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ple dans une guerre contre Rome, et appelèrent quelques tribus des Alpes qu'ils lancèrent sur Ariminum. Mais les partisans de la paix l'emportèrent; les deux chefs furent. massacrés, leurs auxiliaires chassés, et le calme était rétabli avant que les légions fussent arrivées sur la frontière. Les expéditions de Sardaigne et d'Illyrie n'étaient pas encore commencées; les Gaulois semblaient intimidés et Carthage abattue; le sénat, pour la première fois depuis Numa, ferma le temple de Janus. Presque aussitôt des troubles éclatèrent de toutes parts. Le tribun Flaminius avait proposé le partage des terres du pays Sénon le long des frontières des Boïes. Ceux-ci s'effrayèrent à l'idée d'avoir les Romains pour voisins; ils s'unirent aux Insubres, et appelèrent de la Transalpine une formidable armée. Heureusement les Cénomans et les Venètes trahirent la cause commune. Leur diversion força les confédérés à laisser une partie de leurs forces à a défense de leurs foyers; le reste, 50000 fantassins et 20000 chevaux, prit la route de Rome.

L'effroi fut au comble dans la ville; les livres sibyllins consultés demandèrent le sacrifice de deux Gaulois; on les enterra vivants au milieu du Forum Boarium. Puis on déclara qu'il y avait tumulte; et tous, jusqu'aux prêtres, s'armèrent 150 000 hommes furent échelonnés en avant de Rome; et l'on tint en réserve 620 000 soldats. L'Italie entière s'était levée pour défendre sa nouvelle capitale et repousser les barbares. Ils arrivèrent jusqu'à trois journées de Rome. Mais cernés entre deux armées, auprès du cap Télamone, ils laissèrent 40 000 des leurs sur le champ de bataille (225).

Le sénat, décidé à délivrer l'Italie de pareilles terreurs, renvoya, l'année suivante, les deux consuls dans la Cisalpine pour en commencer la conquête. Les Anamans, les Boïes et les Lingons donnèrent des otages et remirent aux Romains Mutina (Modène), Clastidium (Chiaslegg), et Tannetum (Taneto), qui furent occupées par de fortes garnisons. La Cispadane semblait domptée. En 223, Flaminius et Furius franchirent le Pô pour soumettre la Transpadane. Mais, reçus vigoureusement par les Insubres, ils furent

heureux d'accepter un traité qui leur permit de se retirer sans combat. Ils gagnèrent le pays des Cénomans; et, quand, après quelques jours de repos et d'abondance, ils eurent refait leurs troupes, oubliant le traité, ils rentrèrent par le pied des Alpes sur le territoire insubrien. Ils trouvèrent en face d'eux 50000 hommes qui étaient accourus pour venger cette perfidie. Les Insubres perdirent 8000 morts et 16 000 prisonniers. Ils demandèrent la paix; mais le sénat ne les jugea pas assez affaiblis et renvoya contre eux, au printemps, Cornélius Scipion et Marcellus. Des Gésates ou auxiliaires gaulois étaient venus, au nombre de 30 000, des bords du Rhône au secours des Insubres. Leur roi Virdumar fut tué par Marcellus en combat singulier. Dans le même temps, Scipion prenait Milan. Les Insubres partout vaincus se remirent à la discrétion du sénat qui leur fit payer une forte indemnité, et confisqua une partie de leur territoire pour y établir des colonies (222). Marcellus rentra dans Rome en triomphe : il rapportait les troisièmes dépouilles opimes.

Le sénat envoya à Crémone et à Plaisance, en 218, deux colonies, chacune de 6000 familles romaines, pour garder la ligne du Pô, que défendaient déjà Tannetum, Clastidium et Mutina. Une voie militaire commencée par le consul Æmilius reliait ces postes avancés à la grande place d'Ariminum. Ainsi la domination romaine s'approchait des Alpes. En 221, les Romains avaient aussi occupé l'Istrie : là, ils étaient maîtres d'une des portes de l'Italie et ils s'établissaient au nord de la Macédoine, qu'ils menaçaient déjà du côté de l'Illyrie. Dans son infatigable activité, le sénat portait ses regards au delà même de la Grèce; il avait, après la première guerre punique, renouvelé l'alliance avec le roi d'Égypte, et il fut un instant question. de lui envoyer des troupes auxiliaires contre Antiochus de Syrie.

Guerre des Mercenaires (241-238).

Depuis la fin de la première guerre punique, Carthage avait eu une guerre civile et une guerre étrangère. Ses mer

cenaires qu'elle ne pouvait plus payer s'étaient révoltés sous la conduite du Campanien Spendius et de l'Africain Mathos. Ses sujets qu'elle opprimait se réunirent aux insurgés. Utique et Hippone-Zaryte, qui d'abord avaient hésité, finirent par massacrer les soldats que Carthage tenait dans leurs murs. On en fit autant en Sardaigne et en Corse. Hannon, envoyé dans ces îles, fut saisi par ses troupes, qui le mirent en croix, et les Romains, profitant de la détresse de leur rivale, lui prirent deux îles, et la menacèrent, en outre, de la guerre, si elle n'ajoutait au tribut stipulé 1200 talents euboïques. Cependant, les Carthaginois étant serrés de près dans leur ville, le parti de la maison Barca, celui de la guerre, reprit le dessus, et Amilcar eut le commandement des troupes. Il commença par gagner les Numides; dès lors les vivres manquèrent aux mercenaires. Pour empêcher la désertion et rendre tout rapprochement impossible, les deux chefs firent massacrer tous les captifs, au nombre de 700, et déclarèrent « que tout prisonnier carthaginois périrait dans les supplices, que tout allié de Carthage serait renvoyé les mains coupées.» Alors commencèrent d'épouvantables représailles. Amilcar fit jeter aux bêtes tous les mercenaires qu'il prit. Carthage reçut des secours d'Hiéron et même de Rome, qui commençaient à craindre la victoire des mercenaires. Les Barcas et les Hannon, réconciliés par le danger, agirent de concert. Amilcar parvint à enfermer une des deux armées ennemies dans le défilé de la Hache, où ils se trouvèrent réduits par la famine à la nécessité de se manger les uns les autres. Les prisonniers et les esclaves y passèrent d'abord; mais quand cette ressource manqua, il fallut bien que Spendius, Autariate et les autres chefs, menacés par la multitude, demandassent un sauf-conduit pour aller trouver Amilcar. Celui-ci ne le refusa point, et convint avec eux que, sauf 10 hommes à son choix, il renverrait tous les autres, en leur laissant à chacun un habit. Le traité fait, Almicar dit aux envoyés : « Vous êtes des dix, et il les retint. Les mercenaires étaient si bien enveloppés, que, de 40 000, pas un seul n'échappa. L'autre armée ne fut pas plus heureuse; Amilcar l'extermina dans une grande bataille, et son chef Mathos, amené dans

Carthage, fut livré pour jouet à une lâche populace qui se vengeait de sa peur. Cette guerre est restée tristement fameuse sous le nom de guerre inexpiable; elle avait duré plus de deux ans (238).

Amilcar; Asdrubal; Annibal; conquête de l'Espagne

(238-219).

Amilcar devenait dangereux par l'amour que les soldats lui portaient. Les marchands de Carthage exilèrent le glorieux général en Espagne avec son armée. Cette conquête serait, disait-on, une compensation à la perte de la Sicile et de la Sardaigne. Amilcar soumit en passant les côtes de l'Afrique, et employa à la conquête de l'Espagne neuf années, durant lesquelles, dit Polybe, il dompta un grand nombre de peuples, par les armes ou par des traités, jusqu'à ce qu'il pérît dans une bataille contre les Lusitaniens. Le butin conquis dans la riche Espagne avait servi à acheter le peuple et une partie du sénat. La faction Barcine grandissait, et comme son principal appui était dans le peuple, elle favorisait les envahissements de l'assemblée populaire, qui devint peu à peu prépondérante dans le gouvernement. Aussi le gendre d'Amilcar, le favori du peuple de Carthage, Asdrubal, hérita-t-il, malgré le sénat, du commandement de son beau-père. Il continua ses conquêtes, poussa jusqu'à l'Ebre, où les Romains, effrayés de ses progrès, l'arrêtèrent par un traité (227). Pour consolider sa puissance dans la Péninsule, il fonda Carthagène. Quelques années après, il fut assassiné par un esclave gaulois qui vengeait sur lui la mort de son maître tué en trahison. Les soldats élurent, à sa place, Annibal, le fils de leur ancien général, qui depuis trois ans combattait dans leurs rangs. Le peuple confirma, et le sénat accepta le nouveau chef. L'Espagne et l'armée n'étaient plus qu'un héritage des Barcas.

CHAPITRE XII.

LA SECONDE GUERRE PUNIQUE.

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ÉTENDUE DES POSSESSIONS DE ROME ET DE CARTHAGE EN 219. SIÉGE
DE SAGONTE (219). PASSAGE DU RHÔNE ET DES ALPES (218).
COMBAT DU TESSIN ET BATAILLE DE LA TRÉBIE (218). ·
TRASIMENE; DICTATURE DE FABIUS (217).

BATAILLE DE BATAILLE DE CANNES (216).

FABIUS ET

DÉFECTIONS; ÉCHECS D'ANNIBAL EN CAMPANIE. MARCELLUS RECOUVRENT LA CAMPANIE (215-214). DÉFAITE DE PHILIPPE (214); PRISE DE SYRACUSE (212). SIEGE DE CAPOUE;

MARCHE D'ANNIBAL SUR ROME; REPRISE DE TARENTE (212-209).
MORT DE MARCELLUS (208); BATAILLE DU MÉTAURE (207). DIVER-
SION DES SCIPIONS EN ESPAGNE; PRISE DE CARTHAGÈNE (211).
SUCCÈS ET ALLIANCES DE P. SCIPION; IL PASSE EN AFRIQUE.
TAILLE DE ZAMA (202); TRAITÉ (201).

- BA

Étendue des possessions de Rome et de Carthage en 219.

En l'année 219, à la veille de la seconde guerre punique, les possessions des Carthaginois étaient dispersées depuis la Cyrénaïque jusqu'aux bouches du Tage et du Douro, sur une ligne de 800 à 900 lieues, mais étroite, sans profondeur, et pouvant être à chaque instant coupée, soit par les nomades africains dans leurs rapides incursions, soit par un ennemi qui trouvait toujours à débarquer sur cette immense étendue de côtes. La république romaine, au contraire, présentait l'aspect d'un empire régulièrement constitué Rome placée au centre de la Péninsule; la Péninsule couverte elle-même par trois mers; et, au delà de ces trois mers, comme autant de postes avancés qui gardaient les approches de l'Italie : l'Illyrie, d'où les légions surveillaient la Macédoine et la Grèce; la Sicile, d'où elles apercevaient l'Afrique; la Corse et la Sardaigne, qui se trouvent au milieu de la route vers la Gaule ou l'Espagne, et qui commandaient la navigation de la mer Tyrrhénienne. Ce qui ajoutait à la force de cette domination, c'est que dans la plus grande partie de l'Italie elle était acceptée, sinon avec amour, du moins avec résignation. Rome ne demandait aux Italiens que des soldats. En échange de leur

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