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de Simon Machabée, lequel fut en effet prêtre et roi comme Melchisédech. Cette hypothèse mérite d'être prise en considération. Malheureusement toutes les strophes ne sont pas complètes; il faut restituer par conjecture le commencement de quelques-unes. L'acrostiche n'est donc pas démontré; mais il est vraisemblable que le psaume a été composé pour un des princes hasmonéens, grands pontifes et chefs de l'État juif.

Quoi qu'il en soit, le passage allégué par le Sauveur aux scribes contient des vœux pour un roi israélite, non une prédiction concernant le Messie futur. Il est vrai seulement que l'esprit du psaume est messianique, et qu'il exprime l'espérance d'Israël. Les Juifs, au premier siècle de notre ère, voyaient dans ce psaume, comme dans presque tous les autres, une œuvre personnelle de David. A raison des promesses qui sont faites au roi, peut-être aussi à la faveur 'une certaine obscurité qui plane sur l'ensemble, et peut résulter en partie de 'altération du texte, on en appliquait le contenu au Messie. Le Sauveur cite le psaume et argumente conformément à ces opinions, tout comme il a cité plus haut le Pentateuque sous le nom de Moïse, et prouvé la résurrection des morts par les paroles : « Je suis le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob ».

L'exégèse chrétienne a trouvé dans la doctrine des deux natures la solution de la difficulté proposée par Jésus aux pharisiens le Messie est fils de David selon sa nature humaine; selon sa nature divine, et comme Fils de Dieu, il est Seigneur de David. Mais ce n'est pas ainsi que les auditeurs ont pu le comprendre; et, autant qu'on en peut juger d'après la relation évangélique, ce n'est pas non plus cela que Jésus a voulu signifier. La tradition chrétienne, influencée par la tradition juive, a, dès l'âge apostolique, attaché à l'origine davidique du Sauveur une importance que Jésus lui-même n'avait pas voulu lui reconnaître. Mais on conçoit aisément qu'un intérêt de polémique, dans les controverses des premiers chrétiens avec les Juifs, ait produit ce résultat. Le Sauveur n'a jamais allégué devant les scribes les généalogies qu'on trouve dans Matthieu et dans Luc. Le peuple a crié sur son passage: « Hosanna au fils de David!» Mais lui-même ne s'est point prévalu de ce titre, tandis qu'il a revendiqué celui de Fils de Dieu.

De la question posée par Jésus l'on peut inférer que lui-même ne se considérait pas comme descendant de David, et qu'il écartait ou prévenait l'objection qu'on pouvait tirer de cette circonstance

contre sa mission divine. Dégagé de toute subtilité théologique 1, son discours signifie que le Christ n'a pas besoin d'être fils de David, et que sa dignité vient de plus haut. Les évangélistes ne s'en tiennent pas là. Matthieu et Luc certainement, Marc, très probablement, regardent Jésus comme descendant de David, et par conséquent n'entendent pas insinuer ici la négation de la filiation davidique. Marc a pu penser, selon l'esprit de Paul, que le titre qui convenait le mieux au Christ n'était pas celui de fils de David, mais celui de Seigneur 2. Matthieu, ici comme dans le récit de la confession de Pierre, semble opposer le Fils de David, ou le Fils de l'homme, au Fils de Dieu, qui est le Seigneur, qui est Christ, parce qu'il est Fils de Dieu 3. Sans formuler la même antithèse, Luc a dû avoir à peu près la même idée : ce n'est pas seulement de David que Jésus est fils, mais de Dieu, et cette filiation prime l'autre 1.

La solution demandée par Jésus n'est pas de celles que pouvaient donner les scribes. Personne ne lui répond. Marc observe que le peuple l'écoutait volontiers; mais cette indication est destinée surtout, dans la pensée de l'évangéliste, à préparer le discours qui suit. Dans son contexte ", elle a moins pour objet de faire connaître l'impression particulière causée par les dernières paroles du Sauveur, que d'expliquer comment, grâce aux dispositions favorables du peuple, il a pu prononcer en public la condamnation des pharisiens. En tout ce qui précède, le rédacteur du premier Évangile n'a vu qu'une série de discussions où apparaissent l'endurcissement et l'impuissance des ennemis de Jésus. C'est pourquoi, avant de passer à leur condamnation, il dit que nul n'avait rien à lui répondre, et qu'on n'osa plus désormais l'interroger. Il ne s'est pas inquiété de ce que, dans le récit qui précède, c'est Jésus lui-même qui interroge. Luc s'est abstenu de toute réflexion.

1. C'en est une que de regarder la mission du Christ comme indépendante en principe, non en fait, de la filiation davidique (B. WEISS, Mk. 194), ou de dire que Jésus ne veut pas fonder sa prétention messianique sur son origine davidique, d'ailleurs connue, mais sur sa filiation divine (DALMAN, 1, 234, 262). 2. Volkmar, Holsten, ap. HOLTZMANN, 94.

3. HOLTZMANN, 277.

4. B. WEISS, 64. Cf. p. 360, n. 3.

5. V. 37. καὶ ὁ πολὺς ὄχλος (par opposition aux prêtres et aux scribes) ἤκουεν αὐτοῦ ἡδέως.

6. Cette notice n'appelle pas ce qui suit; par elle-même, elle est plutôt en rapport avec Mc. xii, 1-12, xiv, 1-2. Cf. supr. p. 316.

7. V. 46. ἀπ ̓ ἐκείνης τῆς ἡμέρας. D, Ss. Sc. ώρας.

LXXVIII

LES PHARISIENS

MARC, XII, 38-40. MATTH. XXIII. Luc, xx, 45-47; x1, 37-54; XIII, 34-35.

Le discours contre les pharisiens, qui remplit le chapitre xxIII de Matthieu, est parallèle à celui qu'on lit au chapitre x1 de Luc, et l'on ne peut douter que les deux évangélistes dépendent d'une d'une source commune, qui n'est point le second Évangile. Mais Matthieu substitue ce long discours au simple avis de Marc, tandis que Luc met ailleurs le discours, et reproduit l'avertissement qui est dans Marc, en se conformant à l'ordre et à la teneur de celui-ci. L'avis de Marc a le caractère d'un libre extrait ou d'un sommaire. Le rédacteur abrège le discours que contenait la source commune de Matthieu et de Luc; mais on dirait que ce résumé a été fait de mémoire, sans souci d'exactitude, par un homme qui avait également dans l'esprit le discours contre l'ostentation dans l'accomplissement des œuvres de piété 1.

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et étant entré, il se mit à table. 38. Et le pharisien fut étonné de voir qu'il ne s'était pas lavé avant le dîner. 39. Et le Seigneur lui dit :

Marc s'est contenté d'une transition fort simple et qui atteste uniquement le désir qu'il avait de placer en cet endroit l'instruction qui suit. Cette instruction est adressée à la foule, quoique, dans la forme qui lui est donnée, elle eût pu tout aussi bien être adressée aux disciples. C'est peut-être ce que Luc aura pensé,

1. Mr. vi, 1-6, 16-18.

2. Cette introduction est de la même main que Mc. iv, 2; I, 732.

puisque, tout en mentionnant, d'après Marc 1, la présence de la foule il fait parler Jésus à ses disciples seulement. Mais il est remarquable que Matthieu fait adresser le discours à la foule et aux disciples. Serait-ce que la source aurait fait mention de ces derniers? Rien n'est moins probable. Le discours, dans l'ensemble, ne concerne pas les disciples. On peut le supposer prononcé devant le peuple, mais de façon à viser les pharisiens présents, et la source, si elle contenait une indication touchant l'auditoire, ne devait signaler que les scribes et les pharisiens; une telle indication n'avait d'ailleurs pas grande utilité. La mention du peuple dans Matthieu vient donc aussi de Marc; quant à celle des disciples, elle n'est pas suggérée par le second Évangile, mais elle résulte de ce que le rédacteur a voulu tourner le discours contre les pharisiens en instruction pour les disciples, c'est-à-dire pour ses propres lecteurs, en y introduisant certains développements analogues à ceux qu'on trouve dans quelques parties du discours sur la montagne. Pour un grand discours il veut un grand auditoire, en rapport avec l'importance de l'instruction. Si la rencontre de Luc avec Matthieu n'est pas fortuite, et, le cas n'étant pas isolé, elle a chance de n'être pas accidentelle, on pourrait y voir une trace de l'influence exercée par le premier Évangile sur le troisième.

La formule de transition qui amène, dans Luc, le discours contre les pharisiens : « Et pendant qu'il parlait », supposerait, si on la prenait à la lettre, un lien très étroit entre ce discours et celui où Jésus déclare ne vouloir pas donner d'autre signe que celui de Jonas. Mais la combinaison est purement didactique et rédactionnelle. Il n'est d'ailleurs pas permis d'entendre le texte comme s'il signifiait : «< Pendant qu'il prononçait un discours quelconque, en un lieu inconnu, un pharisien l'invita »1. La relation est très précise, mais sans objet réel. Quant à la mise en scène, il n'est pas nécessaire de prouver que la série de malédictions contre les scribes et les pharisiens n'a pas été débitée dans une chambre, auprès d'une table, en dînant. La liberté des mœurs orientales n'a rien à

1. Lc. xx, 45, 2xoúovtos dè ravtós to hao, fait écho à ce qui est dit Mc. 37, des dispositions favorables de la foule.

2. V. 1. τότε ὁ Ἰησοῦς ἐλάλησεν τοῖς ὄχλοις καὶ τοῖς μαθηταῖς αὐτοῦ. 3. x1, 37. év dề tổ λakyat. Omis dans D, Ss. Sc.

4. SCHANZ, Lk. 530.

5. Id. ibid.

voir en cette affaire. Ce qu'on lit dans le discours, touchant la purification des coupes et des plats, a pu suggérer l'idée du repas; mais surtout l'évangéliste a voulu exploiter la mise en scène de la controverse touchant l'ablution des mains 1, dont il n'a pas gardé le récit détaillé. Il est possible que le narrateur parle du dîner, et non du souper, parce que la journée ne sera pas finie avec le discours contre les pharisiens. Le bain avant le repas 3 doit s'entendre des ablutions coutumières aux pharisiens, le bain complet n'ayant été, semble-t-il, de rigueur que chez les esséniens. Mais l'ablution peut sembler d'autant plus nécessaire, que Jésus vient de guérir un démoniaque, et de se trouver en contact avec une foule très mêlée 3.

Pourquoi Luc n'a-t-il pas fait comme Matthieu, et placé le discours à l'endroit indiqué par Marc? S'il a suivi en cela une source particulière, la même question se posera pour cette source relativement à celle dont dépend Matthieu. Le discours n'est pas conçu en vue d'un auditoire galiléen, et il appartient aux derniers jours de la prédication du Sauveur. A la fin, Jésus prend congé de l'assistance comme s'il ne devait plus la revoir avant l'avènement du Messie. Peut-être est-ce justement ce qui a déterminé la transposition. L'on aura anticipé dans le ministère galiléen, en la morcelant et en la corrigeant plus ou moins habilement, cette conclusion du ministère hiérosolymitain.

MARC, XII, 38. « Gardez-vous des scribes, qui aiment à se promener en robes, à être salués sur les places, 39. à avoir les premiers sièges dans les synagogues, et les premiers rangs dans les repas; 10. qui dévorent les maisons des veuves, et font semblant de prier longuement ils n'en seront que plus sévèrement jugés. »

1. Mc. vii, 1-23; I, 949-968.

2. Cf. XII, 1; I, 1000.

Luc, xx, 46. « Mettez-vous en garde contre les scribes, qui aiment à se promener en robes; qui recherchent les salutations sur les places, les premiers sièges dans les synagogues, et les premiers rangs dans les repas; 47. qui dévorent les maisons des veuves, et font semblant de prier longuement ils n'en seront que plus sévèrement jugés. »

3. V. 38. ἰδών ἐθαύμασεν ὅτι οὐ πρῶτον ἐβαπτίσθη πρὸ τοῦ ἀρίστου. D, ἤρξατο διακρινόμενος ἐν ἑαυτῷ λέγειν διὰ τί ο. π. ἐ.

4. Luc néanmoins aurait pu le déduire de Mc. vi, 4 : καὶ ἀπ ̓ ἀγορᾶς ἐὰν μὴ βαπτίσωνται οὐκ ἐσθίουσιν, dont il s'inspire ici.

5. J. WEISS, Lk. 478.

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