pour durer un instant, et le monde ne l'a pas vue tout entière en un instant. Comme Dieu elle est toujours, pour toujours; comme lui elle travaille toujours au salut du monde qu'elle a vu naître, et elle multiplie ses merveilles qui sont l'œuvre suprême de Dieu. On ne peut comprendre ni que Dieu attende ni qu'il se repose. Il s'est condamné de toute éternité à un travail qui n'aura pas plus de fin que l'éternité, et qu'admireront éternellement les âmes bienheureuses. Nous nous reposerons en lui, lui ne se reposera pas. Toutes les idées que nous nous faisons actuellement de l'œuvre et du repos de Dieu le ramènent malgré nous à nos proportions, c'est-à-dire à nos petitesses. Il est l'infini grandi infiniment au delà de nos conceptions. Comprenons que l'Eglise est autre chose qu'un système de philosophie totalement en dehors et au-dessus des faibles puissances de la raison humaine. Elle est une loi de Dieu à laquelle nous savons adhérer parce que l'homme peut être fait enfant de Dieu par le pouvoir de l'Eglise. Elle est le miracle de Celui par qui tout a été fait pour parvenir à ce miracle même. C'est l'ensemble de tous les miracles, allant du même pas, au même but, sans heurt, sans divergence, en pleine liberté et en pleine harmonie. Jésus-Christ n'a rien apporté de nouveau sur la terre que lui-même. Et son Église n'est pas nouvelle ni nouvellement annoncée. Tous les hommes qui ont connu Dieu ont reconnu le Verbe-Jésus. Ils l'attendaient avant que son nom ne fût prononcé. Christus heri, et hodie, ipse et in sæcula. Il est venu parmi les siens. Il est contemporain de l'homme, et il était avant que l'homme existàt, et le premier homme vivant a connu et béni sa venue future, parce qu'après sa chute ils avaient entendu la voix de Dieu dans le paradis, et l'Écriture dit encore : « Il >> leur donna en héritage la loi de la vie..., et leurs oreilles en> tendirent l'honneur de sa voix 2. » Il n'y a pas eu de nuit si profonde où cette lueur n'ait pu apparaître; la chute est sensible, le Créateur est connu, le Réparateur est attendu. Il dit Et cum audissent vocem domini Dei deambulantem in paradiso. (Gen. III. 8). Et legem vitæ hæreditavit illos... et honorem vocis audierunt aures eorum (Ecclesiasticus, XVII, 9, 11). à Job je suis; à Isaïe je viendrai; Jean-Baptiste, Pierre et Paul le voient et s'écrient: C'est lui! Alors, l'heureuse foule le montre à l'avenir tel que l'ont vu les temps et que le verra l'éternité. Heri, hodie et in sæcula. La Révélation est complète, il ne reste plus qu'à l'étendre à tous les hommes qui ont encore à vivre et à mourir sous les lois de Celui qui jugera les vivants et les morts. L'intérêt de cette question nous a entraîné. Cependant, s'il faut conclure, nous nous récusons. Les preuves chrétiennes trouvées dans les Livres chinois sont-elles assez fortes pour autoriser dès à présent plus que d'ingénieuses conjectures? Sontelles des preuves? il y a beaucoup de savants; un seul docteur les peut mettre d'accord et prononcera s'il le juge à propos. En somme, on peut douter si la Chine a été primitivement chrétienne, mais on ne doutera pas qu'elle ne doive l'être, et c'est pourquoi le livre du P. de Prémare nous paraît admirablement opportun. Voilà la Chine ouverte. Il faut une langue commune pour les affaires de l'âme et de l'esprit : c'est la langue des Dogmes. Nous ne l'avons presque pas, les Chinois ne l'ont presque plus. Le P. de Prémare l'a pour ainsi dire retrouvée; il rend plus facile l'étude des anciens documents. Son livre à la main, les deux civilisations, les deux races peuvent s'entendre. Avec la langue des Dogmes, on fait des hommes, on ressuscite des peuples. Les langues modernes, tant la chinoise que l'européenne, ne peuvent que gagner de l'argent, faire des journaux et tout ce qui s'ensuit. Les langues modernes ont fait le traité de Berlin, qui crée des divisions nouvelles; la langue des Dogmes, qui a inspiré le livre des Vestiges, peut réunir la Chine et l'Europe. LOUIS VEUILLot. Dès que nous eûmes reçu la lettre de Sa Sainteté, nous en donnâmes connaissance à M. Veuillot. Il nous répondit par la lettre suivante que nous croyons devoir communiquer à nos lecteurs. M. Veuillot est absent, et c'est sans son assentiment que nous faisons cette publication. « Cher ami, Merci de m'avoir envoyé cette lettre, vraiment historique. » C'est une vraie victoire pour le Père Prémare, pour vous, » et même pour moi, quoique je n'aie pas combattu. Mais enfin je suis de l'armée. Mais il faut aller plus haut. C'est une > victoire aussi pour le Pape, qui se montre si clair et qui » est si diligent. Il semble avoir prévu que vous alliez être at» taqué, et le voilà. Ah! bon vieux Soldat, que la Vérité est forte et prompte, et que ceux qui veulent la servir, sont >> bien servis! Vive le Christ qui était hier, qui est aujour» d'hui, et qui sera demain. Il a baptisé les premiers, il relè vera les derniers. Il est toujours avec ceux qui veulent être » avec lui. Il attend tout le monde et ne fait attendre per » sonne. » Traduisez vite, et donnez-moi cela le plus-tôt possible. Je » suis ivre de joie. >> Tout à vous, » LOUIS VEUillot. » CONCLUSION. Nous croyons maintenant pouvoir terminer ces divers documents par les paroles suivantes, que nous extrayons de la Préface que nous avons mise aux Vestiges du P. de Prémare, et que nous croyons tout à fait conformes au Bref de Sa Sainteté Léon XIII. Avec les livres de M. Perny sur l'enseignement de la langue chinoise et surtout avec le secours des Missionnaires qui ont habité longtemps la Chine, et qui se trouvent dans chacune des maisons religieuses qui envoient des missionnaires en Chine, les jeunes Missionnaires pourront, non-seulement apprendre le chinois, mais encore en avoir la prononciation. Alors ces Missionnaires pourront, en abordant en Chine, se mettre immédiatement en rapport avec les Lettres chinois, à qui ils pourront dire: « Nous ne sommes pas pour vous des étrangers, nous sommes » des frères, nés d'un même Père, séparés depuis longtemps en familles diverses, mais ayant conservé de nombreuses et >> très-nombreuses preuves de notre commune origine. Aussi ce n'est pas une Religion nouvelle que nous venons vous an» noncer, c'est le complément, la suite, l'explication, la correc » tion de vos propres Livres sacrés et croyances; voici nos › Livres, voici nos traditions, nos croyances; consultons en› semble vos Livres, que nous connaissons, que nous tradui» sons, et vous verrez que, pour le fond et dans l'antiquité, › vous avez les mêmes croyances que nous. Nos Livres expliquent complètement les vôtres; les vôtres éclaircissent les » nôtres en quelques points. » Vos docteurs, vos sages, vous renvoient toujours à vos » Ancêtres; nous faisons comme eux, nous vous annonçons ce » SAINT dont parlent vos Livres, et nous vous apportons son enseignement. Ce Saint a dit qu'il viendrait un temps où il n'y aurait qu'un bercail et qu'un berger. C'est ce que nous » devons les uns et les autres chercher à réaliser. » D On comprend combien un tel langage doit étonner et intéresser en même temps les Lettrés chinois, esprits investigateurs, amateurs des subtiles doctrines, et conservateurs de tant de vieilles traditions 1. A. B. Préface, p. VI. KOUY-TCHEOU. Édit d'un Mandarin Chinois en faveur des Chrétiens. On dirait que la Chine a déjà entendu les paroles de S. S. Léon XIII, ou plutôt Léon XIII connaissait bien ce que pourraient faire les Chinois si la Religion catholique leur était bien prêchée. Voici un édit d'un Mandarin en faveur des Chrétiens. Édit du gouverneur du Kouy-tcheou, Ly. Moi, Ly, mandarin du premier degré, assesseur au ministère de la guerre, gouverneur de la province du Kouy-tcheoù, je fais la présente Proclamation. Il conste que la Religion chrétienne est, par ordre de l'Empereur, permise et pratiquée partout, et que cette religion exhorte les hommes au bien; elle n'est donc pas semblable aux sectes des jeûneurs, aux sociétés secrètes et aux autres religions perverses. De plus, en la province du Kouy-tcheoù, elle est pratiquée depuis longtemps. Depuis longtemps, les Chrétiens vivent en paix avec le reste du peuple; c'est une preuve évidente qu'elle ne saurait nuire au pays. L'année dernière au pays de Tông-lông, la secte des jeuneurs ayant causé des troubles, j'ai pris leur chef et l'ai puni de la peine de mort. Mais comme les sectaires survivants sont encore nombreux, craignant qu'ils ne parviennent à ranimer le tison de la révolte, moi Gouverneur de la province, j'ai publié un édit sévère de prohibition. Or, hier, je reçois de l'évêque Ly (Mgr Lions) un avis disant que le missionnaire Poù (M. Bouchard) lui mande ceci : « A Se-lân-fou, le chef de canton Tchang-koue-kao, et, à Yu-kin-hien, le lettré Lou-houang, profitant de la publication de l'édit du gouverneur qui prohibe sévèrement les sectes des jeûneurs, sociétés secrètes, etc., ont réuni des bandes pour piller et chasser les Chrétiens. >> Que ce Chef de canton et ce Lettré aient ou non saisi cette circonstance pour causer des désordres, ou qu'il y ait une autre source à ces troubles, ce sera le sujet d'un examen approfondi |