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A VICTOR BÉRARD

548588

DT60 M59 1923

DES PHARAONS

I

LA RESTAURATION

DES TEMPLES ÉGYPTIENS

Au début de notre xx siècle, plusieurs des « demeures éternelles » de l'ancienne Égypte achevaient de s'écrouler. Elles résistaient depuis si longtemps qu'on s'habituait à les croire indestructibles. Les dédicaces les nommaient « temples. de millions d'années, fondés à toujours et à jamais ». Aux dogmes oubliés, aux rites abolis, semblaient survivre ces promesses d'éternité, par la force magique dont jadis on les croyait douées.

Les plus anciens de ces sanctuaires étaient

AU TEMPS DES PHARAONS.

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cependant fort ruinés. Que restait-il du splendide édifice à obélisque central que Neouserrâ, de la Va dynastie, avait élevé à la gloire du Soleil, ou du temple en forme de pyramide bâti par un des Montouhotpou de la XI dynastie'? M. de Bissing et M. Naville, qui les ont déblayés, n'y ont retrouvé que terrasses dénudées, bas-reliefs épars, colonnades croulantes. A Karnak, sanctuaire d'empire, où, depuis les chefs des clans primitifs jusqu'aux Césars romains, chaque Pharaon édifiait un temple ou une chapelle, le visiteur averti distinguait, non loin des pylônes des Thoutmès, de merveilleux blocs sculptés, encore à demi ensevelis : c'étaient les restes de salles disparues, construites par les Senousret et les Aménophis. Mais ces ruines n'impressionnaient guère.

L'oeil se reportait avec confiance sur les édifices des Ramsès ou des Bubastites. Là, le plan général du temple égyptien se dégage encore nettement, malgré les décombres, de la complexité des constructions.

Une allée de sphinx conduit à la haute porte que défendent deux pylônes, pareils aux tours de nos cathédrales. A la porte, devant laquelle deux obélisques s'érigent, des colosses, debout ou assis, font bonne garde. Franchissez le seuil d'abord une vaste cour, bordée de promenoirs à colonnes

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1. V dynastie environ 2600 ans avant notre ère; XI dynastie environ 2100.

ou à cariatides; au centre, un autel où brûlent les offrandes. Par un plan incliné, vous montez doucement jusqu'à la salle dite « hypostyle » des colonnes puissantes, en plusieurs travées, soutiennent à vingt mètres au-dessus de votre tête un plafond d'énormes dalles. La foule des fidèles avait accès jusque-là pour admirer le cortège des dieux et du roi au Nouvel An, aux fêtes des saisons, aux jours fastes du culte divin et royal; on y goûtait, au sortir de la cour brûlante de soleil et éblouissante de lumière, la fraîcheur et la demiobscurité des hautes salles couvertes. Plus loin, nul être ne s'aventurait, s'il n'était de race divine soit. par nature, soit par initiation seuls, le grandprêtre et le roi pénétraient au sanctuaire, réduit central, étroit et massif, sans autre ouverture que la porte. Là, derrière les battants scellés et verrouillés, dans l'obscurité complète, cachée au sein d'une arche ou d'un naos de granit, dormait la statue du dieu que les rites secrets éveillaient à l'heure des sacrifices.

Aucun des temples de la seconde période ne nous donne un ensemble aussi complet; mais chacun d'eux a des parties bien conservées. Gournah, une des merveilles de l'art égyptien, n'a gardé qu'une hypostyle démantelée et quelques chambres du culte. Abydos, construit à la même époque, nous offre une hypostyle et sept sanctuaires, en calcaire blanc d'un grain très fin et

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