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presque jamais; mais nous comprenons par là tout ce qui peut faire changer du sens à un mot, par une altération imperceptible d'idées, parce que diverses choses étant signifiées par le même son, on les prend pour la même chose.

Ainsi, quand vous entendrez le sophisme suivant :

Les apôtres étaient douze;

Judas était apôtre,

Donc Judas était douze.

le sophiste aura beau dire que l'argument est en forme; pour le confondre, sans nulle discussion ni embarras, démêlez simplement l'équivoque du mot les apôtres. Ce mot les apôtres signifie, dans le syllogisme en question, les apôtres en tant que pris tous ensemble et faisant le nombre de douze. Or, dans cette signification, comment dire dans la mineure, or Judas était apôtre? Judas étaitil apôtre en tant que les apôtres sont pris tous ensemble au nombre de douze?

Citons encore pour exemple ce sophisme burlesque :

Le manger salé fait boire beaucoup ;
Or boire beaucoup fait passer la soif :
Donc le manger salé fait passer la soif.

Ce sophisme porte un masque de syllogisme; mais il sera bientôt démasqué par une simple attention : c'est que le moyen terme, qui paraît le même dans la première et dans la seconde proposition, change imperceptiblement à la faveur d'un petit mot qui est de plus dans l'une, qui est de moins dans l'autre. Or, un petit mot ne fait pas ici une petite différence. Une diphtongue altérée causa autrefois de furieux ravages dans l'Église; et une

et

particule changée, n'en fait pas de moindres dans la logique pour conserver un moyen terme, le même sens dans les deux propositions. Il fallait énoncer dans la mineure, or faire boire beaucoup fait passer la soif. Au lieu de cela, on supprime ici, dans la mineure, le verbe faire devant le mot boire, ce qui change le sens, puisque faire boire et boire ne sont pas la même chose.

On pourrait appeler simplement le sophisme une équivoque; et pour en découvrir le vice ou le nœud, il ne faudrait que découvrir l'équivoque.

M. CASTILLON, fils.

SOPHISTE.

SOPHISTE. (Histoire anc. et eccles.) Celui qui fait des sophismes, c'est-à-dire, qui se sert d'argumens subtils, dans le dessein de tromper ceux qu'on veut persuader ou convaincre. Ce mot est formé du grec σoyos, sage; ou plutôt de copiorns, imposteur, trompeur.

Le terme sophiste, qui maintenant est un reproche, était autrefois un titre honorable, et emportait avec soi une idée bien innocente. Saint Augustin observe qu'il signifiait un rhéteur ou professeur d'éloquence, comme étaient Lucien, Athénée, Libanius, etc.

Suidas, et après lui, Olar, Celsius, dans une dissertation expresse sur les sophistes grecs, nous déclare que ce mot s'appliquait indifféremment à tous ceux qui excellaient dans quelque art ou science, soit théologiens, juris

consultes, physiciens, poëtes, orateurs ou musiciens. Mais il semble que c'est donner à ce mot un sens trop étendu. Il est possible qu'un rhéteur ait fait des vers, etc.; mais que ce soit en vertu de son talent poétique qu'on l'ait nommé sophiste, c'est ce que nous ne voyons point de raison de croire. Quoi qu'il en soit, Solon est le premier qui paraît avoir porté ce nom, qui lui fut donné par Isocrate; ensuite on le donna assez rarement, mais seulement aux philosophes et aux orateurs.

Le titre de sophiste fut en grande réputation chez les Latins dans le douzième siècle, et dans le tems de saint Bernard. Mais il commença à s'introduire chez les Grecs dès le tems de Platon, par le moyen de Protagoras et de Gorgias, qui en firent un métier infâme en vendant l'éloquence pour de l'argent. C'est de là que Sénèque appelle les sophistes des charlatans et des empyriques.

Cicéron dit que le titre de sophiste se donnait à ceux qui professaient la philosophie avec trop d'ostentation, dans la vue d'en faire un commerce, en courant de place en place pour vendre en détail leur science trompeuse. Un sophiste était donc alors, comme à présent, un rhéteur ou logicien, qui fait son occupation de décevoir et embarrasser le peuple par des distinctions frivoles, de vains raisonnemens et des discours captieux.

Rien n'a plus contribué à accroître le nombre des sophistes que les disputes des écoles de philosophie. On y enseigne à embarrasser et à obscurcir la vérité par des termes barbares et inintelligibles, tels que, antiprédicamens, grands et petits logicaux, quiddités, etc.

On donna le titre de sophiste à Rabanus Maurus, pour lui faire honneur. Jean Hinton, moderne auteur scolas

tique anglais, a fait ses efforts pour se procurer le titre

magnifique de sophiste.

SOTTISE.

M. CASTILLON, fils.

SOTTISE OU SOTTIE. (Belles - Lettres.) Espèce de drame, qui, sur la fin du quinzième siècle et au commencement du seizième, faisait chez nous la satire des mœurs. La sottise répondait à la comédie grecque du moyen âge, non qu'elle fût une satire personnelle, mais elle attaquait les états, et plus particulièrement l'Église. La plus ingénieuse de ces pièces est sans contredit celle où l'Ancien monde, déjà vieux, s'étant endormi de fatigue, Abus s'avise d'en créer un nouveau, dans lequel il distribue à chaque vice et à chaque passion son domaine, en sorte que la guerre s'allume entre eux, et détruit le monde qu'Abus a créé; alors le vieux monde se réveille, et reprend son train.

Dans cette satire, le clergé n'est point épargné; il l'est encore moins dans la sortie du Nouveau-Monde, dont les personnages sont, Pragmatique, Bénéfice grand, Bénéfice petit, Père saint, le Légat, l'Ambitieux, etc. Bénéfice grand, à qui l'on fait violence pour se livrer à Ambitieux, se met à crier plaisamment, volens nolo, nolens volo.

Mais la plus célèbre de toutes les sotties est celle de

Mère Sotte, composée et représentée par ordre exprès de Louis XII. Dans cette pièce le prince des sots s'informe de l'état de ses sujets. Le premier sot lui répond :

Nos prélats ne sont point ingrats,
Quelque chose qu'on en babille;

Ils ont fait durant tous les jours gras,
Banquets, beignets, et tels fracas
Aux mignonnes de cette ville.

Sotte commune (le peuple ) se plaint au roi des sots qu'elle dépérit de jour en jour, et que l'Église enlève tout son bien. Mère Sotte paraît alors, habillée par dessous en Mère Sotte, et par dessus ainsi que l'Église. En entrant sur la scène, elle déclare à Sotte Occasion et à Sotte Fiance, ses deux confidentes, qu'elle veut usurper le temporel des princes. « Disposez de moi, lui dit Sotte Fiance, je consens à éblouir le peuple par vos amples promesses, et en cela je risque peu de chose : »

On dit que vous n'avez point d'honte,
De rompre votre foi promise.

SOTTE OCCASION.

Ingratitude vous surmonte,

De promeses ne tenez compte,

Non plus que boursiers de Venise.

Mère Sotte dit elle-même, sur la protection d'un juif :

Aussitôt que je cesserai

D'être perverse, je mourrai.

Elle déclare aux prélats, sujets du prince des sots, le spirituel ne lui suffit pas, et qu'elle y veut joindre le temporel :

que

Je jouis ainsi qu'il me semble:

Tous les deux veuil mêler ensemble.

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