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LI.

dans ce petit foffé de la mer de Tofcane. Ce bain les guériroit; j'en donne ma parole, & Jefus Chrift en eft ma caution. Le nom facré de Jefus-Chrift n'eft-il pas ici employé bien à propos ? Tremblons à la vue des terribles jugemens de Dieu, qui pour punir l'orgueil de l'homme, a permis que de fi groffiers emportemens euffent une telle efficace de féduction & d'erreur.

XXIV.

Luther étant à Vittemberg où il achevoit Sa mort. fes Commentaires fur la Genèse, les Comtes de Mansfeld lui écrivirent pour le prier de fe rendre à Iflebe fa patrie, afin d'y appaifer quelques différends qui étoient entre eux au fujet du partage de leur fucceffion. Luther voulant obliger ces Seigneurs, fe mit en chemin à la fin de Janvier 1546 quoiqu'il fut incommodé. Il avoit pris avec lui fes trois fils, Jean, Martin & Paul & quelques amis. Les Comtes envoyerent au-devant de lui çent treize Cavaliers pour l'escorter. Etant arrivé à Iflebe, il y prêcha plufieurs fois & y fit d'autres fonctions.. Mais le dix-feptiéme de Février, étant at taqué d'un violent mal d'eftomac, il prit par le confeil de fes amis quelques poudres dans du vin, & alla fe repofer, en exhortant ceux qui étoient préfens, à prier Dieu de maintenir la doctrine de l'Evangile; parce que, difoit-il, le Pape & le Concile de Trente méditoient d'horribles deffeins. Il dormit un peu, & s'étant reveillé, il fe plaignit des douleurs qu'il fouffroit, & fentit que fa fin approchoit. Il témoigna être plein d'affurance qu'il alloit jouir de la vue de Dieu pendant toute l'éternité, difant que

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perfonne ne pourroit le ravir d'entre fes mains. Il lui recommanda fon ame & mourut affez tranquillement, felon le rapport de ceux qui étoient préfens. Telle fut la fin de cet héréfiarque, qui avoit environ foixante & trois ans. Dieu permet fouvent que la mort de fes plus grands ennemis n'ait rien qui frappe les hommes lant point fortir de fon fecret par des marques éclatantes de fa colere, & fe réservant de leur faire éprouver dans l'autre vie les effets terribles de fa vengeance, d'une maniere proportionnée à leur malice & à leur impieté. Les Comtes de Mansfeld vouloient que Luther fût enterré à Iflebe, parce que cette ville étoit fa patrie; mais par l'ordre du Prince Electeur de Saxe, il fut honorablement tranfporté à Vittemberg & enterré cinq jours après. Il eft inutile de faire ici le portrait de ce malheureux Chef de la Réforme. Les faits inconteftables que nous avons rapportés dans cet Article, fuffifent pour en donner une jufte idée. Avant que d'expofer les fuites qu'eut cette héréfie depuis la mort de fon auteur jufqu'au commencement du dix-feptiéme fiècle, il eft à propos de faire connoître les autres Réformateurs, & de montrer comment la doctrine de l'Eglife s'eft foutenue & établie contre eux dans le Concile de Trente,

I.

Commen

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Zuingle.

de

ARTICLE VI.

Héréfies de Zuingle & de Calvin.

1.

Pen Allemagne, Ulric Zuingle jettoit en

Endant que le Luthéranifme s'établissoit

Suiffe les fondemens d'une nouvelle Sectc. Il étoit né à Vildehaufen en Suiffe le premier de Janvier de l'an 1487. Il apprit les Langues à Bâle & à Berne, & fit fa Philofophie à Vienne en Autriche, & fa Théologie à Bâle, où il reçut le bonnet de Docteur l'an 150s. Il commença à prêcher Fannée fuivante avec affez de fuccès, & fut pourvû d'une Cure dans un gros bourg de Suiffe. La réputation qu'il s'étoit acquife par fes fermons, le fit appeller à la conduite d'une autre Eglife, qu'on appelloit l'Hermitage de la Vierge, qui étoit un fameux pélerinage. En 1517 il eut une conférence avec le Cardinal de Sion qui se trouvoit alors en Suiffe. Il y fut queftion des maux de l'Eglife, & de la néceffité d'y remédier. Il repréfenta au Cardinal combien ceux qui, comme lui, étoient dans les grandes places, devoient travailler à cet important ouvrage. S'il s'en fût tenu-là, n'auroit point eu de reproche à lui faire. En 1518, il fut appellé à Zurich pour y gouverner la principale Paroiffe de la Ville, & y annoncer la parole de Dieu. Quelque réputation qu'il fe fût acquife, on peut dire <qu'il avoit beaucoup moins de feience que

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de feu & de vivacité. Ce que l'on trouve en lui de plus fatisfaïfant, c'est la netteté dans le difcours. Aucun des prétendus Réformateurs n'a expliqué fes penfées d'une maniere plus fuivie, plus uniforme, ni plus précife. Auffi aucun n'a été plus loin, ni n'a montré plus de hardieffe.

I I.

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donne

Zuingle voyant que la publication des Indulgences étoit un moyen für d'amaffer de La publical'argent, & voulant devenir riche afin de dulgences s'avancer dans les dignités, cherchoit l'oc- lui cafion d'avoir des Indulgences à publier; occafion mais le Pape Léon X les fit annoncer à d'ettfeigner des erreurs Zurich en is 19 par un Cordelier Milanois, qui n'étoit ni moins intéressé ni moins ambitieux que Zuingle. Ce Religieux, d'ail leurs fort ignorant, crioit de toutes fes for ces, qu'en donnant de l'argent pour avoir beaucoup d'Indulgences, on recevoit la ré miffion de tous les péchés, & que l'on délivroit infailliblement les ames du Purga toire. Le peuple féduit par ces fauffes promeffes, ne ceffoit d'apporter de l'argent au Cordelier, qui par là recueillit des fommes confidérables. Zuingle indigné de n'avoir point été chargé d'une commiffion fi lucrative, parla vivement contre les Indulgences. H paffa enfuite des Indulgences à l'autorité du Pape, à la nature du Sacrement de Pénitence, au mérite de la Foi, & à l'effet des bonnes œuvres. Hugues Evêque de Conftance croyant d'abord que Zuingle n'en vouloit qu'aux abus, l'autorifa dans fes prédications, & l'exhorta de continuer lui promettant même fa protection. Mais quand cet Evêque fçut qu'il attaquoit la Foi, youlut arrêter fon faux zéle. Alors Zuingle

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lui déclara qu'il prêcheroit malgré lui & malgré le Légat du Pape. Il continua de déclamer non-feulement contre les Indulgences, mais auffi contre l'invocation des Saints, le Sacrifice de la Meffe, les loix eccléfiaftiques, les voeux, le célibat des Prêtres & l'abftinence des viandes, fans rien changer néanmoins alors au culte extérieur & public de la Religion. Quand il crut avoir acquis affez de crédit & d'autorité, il prit les moyens de faire autorifer & recevoir publiquement fa doctrine.

TXI. Pour cet effet, il engagea le Sénat de Conférence Zurich à s'affembler au commencement de publique entre Zuingle l'année 1523, pour conférer avec les Dé& les Ca- putés de Hugues Evêque de Conftance sholiques. & les autres Eccléfiaftiques, touchant la

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Religion. Le Sénat indiqua donc une Affemblée, à laquelle il invita tous les Eccléfiaftiques du Canton, & avertit l'Evêque de Conftance de s'y trouver, ou d'y envoyer quelqu'un de fa part, afin, dit le Sénat, de combattre par la feule Ecriture fainte les erreurs prétendues dont on accufe Zuingle, & de juger enfuite en faveur des fentimens qu'on trouvera plus conformes à la parole de Dieu. C'étoit renverfer l'ordre établi par Jefus-Chrift, qui n'a donné ce pouvoir qu'aux Pasteurs. L'Evêque de Conftance envoya à cette Affemblée Jean Faber, fon grand-Vicaire avec deux autres perfonnes; & il s'y trouva un grand nombre d'autres Eccléfiaftiques. Après que les Députés eurent déclaré qu'ils ne vouloient rien décider, jufqu'à ce que l'Evêque eût prononcé avec fon Confeil; Zuingle fe leva, & dit, que la lumiere de la

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