune homme, Dieu permet qu'elle ruine probablement ses plus belles espérances de fortune, plus douces et plus chères à son cœur; elle brise peut-être les liens d'un amour consacré par de solennelles fiançailles. « Il y a huit jours, écrit-il à sa jeune fiancée, si quelque malheur imprévu m'avait forcé de renoncer à toi, je ne m'en serais pas senti le courage, je me serais donné la mort... Aujourd'hui, si ma nouvelle foi nous sépare, j'en ferai à Dieu le sacrifice sans répandre une larme, et toute ma vie je le prierai pour qu'il t'éclaire et qu'il nous réunisse au ciel. » M. Alphonse Ratisbonne a fait son abjuration publique le 31 janvier, dans l'église del Gesu, entre les mains du cardinal Patrizzi. Vêtu |