folu, fur leur parole, de demeurer à Bruxelles, à condition qu'il n'y auroit plus de prêches, & AN. 1566} qu'on ne feroit aucune violence aux églifes: de plus, qu'elle prioit & même ordonnoit, qu'on obeït en tout au comte de Mansfeld; les habitans s'y engagerent par ferment, & les chofes fe tranquilliferent. Le prince d'Orange, de fon côté, étant retourné à Anvers, accorda aux hé rétiques la permiffion de faire leurs prêches, & de profeffer la religion de Luther & de Calvin, en trois endroits qu'il leur affigna. Les comtes d'Hoeftrate & de Horn en firent autant, l'un à Malines & l'autre à Tournay. Mais ces condefcendances n'ayant pas empêché les défordres des hérétiques à Anvers, à Amfterdam, & à Delf, la gouvernante preffa le roi d'Espagne de paffer en Elandres. Philippe vaincu enfin par tant de follicitations, CXVIII écrivit à fa fœur de faire lever en Allemagne Le roi d'Ef trois mille chevaux, & dix mille hommes de pagne manpied, de leur avancer deux montres, & de les de à la goutenir prêts pour la Flandre. Il lui envoya les xernante de commiffions pour les officiers qu'il lui nommoit, lever des & lui fit tenir en même-tems trois cens mille é troupes. Strada loce cus pour être diftribuez en partie à d'autres, s'il étoit befoin d'un plus grand nombre; & pour Supra citat. cet effet, il lui envoya des blancs - fignez de fa main. Pour ôter aux princes Allemands le foupçon que la levée de ces troupes auroit pû leur donner, il les avertit de fon deffein, & en informa principalement l'empereur Maximilien II. qu'il pria de favorifer cette levée de gens de guerre. L'empereur qui avoit oui dire, qu'il y avoit un accord entre la gouvernante & les nobles confédérez, écrivit au roi pour le diffuader de faire cette levée, & parut vouloir fe rendre médiateur de cette grande affaire. Mais après avoir vû qu'elle ne pouvoit être terminée fûrement fans le fecours des armes, il changea de deffein, accorda au roi d'Efpagne ce qu'il demanAN. 1566. doit, & défendit fur peine de la vie par un édit qu'il publia, qu'aucun des Allemands ne portát les armes contre l'Espagne. Les électeurs de Treves & de Mayence, approuverent auffi qu'on levât des troupes & promirent d'y contribuer: les évêques Catholiques d'Allemagne firent la même réponse. Le duc de Baviere fut un des plus zelez, & follicita même le roi de ne rien épargner en cette occafion: mais les princes de la confeffion d'Ausbourg ne répondirent pas de même; le Landgrave de Heffe, & le duc de Wirtemberg s'excuferent fur ce que les Flamands profeffoient la même religion qu'eux, & priérent la gouvernante d'ufer de remedes plus moderez, & d'accorder la liberté de confcience. Frederic III. comte Palatin, non-feulement défendit la caufe des confédérez, mais après s'être répandu en invectives contre le pape, le culte des Saints, & la tyrannie des Inquifiteurs, il conclut qu'il étoit obligé par fa religion à n'être pas contraire à fes freres, qui fuivoient comme fui la confeffion d'Ausbourg, & la pure parole de Dieu. Le roi de France à la priere de la gou. vernante, fit de même un édit par lequel il dé fendoit à fes fujets de porter les armes en faveur des rebelles de Flandres. Philippe l'en remercia, & écrivit à fa fœur, qu'après avoir mis ordre à fes propres affaires à Madrid, il pafferoit en Flandres. CXIX. Cette nouvelle étonna les confédérez, & obliAffemblée gea le prince d'Orange, Louis de Naffau fon des confédé- frere, les comtes d'Egmond, d'Hoeftrate & de rez à Tener. Horn de s'affembler à Tenermonde, entre Gand monde fur & Anvers, pour déliberer fur ce qu'ils devoient l'arrivée du faire dans une pareille conjoncture. Parmi les roi d'Efpa- differens projets qui furent propofez dans cette gne. affemblée, pour empêcher Philippe d'entrer en De Thou, Flandres avec une armée, quelques-uns furent d'avis qu'on s'en remît à la clemence du roi; — d'autres opinerent qu'il falloit quitter le pays; & AN. 1596, abandonner la partie aux victorieux, enfin, les hift.l. 40. derniers vouloient qu'on établît un nouveau maî- hoc an. tre, fous lequel on pût vivre en affurance; & Strada de que comme l'empereur s'étoit offert d'appaifer bello Belgico les troubles, il falloit fe fervir de ce prétexte 4. 5. pour fe mettre fous fa domination; d'où ils tireroient cet avantage, qu'ils gagneroient la bienveillance d'un prince, qu'ils auroient appellé de leur propre mouvement; ou que fi leur entreprife ne réuffiffoit pas, du moins l'empereur redevable à l'affection des Flamands, les protegeroit toûjours auprés de Philippe. Enfin, l'on prit le parti de tâcher d'agir auprès de l'empepereur, afin qu'il empêchât le roi d'Espagne de venir en Flandres. CXX. Serment Mais ces mefures ayant été déconcertées, les confédérez réfolurent de prendre les armes. Les nobles jurerent de prendre les marchans fous leur folemnel protection, & ceux-ci, joints au refte du peu que font ple, de fournir de l'argent & de payer même tous les conde leurs perfonnes pour la caufe commune: & fédérez. afin la diverfité des fectes ne mît point de Strada ut que divifion entre eux: Louis de Nassau écrivit à fupral. 5. ceux d'Anvers, que jufqu'à ce que les chofes fuffent établies, ils quittaffent pour quelque tems leurs opinions particulieres touchant la religion, & qu'ils s'en tinffent tous ensemble à la confef fion d'Ausbourg; & qu'ainfi les Electeurs qui la fuivoient, s'employeroient pour eux auprès de l'empereur, & que les foldats Allemands auroient peut-être de la peine à prendre les armes contre des perfonnes de leur religion. Cette lettre eut tout le fuccès qu'on s'étoit propofé: Les hérétiques d'Anvers après avoir écrit à Geneve & confulté Theodore de Beze, qui approuva cette tré- les hérétive de religion, drefferent une nouvelle profeffion ques d'Ande foi, fur le modéle de la confeffion d'Aus- vers pour fe bourg, foutenir. CXXI. Mefures que prennent bourg, pour la présenter à l'empereur à la pro AN. 1566. chaine diéte, avec une requête, par laquelle ils Strada ut demandoient fon affistance & fa protection auSupral. 5. CXXII. près du roi. De plus, ils établirent dans plufieurs villes, comme ils avoient déja fait dans Anvers, des confiftoires; c'eft-à-dire, des con⚫ feils & des affemblées, & créérent des magi. ftrats & des confeillers, qui toutefois ne pou voient rien décider, fans auparavant l'avoir communiqué au confiftoire d'Anvers, comme au principal. Ils firent encore alliance avec l'élec teur Palatin, & les autres princes hérétiques d'Allemagne, ennemis de la maifon d'Autriche. Le comte de Megue fit fçavoir à la gouvernan. te, qu'on levoit douze cens chevaux en Saxe, par l'ordre du prince d'Orange: d'autres lettres fecrétes qu'elle reçut de France, l'avertirent que les Calvinistes de ce royaume, par l'entremise de l'amiral Coligny, avoient réfolu d'envoyer aux Flamands dix compagnies de cavalerie & trente d'infanterie, qu'on leveroit en Allemagne, parce que Charles IX. avoit défendu de faire des levées en France. Enfin, les confederez reçurent des lettres de Conftantinople, d'un certain Jean Muches, ou Miches, Juif favori du Sultan Selim II. qui mandoit aux fectaires d'éxécuter au plûtôt la confpiration faite contre les Catholiques; que l'empereur des Turcs faifoit de grands préparatifs contre les Chrétiens, & que dans peu il donneroit tant d'affaires au roi Philippe, qu'il n'auroit pas feulement le tems de fonger aux Pays-Bas. Ces nouvelles enflant le courage des confede Requête des rez, il fut réfolu dans le confiftoire d'Anvers hérétiques que, puifqu'on avoit une fi belle occafion de forà la gouver- tifier le parti, on leveroit autant d'argent qu'il nante, par feroit poffible, pour s'en fervir dans le befoin; le comte & auffi-tôt on commença cette levée avec beaud'Hoeftrate. coup de zéle. Le comte d'Hoeftrate qui com mang 1 mandoit dans Anvers pour le prince d'Orange, envoya dans le même tems à la gouvernante uneAN. 1566. requête qui lui avoit été présentée, & dans la Strada, loco quelle les fectaires demandoient pour eux, & fupra cit. l. 5. pour tous ceux de leur parti, libre exercice de leur religion, & offroient au roi pour cette grace trois millions de florins; mais on crut que c'étoit un artifice pour avoir occafion de lever de l'argent de tous côtez, & pour tromper les Espagnols en leur offrant une fi grande fomme: Peut-être auffi n'offroit-on en apparence une fomme fi confidérable, que pour faire voir la force & les facultez du parti. On fit courir en Flandres plufieurs copies de cette requête, où étoient écrits les noms des nobles & des marchands, qui s'obligeroient de fournir cet argent. Mais la gouvernante peu touchée de ces offres, ne daigna pas répondre au comte d'Hoeftrate: elle envoya néanmoins cette requête au roi pour l'engager à fe hâter, & à ne plus ufer de remife. Strada de Cependant la gouvernante bien inftruite de CXXIIL tout ce qui s'étoit paffé dans ces confiftoires, Elle travail après avoir reconnu que le bruit du voyage du le à defuntr roi en Flandres avoit déja refrøfdi quelques-uns les confédédes confédérez, ufa d'artifice pour tâcher de les rez. gagner entierement. Elle leur écrivit des lettres remplies de témoignages d'affection, & de con- bella Belgico fiance; elle y ajoûta des promeffes, qu'elle leur 45. fit faire en particulier; & comme elle avoit des blancs fignez de la main du roi, elle en remplit quelques-uns, qu'elle adreffa à ceux qu'elle con noiffoit n'être pas ennemis de la religion, en les exhortant de la défendre, & de maintenir les peuples dans le refpect, & dans l'ancienne obéïf fance. Elle fit diftribuer ces lettres de telle for te, que ceux qui n'en avoient point, en fuffent informez, afin d'exciter entr'eux des foupçons & des jaloufies. Dans le même-tems, il arriva fort |