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Nul cosmétique ne peut faire croître les cheveux, de même que nulle préparation chimique ne les teint sans danger pour le siége de l'intelligence. La science a déclaré récemment que les cheveux étaient une substance morte, et que nul agent ne peut les empêcher de tomber ni de blanchir. Pour prévenir la xérasie et la calvitie, il suffit de préserver le bulbe d'où ils sortent de toute influence extérieure atmosphérique, et de maintenir à la tête la chaleur qui lui est propre. L'huile céphalique, basée sur ces principes établis par l'Académie des sciences, produit cet important résultat, auquel se tenaient les anciens, les Romains, les Grecs et les nations du Nord, auxquelles la chevelure était précieuse. Des recherches savantes ont démontré que les nobles, qui se distinguaient autrefois à la longueur de leurs cheveux, n'employaient pas d'autre moyen; seulement, leur procédé, habilement retrouvé par A. POPINOT, inventeur de l'huile céphalique, avait été perdu.

Conserver, au lieu de chercher à provoquer une stimulation impossible ou nuisible sur le derme qui contient les bulbes, telle est donc la destination de l'huile céphalique. En effet, cette huile, qui s'oppose à l'exfoliation des pellicules, qui exhale une odeur suave, et qui, par les substances dont elle est composée, dans lesquelles entre, comme principal élément, l'essence de noisette, empêche toute action de l'air extérieur sur les têtes, prévient ainsi les rhumes, le coryza, et toutes les affections douloureuses de l'encéphale en lui laissant sa température intérieure. De cette manière, les bulbes qui contiennent les liqueurs génératrices des cheveux ne sont jamais saisis ni par le froid, ni par le chaud. La chevelure, duit magnifique, à laquelle hommes et femmes attachent tant de prix, conserve alors, jusque dans l'âge avancé de la personne qui se sert de l'huile céphalique, ce brillant, cette finesse, ce lustre, qui rendent si charmantes les têtes des enfants. La manière de s'en servir est jointe à chaque flacon et lui sert d'enveloppe.

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MANIÈRE DE SE SERVIR DE L'HUILE CÉPHALIQUE.

Il est tout à fait inutile d'oindre les cheveux; ce n'est pas seulement un préjugé ridicule, c'est, encore une habitude gênante, en ce sens que le cosmétique laisse partout sa trace. Il suffit tous les matins de tremper une petite éponge fine dans l'huile, de se faire écarter les cheveux avec le peigne, d'imbiber les cheveux à leur racine de raie en raie, de manière que la peau reçoive une légère couche, après avoir préalablement nettoyé la tête avec la brosse et le peigne.

Cette huile se vend par flacons portant la signature de l'inventeur, pour empêcher toute contrefaçon, et du prix de TROIS FRANCS, chez A. POPINOT, rue des Cinq-Diamants, quartier des Lombards, à Paris.

ON EST PRIÉ D'ÉCRIRE FRANCO.

Nota.

La maison A. Popinot tient également les huiles de la droguerie, comme néroli, huile d'aspic, huile d'amande douce, huile de cacao, huile de café, de ricin et autres.

Mon cher ami, dit l'illustre Gaudissart à Finot, c'est parfaitement écrit. Saquerlotte, comme nous abordons la haute science! nous ne tortillons pas, nous allons droit au fait. Ah! je vous fais mes sincères compliments, voilà de la littérature utile.

- Le beau prospectus! dit Popinot enthousiasme.

- Un prospectus dont le premier mot tue Macassar, dit Gaudissart en se levant d'un air magistral pour prononcer les paroles suivantes qu'il scanda par des gestes parlementaires : « On-ne-fait pas-pousser-les-cheveux! On-ne les-teint-pas-sans-danger! » Ah! ah! là est le succès. La science moderne est d'accord avec les habitudes des anciens. On peut s'entendre avec les vieux et avec les jeunes. Vous avez affaire à un vieillard: « Ah! ah! monsieur, les anciens, les Grecs, les Romains, avaient raison, et ne sont pas aussi bêtes qu'on veut le faire croire! » Vous traitez avec un jeune homme : « Mon cher garçon, encore une découverte due aux progrès des lumières, nous progressons. Que ne doit-on pas attendre de la vapeur, des télégraphes et autres! Cette huile est le résultat d'un rapport de M. Vauquelin!» Si nous imprimions un passage du mémoire de M. Vauquelin à l'Académie des sciences, confirmant nos assertions, hein? Fameux! Allons, Finot, à table! Chiquons les légumes! Sablons le champagne au succès de notre jeune ami!

J'ai pensé, dit l'auteur modestement, que l'époque du prospectus léger et badin était passée; nous entrons dans la période de la science, il faut un air doctoral, un ton d'autorité pour s'imposer au public.

-Nous chaufferons cette huile-là, les pieds me démangent et la langue aussi. J'ai les commissions de tous ceux qui font dans les cheveux, aucun ne donne plus de trente pour cent; il faut lâcher quarante pour cent de remise, je réponds de cent mille bouteilles en six mois. J'attaquerai les pharmaciens, les épiciers, les coiffeurs! et, en leur donnant quarante pour cent, tous enfarineront leur public.

Les trois jeunes gens mangeaient comme des lions, buvaient comme des Suisses, et se grisaient du futur succès de l'huile céphalique.

Cette huile porte à la tête, dit Finot en souriant.

Gaudissart épuisa les différentes séries de calembours sur les mots huile, cheveux, tête, etc. Au milieu des rires homériques des trois amis, au dessert, malgré les toasts et les souhaits de bonheur réciproques, un coup de marteau retentit et fut entendu. - C'est mon oncle! Il est capable de venir me voir, s'écria Popinot.

Un oncle? dit Finot, et nous n'avons pas de verre!

L'oncle de mon ami Popinot est un juge d'instruction, dit Gaudissart à Finot, il ne s'agit pas de le mystifier, il m'a sauvé la vie. Ah! quand on s'est trouvé dans la passe où j'étais, en face de l'échafaud, où kouik, et adieu les cheveux! fit-il en imitant le fatal couteau par un geste, on se souvient du vertueux magistrat à qui l'on doit d'avoir conservé la rigole par où passe le vin de Champagne! On s'en souvient ivre mort. Vous ne savez pas, Finot, si vous n'aurez pas besoin de M. Popinot. Saquerlotte, il faut des saluts, et des six à la livre encore.

Le vertueux juge d'instruction demandait, en effet, son neveu à la portière. En reconnaissant la voix, Anselme descendit un chandelier à la main pour éclairer.

- Je vous salue, messieurs, dit le magistrat.

L'illustre Gaudissart s'inclina profondément. Finot examina le juge d'un œil ivre, et le trouva passablement ganache.

- Il n'y a pas de luxe, dit gravement le juge en regardant la chambre; mais, mon enfant, pour être quelque chose de grand, il faut savoir commencer par n'être rien.

- Quel homme profond! dit Gaudissart à Finot.

- Une pensée d'article, dit le journaliste.

-Ah! vous voilà, monsieur, dit le juge en reconnaissant le commis voyageur. Eh! que faites-vous ici?

Monsieur, je veux contribuer de tous mes petits moyens à la fortune de votre cher neveu. Nous venons de méditer sur le prospectus de son huile, et vous voyez en monsieur l'auteur de ce prospectus, qui nous paraît un des plus beaux morceaux de cette littérature de perruques.

Le juge regarda Finot.

- Monsieur, dit Gaudissart, est M. Andoche Finot, un des jeunes hommes les plus distingués de la littérature, qui fait dans les journaux du gouvernement la haute politique et les petits théâtres, un ministre en chemin d'être auteur.

Finot tirait Gaudissart par le pan de sa redingote.

--

Bien, mes enfants, dit le juge, à qui ces paroles expliquèrent l'aspect de la table où se voyaient les restes d'un régal bien excusable. Mon ami, dit le juge à Popinot, habille-toi, nous irons ce soir chez M. Birotteau, à qui je dois une visite. Vous signerez votre acte de société, que j'ai soigneusement examiné. Comme vous aurez la fabrique de votre huile dans les terrains du faubourg du Temple, je pense qu'il doit te faire bail de l'atelier, et peut avoir des représentants; les choses bien en règle épargnent des discussions. Ces murs me paraissent humides: Anselme, élève des nattes de paille à l'endroit de ton lit.

- Permettez, monsieur le juge d'instruction dit Gaudissart avec la patelinerie d'un courtisan, nous avons collé nous-mêmes les papiers aujourd'hui, et... ils... ne sont pas... secs.

-De l'économie! bien, dit le juge.

-Écoutez, dit Gaudissart à l'oreille de Finot, mon ami Popinot est un jeune homme vertueux, il va avec son oncle, allons achever la soirée chez nos cousines.

Le journaliste montra la doublure de la poche de son gilet. Popinot vit le geste, il glissa vingt francs à l'auteur de son prospectus. Le juge avait un fiacre au bout de la rue, il emmena son neveu chez Birotteau. Pillerault, M. et madame Ragon, Roguin, faisaient un boston, et Césarine brodait un fichu, quand le juge Popinot et Anselme se montrèrent. Rogain, le vis-à-vis de madame

Ragon, auprès de laquelle se tenait Césarine, remarqua le plaisir de la jeune fille quand elle vit entrer Anselme; et, par un signe, il la montra rouge comme une grenade à son premier clerc.

Ce sera donc la journée aux actes? dit le parfumeur quand, après les salutations, le juge lui eut dit le motif de sa visite.

César, Anselme et le juge allèrent au second, dans la chambre provisoire du parfumeur, discuter le bail et l'acte de société dressé par le magistrat. Le bail fut consenti pour dix-huit années, afin de le faire concorder avec celui de la rue des Cinq-Diamants, circonstance minime en apparence, mais qui plus tard servit les intérêts de Birotteau. Quand César et le juge revinrent à l'entre-sol, le magistrat, étonné du bouleversement général et de la présence des ouvriers un dimanche chez un homme aussi religieux que le parfumeur, en demanda la cause, et le parfumeur l'attendait là.

Quoique vous ne soyez pas mondain, monsieur, vous ne trouverez pas mauvais que nous célébrions la délivrance du territoire. Ce n'est pas tout. Si je réunis quelques amis, c'est aussi pour fêter ma promotion dans l'ordre de la Légion d'honneur.

-Ah! fit le juge, qui n'était pas décoré.

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Peut-être me suis-je rendu digne de cette insigne et royale faveur en siégeant au tribunal... oh! consulaire, et en combattant pour les Bourbons sur les marches...

Oui, dit le juge.

-... De Saint-Roch, au 13 vendémiaire, où je fus blessé par Napoléon.

- Volontiers, dit le juge. Si ma femme n'est pas souffrante, je l'amènerai.

- Xandrot, dit Roguin, sur le pas de la porte, à son clerc, ne pense en aucune manière à épouser Césarine, et dans six semaines tu verras que je t'ai donné un bon conseil.

Pourquoi? dit Crottat.

Birotteau, mon cher, va dépenser cent mille francs pour son bal, il engage sa fortune dans cette affaire des terrains malgré mes conseils. Dans six semaines, ces gens-là n'auront pas de pain. Épouse mademoiselle Lourdois, la fille du peintre en bâtiments, elle a trois cent mille francs de dot, je t'ai ménagé ce pis aller! Si

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