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gion. D'ailleurs, si, comme l'ont tant de fois répété les protestants, le culte des saints est contraire à la loi de Dieu, comment en concilier la pratique avec les promesses que Jésus-Christ a faites à son Église, lorsqu'il lui a dit qu'il serait avec elle tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles? S'il n'a pas d'autre fondement que la superstition, qu'on nous dise donc comment il aura pu s'introduire partout, sans qu'il y ait eu aucune réclamation, ni de la part des papes, ni de la part des évêques? Non, ce que les chrétiens de l'Orient et de l'Occident croyaient au quatrième siècle n'est point une invention des hommes : ils le croyaient parce qu'ils le tenaient de leurs pères, parce qu'il leur avait été transmis par les traditions apostoliques.

438. Enfin, nous trouvons même dans l'Église primitive des preuves de la croyance catholique concernant le culte des saints. Saint Cyprien, mort en 258, atteste que les chrétiens offraient le sacrifice à l'honneur des martyrs toutes les fois qu'ils célébraient le jour de leur mort par une commémoraison anniversaire : Sacrificia pro eis semper, ut meministis, quoties martyrum passiones et dies anniversaria commemoratione celebramus (1). Vous remarquerez que ce saint docteur parle des fêtes à l'honneur des martyrs comme de fêtes qui se renouvelaient chaque année, anniversaria commemoratione, et qui étaient connues des fidèles, ut meministis. Aussi Tertullien, qui appartient au second et au troisième siècle, fait mention de ces fêtes, qu'il suppose également établies dans l'Église : Oblationes pro defunctis, pro natalitiis annua die facimus (2). On sait que par natalitia les auteurs ecclésiastiques entendent le jour de la mort des saints, parce que ce jour-là même ils sont nés pour le ciel, d'une nouvelle naissance qui leur donne la vie éternelle. Si nous remontons plus haut, nous arrivons aux temps dits apostoliques, et nous trouvons un témoignage du plus grand poids dans la lettre de l'Église de Smyrne sur le martyre de saint Polycarpe. Nous lisons dans cette lettre, qui nous a été conservée par Eusèbe, que les chrétiens, ayant pu sauver quelques ossements du corps de ce saint évêque, les mirent en dépôt dans un lieu convenable, pour s'y assembler, autant que possible, tous les ans, afin de célébrer le jour de sa mort avec une sainte allégresse: Quo etiam in loco nobis, si fieri poterit, convenientibus, concedit Deus natalem ejus martyrii diem cum hilaritate et gaudio celebrare (3).

(1) Lettre XXXIV. — (2) Livre de la Couronne, c. III. liv, IV, c. XV.

(3) Eusèbe, Hist. eccl.,

439. Quelque temps auparavant, saint Justin, écrivant aux empereurs païens en faveur des chrétiens, leur disait : « Nous ho« norons et nous adorons le Père, et le Fils qui vient de lui, et «<l'armée des bons anges qui ont été faits à sa ressemblance et a lui sont soumis, et l'Esprit qui a parlé par les prophètes (1). » Ici revient ce que nous avons dit de l'adoration : ce terme exprime le culte suprême, ou le culte de latrie, lorsqu'il s'agit du culte de Dieu ou des personnes de la sainte Trinité; tandis qu'il ne signifie qu'un culte inférieur ou subordonné, quand on parle du culte des anges ou des saints. Il est donc prouvé que, dans les trois premiers siècles comme dans les siècles suivants, l'Église a constamment honoré d'un culte religieux les anges et les martyrs. Donc, encore une fois, ce culte vient des apôtres et de Jésus-Christ; donc on ne peut le mépriser sans mépriser Jésus-Christ lui-même.

Jusqu'ici nous n'avons parlé du culte des saints que d'une manière générale ; il nous reste à faire connaître les principaux actes de ce culte, qui sont l'invocation des saints, et le respect religieux tant pour les images que pour les reliques sacrées. Ce que nous en dirons ne pourra que développer et confirmer les preuves que nous avons données du dogme catholique; puisque invoquer les saints, c'est les honorer; et qu'honorer les images et les reliques des saints, c'est les honorer eux-mêmes.

CHAPITRE X.

De l'invocation des saints.

440. Il est permis, il est bon, il est utile d'invoquer les anges et les saints, ainsi que l'enseigne l'Église catholique. Suivant le concile de Trente, les évêques et ceux qui sont chargés de l'instruction des fidèles doivent les instruire avec soin sur l'intercession des saints, en leur apprenant que « ceux qui règnent avec « Jésus-Christ offrent des prières à Dieu pour les hommes; qu'il « est bon et utile de les invoquer, de les supplier, et de réclamer

(1) Eum (Patrem), et Filium, qui ab eo venit ac nos ista docuit, et cæterorum, qui illum assectantur eique assimilati sunt, bonorum angelorum exercitum, et Spiritum propheticum, colimus et adoramus. Apol. 1, no vi, édit. des Bénédic

«<leur assistance et leurs prières pour obtenir des grâces et des « faveurs de Dieu par son Fils Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui « est seul notre rédempteur et notre sauveur. Ceux-là ont des sen« timents contraires à la piété, qui nient qu'on doive invoquer les « saints qui jouissent dans le ciel d'une félicité éternelle; ou qui « soutiennent que les saints ne prient pas pour les hommes; ou que « c'est une idolâtrie de les invoquer, afin qu'ils prient pour chacun << de nous en particulier; ou que c'est une chose aussi contraire à << la parole de Dieu qu'à l'honneur qu'on doit à Jésus-Christ, seul « et unique médiateur entre Dieu et les hommes; ou même que « c'est une folie de prier, de parole ou de pensée, les saints qui « règnent dans le ciel (1). »

441. Cette croyance est fondée sur la pratique générale et constante de l'Église, qui a pour elle la tradition et même l'Écriture sainte. Nous dirons donc : L'usage d'invoquer la sainte Vierge, les anges et les saints était en vigueur dans toute l'Église dès le cinquième et le quatrième siècle; or, cet usage remonte jusqu'aux temps apostoliques; donc il vient des apôtres, donc il est conforme à l'esprit de Jésus-Christ.

Premièrement, l'invocation des saints était en usage dans toute l'Eglise au cinquième et au quatrième siècle. On croyait alors, comme on l'a toujours cru depuis, que les saints intercèdent auprès de Dieu pour nous, qu'ils prient pour nous, qu'ils s'intéressent à notre salut; et on les invoquait comme pouvant nous obtenir les faveurs du ciel. Au concile d'Éphèse, qui eut lieu en 431, saint Cyrille d'Alexandrie, qui en était comme l'âme, portant la parole le jour de la fête de saint Jean, s'exprimait en ces termes : Quel est-il donc, je vous le demande, celui qui est entré dans « ce monde? et de quelle manière est-il entré? Ouvrez-nous ce

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(1) Mandat sancta synodus omnibus episcopis et cæteris docendi munus curamque sustinentibus, ut.... de sanctorum intercessione, invocatione, reliquiarum honore et legitimo imaginum usu, fideles diligenter instruant, docentes eos, sanctos una cum Christo regnantes, orationes suas pro hominibus Deo offerre, bonum atque utile esse suppliciter eos invocare, et ob beneficia impetranda a Deo per Filium ejus Jesum Christum, Dominum nostrum, qui solus noster redemptor et salvator est, ad eorum orationes, opem auxiliumque confugere; illos vero qui negant, sanctos æterna felicitate in cœlo fruentes, invocandos esse; aut qui asserunt, vel illos pro hominibus non orare; vel eorum, ut pro nobis etiam singulis orent, invocationem esse idololatriam; vel pugnare cum Verbo Dei, adversarique honori unius mediatoris Dei et hominum Jesu Christi; vel stultum esse in cœlo regnantibus, voce vel mente, supplicari, impie sentire. Sess. XXV, de l'invocation des saints.

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⚫ mystère, ô évangéliste! Parlez, ô bienheureux Jean, vous qui « fûtes appelé fils du tonnerre... Voyez cette assemblée de pas<«<teurs qui accourent à vous. Soulevez-nous la pierre, comme le bienheureux Jacob l'a fait pour les bergers de Laban; décou"vrez-nous le puits de la vie; donnez-nous de pouvoir y puiser « à votre exemple, ou plutôt conduisez-nous à votre propre « source (1). »

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442. Saint Augustin, mort en 430, dit que « tous les martyrs, « étant avec Jésus-Christ, intercèdent pour nous; et que leur in« tercession ne finira point, que nos gémissements ne soient passés (2). » Le même docteur répète, en divers endroits (3), que· nous sommes secourus par les prières des saints; et il invoque lui-même saint Cyprien, afin d'obtenir par ses prières la grâce d'imiter ses vertus (4). Saint Jérôme pensait comme saint Augustin: « Si, dit-il, les apôtres et les martyrs, étant encore en ce « monde, peuvent prier pour les autres, malgré la sollicitude qu'ils ⚫ doivent avoir pour eux-mêmes, à plus forte raison prieront-ils « après leurs couronnes, leurs victoires et leurs triomphes. Au«raient-ils en effet moins de pouvoir depuis qu'ils sont avec Jésus« Christ (5)? »

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443. Écoutez saint Jean Chrysostome: « Où est, s'écrie-t-il, le • tombeau d'Alexandre le Grand? Montrez-le-moi, et marquezmoi, si vous le savez, le jour où il est mort. Mais les tombeaux « des serviteurs de Jésus-Christ sont illustres dans la première ville du monde; personne n'ignore le jour de leur mort, qui est de• venu un jour de fête dans le monde entier. Les tombeaux des "serviteurs de Jésus-Christ sont plus magnifiques que les palais « des rois, non par la grandeur et la beauté de l'édifice, mais, ce

(1) Mysterium hoc aperi, o evangelista! assare etiam nunc, o beate Joannes, qui tonitrui filius appellatus es.... Ecce tantus hic pastorum cœtus ad te venit: remove nobis lapidem, sicut beatus Jacob pastoribus: resera nobis puteum vita; da ut nunc quoque de salutaris fontibus hauriamus; imo vero tuum nobis fontem appone. Labbe, tom. 11, col. 1021, elc. — (2) Omnes martyres, qui cum illo (Christo) sunt, interpellant pro nobis. Non transeunt interpellationes ipsorum, nisi cum transierit gemitus noster. Sur le ps. LXXXV. · (3) Liv. XXI, contre Fauste, c. xx1; liv. xx11, de la Cité de Dieu, c. vn; sermon cccxix, etc. -- (4) Adjuvet itaque nos orationibus suis in istius carnis mortalitate tanquam in caliginosa nube laborantes, ut, donante Domino, quantum possumus, bona ejus imitemur. Liv. vп, du Baptême, c. 1. — · (5) Si apostoli et martyres adhuc in corpore constituti possunt orare pro cæteris, quando pro se adhuc debent esse solliciti; quanto magis post coronas, victorias et triumphos?.... Et postquam cum Christo esse cœperint, minus valebunt. Liv. contre Vigilance.

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« qui est préférable, par le concours des peuples. Car celui qui « porte la pourpre visite lui-même ces tombeaux pour les vénérer; « et ayant déposé son faste, il s'y tient debout, et prie les saints. « de l'aider par leurs prières. Celui qui est ceint d'un diadème veut << avoir pour patrons un pêcheur et un faiseur de tentes. Direz-vous « que Jésus-Christ soit mort, lui dont les serviteurs, même après « leur mort, sont les protecteurs de ceux qui commandent à l'uni« vers (1)? Allons souvent, dit-il ailleurs, visiter les saints mar-' tyrs touchons leurs châsses, embrassons avec foi leurs saintes reliques, afin d'attirer sur nous quelque bénédiction de Dieu. Car « comme de braves soldats, montrant au roi les blessures qu'ils « ont reçues à son service, lui parlent avec confiance; de même « les martyrs, en montrant leurs têtes coupées, peuvent obtenir ce « qu'ils veulent du Roi des cieux (2). » Suivant saint Ambroise, « supplions les anges, qui nous ont été donnés pour gardiens; « supplions les martyrs, qui peuvent intercéder pour nos péchés, « eux qui ont lavé dans leur propre sang les péchés qu'ils ont pu «< avoir commis. Car ils sont les martyrs de Dieu, ils sont nos pré«<sidents, nos surveillants, les observateurs de notre conduite. Ne « rougissons pas d'admettre, comme intercesseurs de notre infirmité, ceux qui dans leurs épreuves et leurs triomphes ont expé• rimenté l'infirmité de la chair (3). »

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(1) Ubi, quæso, Alexandri tumulus est? Ostende mihi, et dic quo die mortuus sit at Christi servorum tam splendida sepulchra sunt, ut quæ urbem præstantissimam ac regiam occuparint, et dies noti atque clari, qui festi a toto orbe celebrantur.... Ac sepulchra eorum, qui Crucifixo servierunt, regias aulas splendore vincunt, non magnitudine aut pulchritudine ædificiorum; nam hac parte illa superant, sed quod multo majus, coeuntium studio. Nam et ille qui purpuram gestat, ad sepulcra illa se confert, ut ea exosculetur: abjectoque fastu supplex stat, sanctosque obsecrat, ut ipsi apud Deum sibi præsidio sint; atque, ut et tentoriorium opificem, et piscatorem, et quidem fato functos patronos habeat, precibus is contendit qui diademate cinctus est. Ergo ne, dic, quæso, korum Dominum mortuum dicere audebis, cujus servi, etiam defuncti, eorum, qui universo orbi imperant, patroni sunt? Homélie xxv1, sur la uo építre aux Corinthiens. — (2) Idcirco sæpe eos invisamus, capsulam attingamus, magnaque fide reliquias eorum complectamur, ut inde benedictionem aliquam assequamur. Etenim, sicut milites vulnera quæ in præliis sibi inflicta sunt regi monstrantes, fidenter loquentur ; ita et illi in manibus absecta capita jactantes et in medium afferentes quæcumque voluerint apud Regem cœlorum impetrare possunt. Homélie sur saint Juventin et saint Maximin, martyrs. — (3) Obsecrandi sunt angeli pro nobis, qui nobis ad præsidium dati sunt. Martyres obsecrandi, quorum videmur nobis quodam corporis pignore patrocinium vindicare. Possunt pro peccatis rogare nostris, qui proprio sanguine, etiamsi quæ habuerunt peccata, laverunt. Isti enim sunt Dei martyres, nostri præsules, spe

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