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Grande-Chartreuse avait le sien à Grenoble, comme les dames de Remiremont à Nancy.

Personne n'a fait le voyage d'Italie sans avoir apprécié, avec admiration et attendrissement, les secours que les voyageurs de toute condition et de toute religion trouvent dans la sollicitude des bons religieux du mont Saint-Bernard et du Mont-Cenis. On peut considérer leurs maisons comme les métropoles des hospices, parce qu'il n'en existe pas de plus dignes de ce nom, et qui l'honorent davantage.

Dans quelques paroisses de Paris, des curés bienfaisans appelaient hospices, la maison de charité, qu'ils avaient formée pour distribuer à leurs pauvres, soit en médicamens, soit en alimens, les secours momentanés, propres à prévenir pour plusieurs la nécessité de recourir aux grands hôpitaux, et d'y changer, quelquefois, en une maladie grave une indisposition passagère. Ces maisons pastorales furent le prélude, et sans doute l'origine, des dispensaires que nous avons adoptés plus tard.

Les hospices avaient, en général, des infirmeries pour les malades.

Les premiers modèles d'hôpitaux spécialement consacrés aux malades, et de succursales pour les convalescens, sont dus à ces femmes chrétiennes, illustres descendantes des Scipion, des Emile et des Fabius, qui s'étaient retirées dans la Palestine pour y continuer leurs études sublimes sous la direction de saint Jérôme. C'est à Jérusalem et à Bethleem, vers la fin du troisième siècle (selon M. Mongez), que la première institution de ce genre fut fondée.

Cet exemple fut bientôt imité dans toutes les provinces qui embrassaient la religion chrétienne. Les souverains, les évêques, les ecclésiastiques, les personnes pieuses s'occupèrent à l'envi de former de semblables établissemens.

Le premier fait qui constate l'assignation, en France, de revenus particuliers aux maisons de charité, se rapporte à la fondation de l'hôpital de Lyon par le roi Chil

debert. Le cinquième concile d'Orléans, tenu en 349, défend d'aliéner les biens de cet hospice et de les abandonner à l'église. Le second concile de Tours, en 570, prescrivit que chaque paroisse eût à entretenir ses pauvres habitans pour qu'ils ne fussent pas vagabonds. Charlemagne ordonna que la quatrième partie des biens ecclésiastiques fût exclusivement destinée au soulagement des pauvres. Depuis cette époque, les hôpitaux se multiplièrent, et ces établissemens étaient déjà très nombreux sous le règne de Charles-le-Chauve.

Dans les temps malheureux qui suivirent la chute de la maison de Charlemagne, les pauvres furent à peu près abandonnés. Comment auraient-ils été secourus par le clergé qui avait lui-même tant de peine à subsister? Où auraient-ils trouvé des aumônes suffisantes à une époque où l'on voyait éclater si fréquemment des famines si horribles! Il fallut attendre des temps plus heureux pour fonder de nouveaux hôpitaux et pour rétablir les anciens. L'époque des anciennes croisades et celle de l'affranchissement des communes vit multiplier ces fondations. Les maladies contagieuses qui régnèrent pendant les treizième et quatorzième siècles rendaient ces asiles absolument nécessaires, et la France en dut une grande partie à l'un de ses plus grands rois.

Jamais, dans aucun temps, la charité ne s'était répandue comme au treizième siècle. Saint-Louis trouva dans son cœur le moyen de la faire régner en France par des fondations admirables dont quelques-unes lui ont survécu (1).

En 1248, il fit restaurer, par Eudes de Montreuil, l'Hô tel-Dieu de Paris, qu'il protégea constamment.

(1) Saint-Louis avait envoyé des commissaires dans les provinces, pour dresser un état des pauvres laboureurs que la vieillesse ou les infirmités mettaient hors de travailler. Ce sage et pieux monarque se chargeait de pourvoir à leur subsistance.

L'hospice des Quinze-Vingts fut commencé en 1260. Vers l'an 1259, Saint-Louis fit élever, à Pontoise, un vaste Hôtel-Dieu où il plaça d'abord treize religieuses de la règle de saint Augustin, sous la conduite de Béatrix de Quescalone qui en fut la première prieure. La charité de ces bonnes sœurs attira un si grand nombre d'indigens infirmes que le monarque leur donna sa maison de campagne de Pontoise et les bois qui en dépendaient, pour entretenir autant de religieuses qu'il serait nécessaire. Cette donation est de 1261.

L'hôpital ou l'Hôtel-Dieu de Compiègne fut fondé par lui vers 1259. Quand cet édifice fut achevé, Saint-Louis, assisté du roi de Navarre et de ses fils, y porta le premier malade dans un drap de soie, avec l'aide de son gendre Thibaut VI. Louis de France et Philippe (le Hardi) portèrent de même le second, et les princes et hauts barons les autres. Il n'existait point encore de cimetière pour cet hospice. Un des malades étant mort, Saint-Louis voulut qu'on l'inhumât très loin, afin que tous ceux qui le rencontreraient priassent pour lui. Il assista à cet enterrement, et même ensevelit le mort de ses propres mains. Les villes de Vernon et du Pont-de-l'Arche lui durent également leur Hôtel-Dieu.

Dès que le saint roi faisait son entrée dans une ville, son premier soin, après avoir prié dans une église, était de se rendre aux hospices, même les plus éloignés, et d'y servir et soigner lui-même les malades. A Paris, à Compiègne, à Orléans, à Vernon, à Pontoise, on le vit plus d'une fois demeurer des heures entières auprès de ces malheureux, tellement que les sergens d'armes qui l'accompagnaient ne pouvaient souvent endurer le tableau dégoûtant des infirmités humaines, ni l'infection qui s'exhalait de ce foyer de maladie. Louis seul y paraissait ainsi qu'une bonne mère au milieu de ses enfans, et recommandait les malades à ces pieuses filles placées à leur

chevet comme une compensation aux maux qui nous affligent (1).

pour

La venue de saint Vincent de Paule fut une ère nouvelle les établissemens charitables. Les semences de charité qu'il avait jetées dans les cœurs religieux, produisirent, outre les institutions d'enfans-trouvés, dont nous allons bientôt parler, un grand nombre d'autres fondations au profit des diverses classes de l'humanité souffrante. Une généreuse émulation s'empara de tous les gens riches et dura encore long-temps après que ce grand homme n'était plus. Sur quarante-huit hôpitaux ou maisons de charité que possédait Paris en 1789, il y en avait vingt dont la création appartenait au siècle de Vincent de Paule. Toutefois, l'admission des enfans-trouvés, dans les hospices, diminua considérablement les ressources de ces établissemens, et ce fut au préjudice des autres pauvres, ainsi qu'on le verra dans la la suite.

Depuis les successeurs de Clovis jusqu'à Louis XVI, nous comptons bien peu de rois de France qui ne se soient montrés charitables et aumônieux.

Louis XVI, qui a mérité si parfaitement le titre de Juste couronné, donna une attention touchante à l'amélioration des hôpitaux. Sous le ministère de M. Necker, il voulut se faire rendre un compte fidèle de la situation de ces établissemens, et ordonna qu'un lit particulier fût affecté à chaque malade de l'Hôtel-Dieu de Paris, au lieu de huit malades ou moribonds, dont chaque lit était auparavant chargé.

A cette époque, on comptait en France sept cents hôpitaux ou hospices et environ cent établissemens de trois ou quatre lits fondés par des particuliers.

(1) Extrait de l'Histoire inédite de Saint-Louis par le marquis F. de Villeneuve-Trans, auteur de l'Histoire de René d'Anjou et des Monumens des grands maîtres de Saint Jean de Jérusalem, membre de l'Institut de France.

On estimait alors à 110,000 individus le nombre des pauvres vieillards infirmes ou malades qui trouvaient des secours ou un asile dans ces maisons. Voici à peu près la division des principales classes:

1o 4,000 infirmes ou pauvres d'un âge avancé et présumés hors d'état de gagner leur vie.

20 40,000 orphelins ou enfans abandonnés, dont un grand nombre était mis en pension dans les campagnes.

Il existait en outre 70 hôpitaux destinés au service de l'armée de terre et des gens de mer. Ils renfermaient environ 6,900 individus.

M. Necker évalue à dix-huit ou vingt millions le revenu annuel des hôpitaux dont un quart appartenait à l'hôpital de Paris. Mais divers renseignemens prouvent que cette estimation est inexacte. Les hospices et hôpitaux du royaume possédaient, avant la révolution, près de 40,000,000 de revenus; savoir en revenus territoriaux, 25,000,000, et 17,000,000 d'octroi. Ce sont ces derniers que, sans doute, M. Necker n'avait pas compris dans ses calculs.

On distinguait alors en France le magnifique hôpital de Lyon, ceux créés en Lorraine par Stanislas, les hôpitaux de Lille (1), de Douai (2), de Valenciennes et de plusieurs autres villes qui portent l'empreinte de la grandeur des vues de leur fondateur, et dont les réglemens étaient dus à la sagesse de magistrats célèbres par leurs lumières et par leur expérience.

A Paris, le nom des hôpitaux et des hospices rappelle la charité des Saint-Louis, des Larochefoucauld, des Cochin, des Necker, des Beaujon, des Châteaubriand et de

(1) L'hôpital de Lille fut bâti sous l'intendance de M. de Lagrandville. (2) L'hôpital de Douai nous a paru mériter d'être cité comme un modèle de distribution intérieure ; le plan en est dû à M. Durand, l'un des ancêtres de M. Durand d'Elcourt, ancien député, conseiller à la cour royale de Douai.

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