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frères que voici, c'est à moi-même que vous l'avez fait. »>

<«< Faites aux autres ce que vous voulez que les autres vous fassent; aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés; aimez vos ennemis, afin que vous soyez les enfans du Père céleste qui fait du bien à tous (1). »

« Enfin, dit Jésus, soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux; amassez par vos aumônes des trésors dans le ciel. >>

Telle est la charité définie par le fondateur de toute charité. Cette vertu, d'après ses divines paroles, cons

(1) Cette morale sublime a commandé l'admiration d'un homme tristement célèbre par son apologie du meurtre judiciaire de l'un des meilleurs rois que la Providence ait montré au monde. Voici comment s'exprime l'auteur du Tableau de Paris, au sujet du Divin législateur.

« Jésus !... Ce nom m'a toujours terrassé de respect... Le christianisme, dans son origine, fut un retour à la loi naturelle : il fut la collection des motifs surnaturels qui doivent engager l'homme à observer la morale dans toute sa pureté. »›

<< La religion chrétienne devint une croyance universelle, qui formant, entre les nations actives et civilisées un nœud moral, eut la plus grande influence sur la politique. Les nations chrétiennes marchèrent d'un pas à peu près égal dans les progrès des arts, tandis que tout le reste s'obscurcissait autour d'elles, »

La religion de Jésus a donc fait le plus grand bien à la terre, lorsque les hommes l'ont révérée, sans y faire entrer leurs passions. Elle préserva d'abord de l'esclavage les nations qui surent la conserver; elle apporta ensuite des consolations à ceux qui furent forcés de souffrir par la faute de leurs rois.

« Quelle doctrine que celle de Jésus! toutes les vérités naturelles y sont établies et développécs; toutes celles que l'homme ignorait, et sur lesquelles il ne pouvait former que des conjectures, et qu'il lui importait de reconnaître avec certitude, y sont annoncées. Il n'est aucune de ces vérités qui ne s'accorde avec les idées que nous avons de la sagesse de l'EtreSuprême, de sa bonté et de sa justice. Le culte qui est prescrit est digne du Dicu qui en est l'objet : c'est le culte de l'esprit et du cœur. L'homme y apprend sa noble origine, sa destination et sa fin. Son premier commandement est l'amour de Dieu; son second, semblable au premier, c'est la charité. Ces préceptes, fondés sur la nature de l'homme, sont faciles à concevoir. Le christianisme, en portant nos regards sur une autre vie, ne nous ordonne rien qui soit contraire à notre bonheur dans celle-ci : et si une morale pure est le germe de bonnes constitutions, quelle morale

titue toute la loi, renferme tous les commandemens. Il y revient sans cesse, parce qu'il savait bien que l'économie de la société humaine reposait sur ce fondement; et si l'on pouvait un moment considérer le sauveur des hommes comme législateur seulement, on trouverait que, dans un seul précepte simple et fécond comme la vérité, il aurait renfermé tout ce qui peut conserver l'ordre social et assurer à l'homme terrestre la plus grande somme de bonheur qu'il puisse obtenir dans une vie d'épreuve et de passage. Car, qui oserait nier que si les passions et les intérêts matérialisés des hommes laissaient pénétrer la charité dans toutes les relations, dans toutes les transactions de la vie sociale et politique, cet univers ne serait pas admirablement et complétement heureux! Mais la mission du Sauveur avait un but bien plus élevé; il s'agissait surtout

sera plus propre que celle de Jésus à rectifier l'égarement des princes, et à faciliter l'obéissance des peuples ? »>

«La morale chrétienne serait donc la base d'une excellente constitution politique: on y trouverait le calme et cette sagesse qui attendent tout de la conviction intime. Un monarque chrétien sera toujours le meilleur des monarques et les vertus de Saint-Louis ne sont-elles pas encore révérées ? s'il s'égara dans son zèle, ses lois ne respiraient-elles pas la bonté de la source dont elles étaient émanées ? Etre chrétien, c'est de respecter le sang et la liberté des hommes; c'est de savoir souffrir leurs outrages, de ne point se venger, et d'approcher ainsi de la perfection humaine. »

« Les adversaires de la morale chrétienne ne sont que des méchans. Voltaire en voulait personnellement à Jésus. L'insensé ! c'est que l'orgueil le domina toute sa vie ; c'est qu'il croyait que le nom qui remplissait l'univers était un obstacle ou un vol fait à sa réputation. D'ailleurs, comme il n'avait pas rougi de mettre à contribution le vice et la vertu dans ses écrits, afin de s'emparer de tous les lecteurs, la morale sublime de Jésus ne pouvait que l'inquiéter. Mais son nom périra, tandis que le nom auguste, adoré dans les quatre parties du monde, sera toujours le signe de la charité. »

« A Paris, c'est la morale de Jésus qui toujours vivante dans une foule de cœurs élancés vers le ciel, rétablit une sorte d'égalité en faisant vivre les pauvres, et en exerçant en leur faveur les actes reconnaissans d'une cha rité inépuisable. C'est la morale de Jésus, enfin, qui soutient le colosse politique, et qui s'oppose à la corruption totale et à sa dissolution. » ( Mercier, Tableau de Paris.)

de rendre l'homme à sa félicité, à son immortalité primitive. Toutefois, par un miracle réservé à une religion divine, ce qui semblait destiné à assurer le bonheur de l'homme dans une autre vie, devait encore l'opérer dans celle-ci. Ne nous en étonnons point; c'est le partage de la vérité absolue, de la vérité éternelle, d'être bienfaisante dans l'ordre religieux et moral, et dans l'ordre purement terrestre cette double faculté devait nécessairement s'appliquer à notre double destinée et à notre double nature.

Les sublimes préceptes du Christ n'ont cessé d'ètre proclamés par ses disciples et par les pères et les saints de l'église catholique (1). – Ecoutons ces hommes encore

tout imprégnés d'un souffle divin.

«... Si quelqu'un a des biens de ce monde, et que, voyant son frère en nécessité, il lui ferme son cœur et ses entrailles, comment l'amour de Dieu demeurerait-il en lui? DIEU EST CHARITÉ. » (Saint Jean.)

<< Faites disparaître en quelque sorte l'inégalité qui se trouve entre vos frères et vous: que vos aumônes soient abondantes, et faites-les avec joie; car Dieu aime celui qui donne avec joie. Celui qui aime son prochain accomplit la loi. Tous les commandemens sont compris en abrégé dans cette parole: « Vous aimerez votre prochain comme vous-même.» (Saint Paul.')

« Que votre charité s'étende à tous les âges, à toutes les conditions qu'elle soit la nourrice des orphelins, le soutien des vieillards, le port assuré des malheureux, la tutrice des faibles, le soulagement de tous les maux. » Grégoire de Nysse.)

(Saint

« Donnons donc et donnons selon notre pouvoir. Si nous ne pouvons donner du pain, donnons un denier, donnons

(1) Les pères de l'église n'ont qu'un sentiment et qu'un langage sur la nécessité de l'aumône et des œuvres de miséricorde voir les écrits de saint Cyprien, de saint Basyle-le-Grand, de saint Grégoire de Nazianze, de saint Paulin, de saint Léon-le-Grand, etc.

au moins un verre d'eau froide. Quand nous ne pourrions faire autre chose que compatir à la misère du pauvre et de l'affligé, nous ne serions point privés de récompense. » (Saint Jean Chrisostôme. )

<< Dieu nous impose l'obligation de porter les fardeaux les uns des autres. Celui des pauvres, c'est la misère ; celui du riche, c'est son abondance. Heureux du siècle, hâtezvous donc d'alléger le fardeau des malheureux, et vous travaillerez à votre propre décharge. Diminuez les besoins de vos frères et ils diminueront le poids redoutable de vos comptes (saint Augustin). »

C'est en se pénétrant de ces paroles brûlantes de charité que les orateurs chrétiens les plus célèbres ont réussi à peindre la céleste origine de cette vertu et à l'exciter au fond des cœurs.

On connaît assez le nom et les discours de ces charitables prêtres des siècles derniers qui ont parlé des œuvres de miséricorde avec tant d'éloquence et d'onction; mais nous aimerons à citer ici quelques écrivains modernes qui nous semblent avoir le mieux exprimé les caractères de la charité, démontré sa nécessité et ses bienfaits et pénétré dans les secrets de cette vertu, la seule qui doive demeurer éternellement dans les cieux.

Qu'il est précieux et en même temps gracieux et doux ce passage du Génie du Christianisme! « Quant à la charité, fille de Jésus-Christ, elle signifie, au sens propre, grâce et joie. La religion, voulant réformer le cœur humain et tourner au profit des vertus nos affections et nos tendresses, a inventé une nouvelle passion. Elle ne s'est servie, pour l'exprimer, ni du mot d'amour, qui n'est pas assez sévère, ni celui d'amitié, qui se perd au tombeau, ni de celui de pitié, trop voisin de l'orgueil; mais elle a trouvé l'expression charitas, qui tient en même temps à quelque chose de céleste. Par-là elle nous enseigne cette vérité merveilleuse, que les hommes doivent, pour ainsi

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dire, s'aimer à travers Dieu, qui spiritualise leur amour et n'en laisse que l'immortelle essence en lui servant de passage. >>>

«Mais si la charité est une vertu chrétienne directement émanée de l'Éternel et de son Verbe, elle est aussi une étroite alliance avec la nature. C'est à cette harmonie continuelle du ciel et de la terre, de Dieu et de l'humanité, qu'on reconnaît le caractère de la vraie religion. Souvent les institutions morales et politiques de l'antiquité sont en contradiction avec les sentimens de l'âme; le christianisme, au contraire, toujours d'accord avec les cœurs, ne commande pas des vertus abstraites et solitaires, mais des vertus tirées de nos besoins. Il a placé la charité comme un puits d'abondance dans les déserts de la vie. (Châteaubriand). >>

D'accord avec Bossuet, d'Aguesseau ne doutait pas que Dieu n'ait voulu unir l'homme à ses semblables, par son imperfection, par son indigence même. Il s'exprime ainsi dans un de ses plus admirables écrits: « On a eu raison de dire, il y a long-temps, que Dieu a mis le nécessaire du pauvre entre les mains du riche. Mais il n'y est que pour en sortir. Il ne peut y rester sans une sorte d'injustice qui blesse la loi de la Providence. >>

« Je ne saurais concevoir qu'un Dieu souverainement juste ait laissé introduire une telle différence entre des êtres parfaitement égaux, s'il n'avait voulu les lier plus étroitement par cette inégalité même, en donnant lieu aux grands et aux riches d'exercer abondamment une charité dont ils seraient avantageusement récompensés par les services qu'ils recevaient des pauvres. »

« La différence des talens, l'éducation et les réflexions peuvent mettre entre les hommes une espèce d'inégalité; mais il n'y en a point dans leur essence. Tous ont un corps absolument semblable; tous ont une âme qui renferme également en elle une intelligence et une volonté. Il y a

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