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poignant de voir retourner aux égarements du monde les âmes dont ils avaient pu espérer de meilleures choses. Le Seigneur Jésus connut plus que tout autre cette amère douleur. Lui qui avait la conscience d'être la source de toute vie, Lui qui savait que nul ne pouvait venir au Père que par Lui, vit s'éloigner le jeune homme dont les rares qualités avaient éveillé ses sympathies humaines. Comme homme, le Sauveur pouvait avoir ses sympathies et ses prédilections; mais Il était venu sur la terre pour accomplir la volonté de Dieu, et jamais Il ne sépara la sienne de celle de son Père. Il laissa partir le jeune riche sans le retenir.

23. Alors Jésus dit à ses disciples: Je vous dis, en vérité, qu'un riche entrera difficilement dans le royaume des cieux. 24. Et je vous dis encore: Il est plus aisé qu'un chameau passe par le trou d'une aiguille, qu'il ne l'est qu'un riche entre dans le royaume de Dieu.

Cela ne veut pas dire que la richesse en elle-même soit condamnable; et bien que Jésus, pour toucher la conscience de ce jeune homme, lui eût prescrit de vendre tout ce qu'il avait et de le suivre, nous ne devons pas en conclure qu'il faut, de toute nécessité, se faire littéralement pauvre pour être sauvé: Jésus n'a pas exigé de tels sacrifices de Nicodème ni de Joseph d'Arimathée, qui étaient riches aussi.

Cependant, ceux qui ont de grands biens doivent réfléchir sérieusement aux paroles de Jésus-Christ. Il faut qu'ils comprennent la grave responsabilité qui pèse sur eux. La fortune qu'ils possèdent n'est qu'un prêt que Dieu leur a fait pour qu'ils en usent de manière à justifier la faveur dont ils sont l'objet; mais le monde, la chair et le démon s'efforcent de tourner à leur avantage ces dons de la Providence. Que de piéges, que de tentations, que d'entraves sur le chemin du riche! Le monde sourit à sa puissance et lui prodigue ses flatteries pour l'attirer à lui. La chair, assoupie dans la mollesse et dans les voluptés, l'enveloppe d'un rempart de pa

resse et d'égoïsme. Le démon qui convoite cette àme ne manque pas de profiter des dangers et des entraînements qui l'environnent de toutes parts pour en faire une proie facile.

« Un riche, a dit le Seigneur, entrera difficilement dans «le royaume des cieux. » Et cependant la richesse est l'objet des convoitises du monde. Pour l'obtenir, tous les moyens lui sont bons. Ceux qui sont pauvres portent envie aux heureux qui la possèdent. Ceux-ci ne rêvent qu'aux moyens de l'augmenter encore, et pourvu qu'on arrive à ce but si ardemment désiré, personne ne songe à se demander comment on y est parvenu. «L'amour des richesses, dit saint «Paul, est la racine de toutes sortes de maux. »

Les disciples mêmes, tout en suivant un Maître humble et pauvre, n'étaient pas exempts d'ambition ni d'un certain désir des grandeurs terrestres. Aussi le Seigneur leur montre-t-il, par la folie de ce jeune homme qui lui préfère ses richesses, le danger de convoiter des biens temporels et des positions élevées; funestes avantages qui ne peuvent qu'entraver leur marche dans l'étroit sentier qui conduit à la vie éternelle.

25. Ses disciples, ayant entendu cela, furent fort étonnés, et ils disaient: Qui donc peut être sauvé? 26. Et Jésus, les regardant, leur dit : Quant aux hommes, cela est impossible; mais quant à Dieu, toutes choses sont possibles.

Il n'est pas un seul croyant qui ne comprenne que, quant aux hommes, son salut personnel était impossible; qu'il a fallu pour le convertir, pour le retirer du monde et de ses convoitises, toute la puissance de Dieu, un miracle de grâce et d'amour. Ces paroles de Jésus devraient aussi soutenir notre courage lorsque nous déposons par la prière nos bienaimés qui nous paraissent incurables, sur le cœur du Sauveur pour lui demander leur guérison, la vie et la santé de leur âme. «Toutes choses lui sont possibles.»

Un mot encore: le jeune homme dont il s'agit dans ce

récit si fécond en instructions sérieuses, est venu à Christ en courant, nous dit saint Marc. Il s'est agenouillé devant Jésus pour lui demander avec instances de lui indiquer le moyen d'obtenir la vie éternelle. Certes, il n'était pas «éloigné du royaume de Dieu », et cependant nous avons tout lieu de croire qu'il n'y entra point. Il n'a pas voulu arracher l'œil droit ou couper la main droite, et le Seigneur ne l'a pas contraint de renoncer à son idole. Il a pu garder son interdit, s'éloigner tristement mais avec calme, aucun malheur visible ne vint le frapper, et cependant les démons se réjouissaient sur cette âme qui s'acheminait vers sa ruine. Ce n'est pas impunément que nous nous approchons de Jésus, que nous entendons de fidèles prédications, que nous demandons des conseils aux enfants de Dieu, tout en gardant dans le fond de nos cœurs un interdit dont nous ne voulons pas nous séparer. Mais en quittant le Sauveur, ce jeune homme, après avoir résisté à la flèche qui avait pénétré sa conscience, était bien plus loin du royaume de Dieu que lorsqu'il vint en courant pour interroger Jésus.

Ainsi chaque fois qu'une âme est mise en contact avec Christ, que l'Évangile est annoncé, que la conscience est atteinte, et que le pécheur résiste à ces appels, ce qui aurait dù être pour lui une odeur de vie, devient une odeur de mort. Par le simple fait qu'il a entendu de nouveau sans se convertir la vérité qui sauve, son état s'est empiré. Avant de s'en aller loin de Christ comme le jeune riche, il a fallu un effort, une lutte entre son cœur mauvais qui voulait conserver l'interdit, et sa conscience qui lui disait de s'en défaire. Par un acte volontaire, il s'est détourné du Sauveur, il a préféré les ténèbres à la lumière, et si l'appel se fait encore entendre, l'écho en sera de plus en plus faible, le cœur de plus en plus endurci. «Comment échapperons-nous «si nous négligeons un si grand salut?»

27. Alors Pierre, prenant la parole, lui dit: Voici, nous avons tout quillé, et nous l'avons suivi; que nous en arri

vera-t-il donc? 28. Et Jésus leur dit: Je vous dis, en vérité, à vous qui m'avez suivi, que lorsque le Fils de l'homme sera assis sur le trône de sa gloire, dans le renouvellement qui doit arriver, vous aussi serez assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus d'Israël.

Jésus connut pendant son séjour sur la terre toutes les douleurs, tous les mécomptes. Mais, bien que l'âme humaine du Sauveur dùt souffrir de l'égoïsme que manifestait Pierre, sa réponse est exempte de toute amertume. Qu'avaient-ils sacrifié, ces hommes qui demandaient déjà le salaire de leur dévouement? Ils avaient abandonné de rudes travaux, une pénible existence, une barque et des filets, pour suivre Jésus dans le temps marqué pour son humiliation. Il leur donne en retour des trônes qu'ils occuperont lorsqu'Il viendra, dans la gloire, régner sur la terre renouvelée.

29. Et quiconque aura quitté des maisons, ou des frères, ou des sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou des champs, à cause de mon nom, il en recevra cent fois autant, et héritera la vie éternelle.

Le monde veut la couronne sans la croix, la vie éternelle sans le sacrifice des idoles. Jésus veut que ses disciples marchent dans la voie du dépouillement qu'Il a suivie luimême. Le salut est tout gratuit, mais le pécheur qui a reçu le pardon doit souffrir avec Christ, afin de régner avec Lui dans l'éternelle gloire. Jésus a brisé les liens de ses rachetés, et ils s'avancent libres d'entraves vers la céleste patrie, se réjouissant d'avoir été trouvés dignes de souffrir "pour le nom de Jésus».

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Dans les temps où la vie chrétienne est comparativement facile, c'est un grand honneur et un précieux privilége de porter l'opprobre du Nazarien. Nous ne devons pas le rechercher par des excentricités que Dieu n'a pas prescrites, mais si nous sommes en butte aux mépris du monde à cause de notre fidélité, nous pouvons nous en réjouir avec actions de

grâces. Demandons avec ardeur cet amour sans bornes qui ne sait pas calculer les sacrifices. Il ne s'agit point de travailler en vue de récompenses, ou pour obtenir une couronne ou une place plus élevée dans le ciel; des distinctions existeront sans doute au delà du voile, mais il ne faut pas en faire le but de notre dévouement. D'ailleurs, les services que nous aurons rendus à la cause de Christ, nos renoncements et nos sacrifices, ne seront pas soumis à notre jugement, mais à celui du Maître Lui-même, qui rendra à chacun non-seulement selon ses œuvres, mais aussi selon les motifs qui les avaient inspirées.

30. Mais plusieurs de ceux qui étaient les premiers seront les derniers; et ceux qui étaient les derniers seront les premiers.

Témoin le jeune homme vertueux qui observait la loi de Dieu, et qui pourtant abandonna Christ; tandis qu'un brigand attaché à une croix fut sauvé à la onzième heure. Judas, qui avait tout quitté comme les autres apôtres, pour suivre Jésus, le trahit cependant, «et s'en alla en son lieu »; tandis que Saul de Tarse, qui était un persécuteur, un blasphémateur et un meurtrier, obtint miséricorde. La nation juive, que Dieu avait élue pour y établir son nom, allait bientôt livrer à la mort le Prince de la vie, et devenir elle-même de siècle en siècle le rebut de la terre, tandis que les Gentils, les Païens qu'elle méprisait, devaient être éclairés de la resplendissante lumière de l'Évangile. «Ceux qui étaient les deraniers seront les premiers."

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