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ne peuvent sortir que par Jésus-Christ, hors duquel toute communication avec Dieu nous est ôlée. Les preuves métaphysiques de Dieu sont si éloignées du raisonnement des hommes, et si impliquécs, qu'elles frappent peu: et quand cela servirait à quelques-uns, ce ne serait que pendant l'instant qu'ils voient cette démonstration; mais une heure après, ils craignent de s'être trompés. D'ailleurs ces sortes de preuves ne nous peuvent conduire qu'à une connaissance spéculative de Dieu; et ne le connaître que de cette sorte, c'est ne le connaître pas. Nous pouvons connaître Dieu sans connaître nos misères, ou nos misères sans connaître Dieu, ou même Dieu et nos misères sans connaître le moyen de nous délivrer des misères qui nous accablent. Mais nous ne pouvons connaître Jésus-Christ sans connaître tout ensemble et Dieu, et nos misères, et le remède de nos misères. Ainsi tous ceux qui cherchent Dieu sans Jésus-Christ ne trouvent aucune lumière qui les satisfasse ou qui leur soit véritablement utile. Car, ou ils n'arrivent pas jusqu'à connaître qu'il y a un Dieu, ou s'ils y arrivent, c'est inutilement pour eux, parce qu'ils se forment un moyen de communiquer sans médiateur. De sorte qu'ils tombent ou dans l'athéisme ou dans le déisme, qui sont deux choses que la religion chrétienne abhorre presque également. (PASCAL.)

6-8. Nul ne vient au Père que par moi. Philippe lui dit: Seigneur, faites-nous voir le Père, cela nous suffit. Il entre avec ses apôtres dans un secret plus profond, et pour les rendre tout à fait imperturbables, il leur apprend tout le bien qu'ils trouveront en lui. Ce bien sera, qu'en le trouvant, par lui ils posséderont son Père même qui devait être tout l'objet de leurs désirs, comme c'était le terme de tous les siens. Nul ne vient à mon Père que par moi. Si le Sauveur est la voie, la vérité et la vie, il ne faut point qu'il nous mène à autre qu'à lui-même pour être heureux. Comment est-ce donc qu'il est la voie pour nous mener à son Père? Que voulons-nous davantage que la vérité et la vie que nous trouverons en lui? Il explique lui-même ce profond secret en disant: Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon père et vous le connaîtrez bientôt, et vous l'avez déjà vu. Ne croyez pas qu'en vous élevant à la connaissance de mon Père, je vous mène à quelque chose qui soit hors de moi : c'est en moi qu'on connaît le Père, et vous l'avez déjà vu. Quel est ce nouveau mystère? Comment est-ce qu'on connaît le Père en connaissant Jésus-Christ? Quand les apôtres ont-ils vu le Père? Où l'ont-ils vu? C'est ce qu'il dira dans l

suite, mais auparavant il nous faut entendre ce que lui dit saint Philippe Seigneur, montrez-nous votre Père, et il nous s::ffit. A ces mots, et pour ainsi dire au seul son de cette parole, l'âme chrétienne ressent quelque chose de grand, mais quelque chose de tendre, mais quelque chose d'intime. Seigneur, montrez-nous votre Père, et il nous suffit, montrez-le-nous, c'est par vous que nous le voulons voir, il nous suffit. Vous nous ordonnez de n'avoir ni crainte, ni trouble pour cela, il ne nous faut qu'une seule chose, votre Père nous suffit. Comprenons bien cette pleine satisfaction de notre esprit en voyant Dieu, ce sera le remède à tous les troubles. Car nous avons trouvé un bien que rien ne nous peut ôter, et ce bien nous suffisant seul, rien ne pourra troubler notre repos. (BOSSUET.)

9. Qui me voit, voit aussi mon Père. Comme il ne nous paraît point dans tout l'Évangile de demande plus haute que celle de saint Philippe, il n'y a aussi rien de plus haut que la réponse de Notre-Seigneur. Nous avons vu que saint Philippe avait bien connu deux choses, l'une, que pour être heureux, c'était assez de voir le Père; l'autre, que c'était au Fils à nous le montrer. Le Fils lui va donc apprendre ce que c'est que voir le Père, et que c'est dans le Fils même qu'on le voit. Remarquez avant toutes choses cette espèce d'étonnement avec lequel le Sauveur parle : Il y a si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas! Philippe, qui me voit, voit mon Père. Je ne parle pas de celui qui me voit seulement des yeux du corps, celui-là, en me voyant, ne me voit point. Car si celui qui regarde l'homme par ses yeux mortels n'en voit que le dehors, et, pour ainsi parler, que l'écorce, combien est-on éloigné de voir le Fils de Dieu quand on n'apporte que les yeux du corps à cette vue? Les apôtres avaient passé beaucoup au-delà, puisqu'ils avaient cru et confessé par la bouche de saint Pierre, qu'il était le Christ, le Fils de Dieu vivant, el le même apôtre lui avait encore dit au nom de tous: Nous avons cru et nous avons connu que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu. Ils l'avaient donc connu, et ils avaient en même temps connu son Père, puisqu'ils avaient très-distinctement et très-véritablement connu de qui il était Fils. Cependant ils n'étaient pas encore contents, et ils avaient raison, parce que, comme ils n'avaient pas encore connu parfaitement JésusChrist, ils n'avaient pas encore parfaitement connu son Père. Et c'est pourquoi il leur avait dit : Si vous m'aviez connu, leur faisant entendre qu'ils ne l'avaient pas encore parfaitement connu, et que c'était la raison pourquoi ils ne connaissaient pas encore parfaitement son Père;

et c'est pour expliquer à fond cette vérité qu'il dit maintenant : Qui me voit, voit mon père. Il y a une certaine manière de me voir qui ne laisse plus rien à désirer, parce que celui qui me voit de cette sorte, c'est-àdire celui qui me voit à découvert, et tel que je suis, il voit mon Père. Je suis moi-même par mon fonds et par ma naissance la manifestation de mon père, parce que je suis son image vivante, l'éclat de sa gloire, l'empreinte, l'expression de sa substance. Prenez donc garde, Philippe, ne souhaitez pas de voir mon Père, comme si mon père était quelque chose hors de moi; c'est en moi qu'il le faut voir, c'est en lui aussi qu'on me voit : Ne croyez-vous pas que je suis dans mon Père, et mon père dans moi? Quand donc on le voit, on me voit dans mon principe, et quand on me voit, on le voit dans son image, dans son expression, dans son éclat, dans le rejaillissement de sa gloire, et la vue du Père et du Fils est inséparable. (BOSSUET.)

15. Si vous m'aimez, gardez mes commandements.-La conséquence naturelle de l'amour que l'on a pour Jésus-Christ est de faire ce qu'il commande. Que vous ayez pour quelqu'un une affection vraie, par cela seul que vous l'aimez, vous vous étudiez à lui plaire en vous conformant à tout ce qu'il désire. Doit-il vous en coûter davantage pour témoigner à votre Dieu que vous l'aimez, en accomplissant ses ordonnances, en ne vous permettant rien qui puisse lui être désagréable? Jacob offre à Laban de le servir sept ans pour avoir Rachel, la plus jeune de ses filles. Sept ans entiers ne sont rien pour lui, parce qu'il aime. Quelle leçon pour nous, qui apportons tant de tiédeur dans le service de notre divin Maître, après tant de bienfaits que nous en avons reçus, et les magnifiques récompenses qu'il nous promet! Non, ce n'est pas ainsi que l'aimait saint Paul, lui dont le cœur enflammé laissait échapper ces brûlantes paroles: Qui me séparera de la charité du Christ? Nommez-lui, parmi les êtres visibles ou invisibles, ce que vous croirez le plus propre à ralentir son ardeur; opposez-lui l'affliction, l'angoisse, la faim, les persécutions, les glaives, les dangers de toute espèce rien de tout cela ne saurait l'empêcher d'obéir à celui qu'il aime, et de travailler sans cesse à le glorifier. O saint transport de l'amour! quel homme aussi mérita jamais d'aimer Jésus-Christ et de l'aimer de cette manière? Qui ne le croirait affranchi déjà des liens du corps? Déjà il n'est plus sur la terre; mais dans le ciel, dont il exprime dans son langage les sublimes extases! Aussi voyez-le, dans ses courses laborieuses, éprouvé par l'exil, par les flagellations, par les

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tortures, par les périls qu'on lui suscite de toutes parts: à peine peutil contenir la joie qui le pénètre? (SAINT JEAN-CHRYSOSTOME.)

15-16. Si vous m'aimez, gardez mes commandements. Et moi, je prierai mon Père, et il vous donnera un autre consolateur qui demeurera toujours avec vous. Il n'oublie rien pour les consoler et les raffermir; et après leur avoir parlé de son amour et de celui de son Père, afin que rien ne leur manque de ce qui est divin, ou plutôt afin que rien ne leur manque de ce qui est Dieu, il leur promet le SaintEsprit. L'aimable titre que celui de Consolateur, que Jésus-Christ donne au Saint-Esprit! Ce sera donc cet Esprit qui vous consolera de mon absence, ce sera cet Esprit qui vous inspirera le vrai amour, qui vous fera garder mes commandements. Cet Esprit viendra, à la prière de Jésus-Christ; le Père le donnera, et nous verrons aussi que Jésus-Christ le donnera lui-même. C'est cet Esprit qui est venu enflammer l'Église à l'amour de Jésus-Christ, et à la pratique de ses préceptes. Un autre consolateur. Jésus-Christ est un grand consolateur, puisqu'il dit: Venez à moi, vous tous qui êtes peinés. Le Saint-Esprit insinue cette douce consolation dans le cœur; il y répand la douceur céleste qui fait ressentir, qui fait aimer les consolations de Jésus-Christ. Un autre consolateur. Il avait parlé de son Père, il avait parlé de lui-même, il fallait encore parler de cet autre consolateur, et nous manifester tout ce qui est Dieu, la Trinité tout entière. Pour demeurer en vous éternellement. Cet Esprit consolateur ne quitte jamais que ceux qui le chassent, et de lui-même il demeure éternellement. L'Esprit de vérité. Quelle est la consolation de l'homme parmi les travaux et les erreurs, si ce n'est la vérité? L'Esprit de vérité est donc notre véritable consolateur, en mettant la vérité à la place de la séduction du monde, et de l'illusion de nos sens. Que le monde ne peut recevoir. Le monde est tout faux. Qu'est-ce que le monde? la concupiscence de la chair, la concupiscence des yeux et l'orgueil de la vie. La concupiscence de la chair nous livre à des plaisirs qui nous aveuglent. La concupiscence des yeux, l'esprit de curiosité, nous mènent à des connaissances, à des épreuves inutiles on cherche toujours, et on ne trouve jamais, ou bien on trouve le mal. L'orgueil de la vie, qui dans les hommes du monde en fait tout le soutien, nous en impose par de pompeuses vanités. Le faux est partout dans le monde, et l'esprit de vérité n'y peut entrer. (BOSSUET.)

16. Et moi je prierai mon Père, et il vous donnera un autre consolateur. Nous disons que le Saint Esprit procède du Père. Cette pro

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cession n'en fait point une créature... Mais qu'est-ce que celte procession? Commencez par me répondre: Comment le Père n'est pas engendré, et ce que c'est que la génération du Fils? Alors je tâcherai de vous expliquer la procession du Saint-Esprit; et, dans ce cas, il y aura de part et d'autre une égale témérité à prétendre expliquer les mystères de l'essence divine. Que manque-t-il donc au Saint-Esprit, me direz-vous, pour être fils? Je réponds qu'il a tout ce qu'a le Fils, étant Dieu comme lui. Il n'y a de différence que dans les rapports de l'un à l'autre, et dans la qualification que nous lui donnons. Le Fils n'est pas le Père, d'autant qu'il n'y a qu'un Père; mais le Fils est ce qu'est le Père. Le Saint-Esprit n'est pas le Fils, parce qu'il n'y a qu'un Fils unique; mais il est ce qu'est le Fils; ces trois personnes ne font qu'une seule et même divinité. L'unité dont je parle ne favorise ni l'erreur de Sabellius, ni les divisions d'Arrius.

(SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE.)

ÉLÉVATION.

Seigneur, quelle douce et consolante parole vous adressez à vos disciples en leur annonçant que l'heure de la séparation s'approchait! « Que votre cœur ne se trouble pas, leur dites-vous je ne vous laisserai point orphelins; l'Esprit consolateur restera au milieu de vous; moi, je vais par ma mort vous préparer une place dans le royaume de mon Père, je vais ouvrir le ciel fermé à l'homme coupable, rétabli désormais, par ma sanglante expiation, dans ses droits primitifs au bonheur des cieux. » Oh! oui, bon Sauveur, nous savons où vous alliez ; c'est aussi le but de nos désirs et de notre espérance; nous en connaissons le chemin, vous nous l'avez tracé, et quoique les sentiers qui mènent à la patrie soient rudes et difficiles à parcourir; quoiqu'il faille, pour s'y maintenir, lutter contre des obstacles sans cesse renaissants, nous y marcherons résolument, sans craindre les ennemis intérieurs et extérieurs qui voudraient nous les faire abandonner, pour les voies spacieuses du monde et de ses faux biens, car nous croyons fermement que vous ne cessez point d'habiter au milieu de vos fidèles pour être leur guide, leur lumière et leur défense. Amen.

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