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Eglise ne sussent pas même ce que c'est que l'É- | Luther te vint découvrir, les pasteurs de l'Église glise! l'Église, à votre avis, nos chers frères, n'est-romaine n'étaient pas tes véritables pasteurs. Que

ce qu'une multitude sans union? consiste-t-elle en des gens dispersés, qui n'ont rien de commun qu'en esprit ? est-ce assez qu'ils croient intérieurement? n'est-il pas nécessaire qu'ils fassent profession de leur foi? Mais l'apôtre dit expressément que « l'on croit dans le cœur à justice, et « que l'on confesse par la bouche à salut'. » Et le Sauveur lui-même : « Qui me confessera, dit-il, « devant les hommes, je le confesserai devant mon « Père céleste. » De plus, est-ce assez que chacun la professe en particulier? Ne faut-il pas que ceux qui invoquent avec sincérité le nom du Seigneur, lient ensemble une sainte société, par la confession publique de la même foi? Et cette Église cachée, dont vous nous parlez, comment pouvaitelle avoir une confession publique? qu'est-ce autre chose qu'un amas de personnes timides, qui n'osaient confesser ce qu'ils croyaient, qui démentaient leurs consciences, en s'unissant de corps à une Église dont ils se séparaient en esprit? Certes, s'ils se fussent séparés d'avec nos pères, leur séparation les eût rendus remarquables, et leur société se serait produite; elle n'aurait pas été cachée, comme vous le dites. Et s'ils sont demeurés unis; quoi, ces justes, ces gens de bien, cette Église prédestinée, allaient adorer Dieu dans nos temples qui étaient des temples d'idoles, et communiquaient à nos prières qui renversaient la dignité du médiateur, et assistaient à nos sacrifices qui réduisent à néant celui de la croix? Chers frères, en quel abîme d'erreurs tombez-vous?

Mais, pour vous presser encore davantage : il n'y a point d'Église sans foi. Et comment croiront-ils, s'ils n'entendent? et comment entendront-ils, s'ils n'ont des prédicateurs? et peut-il y avoir des prédicateurs où il n'y a point de pasteurs? Dis-moi donc, ô Église cachée, à laquelle Luther et Calvin ont eu leur refuge, d'où ils tirent leur succession, bien qu'il leur soit impossible de la montrer; dis-moi où étaient tes pasteurs? Si c'étaient ceux de l'Église romaine, donc tu n'entendais qu'une fausse doctrine, contraire à celle des réformateurs; donc tu recevais des sacrements mutilés, car ils ne les administraient pas d'autre sorte; donc tu te pouvais sauver dans cette communion; et néanmoins c'est une chose assurée que l'on ne se peut sauver que dans la communion de la vraie Église. Et si l'on se sauvait en ce temps dans la communion de l'Église romaine, nous nous y pouvons sauver à présent. Par conséquent, ô Église cachée, devant que

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si tu étais régie par d'autres pasteurs, je demande que l'on m'en montre la liste, et que l'on me fasse voir les Églises qu'ils ont gouvernées, et les chaires qu'ils ont remplies: c'est une chose impossible.

Car lorsqu'ils nous allèguent les hussites et les Albigeois, chrétiens, vous voyez assez combien cette évasion est frivole. Ces hussites et ces Albigeois venaient eux-mêmes, à ce qu'ils disaient, dresser de nouveau l'Eglise. Et je demanderai toujours où était l'Église avant les hussites? où était-elle avant les Albigeois? En vain ils prétendent tirer leur autorité de gens qui se sont produits d'eux-mêmes aussi bien qu'eux, et qui, après avoir quelque temps agité le christianisme, sont retournés dans l'abîme duquel ils étaient sortis tout ainsi qu'une noire vapeur. Et dites-moi donc, je vous prie, quel monstre d'Église est-ce que cette Église cachée, Église saus pasteurs ni prédicateurs; bien que, selon la doctrine de l'apôtre1, Dieu ait mis dans le corps de l'Église, les uns pasteurs, et les autres docteurs, sans quoi l'Église ne peut consister. Église sans sacrements, et sans aucune profession de foi; Eglise vraiment de ténèbres, digne, certes, d'être cachée, puisqu'elle n'a aucuns traits de l'Église de Jésus-Christ. Le Sauveur ayant ordonné à ses apôtres que ce qu'ils entendaient en particulier, ils le prèchassent hautement sur les toits3, c'està dire, dans l'évidence du monde; nous parier d'une Église cachée, en vérité n'est-ce pas nous parler d'une Église de l'antechrist?

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Car l'Église chrétienne, dès son berceau, était connue par toute la terre, ainsi que l'apôtre dit aux Romains: « Votre foi est annoncée par tout « le monde. Et bien qu'elle fût persécutée de toutes parts, elle se rendait illustre par ses propres persécutions et par son invincible constance. Nous savons de cette secte, disaient les Juifs à « l'apôtre saint Paul 5, que l'on lui contredit par« tout. » L'Église fut donc connue sitôt après la mort du Sauveur. Et en effet, étant nécessaire que tous les gens de bien se rangent à la société de l'Église, comme nos adversaires mêmes le professent, se peut-il une plus grande absurdité que de dire qu'elle soit cachée? Comment veut-on que les hommes se rangent à une société invisible? Partant, cette Église cachée, à laquelle ils se glorifient d'avoir succédé, n'étant pas, selon leur propre Confession, cette cité élevée sur la

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montagne, exposée à la vue des peuples; que | que passim cum omnibus miscent : « Ils entrent

reste-il autre chose, sinon qu'elle fût au fond de l'abîme, dont elle est sortie pour un temps, au grand malheur du christianisme, pour la punition de nos crimes? C'est pourquoi il est arrivé que ces doctes, ces beaux esprits, qui ont écrit de si belles choses, ils ont tout su, excepté l'Église; et faute de la connaître, toutes leurs autres connaissances leur ont tourné à damnation éternelle.

Il n'y a rien de si froid, ni de si mal digéré que ce qu'ils ont dit des qualités que devait avoir l'Église de Jésus-Christ. La perfection de l'Église est dans l'unité; et cette unité, chrétiens, jamais ils ne l'ont entendue. Laissons les longues disputes et les arguments difficiles : l'union qu'ils ont faite depuis peu d'années avec leurs nouveaux frères les luthériens, décide tous nos doutes sur cette matière. Les contentions de ces deux sectes sont connues à tout le monde : elles se sont traitées très-longtemps d'impies et d'hérétiques; enfin elles se sont unies. Ce n'est pas une chose nouvelle que deux sectes s'unissent ensemble'; mais qu'elles se soient unies en conservant la même doctrine qui les a si longtemps séparées; c'est ce qui fait voir très-évidemment qu'ils ne savent pas ce que c'est que l'Église.

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« en paix avec tous indifféremment : car il ne « leur importe pas, ajoute ce grand personnage, « d'avoir des sentiments opposés, pourvu qu'ils conspirent à renverser la même vérité : » Nihil enim interest illis, licet diversa tractantibus, dum ad unius veritatis expugnationem conspirent.

Ç'a toujours été l'esprit qui a régné dans les hérésies. Les ariens ne voulaient autre chose, sinon que l'on supprimât le mot de consubstantiel, comme apportant trop grand trouble à l'Église; et qu'après, en dissimulant le reste de la doctrine, on vécût en bonne intelligence. Ainsi, disent les calvinistes, ne parlons plus de la réalité du corps de Jésus-Christ dans l'eucharistie, sur laquelle nos pères se sont si longtemps combattus; du reste, unissons-nous, et que chacun demeure dans sa croyance. O la nouvelle façon de terminer les schismes! toujours inconnue à l'Église, et toujours pratiquée par les hérétiques! Ils ont trouvé le moyen de s'unir dans le schisme même. Schisma est unitas ipsis, disait le grave Tertullien': « L'unité même parmi eux est un « schisme. » Ils professent une foi contraire, c'est le schisme; ils les reçoivent à la même communion, c'est l'unité. Car si les articles dans lesquels vous différez sont essentiels, pourquoi vous unissez-vous? et s'ils ne le sont pas, pourquoi avezvous été si longtemps séparés? Pourquoi est-ce que Calvin, qui est venu le dernier, n'a pas tendu les mains à Luther? que ne lui a-t-il donné ses Églises? pourquoi a-t-il voulu être chef de parti, au préjudice de l'Évangile? pourquoi a-til divisé le troupeau de Jésus?

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Car je leur demande, mes frères : la secte des luthériens mérite-t-elle le nom d'Église ? Si elle n'est pas Église, pourquoi communier avec elle; pourquoi souiller votre communion par une communion schismatique? L'Église ne connaft qu'elle-même: elle ne reçoit rien qui ne soit à elle. L'étranger et l'incirconcis n'y entreront "point, disait autrefois le prophète. Que s'ils sont la vraie Église; donc les luthériens et les Certes, il fallait bien que vos pères crussent calvinistes ne font que la même Église. Et qui que les articles de foi qui vous séparaient fussent iamais oui dire que l'Église de Jésus-Christ fût importants; autrement, comment les excuserezun amas de sectes diverses, qui ont une profesvous de n'avoir pas accouru à la même unité? sion de foi différente et contraire en plusieurs Maintenant de savoir si le corps de Jésus-Christ points, dont les pasteurs n'ont pas la même oriest réellement en l'eucharistie, ou s'il n'y est gine, et ne communiquent entre eux ni dans l'or- pas, cela vous semble une chose de peu d'imdination ni dans les synodes? Cette union, n'est-portance. Donc que de synodes inutiles, que de ce pas plutôt une conspiration de factieux qu'une concorde ecclésiastique? Comme on voit les mécontents d'un Etat entrer dans le même parti, chacun avec son intérêt distingué de celui des autres, et ne s'associer seulement que pour la ruine de leur commune patrie, pendant que les fidèles serviteurs du prince sont unis véritablement pour le service du maître; ainsi en est-il de cette fausse union que nos réformateurs prétendus ont faite depuis peu de temps. Et c'est ce que faisaient ces hérétiques, dont parle Tertullien1: Pacem quo

1 Is. LII, I.

* De præscript. no 4:

folles disputes, que de sang répandu vainement pour soutenir qu'il n'y était pas ! Savoir si Jésus y est ou s'il n'y est pas, c'est une chose de peu d'importance: donc un tel bienfait du sauveur Jésus demeurera dans le doute. Certes, si Jésus y est, il n'y peut être que par un amour infini ; et ainsi ceux qui le nieraient, quel tort ne feraientils pas à sa miséricorde, ne reconnaissant pas une grâce si signalée? Et vous appelez cela une affaire de peu d'importance? contre la dignité Je la chose qui crie contre vous ; contre les luthé

1 De Præscript. n° 42.

riens mêmes, que vous appelez et qui vous refusent; contre vos pères qui vous crient qu'ils ont cru cet article important, et que s'il ne l'était pas, en vain ont-ils apporté tant de troubles au monde.

Ne doutons donc pas, ma très-chère sœur, qu'ils ne marchent dans les ténèbres. L'apôtre saint Jean a dit que « qui n'aime pas ses frères, - ne sait où il va, et demeure dans l'obscurité1. » Comment donc ne sont-ils point aveugles, eux qui se sont séparés d'avec nous pour des causes si peu légitimes; puisque nous les voyons s'ôter à eux-mêmes, dans ces derniers temps, celle que leurs pères et les nôtres avaient toujours cru être la principale? dignes certainement, après avoir rompu la vraie paix, d'entrer dans une fausse concorde, comme je vous le viens de montrer tout à l'heure; concorde qui les fortifie peut-être selon la politique mondaine, mais, si nous le savons comprendre, qui les ruine très-évidemment, selon la règle de la vérité. Rendez donc grâces à Dieu, ma très-chère sœur, qui vous a tirée de la société des ténèbres.

a nous vous prions, et nous vous demandons « avec toute l'ardeur possible, que vous retour« niez plutôt à notre fraternité, et à l'Église de laquelle vous êtes sortis : » Nec putetis sic vos Evangelium Christi asserere, dum vosmetipsos a Christi grege, et ab ejus pace et concordia separatis; cum magis militibus gloriosis et bonis congruat intra domestica castra consistere, et intus positos ea quæ in commune tractanda sunt agere ac providere. Nam cum unanimitas et concordia nostra scindi omnino non debeat; quia nos Ecclesia derelicta foras exire et ad vos venire non possumus, ut vos magis ad Ecclesiam matrem et ad nostram fraternitatem revertamini, quibus possumus hortamentis petimus et rogamus'.

SECOND POINT.

* Dans la conduite de Dieu sur votre âme, je trouve ceci de très-remarquable, que le SaintEsprit agissant en vous, y a fait naître en même temps l'amour de l'Église et celui de la sainte virginité. N'était-ce pas peut-être pour vous faire entendre que les Églises des hérétiques, que vous abandonniez généreusement, étaient des Églises prostituées, et que la seule Église vierge c'est la catholique à laquelle la grâce divine vous a appelée? Que l'Église doive être vierge, il n'est rien de plus évident; parce que tous les docteurs nous

entre la bienheureuse Vierge et l'Eglise; et c'est pourquoi cette femme de l'Apocalypse, qui paraft revêtue du soleil, nous représente tout ensemble l'Eglise et Marie. La sainte mère de notre Sauveur est vierge et mariée tout ensemble: elle est également vierge et mère. Il en est ainsi de P'Eglise car l'Église, aussi bien que la sainte Vierge, conçoit et enfante par le Saint-Esprit. L'Église, comme la sainte Vierge, a un Époux chaste qui n'est pas le corrupteur de sa pureté, mais plutôt qui en est le gardien fidèle; et par conséquent elle est vierge. Mais peut-être voulez-vous savoir ce que c'est que la virginité de l'Église contentons en peu de mots ce pieux désir.

Ah! qui me donnera des paroles assez énergiques pour déplorer ici leur malheur? Certes, je l'avoue, chrétiens, il est bien difficile de se départir de la première doctrine dont on a nourri notre enfance. Tout ce qui nous paraît de contraire nous semble étrange et nous épouvante: notre âme, possédée des premiers objets, ne re-enseignent qu'il y a une ressemblance parfaite garde les autres qu'avec horreur. Que pouvons nous faire dans cette rencontre? Rendre grâces pour nous, et pleurer pour eux. Cependant ne laissons pas de les exhorter à rentrer en concorde avec nous; et afin de le faire avec des paroles plus énergiques, employons celles de saint Cyprien, ce grand défenseur de l'unité ecclésiastique. Voici comme parle ce grand personnage à quelques prêtres de l'Église romaine, qui s'étaient retirés de la société des fidèles, sous le prétexte de maintenir la pure doctrine de l'Évangile contre les ordonnances des pasteurs de l'Église : « Ne « pensez pas, mes frères, que vous défendiez - l'Évangile de Jésus-Christ, en vous séparant « de son troupeau, et de sa paix, et de sa concorde; étant, certes, plus convenable à de « bons soldats du Sauveur de ne point sortir du - camp de leur capitaine, afin que, demeurant « dedans avec nous, ils puissent pourvoir avec ⚫ nous aux choses qui sont utiles à l'Église. Car, « puisque notre concorde ne doit point être rom« pue, et que nous ne pouvons pas quitter l'Église pour aller à vous, ce que nous ferions volontiers si la vérité le pouvait permettre,

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Joan. I, 11.

La virginité de l'Église, c'est sa vérité et son unité et de là vient que je vous disais que les Églises des hérétiques sont des Églises prostituées; parce qu'en perdant l'unité, elles se sont

Ad Conf. Rom. Epist. XLIV, p. 58.

* Ce morceau, dans le manuscrit de Bossuet, ne fait point corps avec ce qui précède: mais comme son discours n'est pas entier, pour le compléter, autant qu'il est en nous, nous avons cru pouvoir y réunir ce fragment, qui revient parfaitement à la matière traitée dans la première partie, et qui probablement a été fait pour le même sujet. (Edit. de Défuris.)

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éloignées de la vérité. Toute âme qui est dominée, par l'erreur est une âme adultère et prostituée; parce que l'erreur est la semence du diable, par laquelle ce vieux serpent, ce vieux adultère, qui est menteur et père du mensonge, corrompt l'intégrité des esprits : et c'est aussi pour cela que l'Église est vierge, parce que l'erreur n'y a point d'accès; la doctrine de l'Église est vierge, parce qu'elle la conserve aussi pure que son divin Époux la lui a donnée.

Que cherchiez-vous donc, ma très-chère sœur, quand abandonnant l'hérésie vous êtes accourue à l'Église? Vous cherchiez la virginité de l'Église que l'hérésie ne reconnaît pas. Comment est-ce que nous montrons que l'hérésie ne reconnaît pas la virginité de l'Église? Elle enseigne que l'Eglise, la vraie Église, n'est pas infaillible: elle enseigne que l'Église peut errer; elle enseigne que l'Église a erré souvent. Le ministre de cette ville l'a prêché et l'a écrit de la sorte. O ministre d'iniquité! vous ne connaissez pas la virginité de l'Église. Si elle peut errer, elle n'est pas vierge; car l'erreur est un adultère de l'âme. Mais comment connaîtriez-vous sa virginité, puisque vous ne connaissez pas même sa sainteté? Je crois la sainte Église, disent les apôtres dans leur symhole. Est-elle sainte, si elle ment? est-elle sainte, si elle enseigne l'erreur, si elle la confirme par son autorité? Donc l'Église que vous nous préchez est une Église prostituée; et cette jeune fille a bien fait quand elle a quitté cette Eglise, et qu'elle a cherché une Église vierge. Mais notre Eglise, ina très-chère sœur, est encore vierge par son unité.

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rité et de paix. Donc l'Eglise catholique est l'Eglise vierge, parce qu'elle possède l'unité sainte, qui la lie inséparablement à l'Époux unique. C'est pourquoi les Eglises des hérétiques ayant perdu l'unique Époux, elles prennent le nom de leurs adultères.

si

L'hérésie n'a point de vierges sacrées quoiqu'elle se vante d'être l'Église, elle n'ose imiter l'Église en ce point. Il n'y a que la vraie Église qui sache saintement consacrer les vierges. Et certes, comme l'Église catholique est l'Église vierge, c'est elle aussi qui nourrit les vierges. Jésus-Christ ne les reçoit pas pour épouses, l'Église sa bien-aimée ne les lui présente: et c'est pourquoi, vous ayant destinée dès l'éternité à ce mariage spirituel, que la pureté virginale contracte avec lui, il vous a inspiré dans le même temps ce double désir, d'aimer la virginité de l'Église, et de garder la virginité dans l'Église. Réjouissez-vous donc en Notre-Seigneur; préparez-vous aux embrassements de l'Époux céleste. C'est lui qui est engendré dans l'éternité par une génération virginale; c'est lui qui, naissant dans le temps, ne veut point de mère qui ne soit parfaitement vierge; et il consacre son intégrité par une divine conception, et par une miraculeuse naissance.

SERMON

POUR LA PROFESSION

D'UNE DEMOISELLE

QUE LA REINE MÈRE AVAIT TENDREMENT AIMÉE. Opposition de la gloire du monde à Jésus-Christ et à son Evangile pourquoi ne peut-il être goûté des superbes. Toutes les vertus corrompues par la gloire. Comment les ver

tus du monde ne sont-elles que des vices colorés. Dispositions dans lesquelles doit être un chrétien à l'égard de la gloire. Grand sujet de craindre de se plaire en soi-même, après s'être élevé au-dessus de l'estime des hommes : d'ou vient cette gloire cachée et intérieure; est-elle la plus dangereuse. Quelle est la science la plus nécessaire à la vie humaine. Discours à la reine d'Angleterre, et sur la reine mère défunte.

L'origine de l'unité, c'est le Fils de Dieu : il n'a paru qu'en un seul lieu de la tért; mais ses prédicateurs ont été par tout l'univers, et ils y ont fondé des Églises. L'unité ne s'est pas divisée, mais elle s'est étendue; et cette unité sainte et indivisible, la succession continuelle nous l'a apportée. Considérez les troupeaux rebelles; leurs noms vous marquent leur séparation. Zuingliens, luthériens, calvinistes sont des noms nouveaux : ce n'est donc pas l'unité qui les a produits, parce que l'unité est ancienne; mais l'unité les a condamnés, parce qu'il appartient à l'unité sainte, Elegi abjectus esse in domo Dei mei. qui communique avec l'Eglise ancienne par une succession vénérable; il appartient, dis-je, à cette unité de condamner l'audace de la nouveauté. Que l'orgueil monte toujours, selon l'expresDonc leurs noms sont des noms de schisme : nosion du Psalmiste, jusqu'à se perdre dans les tre nom, c'est un nom de communion. Mon nom, nues; que les hommes ambitieux ne donnent auc'est chrétien, dit saint Pacien '; mon surnom, cune borne à leur élévation; que ceux qui habic'est catholique. Catholique, c'est universel; catent les palais des rois ne cessent de s'empresser, tholique, c'est un nom d'unité, un nom de cha- jusqu'à ce qu'ils occupent les plus hautes places :

S. Pacian. ad Sympron. Ep. 1.

J'ai choisi d'être abaissé et humilié dans la maison de mon
Dieu. Ps. LXXxm, 11.

Ps. LXXIII, 23.

vous, ma sœur, qui choisissez pour votre demeure la maison de votre Dieu, vous suivez une autre conduite, et vous n'imitez pas ces empressements. Si les rois, si les grands du monde méprisent ceux qu'ils voient dans les derniers rangs, et ne daignent pas arrêter sur eux leurs regards superbes; il est écrit au contraire que Dieu, qui est le seul grand, regarde de loin et avec hauteur tous ceux qui font les grands devant sa face, et tourne ses yeux favorables sur ceux qui sont abaissés'. C'est pourquoi le roi-prophète descend de son tròne, et choisit d'être le dernier dans la maison de son Dieu; plus assuré d'être regardé dans son humiliation, que s'il levait hautement la tête, et se mettait au-dessus des autres Elegi abjectus esse in domo Dei mei.

Réglez-vous sur ce bel exemple. Ne soyez pas, dit saint Augustin', de ces montagnes que le ciel foudroie, sur lesquelles les pluies ne s'arrêtent pas; mais de ces humbles vallées qui ramassent les eaux célestes et en deviennent fécondes. Songez que la créature que Dicu a jamais le plus regardée, c'est celle qui s'est mise au lieu le plus bas : «< Dieu, dit-elle, a regardé la bassesse de sa servante3. » Parce qu'elle se fait servante, Dieu la fait mère et reine et maîtresse. Ses regards propices la vont découvrir dans la profondeur où elle s'abaisse, dans l'obscurité où elle se cache, dans le néant où elle s'abîme. Descendez donc avec elle au dernier degré, heureuse si, en vous cachant et au monde et à vous-même, vous vous faites regarder par celui qui aime à jeter les yeux sur les âmes humbles, et profondément abaissées devant sa majesté sainte. Pour entrer dans cet esprit d'humiliation, prosternez-vous aux pieds de la plus humble des créatures, et, honorant avec l'ange sa glorieuse bassesse, diteslui de tout votre cœur, Ave.

Il a été assez ordinaire aux sages du monde de rechercher la retraite, et de se soustraire à la vue des hommes : ils y ont été engagés par des motifs fort divers. Quelques-uns se sont retirés pour vaquer à la contemplation, et à l'étude de la sagesse : d'autres ont cherché dans la solitude la liberté et l'indépendance; d'autres, la tranquillité et le repos; d'autres, l'oisiveté ou le loisir plusieurs s'y sont jetés par orgueil. Ils n'ont pas tant voulu se séparer, que se distinguer des autres par une superbe singularité; et leur dessein n'a pas tant été d'être solitaires que d'être extraordinaires et singuliers. Ils n'ont pu endurer ou le mépris découvert des grands, ou leurs froides et dédai

1 Ps. CXXXVII, 6.

2 In Psal. CXLI, no 5, t. IV, col. 1581.

• Luc. 1, 48.

gneuses civilités: ou bien ils ont voulu montrer du dédain pour les conversations, pour les mœurs, pour les coutumes des autres hommes, et ont affecté de faire paraître que, très-contents de leurs propres biens et de leur propre suffisance, ils savaient trouver en eux-mêmes non-seulement tout leur entretien, mais encore tout leur secours et tout leur plaisir. Il s'en est vu un assez grand nombre à qui le monde n'a pas plu, parce qu'ils n'ont pas assez plu au monde. Ils l'ont méprisé tout à fait, parce qu'il ne les a pas assez honorés au gré de leur ambition; et enfin ils ont mieux aimé tout refuser de sa main que de sembler trop faciles en se contentant de peu.

Vos motifs sont plus solides et plus vertueux. On sait assez, ma sœur, que le monde ne vous aurait été que trop favorable, si vous l'aviez jugé digne de vos soins. Vous n'affectez pas non plus de lui montrer du dédain : vous aimez mieux qu'il vous oublie, ou même qu'il vous méprise, s'il veut, que de tirer parade et vanité du mépris que vous avez pour lui: enfin, vous cherchez l'abaissement et l'abjection dans la maison de votre Dieu; c'est ce que les sages du monde n'ont pas conçu; c'est la propre vertu du christianisme.

Parmi ceux qui aiment là gloire, saint Augustin a remarqué qu'il y en a de deux sortes': les uns veulent éclater aux yeux du monde'; les autres, plus finement et plus délicatement glorieux, se satisfont en eux-mêmes. Cette gloire cachée et intérieure est sans comparaison la plus dangereuse. L'Écriture condamne en nous le désir de plaire aux hommes, et par conséquent a nous-mêmes; parce que, si vous me permettez de parler ainsi, nous ne sommes que trop hommes, c'est-à-dire, trop faibles et trop grands pécheurs.

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Il faut, dit le saint apôtre 3, que celui qui se « glorifie, se glorifie uniquement en Notre-Sei« gneur; parce que celui-là n'est pas approuvé qui se fait valoir lui-même, mais celui que « Dieu estime. » Ainsi, entrant aujourd'hui dans la maison de votre Dieu par une profession sɔlennelle, il faut quitter toute hauteur, et ceile que le monde donne, et celle qu'un esprit superbe se donne à soi-même. Il faut choisir l'abaissement et l'abjection, et enfin vous rendre petite, selon le précepte de l'Evangile'; petite aux yeux des autres hommes, très-petite à vos propres yeux. Ce sont les deux vérités que je

traiterai dans ce discours, et je les joindrai l'une à l'autre dans une même suite de raisonnements.

De Civit. Dei, lib. v, cap. xx, L. vii, col. 137, 138.
Galat. 1, 10.

3 II. Cor. x, 17, 18.

• Matth. XVI, 3, 1.

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