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obéissance. Qu'au reste Sa Majesté ne doutoit pas que cette action ne fût approuvée, comme elle l'est déjà, de tous les gens de bien, vu la continuation des cabales anciennes et nouvelles, et le désir que tout le peuple a de jouir désormais d'un parfait repos.

A Paris, ....le 21 décembre 1652.

6. (ARRESTATION DU CARDINAL DE RETZ, D'APRÈS LE JOURNAL INÉDIT D'UN PARISIEN PENDANT LA FRONDE1.)

(FIN DE DÉCEMBRE 1652.)

M. le Cardinal Mazarin étoit demeuré.... en Champagne à la tête des armées du Roi, à dessein non-seulement d'y reprendre les quatre ou cinq petites villes dont Monsieur le Prince s'étoit saisi assez facilement sur la fin du mois précédent, mais encore afin de donner plus de facilité à la résolution que l'on avoit prise d'arrêter M. le Cardinal de Raiz, qui lui étoit toujours extrêmement contraire, et ne pouvoit s'abstenir de continuer ses cabales pour empêcher son retour et son accommodement avec M. le duc d'Orléans. En sorte que Leurs Majestés n'ayant pu porter cette nouvelle Éminence à s'éloigner de Paris, ni d'accepter un important emploi vers Sa Sainteté, qu'elles lui faisoient offrir sous main, elles ne jugèrent pas à propos de différer plus longtemps l'exécution de ce qui leur avoit été conseillé, afin d'entretenir le calme dans la ville, que leurs présences y avoient rétabli si heureusement. La difficulté n'étoit pas petite, car M. le Cardinal de Raiz, ayant sujet de tout appréhender, s'abstenoit très-prudemment d'aller au Louvre, et se tenoit chez lui en sûreté, sans se produire en public que fort rarement. En effet, pouvoit-il ne se point souvenir de tant de mécontentements qu'il avoit donnés au Roi par sa conduite? Ne devoit-il pas avoir toujours devant les yeux l'avis qui lui avoit été envoyé de Florence par un de sa maison, qui, le félicitant sur sa promotion et sur les faveurs qu'il recevoit de la Cour, lui disoit : « Mais enfin, souvenez-vous, et ne perdez jamais la mémoire que vous avez emprisonné votre Roi. » En un mot, pouvoit-il ignorer

I Bibliothèque nationale, ms. fr. 10275.

2. Probablement par le bailli de Gondi, ministre du grand-duc de

Toscane.

que les souverains n'oublient pas aisément les entreprises que l'on a faites sur leur autorité, et qu'ils ne peuvent souffrir d'obstacles à leurs volontés par ceux mêmement qui leur sont soumis?

Mais M. le Cardinal de Raiz s'étant lassé de cette façon d'agir si contraire à son honneur, se résolut, le 19° jour de décembre, de renoncer à toutes les précautions et d'aller rendre ses devoirs à Leurs Majestés. Elles n'étoient pas encore en état d'être vues, si bien qu'il fut obligé d'entrer dans la chambre de M. le Maréchal de Villeroi, en attendant que celle du Roi fût ouverte. Cela donna le temps de préparer toutes les choses nécessaires à ce dessein. M. de Villequier, capitaine des gardes, en reçut les ordres; M. Le Tellier fut mandé et quelques autres du Conseil plus étroit; de manière que cette Éminence, ayant été avertie que le Roi descendoit chez la Reine par le petit degré, elle fut à sa rencontre et lui fit son compliment, puis le suivit chez la Reine, où elle fut assez bien reçue, et y séjourna quelque temps tandis que le Roi entendoit la messe. Mais enfin, M. le Cardinal de Raiz, ayant pris congé de Sa Majesté, il fut fort surpris, lorsqu'en passant dans l'antichambre il se vit arrêté par ledit sieur de Villequier, qui le mena dans son appartement et renvoya toute sa suite. La Reine en fut tellement transportée de joie, qu'elle ne put s'empêcher de la témoigner et de dire assez haut: « que c'étoit Dieu qui l'avoit amené si à propos au Louvre ». Après dîner, il fut conduit par la grande galerie jusques au pavillon qui regarde le coin des Tuileries et mis entre les mains de M. de Miossens, qui, le faisant entrer dans un carrosse, le fit sortir par la porte de la Conférence et le conduisit, par le dehors de la ville, au bois de Vincennes, avec la compagnie des gendarmes du Roi, qu'il commandoit, celle des chevau-légers et six du régiment des gardes-françoises.

Tout cela se fit avec si peu de bruit et si peu d'émotion populaire, qu'aucun bourgeois ne s'en mit en peine, et n'y eut que Messieurs de Notre-Dame et quelques curés de la ville, qui s'en remuèrent et s'assemblèrent en Chapitre, pour aviser ce qu'ils avoient à faire dans cette occurrence. M. l'Archevêque fut prié par toute l'assemblée de se mettre à la tête et de porter la parole au Roi en faveur de la liberté de son Coadjuteur; ce qu'il fit plutôt par bienséance que par affection qu'il eût pour le prisonnier, chacun sachant fort bien le peu d'affection qu'il témoignoit en avoir, mêmement depuis sa promotion au cardinalat.

Si bien que, le lendemain, 20° décembre, M. l'Archevêque, accompagné de la plus grande partie du clergé de Paris, ayant

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été admis devant le Roi, il n'omit aucune chose pour émouvoir la bonté de Sa Majesté à compassion; mais ni son discours, ni ses larmes ne purent fléchir le cœur du Roi, ni le porter à changer de résolution. Monsieur le Chancelier lui répondit « qu'encore que la puissance ecclésiastique et la temporelle n'eussent qu'un même principe, qu'elles avoient été si parfaitement bien séparées et distinguées l'une de l'autre, dans l'Écriture Sainte et dans la suite des temps, que Sa Majesté ne craignoit pas que l'on lui pût reprocher qu'elle eût entrepris sur celle qui ne lui appartenoit pas; qu'elle ne manquoit point de respect pour le Pape, ni d'estime pour le Collége des Cardinaux, mais qu'elle sauroit toujours bien faire la différence entre la pourpre dont ils étoient revêtus et les cabales que celui-ci entretenoit dans son Royaume pour exciter ses peuples à la désobéissance; que sa personne n'étoit ni sacrée ni privilégiée, Sa Majesté n'ayant pas prétendu l'émanciper de la sujétion par l'honneur qu'il avoit reçu de Sa Sainteté, à sa recommandation, et enfin que le bien de ses affaires et le repos de la ville ne lui permetpas d'accorder à leurs instantes prières ce qu'ils désiroient de Sa Majesté. »

toient

En suite de quoi, le Roi et la Reine, ayant entretenu en particulier ce bon prélat, ils lui firent connoître si clairement la nécessité qui les obligeoit d'arrêter le cours des intrigues dangereuses de son neveu, qu'il n'insista pas davantage à sa liberté, et parut tout satisfait de Leurs Majestés. Ce qui déplut généralement à quelques-uns de sa suite, parmi lesquels les curés de Saint-Jean en Grève (Loysel) et de Saint-Merri (du Hamel) témoignèrent plus d'emportement et ne purent s'empêcher, le lendemain qui étoit un dimanche, d'en parler à leurs prônes avec moins de modération qu'ils ne devoient.

L'affection de Madame la Duchesse de Lesdiguières la fit tomber dans une bien plus grande faute, et son zèle parut encore bien plus indiscret. Elle se persuada, contre toute sorte d'apparence, que peut-être pourroit-on bien attenter à la vie de son cousin par des voies extraordinaires et couvertes; et pour l'en garantir, elle tâcha de lui faire tenir certaines confections préservatrices, sous prétexte de quelques infirmités où il étoit sujet, à ce qu'elle assuroit. Mais ayant été portées à la Reine par M. de Villequier, sa bonté en fut extrêmement offensée et sa modération si grande toutefois que, sans s'emporter en aucunes plaintes contre l'injurieux et criminel procédé de cette dame, elle se contenta de retenir ces antidotes et de dire: « Que ces mauvais moyens n'ayant point encore été pratiqués en France,

ils n'y seroient jamais introduits tant qu elle y auroit quelque

autorité3. »

Et parce que les amis et domestiques de M. le Cardinal de Retz ne pouvoient s'abstenir de se plaindre du mauvais traitement qu'ils prétendoient lui avoir été fait, ni de continuer dans les intrigues qu'il avoit tramées durant sa liberté contre le service du Roi et la sécurité publique, Sa Majesté ne les put souffrir plus longtemps dans Paris, et fut obligée de les écarter. Le marquis de Sévigny, qui commandoit sous les auspices de ce prélat, le Régiment de Corinthe3, pendant le blocus de Paris, eut ordre d'en sortir; l'abbé Charriers, son premier maître de chambre, fut envoyé en Auvergne, et Joly, ce grand fourbe, qui, d'officier du Roi, étoit devenu son suivant, fut contraint de prendre une autre route, etc. »

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7. (MANDEMENT DE JEAN-FRANÇOIS DE GONDI, ARCHEVÊQUE DE
PARIS, AUX CURÉS DE LA VILLE ET DU DIOCÈSE, PRESCRIVANT
DES PRIÈRES POUR OBTENIR LA LIBERTÉ DU CARDINAL DE RETZ,
SON NEVEU ET COADJUTEUR1.)

2 janvier 1653.

MONSEIGNEUR l'Archevêque, désirant rendre à Monseigneur le Cardinal de Retz, son neveu et Coadjuteur, les témoignages

3. Il est absolument certain que la duchesse de Lesdiguières (Anne de la Madeleine), cousine germaine du cardinal de Retz, tenta de lui faire passer deux fioles de contre-poison, par l'entremise du marquis de Villequier, capitaine des gardes. Le marquis accepta d'abord les deux fioles, mais, pris d'un scrupule, il les donna à examiner au premier médecin du Roi. Celuici ayant déclaré devant la Reine que c'était du contre-poison, la princesse, indignée d'avoir été l'objet d'un tel soupçon, fit jeter les fioles au feu. Voyez les Mémoires de Guy Joly, p. 264, et une Lettre inédite de Le Tellier, du 22 décembre 1652 (Bibl. nat. ms. fr. 4212), qui confirme ce fait. 4. Ce n'était pas le marquis, mais le chevalier Renaud de Sévigné. 5. Voyez sur Renaud de Sévigné la note 1 de la p. 135 du tome II des Mémoires de Retz.

6. L'abbé Guillaume Charrier, dont le cardinal de Retz parle souvent dans ses Mémoires, notamment à propos de l'affaire du chapeau.

7. Guy Joly, ancien conseiller au Châtelet, qui était en effet alors un des plus dévoués partisans du cardinal de Retz.

1. Ce mandement ou billet fut adressé, au nom de l'archevêque de Paris,

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d'amour à quoi la nature et la piété l'obligent, et, pour ce, prenant la part qu'il doit en son affliction: Mande itérativement aux Sieurs Curés de cette Ville et Diocèse, d'exhorter le peuple, en termes de charité et modestie chrétienne, de faire Prières et Oraisons pour ledit Seigneur Cardinal, à ce qu'il plaise à Dieu, le délivrer de son adversité, et lui donner, cependant, la consolation qui lui est nécessaire. Et exhorte mondit Seigneur l'Archevêque tous Prêtres tant Séculiers que Réguliers, d'en avoir mémoire en leurs Saints Sacrifices; et même de dire en leurs Messes, trois Oraisons savoir la Collecte, Secrète et Post-Commune annexées à ce billet, pour être récitées par chacun des Célébrants, à cette fin. Comme aussi de redoubler leurs prières, tant en leurs Sacrifices, qu'en leurs particulières dévotions, pour la santé et prospérité du Roi, et la Paix et félicité de son État. Fait à Paris, ce 2o jour de janvier 1653.

:

C. BAUDOUYN.

COLLECTA COMMUNIS.

Pro Illustrissimo Domino Archiepiscopo, et ejus Coadjutore et nepote,
Eminentissimo D. Cardinale.

DEUS omnium salus in te sperantium prætende quæsumus, famulo tuo Antistiti nostro, et Coadjutori ejus Cardinali, dexteram cælestis auxilii, ut consolationem quam postulant, a tua misericordia consequantur. Per Dominum, etc.

SECRETA.

HOSTIAS tibi, Domine, placationis offerimus, ut famuli tui Antistitis nostri, pia vota suscipiens, Coadjutorem ejus et nepotem, ab omni angustia eripias, et Ecclesiæ tuæ sanctæ reddas de tua protectione securum. Per Dominum, etc.

POST-COMMUNIO.

SACRIFICIUM, Domine, quod tuæ obtulimus Majestati, pro famulis tuis, Joanne Francisco Antistite nostro, et Coadjutore ejus

par Baudouyn, le secrétaire de l'Archevêché, à tous les curés de Paris et du diocèse. Une page in-4° oblong, sans nom de lieu, d'imprimeur, et sans titre. Signature autographe de Baudouyn. A la suite, se trouve imprimée à part, sur un feuillet de même format et au recto seulement, la formule des prières, en latin, qui devoient être lues dans les églises de Paris et du diocèse pour demander la délivrance du cardinal de Retz. (Un exemplaire à la Bibliothèque nationale Lb37; un second exemplaire dans ma collection. C. Mo

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