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tant plus terrible que tous ses coups de foudre sont des coups de grâces.

C'est ce que prévoyoit en esprit le prophète Jérémie, lorsqu'il a dit ces paroles: Fuyons, fuyons bien loin «< devant la colère de la colombe, devant » le glaive de la colombe » : A facie iræ columbæ..... à facie gladii columbæ (1). Et nous voyons dans l'Apocalypse les réprouvés qui s'écrient : « Montagnes, » tombez sur nous, et mettez-nous à couvert de la » face et de la colère de l'Agneau » Cadite super nos, et abscondite nos..... ab ira Agni (2). Ce qui les presse, ce qui les accable, ce n'est pas tant la face du Père irrité; c'est la face de cette colombe tendre et bienfaisante qui a gémi tant de fois pour eux, qui les a toujours appelés par les soupirs de sa miséricorde ; c'est la face de cet Agneau qui s'est immolé pour eux, dont les plaies ont été pour eux une vive source de grâces. Car d'où pensez-vous que sortent les flammes qui dévorent les chrétiens ingrats? de ses autels, de ses sacremens, de ses plaies, de ce côté ouvert sur la croix pour nous être une source d'amour infini : c'est de là que sortira l'indignation; de là la juste fureur, et d'autant plus implacable qu'elle aura été détrempée dans la source même des grâces: car il est juste et très-juste que tout et les grâces mêmes tournent en amertume à un cœur ingrat. O poids des grâces rejetées, poids des bienfaits méprisés, plus insupportable que les peines mêmes; ou plutôt et pour dire mieux, accroissement infini dans les peines! Ah! mes Frères, que (2) Apoc. vi. 16.

(1) Jerem. xxv. 38. XLVI. 16.

j'appréhende que ce poids ne tombe sur vous, et qu'il n'y tombe bientôt !

Et en effet, chrétiens, si la grâce refusée aggrave le poids des supplices, elle en précipite le cours : car il est bien juste et bien naturel qu'un cœur épuisé par l'excès de son abondance, fasse tarir la source des grâces pour ouvrir tout à coup celle des vengeances; et il faut, avant que de finir, prouver encore en un mot cette vérité.

Dieu est pressé de régner sur nous; car à lui, comme vous savez, appartient le règne, et il doit à sa grandeur souveraine de l'établir promptement. Il ne peut régner qu'en deux sortes, ou par sa miséricorde, ou par sa justice: il règne sur les pécheurs convertis par sa sainte miséricorde; il règne sur les pécheurs condamnés par sa juste et impitoyable vengeance. Il n'y a que ce cœur rebelle qu'il presse et qui lui résiste, qu'il cherche et qui le fuit, qu'il touche et qui le méprise, sur lequel il ne règne ni par sa bonté, ni par sa justice, ni par sa grâce, ni par sa rigueur : il n'y souffre que des rebuts plus indignes que ceux des Juifs dont il a été le jouet.

Ah! ne vous persuadez pas que sa toute-puissance endure long-temps ce malheureux interrègne. Non, non, pécheurs, ne vous trompez pas, le royaume de Dieu approche; Appropinquavit (1): il faut qu'il y règne sur nous par l'obéissance à sa grâce, ou bien il y régnera par l'autorité de sa justice plus sont grandes les grâces que vous méprisez, plus la vengeance est prochaine. Saint Jean commençant sa

(1) Matth. 111. 2.

prédication pour annoncer le Sauveur, dénonçoit à toute la terre que la colère alloit venir, que le royaume de Dieu alloit s'approcher; tant la grâce et la justice sont inséparables. Mais quand ce divin Sauveur commence à paroître, il ne dit point qu'il approche, ni que la justice s'avance; mais écoutez comme il parle : « La cognée est déjà, dit-il, à la >> racine de l'arbre » : Jam securis ad radicem arborum posita est (1). Oui, la colère approche toujours avec la grâce; la cognée s'applique toujours par le bienfait même; et la sainte inspiration, si elle ne nous vivifie, elle nous tue.

(1) Matth. 111. 1o.

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Trois caractères opposés des véritables et des fausses conversions. Feintes douleurs par lesquelles le pécheur trompe les autres; douleurs imparfaites par lesquelles il s'impose à lui-même : cause profonde d'une séduction si subtile. Confusion nécessaire à un vrai pénitent: quelle est cette confusion: pourquoi est-elle due au pécheur. Comment les pécheurs superbes et indociles cherchent à se débarrasser de la honte qu'ils méritent : inutilité de tous leurs faux prétextes. Qui sont ceux qui doivent entrer plus profondément dans cet état de confusion. Remèdes nécessaires pour conserver la grâce de la pénitence: combien ils sont méprisés ou négligés.

Stans retro secus pedes ejus, lacrymis cœpit rigare pedes ejus.

Madeleine se jetant aux pieds de Jésus, commença à les laver de ses larmes, Luc. vii. 38.

EST-CE une chose croyable que l'esprit de séduction soit si puissant dans les hommes, que non-seulement ils se plaisent à tromper les autres, mais qu'ils se

trompent eux-mêmes, que leurs propres pensées les déçoivent, que leur propre imagination leur impose? Il est ainsi, chrétiens, et cette erreur paroît principalement dans l'affaire de la pénitence.

Il y a de certains pécheurs que leurs plaisirs engagent, et cependant,que leur conscience inquiète; qui ne peuvent ni approuver ni changer leur vie ; qui n'ont nulle complaisance pour la loi de Dieu, mais que ses menaces étonnent souvent, et les jettent dans un trouble inévitable qui les incommode. Ce sont ceux-là, chrétiens, qui se confessent sans utilité, qui font par coutume un amusement sacrilége du sacrement de la pénitence; semblables à ces malades foibles d'esprit et de corps, qui, ne pouvant jamais se résoudre ni à quitter les remèdes ni à les prendre de bonne foi, se jettent dans les pratiques d'une médecine qui les tue. C'est une semblable illusion qui nous fait voir tous les jours tant de fausses conversions, tant de pénitences trompeuses, qui, bien loin de délier les pécheurs, les chargent de nouvelles chaînes. Mais j'espère que Madeleine, ce modèle de la pénitence, dissipera aujourd'hui ces fantômes de pénitens, et amènera au Sauveur des pénitens véritables. Implorons pour cela le secours d'en-haut par les prières de la sainte Vierge.

Le cœur de Madeleine est brisé, son visage tout couvert de honte, son esprit profondément attentif dans une vue intime de son état, et dans une forte réflexion sur ses périls. La douleur immense qui la presse, fait qu'elle court au médecin avec sincérité; la honte qui l'accompagne, fait qu'elle se

jette

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