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nous avons le terme présent, sans nous souvenir de sa signification.

Les enfans conçoivent beaucoup de choses qu'ils ne savent pas nommer, et ils retiennent beaucoup de mots dont ils n'apprennent le sens que par l'usage. Mais, depuis que, par l'habitude, ces deux choses se sont unies, on ne les considère plus que comme un seul tout dans le discours. L'idée est considérée comme l'ame, et le terme comme le corps.

Le terme, considéré en cette sorte, c'est-à-dire comme faisant un seul tout avec l'idée et la contenant, est supposé dans le discours pour les choses mêmes, c'est-à-dire mis à leur place, et ce qu'on dit des termes on le dit des choses.

Nous tirons un grand secours de l'union des idées avec les termes, parce qu'une idée attachée à un terme fixe n'échappe pas si aisément à notre esprit.

Ainsi le terme joint à l'idée nous aide à être attentifs. Par exemple, la seule idée intellectuelle de triangle ou de cercle est fort subtile d'elle-même, et échappe facilement par les moindres distractions. Mais, quand elle est revêtue de son terme propre, comme d'une espèce de corps, elle est plus fixe et on la tient mieux.

Mais il faut pour cela être attentif, c'est-à-dire, ne faire pas comme ceux qui n'écoutent que le son tout seul de la parole, au lieu de considérer l'endroit de notre esprit où la parole doit frapper, c'està-dire l'idée qu'elle doit réveiller en nous.

CHAPITRE IV.

Des trois opérations de l'entendement et de leur rapport avec les idées.

PARMI les idées, les unes s'accordent naturellement ensemble, et les autres sont incompatibles, et s'excluent mutuellement; par exemple: Dieu et éternel, c'est-à-dire : cause qui fait tout, et ce qui n'a ni commencement ni fin, sont idées qui s'unissent naturellement. Au contraire, ces deux idées Dieu et auteur du péché sont incompatibles. Quand deux idées s'accordent, on les unit en affirmant l'une de l'autre, et en disant, par exemple: Dieu est éternel. Au contraire, quand elles s'excluent mutuellement, on nie l'une de l'autre en disant : Dieu, c'està-dire la sainteté même, n'est pas auteur du péché c'est-à-dire de l'impureté même.

C'est par l'union ou l'assemblage des idées que se forme le jugement que porte l'esprit sur le vrai ou sur le faux; et ce jugement consiste en une simple proposition, par laquelle nous nous disons en nous-mêmes : cela est, cela n'est pas. Dieu est éternel, l'homme n'est pas éternel.

Avant que de porter un tel jugement, il faut entendre les termes dont chaque proposition est com posée, c'est-à-dire : Dieu, homme, éternel. Car, comme nous avons dit, avant que d'assembler ces deux termes: Dieu et éternel, ou de séparer ces deux-ci: homme et éternel, il faut les avoir compris.

Entendre les termes, c'est les rapporter à leur idée propre, c'est-à-dire à celle qu'ils doivent rappeler à notre esprit. Mais, ou l'assemblage des ter

mes est manifeste par soi-même, ou il ne l'est pas. S'il l'est, nous avons vu que sur la simple proposition bien entendue, l'esprit ne peut refuser son consentement, et qu'au contraire, s'il ne l'est pas, il faut appeler en confirmation de la vérité d'autres propositions connues, c'est-à-dire qu'il faut rai

sonner.

Par exemple, dans celle-ci: Le tout est plus grand que sa partie, il ne faut qu'entendre ces mots : tout et partie pour voir que la partie, qui n'est qu'une diminution du tout, est moindre que le tout qui la comprend, et comprend encore autre chose.

Au contraire, dans celle-ci: Les parties d'un certain tout, par exemple d'un arbre, ou d'un animal, doivent être nécessairement de différente nature; pour juger de sa vérité, la connoissance des termes dont elle est composée ne suffit pas. Il faut appeler au secours les diverses fonctions que doit faire un animal, comme se nourrir ou marcher, et montrer que des fonctions si diverses exigent que l'animal ait plusieurs parties de nature différente, par exemple, des os, des muscles, un estomac, un cœur, etc.

Voilà donc trois opérations de l'esprit manifestement distinguées : une qui conçoit simplement les idées, une qui les assemble ou les désunit, en affirmant ou niant l'une de l'autre; une qui ne voyant pas d'abord un fondement suffisant pour affirmer ou nier, examine s'il se peut trouver en raisonnant.

CHAPITRE V.

De l'attention, qui est commune aux trois opérations de l'esprit.

CHAQUE Opération de l'esprit, pour être bien faite, doit être faite attentivement, de sorte que l'atten tion est une qualité commune à toutes les trois.

L'attention est opposée à la distraction, et on peut connoître l'une par l'autre.

La distraction est un mouvement vague et incertain de l'esprit qui passe d'un objet à l'autre sans en considérer aucun.

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L'attention est donc un état de consistance dans l'esprit, qui s'attache à considérer quelque chose.

Ce qui la rend nécessaire, c'est que notre esprit imparfait a besoin de temps pour bien faire ses opérations. Nous en verrons les causes par la suite; et nous étudierons les moyens de rendre l'esprit attentif, ou de remédier aux distractions, ce qui est un des principaux objets de la Logique.

CHAPITRE VI..

De la première opération de l'esprit qui est la conception des idées.

La première opération de l'esprit, qu'on appelle simple appréhension ou conception, considère les idées. Mais les idées peuvent être regardées ou nuement en elles-mêmes, ou revêtues de certains ter

mes; selon ces différens égards, la première opération de l'esprit peut être définie simple conception des idées, ou la simple intelligence des termes. Si on veut recueillir ensemble l'une et l'autre considération, on la pourra définir la simple conception des idées que les termes signifient, sans rien affirmer ou

nier.

Car, ainsi qu'il a été dit, chaque terme a une idée qui lui répond; par exemple, au mot de roi répond l'idée de celui qui a la suprême puissance dans un Etat. Au mot de vertu répond l'idée d'une habitude de vivre selon la raison. Au mot de triangle répond l'idée de figure terminée de trois lignes droites.

Ainsi, quand on prononce ce mot triangle, la première chose qu'on fait, c'est de rapporter ce terme à l'idée qui y répond dans l'esprit.

On n'affirme rien encore, et on ne nie rien du triangle. Mais on conçoit seulement ce que signifie ce terme, et on le joint avec son idée.

CHAPITRE VII.

Dénombrement de plusieurs idées.

RIEN ne nous fait mieux connoître les opérations de l'esprit, que de les exercer avec attention sur divers sujets. Comme donc la première opération est la simple conception des idées, il est bon de nous appliquer à quelques-unes de celles que nous avons dans l'esprit.

L'ame conçoit premièrement ce qui la touche ellemême, par exemple ses opérations et ses objets. Nous savons ce qui répond, dans l'esprit, à ces

! !

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