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réduit à une pitié stérile? Entre les mains de qui le dépôt sacré de l'aumône peut-il être mieux qu'entre les mains des pasteurs de notre sainte religion?

Je conclus à ce que le traitement de l'évêque de Paris soit de 150 mille livres, celui des évêques de Bordeaux, Lyon, Nantes, Marseille, Rouen, à 40 mille livres, & celui de tous les autres à 20 mille.

Ne craignez pas qu'un prélat choisi par le peuple, obligé à résidence, ose jamais faire un mauvais usage des richesses que vous lui confierez. Ce sera désormais un sage dispensateur, un ministre aussi simple que fervent, qui, par ses prieres & ses aumônes, amassera sur la nation des trésors inappréciables de la charité. La capitale n'absorbera plus désormais dans les mains de quelques bénéficiers injustes, le patrimoine des pauvres.

D'ailleurs, Messieurs, quand même on pourroit soupçonner que le génie fiscal entreroit pour quelque chose dans le traitement que vous faites, l'augmentation dont je vous parle ne doit pas arrêter l'assemblée nationale, puisque cette augmentation ne monte qu'à 2 millions.

M. de Robespierre: Le préopinant vous a parlé de la religion & de la charité; j'adopte ses principes ;

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mais approfondissons ce que l'une & l'autre nous prescrivent, & les conséquences que l'on tirera seront toutes différentes des siennes. Sans doute l'auteur bienfaisant de notre religion veut que tous les hommes se secourent mutuellement. Il a imposé aux riches les doux fardeaux de soulager les pauvres ; mais Jesus-Christ a-t-il voulu qu'ils fussent dans l'opulence? Non sans doute. Il prêche d'exemple. Ne savoit-il pas que les richesses leur feroient contracter tous les vices qu'elles traînent à leurs suites; que l'abondance fait oublier les maux de l'humanité, & nous sépare du reste de la société ; que l'on semble oublier que l'on est homme ?

N'a-t-il pas peint l'abus des richesses & le scandaleux emploi qu'on en fait, quand il a dit qu'il seroit plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille, qu'à un riche de parvenir au royaume des cieux ? N'avons-nous pas été témoins que ces prétendus dispensateurs du patrimoine des pauvres, pourvu de bénéfices immenses, se sont créés des besoins à proportion de leurs richesses; que leur luxe & leur prodigalité les a rendu pauvres au sein de l'abondance? Le passé nous a instruit que le véritable moyen de soulager les pauvres n'est pas de mettre les

richesses en peu de mains. Une nation ne peut souffrir que le soulagement des indigens dépende d'une classe d'hommes. Cette noble fonction appartient essentiellement à toute la nation, & par elle aux peres, aux représentans des peuples, dont les devoirs par essence sont de faire traiter également le pauvre & le riche, de leur fairedistribuer une justice égale & prompte.

De quelle nature sont-ils donc ceux-là qui se trouvent dans la gêne avec 12 mille livres ? Si l'on croit qu'il faut être riche pour faire du bien, que l'on demande aux fideles dont les paroisses étoient gouvernées par des pasteurs à portions congrues, & vous verrez qu'ils y ont fait tout le bien possible. Je conclus, quant à moi, à fixer le traitement des évêques à 10 mille livres.

M. le curé Gouttes trouvoit que si l'on ne considéroit que le traitement de l'évêque isolé, les sommes qu'on se proposoit de lui donner étoient bien suffisantes; mais par ses relations, il est lié avec tout son département; obligé de remplir désormais les fonctions curiales, il faut qu'il puisse soulager les malheureux malades. Un prêtre ne peut pas exhorter un homme dont l'estomac demande du pain sans lui en procurer: autrement ses exhortations seroient vaines.

M. Chapelier a trouvé étrange que ce fût à l'occasion des évêques qu'une pareille partie s'agitât. Il a prouvé qu'avec 12 mille livres un pere de famille, chargé de pourvoir à l'éducation & à l'établissement. de ses enfans, trouvoit encore le moyen de faire du bien, & qu'un évêque bien intentionné pourroit le faire également.

M. de Foucault a fait une motion incidente, qui tendoit, sous prétexte du soulagement des pauvres, à arrêter toutes les opérations de l'assemblée. Fixez ce qu'il faut pour le culte ; mettez à à part le patrimoine des pauvres, & vendez le Oui, lui a-t-on dit. Oui, vendez le

reste.

reste.

L'article a souffert quelques débats, mais enfin tous les sentimens se sont accordés à diminuer le traitement du premier vicaire de la cathédrale.

La séance s'est levée à trois heures & demie. Le département de la Maine & Loire est formé, puisque le mandement dont j'ai parlé hier y est relatif.

LE HODEY DE SAULTCHEVREUIL.

De l'Imprimerie du RÉDACTEUR, Place du Palais-Royal, au coin de la rue Fromenteau.

ASSEMBLEE NATIONALE

PERMANENTE.

17 Juin. Anniversaire de l'assemblée nationale.

On me permettra de célébrer ce jour à jamais mémorable, & de rappeller l'héroïsme de nos représentans. Je mets en action l'assemblée ellemême.

Aux crimes de la cour si je dois ma naissance
À la vertu des miens je dois ma permanence.
A l'intrigue, aux noirceurs des ministres, des
grands

J'opposai la candeur, la loyauté des Francs.
Un monstre épouvantable aux gueules de Cerbere,
Fils de la Perfidie, auteur de la Misere
La Banqueroute enfin, hideuse de forfaits,
Menaçant d'engloutir l'empire & les François,
Dans mon sein vomissoit son venin parricide.
Les loix contre ce monstre ont été mon égidė.
Il n'est plus. Des pandours, vendus à des pervers,,
Dans leurs mains balançoient & la mort & des fers.
Au monarque trompé dévoilant ces maneges,
J'enchaînai de leurs bras les fureurs sacrileges.
Les peuples avilis trembloient sous des tyrans;
Tome XII, No. 23.

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