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ter, dans la préface pour la fète du 8 décembre, le mot immaculata au mot conceptione, comme cela se pratique dans l'ordre de Saint-François.

481. On voit, par ce qui vient d'être dit, que l'immaculée conception, sans être un article de foi, est cependant une croyance de l'Église, et que cette pieuse croyance est fondée sur l'enseignement des saints Pères, qui s'appuient eux-mêmes, et sur ces paroles de l'ange à la sainte Vierge, Je vous salue, Marie, pleine de grâce, et sur la considération que celle qui était destinée à concevoir dans son sein le Verbe incarné, le Saint des saints, devait être ellemême éminemment sainte, et par conséquent préservée, non-seulement de tout péché actuel, mais encore du péché originel. Il ne convenait pas que celle qui, en devenant mère de Dieu, brisait la tête du serpent, eût été un seul instant infectée de son souffle, ou esclave du démon, dont elle venait détruire l'empire par son divin Fils. « Il ne faut pas croire, dit saint Bernardin de Sienne, que le << Fils de Dieu eût voulu naftre de la Vierge, ni se revêtir de sa «< chair, si elle eût été souillée du péché originel (1). »

482. Une autre prérogative de Marie est son assomption corporelle dans le ciel. On croit encore généralement, dans l'Église, que la sainte Vierge est ressuscitée immédiatement après sa mort, et qu'elle est en corps et en âme dans le séjour de la gloire. Cette pieuse croyance est fondée sur la tradition (2), et sur les sentiments de piété que nous devons avoir pour la mère de Dieu. On conçoit difficilement que ce corps, qui n'a jamais participé à la contagion commune, et dont s'est formé, par l'opération du Saint-Esprit, le corps même du Fils de Dieu fait homme, ait éprouvé la corruption du tombeau. Aussi l'Église a-t-elle inséré dans l'office de l'Assomption ce que saint Jean Damascène et saint Bernard ont dit de la mort, de la résurrection et de l'entrée triomphante de Marie dans le ciel (3).

Néanmoins, il n'existe aucune décision qui en fasse un article de

(1) Non enim credendum est quod ipse Filius Dei voluerit nasci ex Virgine, et sumere ejus carnem quæ esset maculata aliquo originali peccato. Serm. XLIX. - (2) Voyez saint Germain, patriarche de Constantinople, Discours 1, sur la mort de la mère de Dieu; André de Crète, Discours à, sur les louanges de la Vierge, etc.; saint Jean Damascène, Discours à, sur la mort de Marie; saint Ildephonse, Serm. vi, sur l'Assomption ; saint Grégoire de Tours, liv. IV, de la Gloire des martyrs, c. iv. Voyez aussi l'ancien Missel gallican ou gothique, publié par Tomasi et par Mabillon; Benoît XIV, des Fêtes de NotreSeigneur et de sa mère, part. п, c. cxu, etc.— (3) Voyez le Bréviaire romain, féle de l'Assomption.

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foi. Après avoir parlé de l'incarnation du Verbe, du culte de JésusChrist, de ses saints, et des prérogatives de celle qu'il a eue pour mère quant à l'humanité, il est nécessaire, suivant l'ordre des dogmes catholiques, de parler de la grâce qu'il nous a méritée en mourant pour notre salut et pour le salut du monde entier.

DE LA

GRACE ET DE LA JUSTIFICATION.

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483. La nature de la grâce, qui est le principe de la justification, la manière dont elle opère sur la volonté de l'homme, ses rapports avec le libre arbitre, sont autant de mystères pour nous. « Il est si difficile, dit saint Augustin, de discerner la vérité quand «< il s'agit de la liberté de l'homme et de la grâce de Dieu, que, « lorsqu'on défend le libre arbitre, il semble que l'on nie la grâce, « et que, lorsqu'on défend la grâce, il semble que l'on nie le libre arbitre (1). Comme on ne s'est pas toujours tenu suffisamment en garde contre cet écueil, on est tombé dans de graves erreurs. D'un côté, les pélagiens, les semi-pélagiens et les sociniens, sous prétexte de défendre le libre arbitre de l'homme, ont nié la nécessité de la grâce. De l'autre, les prédestinatiens du cinquième et du neuvième siècles, dont les erreurs ont été renouvelées, d'une manière plus ou moins expresse, par Wiclef, Luther, Calvin, Baïus, Jansénius et Quesnel, en voulant exalter l'opération et la puissance de la grâce, ont méconnu la liberté de l'homme. Pour éviter ces deux extrêmes, nous suivrons en tout l'enseignement de l'Église, qui se guide elle-même par l'Écriture et la tradition.

CHAPITRE PREMIER.

Notion de la gráce.

484. Ici le mot grâce exprime les dons que Dieu fait gratuitement aux hommes, principalement dans l'ordre du salut. Sous ce

(1) Ista quæstio, ubi de arbitrio voluntatis et Dei gratia disputatur, ita est ad

point de vue on définit la grâce : Un don surnaturel et gratuit, qui nous vient de Dieu, comme le moyen de nous faire arriver à la vie éternelle. D'abord, la grâce est un don surnaturel; elle se rapporte à la vision intuitive de Dieu, qui est la fin surnaturelle de l'homme (1). Elle est par là même un don gratuit: Dieu n'était point tenu, même dans l'hypothèse de la création, de procurer à l'homme la félicité qui nous rend participants de la gloire du ciel, et, en quelque sorte, de la nature divine, divinæ consortes naturæ (2). D'ailleurs, l'homme, étant déchu de son état primitif par le péché de notre premier père, n'a été réhabilité que par un effet de la miséricorde de Dieu. La grâce nous vient de Dieu, et ne peut venir que de Dieu; mais, à partir de la chute d'Adam, elle n'a été accordée à l'homme qu'en vue des mérites de Jésus-Christ, qui s'est offert à Dieu le Père comme une victime de propitiation pour tout le genre humain. Enfin, la grâce est le moyen de nous faire arriver à la vie éternelle; sans la grâce, nous ne pouvons rien dans l'ordre du salut.

485. On distingue la grâce habituelle et la grâce actuelle. La première, qu'on appelle aussi la grâce sanctifiante, est une qualité qui, résidant dans notre âme d'une manière fixe et permanente, la purifie du péché, et la rend agréable à Dieu et digne du bonheur du ciel. Cette grâce demeure en nous tandis que nous persévérons dans la justice; on ne la perd que par le péché mortel. La grâce actuelle est extérieure ou intérieure. La grâce extérieure consiste dans la prédication de l'Évangile, dans les exhortations, les conseils, les exemples qui portent au bien. La grâce intérieure, en tant qu'elle est actuelle, est l'acte même par lequel Dieu éclaire intérieurement notre entendement et fortifie notre volonté, en nous donnant le pouvoir de faire une bonne œuvre, d'accomplir un précepte, de surmonter une tentation, d'une manière utile à notre salut. Cette grâce s'appelle grâce de l'entendement ou grâce de la volonté, suivant qu'on la considère comme éclairant notre esprit d'une lumière surnaturelle, ou comme donnant à notre volonté la force de faire le bien. Cette même grâce prend le nom de grâce prévenante, ou de grâce concomitante, ou de grâce subséquente, selon qu'elle nous prévient, afin que nous connaissions et que nous voulons le bien, ou qu'elle nous accompagne et nous aide

discernendum difficilis, ut, quando defenditur liberum arbitrium, negari Dei gratia videatur; quando autem asseritur Dei gratia, liberum arbitrium putetur auferri. Liv. 1, de la Gráce du Christ et du péché originel, c. XLVII. (1) Voyez, ci-dessus, le n° 110, etc.—(2) Saint Pierre, 1o épít., c. 1, v. 4.

tandis que nous faisons le bien, ou qu'elle nous suit, afin que nous continuions à vouloir et à faire le bien: Nolentem prævenit ut velil; volentem subsequitur, ne frustra velit (1).

486. Enfin, la grâce actuelle se divise en grâce suffisante et en grâce efficace. La grâce suffisante est ainsi appelée, parce qu'elle donne le pouvoir, le vrai pouvoir de faire le bien, quoiqu'elle ne soit pas suivie de son effet. La grâce efficace est celle qui est suivie de son effet, c'est-à-dire celle avec laquelle on fait ce que Dieu exige de nous. Ainsi, la différence entre ces deux espèces de grâce, quant aux effets, consiste en ce qu'on résiste à la première et qu'on ne résiste pas à la seconde, quoiqu'on puisse certainement y résister. Aussi devons-nous demander à Dieu d'être toujours fidèles aux grâces qu'il veut bien nous accorder.

CHAPITRE II.

De la nécessité de la grâce.

487. La grâce actuelle intérieure est-elle absolument nécessaire au salut? Peut-il y avoir des actions bonnes sans la grâce sanctifiante? Toutes les actions de ceux qui n'ont pas la foi sont-elles moralement mauvaises? Le juste peut-il, avec des grâces ordinaires, éviter tous les péchés? Peut-il, sans une grâce spéciale, persévérer jusqu'à la fin? Telles sont les questions que nous avons à examiner dans ce chapitre.

ARTICLE I.

La grâce actuelle intérieure est-elle absolument nécessaire au salut

488. Il est de foi que, sans la grâce intérieure, on ne peut absolument rien dans l'ordre du salut. La grâce est indispensable. ment nécessaire pour le commencement comme pour l'accroissement et le perfectionnement de la foi, pour le commencement comme pour l'achèvement des bonnes œuvres; en un mot, pour le commencement comme pour la consommation de notre salut. Ainsi La défini le dernier concile œcuménique : « Si quelqu'un dit

(1) Enchiridion, c. xxxii.

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