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Le nouveau consul Villius trouva l'armée mutinée; il passa la campagne à rétablir la discipline (199). Encouragé par cette inaction, le roi prit l'offensive et vint occuper sur les deux rives de l'Aoüs, près d'Antigonie, une position inexpugnable. Le peuple, pressé de finir cette guerre, éleva au consulat T. Quinctius Flamininus, malgré son âge, et bien qu'il n'eût encore exercé que la questure, mais sa réputation avait devancé ses services. Pendant 40 jours, Flamininus resta en face du camp inattaquable des Macédoniens. Il faisait chercher des sentiers qui lui permissent de tourner l'ennemi. Un chef épirote conduisit 4000 Romains, après trois jours de marche, sur des hauteurs qui dominaient le camp royal. Leurs cris, leur vive attaque, à laquelle répondit celle de Flamininus, épouvantèrent les Macédoniens; ils prirent la fuite et ne s'arrêtèrent que dans la Thessalie. Les Étoliens aussitôt s'y jetèrent à leur suite. Les Romains y pénétrèrent par le défilé de Gomphi. Philippe s'était déjà retiré dans la vallée de Tempé, après avoir brûlé les villes ouvertes. Cette conduite offrait un dangereux contraste avec celle des Romains auxquels Flamininus faisait observer la plus exacte discipline, et qui avaient souffert de la faim plutôt que de rien enlever dans l'Épire. Aussi plusieurs places ouvrirent leurs portes aux Romains, et Flamininus était arrivé déjà sur les bords du Pénée, quand la courageuse résistance d'Atrax arrêta sa marche victorieuse (198).

Cynoscéphalés (197); proclamation de la liberté grecque (196); Nabis (195).

Au lieu d'aller perdre l'hiver comme ses prédécesseurs, dans les quartiers autour d'Apollonie, Flamininus hiverna dans la Grèce centrale, d'où il attira les Béotiens et les Achéens dans son alliance. Au retour du printemps il alla chercher le roi en Thessalie, à la tête de 26 000 hommes, dont 8000. étaient Grecs. Philippe, qui depuis vingt ans usait ses forces dans de folles entreprises, ne put réunir 25 000 soldats qu'en enrôlant jusqu'à des enfants de seize ans. La bataille se livra en juin 197, dans la plaine de

Cynoscéphales. La légion vainquit la phalange, et comme il ne restait pas une autre armée au roi, il demanda à traiter. Il rappela ses garnisons des villes et des îles de Grèce et l'Asie qu'elles occupaient encore, laissa libres les Thessaliens, livra sa flotte moins 5 vaisseaux de transport, licencia son armée moins 500 hommes, paya 500 talents, en promit 50 comme tribut annuel pendant 10 ans, s'engagea à ne faire aucune guerre sans l'assentiment du sénat, et donna des otages, parmi lesquels les Romains firent comprendre son jeune fils Démétrius.

Durant la célébration des jeux isthmiques, auxquels la Grèce entière était accourue, un héraut imposa tout à coup silence, et promulgua le décret suivant: « Le sénat romain et T. Quinctius, vainqueur du roi Philippe, rendent leurs franchises, leurs lois et l'immunité de garnisons et d'impôts aux Corinthiens, aux Phocidiens, aux Locriens, à l'île d'Eubée et aux peuples de Thessalie. Tous les Grecs d'Europe et d'Asie sont libres. » Une joie insensée éclata à ces paroles. Deux fois l'assemblée se fit répéter le décret, et Flamininus faillit périr étouffé sous les fleurs et les couronnes (196). Mais, avant de quitter la Grèce, il enleva à Nabis Argos et Gythion, pour que Sparte ne fût pas trop puissante dans le Péloponnèse, refusant toutefois de l'accabler, pour que les Achéens ne prissent pas sa place. La Macédoine et Sparte abaissées, il évacua sans crainte Chalcis, Démétriade et l'Acrocorinthe. En retournant triompher à Rome, il y portait cet utile protectorat de la Grèce que tous les successeurs d'Alexandre s'étaient disputé sans le pouvoir saisir (195).

Antiochus en Grèce; combat des Thermopyles (191).

Ce désintéressement affecté était une habile réponse à la coalition qu'Annibal travaillait à former. Ce grand homme, ventré dans Carthage, y commençait des réformes qui devaient régénérer sa patrie: il renversa la tyrannique oligarchie qui s'était formée à la fin de la guerre, remit l'ordre dans les finances et réorganisa l'armée en même temps que, par de secrets messages, il pressait Antiochus d'atla

quer, tandis que Philippe résistait encore, que les Grecs hésitaient, que les Cisalpins et les Espagnols étaient soulevés. Cynoscéphales renversa ses espérances, et bientôt trois ambassadeurs romains vinrent à Carthage demander sa tête. Depuis longtemps il s'y attendait, et une galère secrètement préparée le porta en Syrie (195). Antiochus, enhardi par les succès des premières années de son règne, ne revendiquait pas moins que tout l'héritage de Séleucus-Nicator, l'Asie occidentale, la Thrace, même la Macédoine, et quand le sénat le rappelait à la prudence: « Je ne me mêle point de ce que vous faites en Italie, répondait-il; ne vous occuper de ce que je fais en Asie.» L'arrivée d'Annibal décida guerre. Ce grand homme offrait de recommencer avec 11 000 hommes et 100 vaisseaux, sa seconde guerre punique; mais Antiochus, aveuglé par ses courtisans, repoussa ses conseils pour écouter les magnifiques promesses de l'Etolien Thoas.

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Depuis longtemps les Étoliens se vantaient d'avoir ouvert la Grèce aux Romains; à les croire, ils avaient seuls vaincu à Cynoscéphales. Mal récompensés, à leur gré, de leurs services, ils cherchèrent à se payer de leurs mains. Un même jour, sans déclaration de guerre, ils essayèrent de surprendre Chalcis, Démétriade et Lacédémone. Ils espéraient pouvoir de là braver Rome impunément. Chalcis les repoussa, mais Démétriade fut prise. A Sparte, ils se présentèrent comme amis, égorgèrent Nabis, mais s'oublièrent au pillage de la ville, et laissèrent à Philopœmen le temps d'accourir et de les envelopper. Le général achéen réunit Sparte délivrée à la ligue. Il n'y avait plus alors qu'à se jeter dans les bras d'Antiochus. Ils l'appelèrent en Grèce. Mais le roi de Syrie débarqua à Démétriade (septembre 192) avec 10000 hommes seulement. Au lieu de gagner Philippe, il l'irrita, le jeta dans le parti de Rome, et ne vit accourir autour de lui qu'un petit nombre d'alliés. Pendant l'hiver qu'il perdit à célébrer à Chalcis un nouvel hymen, le sénat eut tout loisir d'achever ses préparatifs. Aux ides de mai, l'armée de Brindes passa l'Adriatique avec le consul Acilius Glabrion. Celle d'Apollonie, qui s'était déjà réunie aux troupes de Philippe

avant l'hiver, avait repris plusieurs villes thessaliennes et débloqué Larisse. Acilius acheva de réduire la Thessalie, et s'avança jusqu'aux Thermopyles où le roi espérait l'arrêter, Caton, alors lieutenant d'Acilius, après avoir été consul, surprit 2000 Etoliens postés sur le Callidrôme pour défendre le sentier d'Ephialte; à la vue des cohortes romaines descendant l'OEta, Antiochus, qui avait arrêté Acilius devant ses lignes, dans le défilé, s'enfuit à Chalcis et de là à Ephèse en Asie. La bataille des Thermopyles coûta aux Romains 150 hommes (juillet 191).

Bataille de Magnésie (190); soumission des Galates (189).

A Éphèse, Antiochus avait retrouvé sa sécurité; Annibal seul s'étonnait que les Romains ne fussent pas encore arrivés. Pour leur fermer la route, le roi augmenta les fortifications de Sestos et de Lysimachie. Mais Livius, par une victoire sur l'amiral syrien Polyxénidas, saisit, du premier coup, l'empire dans la mer Égée. Si les Rhodiens furent vaincus à Samos, si Livius échoua dans ses tentatives sur Éphèse et Patara, les premiers réparèrent leur défaite dans une bataille où Annibal ne put triompher de l'impéritie du courtisan Apollonios; et le successeur de Livius détruisit, près de Myonèse, la flotte syrienne. Bientôt les légions arrivèrent sous la conduite du consul Lucius Scipion et de son frère l'Africain, qui s'était offert à lui servir de lieutenant. Elles traversaient alors la Macédoine, après s'être débarrassées des Étoliens par une trêve de six mois. Lysimachie aurait pu arrêter l'armée. Antiochus l'évacua, et le passage de l'Hellespont s'effectua sans obstacle. Ce fut le 5 octobre 190, .près de Magnésie du Sipyle, que les deux armées se rencontrèrent: 30 000 Romains allaient combattre 82 000 Asiaques. On dit que 52 000 Syriens furent tués ou pris, et que le consul perdit seulement 350 hommes. Il ne restait plus qu'à traiter. Les conditions étaient dures. Le sénat interdit au roi toute guerre dans l'Asie Mineure, lui prit ses éléphants, qu'il donna à Eumène, ses vaisseaux, qu'il brûla, et, le chassant de l'Asie Mineure, fixa au Taurus la limite

de ses États. Une contribution de guerre, pour Rome, de 80 millions; pour Eumène, de 2 500 000 francs, ruina ses finances.

Manlius Vulso, qui succéda à L. Scipion, voulut abattre le seul peuple de l'Asie Mineure qui fût digne de se mesurer avec les Romains, les Gallo-Grecs ou Galates. Sans décret du peuple ni autorisation du sénat, il traversa, en la rançonnant, toute l'Asie Mineure, pour aller les chercher dans leurs retranchements des monts Olympe et Magaba. Il attaqua d'abord les Trocmes et les Tolistoboies sur l'Olympe. L'imprudence des Gaulois, qui ne s'étaient point pourvus d'armes de jet, permit au consul d'en faire de loin un grand massacre. Au mont Magaba, la même négligence eut les mêmes résultats. Les deux camps forcés, ce qui restait de la nation demanda la paix. Content d'avoir brisé leur puissance, et répandu au loin, par cette expédition contre un peuple redouté, la terreur du nom romain, Manlius ne leur imposa ni tribut ni clause honteuse (189); et de retour à Éphèse, il régla avec les commissaires le sort des alliés.

Dans la distribution des dépouilles, Eumène eut la meilleure part la Lydie, l'Ionie, la Phrygie, la Lycaonie et la Myliade. Les possessions d'Antiochus en Europe, la Chersonèse, et Lysimachie qui en commandait l'entrée, lui furent aussi abandonnées; enfin le roi de Bithynie Prusias lui rendit ce qu'il avait enlevé de la Mysie. Rome ne le comblait si richement qu'afin de s'assurer la fidélité d'un prince qui allait faire pour elle la police de l'Asie, en surveiller, en dénoncer en secret tous les mouvements, toutes les pensées. Les flottes rhodiennes avaient été plus utiles que les quelques vaisseaux et les 3000 auxiliaires d'Eumène: Rhodes eut moins cependant, parce qu'elle ne semblait déjà que trop puissante. Elle dut se contenter de quelques agrandissements dans la Carie et la Lycie, où nombre de villes restèrent libres. Le long de la côte, dans la Troade, l'Éolide et l'Ionie, presque toutes les anciennes colonies grecques, moins Ephèse et Élée, laissées de même que Sardes à Eumène, obtinrent l'immunité, et quelques-unes de nouvelles terres et des hon

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