Au vêtement que David avait adopté, on peut voir que, s'il consentait à rendre aux lévites les fonctions qui leur étaient trop notoirement attribuées, il ne renonçait pas à se donner à lui-même devant le peuple un caractère sacerdotal. « David était ceint d'une tunique de lin fin, ainsi que tous les lévites qui portèrent l'arche, les chanteurs et Chénonias, compositeur en chef des chanteurs; mais David avait de plus un éphod de lin. » Dans toute la collection des psaumes, il en est trèspeu assurément qui, par l'expression et le sentiment, soient à la hauteur de celui qui fut chanté en cette circonstance... « Que les cieux se réjouissent et que la terre soit ravie, et qu'on dise parmi les nations: Jéhovah est roi!... » Ce beau psaume fut chanté sans doute par ses auteurs eux-mêmes; car il est dit dans le texte : «En ce jour David fit placer au premier rang pour rendre grâces à Jéhovah ASAPH et ses frères, » et l'on sait que beaucoup de psaumes, et des meilleurs, portent en tête le nom de cet Asaph. On y reconnaît aisément partout la même élévation de pensée et de langage. Pourquoi donc, jusqu'à ce jour, n'est-ce pas à ce poëte se demande s'il n'est pas possible au contraire que, dès cette époque, David ait voulu instituer un semblant de culte, suffisant pour donner satisfaction au peuple et de nature à le dispenser d'édifier un temple. Ce serait une raison de plus à ajouter à celles qui nous permettront de prouver qu'il n'eut jamais le projet de réserver son fils la construction de ce temple. que s'adresse l'admiration des amateurs de poésie hébraïque? Il serait temps de lui restituer la juste part qui lui en revient. cœur. Complétons ce récit en revenant à notre premier auteur (Sam. II, ch. vi, v. 14) : « David dansa de toutes ses forces devant Jéhovah... Quand l'arche de Jéhovah arriva à la ville de David (Sion), Michol sa femme, fille de Saül, regardant par la fenêtre, vit le roi David sauter et danser devant Jéhovah, et elle le méprisá dans son Ils firent entrer l'arche de Jéhovah, et la mirent en place au milieu de la tente que David avait dressée pour elle. David offrit devant Jéhovah des holocaustes et des sacrifices pacifiques... Il partagea à tout le peuple, à toute la foule d'Israël, homme ou femme, à chacun une miche de pain, une mesure (de vin ou de viande) et un gàteau, et le peuple s'en alla chacun en sa maison. » On voit que, s'il y avait eu des murmures, David était allé tout droit au meilleur moyen à employer pour les apaiser. Mais, tout en mangeant ses gâteaux, bon nombre d'Israélites portèrent sans doute, sur son enthousiasme et la chaleur de ses démonstrations, un jugement semblable à celui de sa femme : « Michol, fille de Saül, sortit au-devant de David, et dit: Qu'il s'est montré grand aujourd'hui le roi d'Israël! Il s'est mis à découvert aux yeux de ses servantes et de ses serviteurs comme le ferait un histrion. David dit à Michol C'est devant Jéhovah qui m'a choisi plutôt que : ton père et toute sa maison pour m'établir ('ns nirb pour m'établir par succession, par testament) chef du peuple d'Israël, c'est devant Jéhovah que je me suis réjoui... Michol, la fille de Saül, n'eut point d'enfant jusqu'au jour de sa mort. » D'après tout ce qui précède nous ne saurions douter que ce fut à cette époque que David, revenu de son premier enivrement, commença à concentrer toute sa pensée sur l'avenir de son règne. Qu'une imagination aussi active eût usé de toutes ses ressources dans l'examen de ce sujet capital sans que nous en vissions la trace dans quelque épisode remarquable; c'est ce dont il faudrait nous étonner. Nous avons donc lieu de pressentir que nous touchons à une phase importante de cette existence dont l'histoire religieuse a jusqu'ici si mal apprécié l'influence considérable et la signification réelle. Avant d'observer de près, dans leur sens exact, l'acte et les paroles qui suivirent cette période d'incubation, essayons de résoudre un problème historique qui, à notre connaissance, n'a jamais été régulièrement posé. Ainsi que nous l'avons indiqué au premier chapitre de cette étude (p. 24 et 25), tous les exégètes sont à peu près d'accord sur ce point que ce fut après le retour de Babylone, et très-probablement sous la direction d'Esdras, que la compilation qui porte le nom de Pentateuque reçut sa forme définitive. Si nous franchissons cinq cents ans pour nous transporter à l'époque où se fit cette compilation, nous nous trouvons en face de plusieurs questions importantes : En quelles mains et comment s'étaient conservés jusque-là les divers écrits dont la réunion a pris si tard dans l'histoire juive le rôle important qu'elle y a rempli depuis? Quel a été, durant plus de dix siècles de Moïse à Esdras, le sort particulier de chacun de ces écrits? Comment expliquer l'éclipse évidente et prolongée de ceux de ces écrits qui offrent précisément le plus d'intérêt en tant qu'exprimant la pensée du grand législateur? On sait bien le moment précis où cette longue éclipse cessa. Le chapitre xx du second livre des Rois (canon hébreu) nous le dit expressément. Mais il ne semble pas qu'on se soit jamais bien préoccupé de la question de savoir à quel moment cette éclipse avait commencé. Cette question vaut cependant la peine d'être étudiée avec attention; car, si l'on parvenait à la résoudre et à préciser, non-seulement le moment de cette disparition, 1. Ceux qui constituent la Torah proprement dite, c'est-à-dire l'Exode, le Lévitique et les Nombres. mais les circonstances dans lesquelles elles se produisit et les mains qui l'opérèrent, on serait renseigné à la fois sur le genre d'intérêt qui avait pu provoquer l'acte, et sur le genre de scrupules qui avait pu déterminer ses auteurs à préférer un simple détournement à un anéantissement complet. Suivons pas à pas la question. Quelques mots suffisent pour l'exposer et la trancher. Ce fut à l'occasion d'un travail de démolition exécuté dans le temple qu'eut lieu, quatre cents ans après David, sous Josias, l'un de ses derniers successeurs, la le Livre de la , ספר התורה stupéfiante découverte du Torah'!- Non-seulement cette découverte jeta dans tous les esprits une sorte de consternation rétrospective, née 1. « Ce fut dans la dix-huitième année du roi Josias que ce roi envoya dans la maison de Jéhovah le secrétaire Saphan, fils d'Aslia, fils de Messulam, disant : Monte vers Helcias le grand cohen; qu'il arrête le compte de l'argent apporté dans la maison de Jéhovah... qu'on le remette entre les mains de ceux qui font l'ouvrage, qui sont commis dans la maison de Jéhovah à la réparation de ce qui a été endommagé... Helcias le grand cohen dit à Saphan le secrétaire : j'ai trouvé un livre de doctrine (Torah) dans la maison de Jéhovah ! -Et Helcias remit ce livre à Saphan qui le lut... Saphan le secrétaire raconta cela au roi en disant : Helcias le cohen m'a donné un livre; et Saphan le lut devant le roi. — Il arriva que dès que le roi eut entendu les paroles du livre de la Torah, il déchira ses vêtements... et s'écria: Allez ! Consultez Jéhovah pour moi, pour tout' le peuple et pour tout Juda, au sujet des paroles de ce livre qui a été trouvé! Car elle est grande la colère qui s'est allumée contre nous! parce que nos pères n'ont point obéi aux paroles de ce livre, pour faire tout ce qui nous y est prescrit.» (Rois, liv. II, ch. xxii, v. 3-13.) |