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tre tribus1, et qui donnaient à la cité elle-même le surnom de quadrurbs 2, comme partagée en quatre villes ou quartiers.

A la même disposition des lieux dans la terre primitive ou l'Eden, se rapportent ces médailles d'Athènes et de la plupart des autres villes de la Grèce, sur l'un des côtés desquelles se montre une aire diversement divisée en quatre parties 3; et, bien d'autres emblèmes qui se retrouvent partout, du fond des Gaules à l'extrême Orient, et entre lesquels nous pouvons citer ici la figure d'un cercle ou disque, divisé en quatre sections égales, par laquelle les Egyptiens exprimaient l'idée de terre ou de région".

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Entre les fleuves de l'Athènes antediluvienne ou mythologique, nous devons remarquer celui auquel Platon donnait le surnom de l'Eridan; -que Strabon déclare n'exister nulle part, qui nullibi terrarum est, excepté pour la fable; dans les eaux duquel aurait été précipité le malheureux Phaeton, coupable d'avoir voulu monter sur le char de son père Hélios 6, et dans lequel nous avons reconnu plus d'une fois déjà le premier homme, coupable, lui aussi, d'avoir voulu s'élever au niveau de son créateur ou père Héloïm, en se hissant sur le bois réservé de la science, et qui avait été chassé de l'Eden du côté de l'Orient", - dernier trait dans lequel on pourrait peutêtre trouver l'origine du nom même du prétendu fleuve, s'il se composait des deux mots pt Edny l'Eden du matin ou de l'orient.

Quant à l'Eridan, fontaine dont les eaux enivraient de délices yavos, les vierges d'Athènes, il est assez évident qu'il s'agit

Pollux, viij-9-31; Paus. i-5-1; Steph. byz. v. Axtn.

2 Festus, V. Quadrurbem.

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Mionnet, pl. xij et aussi xxxvij-xxxviij,

Champoll. Dict. hiérog. p. 21.

Strab. v-I. 9. p. 179; Herod. iij-115.

• Hygin, ast. ij-42. p. 416; Ovid. Met. ij-324; Apollon. Arg. Iv-623. 7 Gen. iij-24.

Callima. ap. Strab. IX-1-19. p. 341.

VI SÉRIE. TOME XVI. —N° 91; 1878. (95° vol. de la coll.) 2

dans cette fable de la source de l'Eden, soit des délices (177, yoyos, voluptas).

D'après la tradition sacrée, cette source dont les eaux arrosaient toute la superficie de la contrée, universam superficiem terræ, semblait devoir jaillir du centre ou point culminant de cette terre. Ainsi l'ont entendu tous les anciens peuples, dont toutes mythologies parlent d'un plateau sacré au centre duquel sortait de terre une source donnant elle-même naissance à quatre fleuves. Ainsi, ont fait les Athéniens qui montraient, au centre de leur ville et dans la citadelle qui était aussi un temple, une source dont on faisait remonter la miraculeuse origine à l'action de la Divinité 2.

se

Ce n'est pas tout; les arbres réservés ou sacrés de l'Eden, si souvent identifiés soit avec le figuier, dont nos premiers parents avaient employé les feuilles pour se mettre à couvert des regards accusateurs de la Divinité, soit avec l'olivier qui avait figuré à l'époque du déluge, comme emblème de salut, retrouvent dans notre Athènes avec des détails légendaires qui les rattachent manifestement à la tradition sacrée. Du temps de Pausanias, on montrait encore dans la citadelle, l'olivier sacré que la déesse Athéné (soit la Divinité d'Eden), y aurait planté elle-même3, et cela conformément aux termes du récit sacré qui disait à propos de l'Eden: plantaverat autem Deus..." Brûlé, lors de l'incendie de la ville par les Perses, cet arbre divin aurait jeté, dès le même jour, des pousses de deux coudées; et, à ce trait, on peut reconnaître un représentant de l'arbre de vie, dont le propre était de communiquer l'immortalité, et qui devait sans doute être doué pour lui-même de cette force vitale.

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Mais en outre, on montrait dans l'intérieur de la ville un figuier sacré, qui figurait sans doute à son tour pour l'arbre de la science, et qui nous reporte aux différentes traditions d'après

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lesquelles la ville d'Athènes aurait vu naître le premier figuier1 connu, premier figuier, qui, disait-on aussi, aurait été donné par la déesse Dé-mêter Anμntnp, (dédoublement féminin de Zeos Tarne), au héros Phyolus, ou jardinier (pvrala, hortus), en qui je reconnais le premier homme chargé de la culture (ut operaretur) du jardin (puraùía) de délices, et sous la garde de qui Dieu avait placé les arbres réservés.

S'il était défendu de cueillir les fruits des arbres réservés de l'Eden, à plus forte raison devait-il l'être de les emporter au dehors. Et en ce sens aura pu être interprété le fait du Chérubin placé de Dieu, non pas au pied des arbres, mais à l'entrée orientale du jardin, ab oriente horti3.

Or, d'après une vieille tradition rapportée par Plutarque, il aurait été originairement défendu de transporter au dehors les figues produites par le territoire d'Athènes, et l'on donnait le nom de Sycophantes aux dénonciateurs de la contrebande".

Peut-être trouverait-on mieux l'origine de ce terme, en remontant, par la tradition sacrée, aux divers dénonciateurs qui s'étaient fait entendre dans l'Eden après le larcin des fruits réservés. Car, dans la capitale postdiluvienne de l'Attique, quel pouvait être le motif d'une pareille prohibition? et qui pourrait même croire qu'elle ait jamais eu lieu? Evidemment elle doit être mise au nombre de ces faits qui n'ont jamais figuré que par emprunt dans l'histoire réelle des peuples. Et quant au nom de Sycophantes que Plutarque disait avoir été imaginé pour désigner, d'une façon assez irrégulière, ceux qui auraient dénoncé les voleurs de figues, peut-être ferait-on mieux de le rattacher aux fruits réservés qui, en ouvrant les yeux de nos premiers parents, aperti sunt oculi, et mettant ainsi à découvert leur nudité, avaient trahi le secret de leur larcin et les avait dénoncés à la juste colère du pouvoir qui régnait alors sur l'Eden ; συκοφαντης de συχον ficus et pava, edo in lucem, accuso, littéralement, la figue révélatrice.

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L'arbre de la science réapparaît avec ce même caractère de végétal révélateur dans bien des traditions profanes, entre lesquelles nous pouvons citer celle de la Chine, qui attribuait à une plante miraculeusement née sous le règne d'Hoang-Ti ou de l'empereur jaune (Adam-Rouge), la vertu de faire connaître les fourbes et les imposteurs1.

Et de là aussi l'usage si généralement répandu chez les anciens peuples et dans ces derniers siècles encore chez bien des peuplades nouvellement connues, d'employer le bois, les feuilles ou le suc, pris en boisson, d'un végétal, à la découverte des coupables et en particulier des voleurs.

C'est du reste le même végétal révélant à Dieu la faute de la première femme, et amenant ainsi sa descente avec Adam sur la terre où devait régner la mort, qui se manifeste aussi clairement que possible, mais personnifiée, dans la nymphe Chrysanthemis ou Fleur d'or qui aurait révélé à Dé-mêter (dédoublement féminin de (Zeus pater) la descente aux enfers de Proserpine-Ève avec Pluton-Adam3.

Enfin, dans le jardin de délices s'était fait remarquer, entre tous les animaux, le Serpent, qui semblait être, avec nos premiers parents, le gardien de ses arbres et de ses fruits, l'initiateur à leurs vertus et presque l'arbitre de la science et de la vie, que la Divinité y avait mis comme en dépôt ; voyons la citadelle d'Athènes habitée par un serpent_divin", représentant de celui de l'Eden.

et nous

Ainsi donc, mon R. Père, tous les principaux traits par lesquels les enfants de Noë pouvaient rattacher leur séjour postdiluvien à la patrie primitive, se retrouvent, soit maintenus par l'usage ou la croyance, soit conservés par la tradition. Un serpent divin ou supposé tel, deux arbres sacrés, une source céntrale et sortie de terre par l'action divine, la division de la contrée ou de la ville en quatre parties et le souvenir de quatre fleuves qui auraient arrosé jadis la contrée et que Platon cher

P. Prémare. Préf. du Chou-king. p. CXXXII.

2 Gen. iij-11.

Paus. j-14-2.

4 Herod. vIII-41.

chait un peu en pure perte, dans sa patrie si tristement déchue, croyait-il, de sa primitive splendeur.

Mais nous avons pu nous apercevoir déjà que la nouvelle Athènes faisait descendre jusqu'à elle des personnages qui avaient figuré antérieurement à son existence, et c'est de ces personnages qu'il conviendra de s'occuper maintenant.

II.

Nous avons précédemment vu, M. R. Père, que la ville d'Athènes aurait été originaire.nent habitée par la race antédiluvienne des Pélasges qui passaient même pour en avoir été en partie les fondateurs.

Au nombre des rois Pélasges ou Adamites qui auraient régné sur cette Athènes antédiluvienne, nous avons pu constater, d'après Hérodote et d'autres autorités encore, qu'il fallait compter les personnages mythologiques de Cécrops, de Cranaus, d'Erechthee; et, d'autre part, nous savons que ces personnages faisaient partie d'une série ou liste de dix rois primitifs, qui s'offrent dès lors à nous comme des représentants des dix patriarches primitifs, soit de l'époque antédiluvienne. Cette liste commençant par Cécrops se clôturait avec le règne de Thésée. Et comme entre ces deux personnages il n'est fait mention d'aucune coupure due à une révolution cosmique quelconque, déluge ou autre, nous sommes dès l'abord conduits à présumer qu'il en est de Thésée comme de Cécrops, et que l'existence du premier doit être reportée, comme celle de ce dernier, à l'ère antédiluvienne.

Ces dix rois primitifs d'Athènes se reproduisent en différentes traditions, comme représentants des dix patriarches antediluviens, dans les dix rois antediluviens de la Chaldée,-dans les dix premiers Ki ou règnes humains des Chinois, - dans les dix fils de Brahma source de toutes les familles 2, dans les dix espèces d'hommes produites à l'origine, selon les Perses, par l'arbre divin Reivas 3, — dans les dix premiers âges de la

3

V. Lettre xv. p. 7. Annales t. XIV, p. 68 (6o sèrie).

'Bhag. iij-12-21.

'Boun.-dehesch. p. 377.

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