chargée de les nourrir. Un autre arrêt de 1555 enjoignit aux mendians valides qui n'étaient point natifs de Paris ou qui n'y résidaient pas depuis deux ans, d'en sortir immédiatement, de se retirer dans le lieu de leur naissance ou ailleurs pour s'employer au métier qu'ils avaient appris, ou à labourer la terre, ou enfin à gagner leur vie du travail de leur corps, sous peine de la hart. L'année suivante, François Ier ordonna que les pauvres valides eussent à travailler, sous peine de banníssement. Défenses furent faites aux pauvres infirmes de mendier par les villes, sous peine du fouet pour les hommes faits et des verges pour les femmes et les petits enfans. Cette ordonnance s'appliquait à tout le royaume. Il est à remarquer qu'à cette époque les guerres de religion qui désolèrent l'Allemagne, firent refluer dans les états catholiques les indigens des pays réformés, poursuivis par les mesures cruelles qu'on prenait contre eux, et augmentèrent considérablement le nombre des nécessi teux. Henri II renouvela, le 9 juillet 1547, la défense de mendier dans les rues de Paris, aux portes des églises ni autrement en public, sous peine, quant aux femmes, du fouet et du bannissement, et quant aux hommes, d'être envoyés aux galères, pour là y tirer par force à la rame. Il paraît que, dans quelques villes, on avait ajouté la mutilation à ces peines déjà si sévères; car il s'éleva dans les états d'Orléans, des réclamations contre cette cruauté. En 1566, le pape Pie V défendit de mendier dans les églises. Ce pontife prononça des amendes et des peines corporelles contre les ecclésiastiques et les moines qui ne veilleraient pas à l'exécution de ce décret dont l'objet, au reste, paraît avoir été plutôt le maintien de l'ordre et de la décence dans les temples, que la répression positive de la mendicité (1). (1) Paupercs, quoque mendicantes, seu elemosynas petentes the ench emol 299 să jind En 1609, année désastreuse pour la France, le nombre des mendians s'augmenta d'une manière effrayante et exigea le renouvellement des lois rigoureuses prononcées contre eux. En 1610, une commission fut instituée à Paris, pour remédier aux abus concernant les pauvres et particulièrement les mendians: elle était composée du premier président et du procureur général du parlement et de deux conseillers dé la grand'chambre, de deux conseillers de la cour des aides, du prévôt de Paris et du prévôt des marchands. Le préambule des lettres-patentes était ainsi conçu : « On n'a pu empêcher que la malice des mendians n'ait surmonté toute vigilance, aimant mieux vaguer et caïmander par les villes que travailler et employer leurs forces pour gagner leur vie, abusant de la dévotion et charité des gens de bien qui leur font de si grandes au→ mônes qu'ils leur donnent moyen de vivre sans travail et sans soins, d'où vient qu'ils se retirent tous ès villes, et quelque valides qu'ils soient, se donnent licence de remplir les rues, les églises et autres lieux publics, à la honte et très grande incommodité des habitans, d'où seroient ensuivis, comme ils sont à craindre, plusieurs inconvéniens que leur ordinaire fréquentation apporte à la santé. » Le travail de cette commission eut peu de résultats. Mais on y donna suite sous le règne suivant. Tel était l'état de la législation, lorsque l'hôpital général de Paris fut fondé au milieu du dix-septième siècle pour recevoir les pauvres infirmes, et fournir du travail aux mendians valides. L'édit rendu à cette occasion, en 1656, renouvela les dispositions des ordonnances de 1547, et entre autres mesures remarquables, il ajouta : « Défense à toute personne, de quelque qualité ou condition qu'elles fussent, per ecclesias, prædicationum aliorumque, divinorum officiorum tempore, ire non sinant, sed eos ad valvas ecclesiarum stare faciant... de donner l'aumône manuellement aux mendians dans les rucs et autres lieux publics, nonobstant tout motif de compassion, nécessité pressante ou autre prétexte, sous peine de quatre livres parisis d'amende : défense à tous les propriétaires et locataires de loger ou retirer chez eux les pauvres mendians, à peine de cent livres d'amende pour la première fois et de trois cents livres pour la seconde. » Les lits, matelas, couvertures et paillasses, dans lesquels auraient été couchés lesdits pauvres chez les particuliers qui leur auraient donné retraite, devaient être saisis et confisqués au profit de l'hôpital général, sans aucune formalité de justice et sans espérance de répétition. Si les pauvres allaient mendier dans les maisons, l'édit commandait aux propriétaires, locataires et domestiques, de les retenir et arrêter, pour les livrer aux archers de l'hôpital. Le parlement rappela ces dispositions par arrêts du 18 avril 1657 et 27 novembre 1659; il fit défense aux soldats, aux gardes, ainsi qu'aux bourgeois de Paris de molester ni injurier les personnes chargées d'arrêter les pauvres, peine d'emprisonnement et de poursuite criminelle. Il paraît, par ces injonctions sévères, que l'arrestation des mendians, ne s'effectuait pas sans danger ni difficulté. En effet, il y cut, en 1659, huit séditions dans Paris, avec armes, contre les archers de l'hôpital. Les directeurs de cet établissement avaient toute juridiction de police sur les pauvres renfermés ; ils pouvaient les faire raser, ce qui était regardé comme un châtiment, les mettre au cachot, leur infliger le fouet et le carcan. Plus d'une fois les reclus se révoltèrent. Un édit de 1661 porta condamnation aux galères, contre tout mendiant valide qui aurait été pris trois fois et châtié en l'hôpital général. Les déclarations du 12 octobre 1685, 28 janvier et 29 avril 1687, appliquèrent à tout le royaume les peines portées en 1547, contre les mendians de Paris. Tous mendians, vagabonds et sans domicile, ceux qui se disaient anciens soldats, ceux qu'on avait trouvés en armes ou attroupés au nombre de plus de quatre dans les villes ou dans les campagnes, devaient être jugés prévôtalement et condamnés, savoir : les hommes aux galères, les femmes au fouet, à la marque et au bannissement : il y avait peine de mort contre quiconque s'opposerait à l'exécution de cette ordonnance. Quant aux pauvres domiciliés, qui seraient trouvés mendiant dans les villes ou à la campagne, leur procès devait s'instruire devant les tribunaux ordinaires, sauf l'appel. Pour la première fois, ils devaient recevoir la défense de récidiver. En cas de récidive, les femmes étaient punies comme vagabondes, les hommes, fustigés, flétris et bannis, et pour la troisième fois, condamnés aux galères à perpétuité, sans appel. Les femmes, condamnées au bannissement, étaient enfermées dans la maison de force de l'hôpital le plus prochain. Parmi les mendians, on trouvait quelquefois des prêtres; ceux-ci devaient être renvoyés dans leur diocèse pour être punis par l'évêque. Il était spécialement défendu à tous Savoyards et Dauphinois d'obliger les enfans qu'ils amèneraient avec eux à mendier, sous peine de 6 liv. d'amende, et de 5 sols par jours envers l'hôpital pour le temps que lesdits enfans, arrêtés comme gueux, y auraient été retenus. Enfin, aucun étranger ne pouvait quêter dans le royaume sans une permission expresse, signée du roi et contresignée par un secrétaire d'état. Au milieu d'un code si rigoureux, on trouve, dans la déclaration du 25 juillet 1700 (année de disette générale), un article dicté par la plus sage bienfaisance : « Pour exciter dans la suite ceux qui auront quitté la vie fainéante, à s'occuper des travaux de la campagne et à y prendre des établissemens solides et permanens, leur permettons de faire valoir, pendant cinq ans, des héritages jusqu'à 30 liv. de revenu, sans payer aucune taille: exhortons les laboureurs et autres gens de campagne de leur prêter les semences dont ils pourraient avoir besoin pour ensemencer lesdites terres, à la récolte desquelles ils auront un privilège spécial jusqu'à concurrence de leurs avances. >>> La police des ateliers de charité était extrêmement sévère. Tous les mendians valides étaient tenus de s'enrôler dans un registre ouvert à l'hôtel de ville. Il leur était défendu de quitter l'atelier durant les heures fixées pour le travail, à peine d'être mis au carcan ou punis d'autres peines, ainsi qu'il serait ordonné par les officiers municipaux, sans forme de procès et sans appel; et si les enrôlés mendiaient, ils étaient punis de quinze jours de prison pour la première fois, et de cinq ans de galère pour la récidive. Ces peines furent souvent adoucies ou devinrent purement comminatoires, par l'impossibilité de les appliquer. Comment en effet placer dans les bagnes tous les mendians qu'on arrêtait ? Le nombre s'en éleva, dans une seule année, à cinquante mille. Les malheurs qui affligèrent la France, dans les dernières années du règne de Louis-le-Grand, particulièrement en 1709, et pendant la minorité de son successeur, avaient tellement augmenté la misère et la mendicité, qu'en 1719 on eut l'idée de transporter les mendians aux colonies; mais le parlement s'y opposa. En 1720, on voulut employer ces malheureux à l'entretien des routes; mais on craignit d'exposer les voyageurs aux attaques de ces redoutables ouvriers. D'après les déclarations successives de Louis XV, des 18 juillet et 17 septembre 1724, et du 1er août 1758, et par les arrêts du conseil, les mendians invalides devaient être conduits dans les hôpitaux les plus voisins de leur arrestation et y être nourris pendant leur vie; les enfans, jusqu'à ce qu'ils fussent en état de s'entretenir par le travail; les femmes grosses et les nourrices, pendant le temps jugé convenable. Quant aux mendians valides, hommes et femmes, ils |