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HAUT-TONKIN. MGR RAMOND ENTOURÉ DE DEUX MANDARINS ET DE LEURS FAMILLES

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Les temps sont mauvais ils l'ont toujours été pour la conversion des infidèles, œuvre très pénible et très méritoire. Les esprits sont agités, la baisse du franc nous a ruinés; malgré ces difficultés, nous continuons nos œuvres Dieu vient à notre aide.

Dans ma petite mission, nous comptons, cette année, 949 baptêmes d'adultes et 4.467 baptêmes d'enfants païens in articulo mortis.

Dernièrement, je passai à Son Tôy, à l'extrémité sud de mon Vicariat, où la divine Providence a placé pour le moment deux grands mandarins fervents chrétiens. Ils assistent régulièrement à la messe tous les dimanches et jours de fête, accompagnés de leurs familles et de leurs serviteurs, une quarantaine de personnes. Ils communient très souvent et publiquement, à la grande édification des fidèles. Euxmêmes enseignent le catéchisme à leur familles; ils connaissent parfaitement la religion.

Le second mandarin est un jeune néophyte. Je l'ai connu, il y a peu d'années, encore païen; bien que déjà mandarin, il venait assister à la messe et aux sermons, et demandait des livres pour étudier la doctrine catholique. Après avoir reçu le baptême, ayant comme parrain, précisément, le premier mandarin, son chef actuel, il est parvenu à convertir sa famille, non seulement ses enfants, mais son père, ses frères, qui d'abord lui firent la plus terrible opposition et le chassèrent de la maison paternelle.

Dieu les a bénis : le premier mandarin a 11 enfants et le second 7; ces enfants sont très bien élevés.. A mon passage, ils voulurent profiter de ma présence pour se faire photographier. Je vous envoie cette photographie; en voici l'explication: derrière moi, à ma gauche, le P. Jean-Marie Massard, du diocèse de Lyon, curé de Son Tôy; à côté de lui, la femme du premier mandarin; à ma droite, le premier mandarin, chef de la province, et le P. Vandaele, mon procureur; le second mandarin est à ma gauche, au milieu de deux enfants.

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Par assas, en pays musulman, on désigne encore certains arbres sacrés qu'on rencontre un peu partout; ils remplacent, pour ainsi dire, les croix plantées çà et là dans les pays chrétiens. Là, on se signe en passant à côté; ici, on baise la main dont on a touché le tronc ou les branches.

Les assas sont souvent chargés d'ex-voto, oh! pas riches sûrement, puisqu'ils consistent en petits chiffons, blancs ou rouges et malpropres, que femmes et jeunes filles arrachent de leur vêtement et accrochent en passant avec l'espoir d'être exaucées dans leurs souhaits.

Souvent aussi on met au pied ou sur le tronc de ces arbres des morceaux de galette ou une poignée de figues; c'est une aumône destinée aux passants qui ont faim, mais dont les chiens, qui ont plus faim qu'eux, sont les premiers et presque les seuls à profiter.

La plupart du temps, les assas sont des oliviers, souvent très grands, toujours très vieux, que les ancêtres se sont abstenus de greffer par respect. Pourquoi ce respect ? Sans doute parce que ces arbres ont poussé près de la tombe de quelque saint personnage et se sont nourris de sa substance décomposée. Après cela, on comprend que de pareils arbres soient respectés et vénérés. L'honneur de donner des assas n'appartient pourtant pas exclusivement à la famille des oliviers. Outre l'olivier franc, l'arbre fétiche est représenté par le chêne, le lentisque et le micocoulier.

C'est d'un assas de cette dernière famille, et encore le seul existant dans la tribu, que je veux vous narrer la triste mésaventure.

*

*

Cet assas se trouve au bord du chemin très raide qui va de la Mission à l'une des rivières qui arrosent notre tribu.

Il a joué un certain rôle dans ma vie de missionnaire.

Quand je passais à côté de lui, allant distribuer des remèdes ou en revenant, j'aimais à m'arrêter sous son feuillage qui me servait tantôt de parasol, tantôt de parapluie. Dans les deux cas, il était réellement assas pour moi, puisqu'il me protégeait contre quelque chose. C'est pour ça que je l'aimais et ne lui faisais pas trop de niches. Je le débarrassais bien quelquefois de ses ex-voto et même de quelques-unes de ses feuilles, mais c'était seulement pour faire un peu rager certains passants bien connus, ou allumer avec d'autres le feu de la discussion religieuse. J'y réussissais habituellement.

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Quand on me voyait arracher des feuilles, on me menaçait de la fièvre à brève échéance.

Mais, mes amis, leur répondais-je, il y a plus de quinze ans que je fais cela ici et ailleurs, et jamais je n'ai eu la fièvre ! »

Pour que je n'aie pas le dernier mot, souvent ils me disaient que j'étais seulement plus fort que les assas, et que ces derniers me respectaient par peur. Je le leur ai toujours laissé croire, et, d'ailleurs, c'est bien la vérité.

A ces discussions parfois plaisantes, se sont aussi mêlés des entretiens sérieux et plus d'un Samaritain, et plus d'une Samaritaine, rencontrés là, ont entendu le si scires donum Dei! et ont appris en quoi consiste ce don!

Aussi, pour toutes ces raisons, j'aimais cet assas.

Ce cher fétiche était né et avait poussé en terre musulmane. Je veux dire que la terre qui l'a porté et nourri jusqu'à ces derniers temps avait toujours appartenu à des musulmans. Son dernier propriétaire, qui s'était enrichi au jeu et dans l'usure, attribuait une bonne partie de sa chance à l'assas dont il était le gardien, et par qui il se croyait bien gardé. Il se trompait, puisqu'il a été tué à quelques pas de l'arbre sacré. S'il en avait eu le temps et la force, je crois qu'il lui aurait montré le poing en lui disant : « Assas ! tu m'as trahi! » Peut-être aussi se serait-il contenté de dire : « Mektoub! C'était écrit ! » et aurait-il envoyé au fétiche un adieu des plus émus ! C'est si drôle, la mentalité d'un musulman!

Quoi qu'il en soit, la malheureuse victime enterrée, son fils mit en vente le champ de l'assas, et ce fut un chrétien qui l'acheta. A cette nouvelle, l'assas, si, comme on le croit, il a une âme, dut trembler de toutes ses branches et certes il y avait de quoi. En effet, l'acte était à peine signé que le nouveau propriétaire prit sa hachette et sans le moindre scrupule se mit à couper du haut jusqu'en bas toutes les belles branches de l'arbre qui d'ailleurs ne protesta nullement et il ne lui laissa que le tronc pour avoir, disait-il, le plaisir de recommencer dans quelques années.

L'opération terminée, Célestin (c'est le nom du chrétien) rentra chez lui, ayant au cœur quelque chose de la satisfaction que devaient éprouver jadis les premiers chrétiens qui venaient de briser une idole. Ses bêtes, de leur côté, eurent l'air de trouver particulièrement appétissante la feuille du mutilé; il le fallait bien : c'était du fruit défendu !

Quelque temps après, vint à passer une bonne et pieuse femme qui allait à la rizière porter le dîner

aux travailleurs. A la différence de Perrette, elle n'avait, pour souliers plats, que ses pieds nus; mais, comme elle, elle portait son pot sur la tête, bien posé aussi, je pense, sur quelque chose comme un coussinet.

A la vue de l'assas ébranché, défiguré, saignant, perdant la sève par cent blessures, la pauvrette s'arrête stupéfaite, et si le pot à couscous ne subit pas le sort du pot au lait, c'est que son heure n'était pas encore venue. Ayant recouvré un peu ses sens, elle se met à se lamenter, très lamentablement, et aussi à lancer de terribles imprécations contre le sacrilège :

«- Arbre saint! Oh! comme on t'a traité! à quel ignominieux état on t'a réduit! Hélas! Hélas! Hélas! La douleur qui m'étreint n'a d'égale que celle que je ressentis en voyant mes parents morts ! Pauvre assas! cher assas! Que maudit soit celui qui t'a réduit ainsi; que ses enfants lui soient arrachés comme il a fait à tes branches; que ce champ redevienne en fin et sans tarder la possession d'un vrai Croyant ! »

Cela dit, et toujours gémissant, et toujours maudissant, la pauvre femme reprend son chemin. Or, à peine a-t-elle fait quelques pas, que, heurtant une pierre du bout de son pied nu, elle tomba blessée tandis qu'à dix pas roulait le plat et son contenu. Tout est renversé et brisé.

Alors la chanson change de ton, ou pour mieux dire, c'est la chanson elle-même qui change, le ton étant toujours celui de l'insulte; seulement, celle-ci va désormais non au chrétien sacrilège, mais à l'assas lui-même :

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Sale assas, lui dit-elle, maudite soit la religion de ta mère ! que ton grand-père soit brûlé et que ta femme soit divorcée! Oh! puisque c'est ainsi que tu me récompenses de ma pitié, on a bien fait de te déshonorer! Si j'avais une hache, je t'achèverais à l'instant, comme je ferais à celui qui aurait tué mon fils unique! Tiens ! Va ! »

Ce disant, elle fait un signe de suprême mépris au saint arbre et, clopin-clopant, remonte au village.

Là, tout en préparant un second plat de couscous pour les travailleurs, elle raconte, à qui veut l'entendre, sa mésaventure et celle de l'assas. Quelquesuns partagent ses sentiments à l'égard de celui-ci et lui envoient même, par sans fil, quelques insultes bien senties; mais, les autres, la grande majorité, s'indignent profondément contre le mutileur, et donnent une seconde édition, considérablement augmentée, mais non expurgée, des premières malédictions de la femme à son adresse.

Une chose pourtant calmait un peu leur indignation: c'était la persuasion où ils étaient qu'un malheur quelconque, mais terrible, allait sans tarder fondre sur le coupable: ce serait quelque chose de si affreux que les chrétiens se le tiendraient pour dit dans les siècles des siècles.

Quand Célestin parut au village, on ne le lapida. pas par crainte du Baylek (l'autorité française), mais tous le regardaient, comme aurait dit Virgile, lumine torvo, d'un œil de travers, tout à fait de travers. Notre homme ne se troubla pas, car il y a longtemps qu'il ne croit pas plus au mauvais œil qu'aux assas i se contenta de regarder narquoisement tout ce monde et de lui rire au nez, comme un homme qui a tout compris et qui n'a peur de rien.

Bien qu'ils eussent grande envie de lui demander compte de sa conduite et de la lui reprocher, ils hésitaient cependant, car ils savaient que le gaillard a la réplique prompte et cruelle :

«Salem, se hasardent pourtant à lui dire quelques vieux, qui comptent sur leur barbe blanche pour les protéger, pourquoi as-tu ainsi mutilé notre assas ?

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avaient, eux aussi, porté jadis une main sacrilège sur les assas. L'un était mort de mort subite, l'autre avait failli être étouffé et le troisième était devenu fou.

Un moment ils crurent qu'ils étaient exaucés. Un matin, Célestin entre dans le café qui se trouvait bondé de monde. On aurait dit qu'il venait d'enterrer son père et sa mère, tant il avait l'air triste et abattu. « Par le Prophète, ça y est ! » se disent les buveurs.

(( Ça ne va donc pas, Salem? hasarda quelqu'un plus hardi ou plus pressé d'avoir la confirmation du fait.

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